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- 20. Le Comité de la liberté syndicale a en instance d'examen les plaintes suivantes qui, pour la clarté de l'exposé, seront analysées en deux groupes distincts. Font partie du premier groupe (cas nos 134 et 141) : 1) la protestation orale formulée, au nom du groupe des travailleurs du Conseil d'administration, par son président, au cours de la 131ème session du Conseil d'administration (Genève, mars 1956) ; 2) la plainte présentée le 23 février 1956 par la Fédération syndicale mondiale, qui a fait parvenir des informations complémentaires dans deux communications en date du 22 mars et du 16 mai 1956, respectivement ; 3) la plainte présentée le 2 mars 1956 par la Confédération internationale des syndicats libres, qui a fait parvenir des informations complémentaires le 3 mai 1956 ; 4) la plainte présentée le 28 février 1956 par la Fédération chilienne des boulangers, qui a fait parvenir des informations complémentaires le 4 juin 1956 ; 5) la plainte présentée le 8 mars 1956 par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, qui a fait parvenir des informations complémentaires le 6 avril 1956 ; 6) la plainte présentée le 10 mars 1956 par la Confédération maritime du Chili ; 7) la plainte présentée le 23 mai 1956 par la Fédération nationale chilienne des boulangers et 23 autres fédérations nationales syndicales chiliennes, invoquant l'article 24 de la Constitution de l'O.I.T. ; 8) la plainte présentée le 23 février 1957 par la Centrale unique des travailleurs du Chili ; 9) la plainte présentée le 3 novembre 1955 par le Sekretariat D.P.P. Sebda (Conseil central panindonésien des syndicats) ; 10) la plainte présentée le 3 novembre 1955 par le Syndicat des postes et télégraphes des syndicats libres allemands (Berlin) ; 11) la plainte présentée le 6 mars 1956 par l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs ; 12) le télégramme du 9 mars 1956 émanant du Parti socialiste populaire chilien. Ces diverses plaintes ont été communiquées par le Directeur général du B.I.T au gouvernement chilien par lettres des 24 janvier 1955, 20 et 26 mars, 24 mai, 7 juin et 16 juillet 1956 et 14 mars 1957, à l'exception de celle qui émanait de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs et du télégramme du Parti socialiste populaire, qui reproduisent les allégations de la Fédération nationale chilienne des boulangers. Etant donné que ces diverses plaintes contiennent des allégations connexes, elles seront analysées conjointement. Le second groupe de plaintes (cas nos 153 et 154) comprend : 1) la plainte du 1er octobre 1956, présentée par l'Association uruguayenne des employés de banque; 2) les plaintes du 29 octobre et du 6 novembre 1956, présentées par la Confédération internationale des syndicats chrétiens ; 3) la plainte du 25 octobre 1956, présentée par l'Union internationale des syndicats des mineurs (F.S.M.), qui a fait parvenir des informations complémentaires le 26 novembre 1956 ; 4) la plainte du 8 novembre 1956, présentée par la Fédération internationale des syndicats chrétiens des employés, techniciens, cadres et voyageurs de commerce ; 5) la plainte du 13 novembre 1956 présentée par la Confédération internationale des syndicats libres. Le Directeur général du B.I.T a communiqué ces diverses plaintes au gouvernement chilien par des lettres en date des 25 octobre, 2 novembre et 17 décembre 1956. Ce groupe de plaintes se réfère spécialement à la grève des employés de banque chiliens de septembre 1956 et à la grève dans les mines de salpêtre de Pedro de Valdivia, qui a eu lieu également en septembre 1956.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- Premier groupe de plaintes (Cas nos 134 et 141)
- Allégations relatives à l'emprisonnement de M. Isidoro Godoy Bravo et à la violation de ses immunités
- 21 Ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la septième séance de la 131ème session du Conseil d'administration (Genève, mars 1956), Sir Alfred Roberts, président du groupe des travailleurs, a déclaré que M. Isidoro Godoy Bravo, membre suppléant du groupe des travailleurs, qui avait été invité à participer à la session du Conseil d'administration, en a été empêché du fait qu'il avait été emprisonné par décision des autorités judiciaires chiliennes. Selon l'orateur, il s'agissait d'une affaire « qui est en rapport étroit avec la question de la liberté d'association et des violations des droits syndicaux et qui sera traitée, le moment venu, par la Commission instituée spécialement pour s'occuper de cas de ce genre ». Sir Alfred Roberts a attiré l'attention du Conseil d'administration sur l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T, qui a trait aux privilèges et immunités des membres du Conseil d'administration. On se trouve devant une situation grave puisque le gouvernement et les autorités judiciaires ont empêché un membre du Conseil d'administration de s'acquitter de ses fonctions « en raison de ce qu'il était censé avoir fait dans l'exercice de ses activités syndicales ».
- 22 D'autre part, la Fédération syndicale mondiale, dans sa communication en date du 23 février 1956, présente une accusation analogue et déclare que M. Isidoro Godoy Bravo, président de la Fédération nationale chilienne des boulangers et membre du Conseil national de la Centrale unique des travailleurs du Chili (C.U.T.CH.) a été arrêté par le gouvernement du Chili « au cours de la vague de répression qu'il fait déferler actuellement sur les travailleurs chiliens et leurs organisations syndicales ». « La mesure prise par le gouvernement chilien -- ajoute la F.S.M. - constitue une violation non seulement des droits des travailleurs chiliens, mais des travailleurs de tous les Etats Membres de l'O.I.T, puisque les représentants ouvriers de cette Organisation ont choisi M. Godoy pour les représenter au Conseil d'administration du B.I.T. » Dans la communication en date du 22 mars 1956, la F.S.M déclare en outre qu'« en arrêtant M. Isidoro Godoy Bravo, le gouvernement s'est directement attaqué à l'immunité dont bénéficient les représentants du B.I.T. ».
- 23 Dans la plainte qu'elle a présentée le 2 mars 1956, la Confédération internationale des syndicats libres déclare que l'on ne peut « reconnaître à un gouvernement le droit de détenir un membre du Conseil d'administration du B.I.T au moment où il est appelé à exercer ses fonctions, si les chefs d'accusation portés contre lui sont en relation avec des activités syndicales légitimes, telles que le lancement d'un ordre de grève pour des raisons économiques et sociales. Cette mesure est de nature à porter obstacle au fonctionnement régulier de l'organisme directeur de l'Organisation internationale du Travail ». La Confédération maritime du Chili a présenté, en date du 10 mars 1956, une plainte contenant des allégations analogues.
- 24 Enfin, le 28 février 1956, M. Isidoro Godoy Bravo lui-même, agissant en sa qualité de président de la Fédération nationale chilienne des boulangers, a adressé de sa prison une plainte au Directeur général du B.I.T. Il indiquait qu'il n'avait pu participer à la réunion du Conseil d'administration car le gouvernement de son pays ne respecte pas les obligations internationales qu'il a acceptées. Le gouvernement du Chili, « ayant recours une fois de plus au vieux prétexte de prétendues violations de la loi de défense permanente de la démocratie », a intenté un procès contre lui auprès des tribunaux, violant ainsi les immunités conférées à l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T. ». Dans une communication ultérieure en date du 4 juin 1956, la Fédération nationale chilienne des boulangers, après avoir pris connaissance de la réponse du gouvernement en date du 7 mai 1956 (qui est analysée ci-après) et des déclarations du délégué gouvernemental du Chili à la 131ème session du Conseil d'administration, ajoute qu'il est absolument faux que le gouvernement chilien ait donné à M. Isidoro Godoy Bravo des facilités pour lui permettre de participer à la session du Conseil. L'intendant de la province de Santiago, fonctionnaire qui dépend du ministère de l'Intérieur, a décerné un mandat d'arrêt contre M. Isidoro Godoy Bravo et l'a déféré devant les tribunaux sous l'inculpation « d'avoir violé la loi anticonstitutionnelle dite de défense de la démocratie ». En rejetant la responsabilité de l'arrestation sur les tribunaux, le gouvernement, selon les affirmations du plaignant, omet cependant de dire que l'initiative de cette mesure émanait du ministère de l'Intérieur.
- 25 Ultérieurement, la C.I.S.L, dans une communication en date du 3 mai 1956, et la Fédération nationale chilienne des boulangers, dans une communication en date du 23 mai 1956, ont fait savoir que M. Isidoro Godoy Bravo avait été mis en liberté provisoire, après une détention de plus de cent jours.
- Allégations relatives à la persécution des organisations syndicales et à l'emprisonnement de syndicalistes
- 26 Dans sa communication du 28 février 1956, la Fédération nationale chilienne des boulangers allègue qu'« en vue de faire retomber sur la classe laborieuse chilienne le fardeau du processus d'inflation dont l'effet est de réduire les salaires et les traitements, le gouvernement a déclenché des persécutions sans précédent contre les organisations syndicales et contre les dirigeants syndicaux en particulier ». La majorité des membres dirigeants de la Centrale unique des travailleurs se trouve en prison et sous inculpation. La politique antisyndicale du gouvernement, contraire aux principes de la liberté syndicale défendus par l'O.I.T, « obéit à des principes ayant pour but la destruction de la tradition démocratique et des libertés qui ont caractérisé le Chili entre tous les pays de l'Amérique ». Les excès du gouvernement en sont arrivés à un tel point que tout récemment, MM. Eduardo Long et Miguel Prádenas, dirigeants de la C.U.T.CH, ont été arrêtés par la police politique et déportés loin de la capitale, bien que les tribunaux les aient acquittés étant donné le manque de fondement des accusations portées contre eux. Dans sa communication en date du 2 mars 1956, la Confédération internationale des syndicats libres ajoute que l'arrestation des dirigeants de la C.U.T.CH fait suite à la grève générale du 9 janvier 1956, dirigée contre le blocage des salaires, décrété à un moment où le coût de la vie augmentait très sensiblement.
- 27 Selon une allégation présentée par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, en date du 8 mars 1956, « à la suite de la campagne de répression qui a été dirigée contre le mouvement syndical », les personnes suivantes se trouvent incarcérées dans les prisons chiliennes : M. Clotario Blest Riffo, dirigeant national de la C.U.T.CH. ; M. Juan Vargas Puebla, dirigeant de la même organisation ; M. Baudilio Casanova, secrétaire général de la C.U.T.CH. ; M. Julio Alegria, chef du Syndicat des postes et télégraphes ; M. Luis Ortega, secrétaire général de la Fédération du gaz et de l'électricité, et bien d'autres encore. Ces travailleurs auraient été condamnés à trois années de prison et à 100.000 pesos d'amende ; ces mesures seraient étendues à tous les dirigeants du Comité directeur national de la Centrale unique des travailleurs. Dans sa communication en date du 6 avril 1956, la Confédération des travailleurs d'Amérique latine indique que tous les dirigeants se sont vu refuser leur mise en liberté sous caution. La Confédération maritime du Chili, dans sa communication du 10 mars 1956, déclare, sans entrer dans les détails, qu'« on emprisonne et déporte les dirigeants syndicaux que l'on soupçonne d'être opposés à l'ordre établi ou qui militent dans des partis visant à renverser le régime démocratique du gouvernement ».
- 28 Enfin, la Fédération syndicale mondiale, dans sa communication en date du 22 mars 1956, relate de façon plus détaillée l'arrestation des syndicalistes ; le gouvernement chilien aurait fait intervenir un important appareil de répression contre les participants à la grève organisée le 9 janvier 1956 par la Centrale unique des travailleurs. Cette grève aurait eu pour but de protester contre les restrictions apportées aux augmentations de salaires ; avant le 9 janvier, le gouvernement aurait fait arrêter les personnes ci-après, qui faisaient partie du Comité directeur national de la C.U.T.CH : Clotario Blest Riffo, président, Juan Vargas Puebla, trésorier, Ernesto Mirando, Armando Aguirre, Gilberto Cea, José Diaz Iturrieta, Raúl Pinto et Luis Quiroga. Quelque 45 dirigeants provinciaux de la même organisation, dont 6 sont indiqués nommément, auraient également été arrêtés. Tandis que certains des prisonniers, comme Blest Riffo et Puebla, auraient été incarcérés à Santiago, de nombreux dirigeants auraient été internés dans les camps de concentration de Pisagua, Maullin et Melinka. A la fin de février, 13 des 23 dirigeants du Conseil national de la C.U.T.CH étaient emprisonnés ; 12 autres, qui avaient été déclarés « rebelles », risquaient d'être arrêtés à tout moment. Miguel Prádenas, dirigeant du bureau de l'O.R.I.T, était également arrêté le 16 février. A la fin de février, Nicomedes D. Alvarez, président de la Fédération des cheminots, et Luis Ortega, secrétaire de la Fédération des travailleurs de l'électricité et du gaz, auraient été arrêtés. La communication de la F.S.M était accompagnée d'une « liste incomplète des syndicalistes arrêtés », qui indiquait leurs noms, le syndicat auquel ils appartenaient, leurs fonctions syndicales et le lieu de leur détention. Dans la communication qu'elle a envoyée ultérieurement, la F.S.M indiquait que le professeur Carlos Matús, directeur de l'Ecole supérieure no 89 de Santiago du Chili, et membre du Conseil national de la Centrale unique des travailleurs, aurait été arrêté et faisait l'objet de poursuites depuis le 29 mars 1956, « sous le seul prétexte de son appartenance au Conseil national de la C.U.T.CH. ».
- 29 La Fédération nationale des boulangers et d'autres organisations syndicales chiliennes ont fait savoir, dans une communication en date du 23 mai 1956, que Clotario Blest Riffo, Manuel Collao, Baudilio Casanova, Isidoro Godoy Bravo, Juan Vargas, Julio Alegria, Carlos Matús, Héctor Durán, Ramón Dominguez, Luis Figueroa, Bernardo Araya et René Reyes, tous membres du Conseil national de la Centrale unique des travailleurs, avaient été mis en liberté provisoire après avoir passé plus de cent jours en prison. Le Conseil central panindonésien des syndicats allègue, pour sa part, et en termes généraux, que le gouvernement chilien a emprisonné arbitrairement des dirigeants syndicaux.
- Allégations relatives à la loi de défense permanente de la démocratie
- 30 Selon l'allégation de la Fédération nationale des boulangers, la loi de défense permanente de la démocratie en vertu de laquelle des poursuites ont été intentées contre le comité directeur de la Centrale unique des travailleurs constitue une « tache honteuse dans un régime démocratique », puisqu'elle supprime la liberté syndicale des travailleurs, « et surtout la liberté syndicale des travailleurs au service de l'Etat » ; elle supprime également le droit de grève et fait de la grève illégale un délit pénal; de plus, dans les zones du pays qui ont été déclarées en état de siège, elle établit des sanctions plus graves encore contre ce délit. C'est le cas actuellement, où tout le pays se trouve en état de siège (début de 1956). Ladite loi confère au pouvoir exécutif les moyens de répression les plus inusités ; « les dirigeants syndicaux qui ont été poursuivis... se sont vu refuser le droit d'appel pourtant prévu par la législation » et on leur a également refusé la liberté provisoire. La Fédération syndicale mondiale, dans sa communication du 22 mars 1956, déclare que la « loi de défense permanente de la démocratie fournit une couverture légale aux mesures antisyndicales les plus arbitraires ». La Centrale unique des travailleurs du Chili, dans sa communication du 23 février 1957, allègue que la loi en question « est appliquée rigoureusement à tous les dirigeants syndicaux... qui défendent leurs camarades, honorablement et légalement, pour les libérer de l'exploitation et leur obtenir de meilleures conditions de vie ». Des milliers de syndicalistes auraient été arrêtés et incarcérés, privés de leurs droits civiques, déportés en des lieux inhospitaliers, pour avoir soi-disant violé cette loi. Le Syndicat des postes et télégraphes des syndicats libres allemands (Berlin) allègue dans sa communication du 3 novembre 1955 que des dirigeants du Syndicat des employés des douanes de Valparaiso auraient été arrêtés à l'occasion d'une grève des employés des douanes.
- Allégations relatives au décret Yáñez-Koch (décret no 4161 du 20 septembre 1955)
- 31 La Fédération nationale chilienne des boulangers allègue qu'en vertu du décret Yáñez-Koch « les candidats à un poste de direction syndicale doivent être agréés au préalable par les services d'investigation », de sorte que les travailleurs ne peuvent pas élire leurs dirigeants librement et en toute indépendance. C'est la police politique du Service d'investigation, ainsi que les maires et les gouverneurs qui sont investis du pouvoir de déterminer si une personne est apte ou non à être dirigeant syndical. Cette intervention du gouvernement est contraire aux conventions de l'O.I.T, et même l'Office du Contrôleur général de la République se serait prononcé contre ledit décret. La Confédération des travailleurs d'Amérique latine et la Confédération maritime du Chili présentent des allégations analogues ; cette dernière organisation signale qu'à la suite de la promulgation du décret Yáñez-Koch « les candidats à des fonctions syndicales et les dirigeants syndicaux sont placés sous le contrôle de fonctionnaires politiques ». La Centrale unique des travailleurs du Chili déclare que l'application du décret no 4161 a eu pour effet d'empêcher plus de 3.000 travailleurs et employés, démocratiquement élus par leurs camarades, d'assumer leurs fonctions syndicales. Ce système a entraîné la transformation des syndicats en simples bureaux au service des employeurs, du gouvernement et de la police. Le décret Yáñez-Koch, s'ajoutant à la loi de défense de la démocratie, a « totalement dénaturé la fonction syndicale en la transformant en un instrument de persécution et d'exploitation économique, sociale et morale contre les travailleurs sous prétexte que ceux-ci professent certaines idées politiques, bien que cela n'ait jamais été prouvé d'une façon sérieuse et documentée ; d'ailleurs, même s'il en était ainsi - poursuit le plaignant -, nous estimons que le fait d'avoir des conceptions « marxistes » de quelque tendance qu'elles soient, ne saurait constituer un délit, car il n'existe pas, en la matière, de dogme infaillible, et personne ne peut prétendre posséder la vérité absolue ». En application de ces textes législatifs, des personnes désignées par le gouvernement suppriment la représentation des travailleurs chiliens sans que ceux-ci aient été consultés.
- Allégations relatives à la non-reconnaissance de la Centrale unique des travailleurs du Chili et d'autres organisations syndicales
- 32 La Fédération nationale chilienne des boulangers allègue que le gouvernement, en violation des dispositions de conventions internationales du travail, prétend ignorer l'existence et la personnalité juridique de cette organisation en tant qu'elle représente les travailleurs. Le gouvernement aurait pris une attitude semblable à l'égard des fédérations nationales d'industrie, en dépit du fait que les syndicats organisent leurs activités pour défendre leurs affiliés. En particulier, le gouvernement méconnaît le caractère représentatif véritable de la Centrale unique des travailleurs, à laquelle il ne reconnaît pas le droit de représenter les travailleurs dans les conflits collectifs. Il invoque le prétexte rebattu selon lequel la Centrale unique des travailleurs serait une organisation séditieuse ; toutefois, indique la plainte, le gouvernement lui-même aurait demandé à la Centrale de participer aux travaux de certaines commissions, et des ministres d'Etat auraient participé aux réunions de cette organisation pour la mettre au courant de certains aspects de la politique économique du gouvernement. La C.U.T.CH et les fédérations nationales ne sont pas constituées conformément aux dispositions du Code du travail en raison du fait que la loi interdit la formation de confédérations syndicales nationales auxquelles participeraient des travailleurs appartenant à des branches d'activité différentes. C'est ce qui explique que les organisations ont dû se constituer comme de simples organisations de fait.
- 33 Selon la Fédération syndicale mondiale, le fait que le gouvernement chilien prétend ignorer l'existence et la personnalité juridique de la C.U.T.CH implique une violation très grave des droits syndicaux, étant donné que cette organisation est « la véritable organisation syndicale nationale du Chili ». Elle aurait été créée en 1953 par un congrès constitutif auquel avaient participé 2.600 délégués directs des syndicats ; elle compte de 750.000 à 800.000 membres. Bien que la C.U.T.CH ne jouisse pas de la « personnalité juridique », son existence légale est prévue par l'article 10 5) de la Constitution du Chili, qui garantit à tous les citoyens le droit d'association sans autorisation préalable. En juillet 1955, des commissions mixtes composées de représentants du gouvernement et de la C.U.T.CH auraient été formées pour étudier les revendications des travailleurs, ce qui prouverait que le gouvernement lui-même reconnaît que la C.U.T.CH est l'organisation syndicale nationale la plus représentative.
- Allégations relatives au droit de réunion
- 34 La Confédération des travailleurs d'Amérique latine, la Confédération internationale des syndicats libres et la Confédération maritime du Chili allèguent que le droit de réunion est méconnu. Il serait impossible de tenir des réunions dans la zone nord du pays, qui se trouverait de façon permanente en état de siège. Les réunions syndicales ne pourraient être convoquées qu'après autorisation préalable, et ne pourraient se tenir qu'en présence de la police. Le 1er mars 1956, le siège de la Centrale unique aurait été envahi par des carabiniers et des agents de la police, en violation du droit de réunion syndicale, et il a été fait pression sur l'organisation pour que celle-ci abandonne son local. Les réunions syndicales auraient été interdites depuis la grève du 9 janvier 1956.
- Allégations relatives à la liberté d'expression
- 35 Selon une allégation présentée par la Confédération maritime du Chili dans sa communication du 10 mars 1956, « il est impossible d'émettre aucune critique des mesures de répression gouvernementales ; quiconque s'y hasarderait serait immédiatement arrêté et emprisonné ».
- Allégations relatives aux entraves mises à la constitution et au fonctionnement des syndicats
- 36 La Confédération maritime du Chili allègue que les ouvriers chiliens ne peuvent constituer des organisations professionnelles sans l'autorisation du gouvernement, et que ces restrictions sont contraires aux dispositions des conventions internationales du travail. La Confédération des travailleurs d'Amérique latine indique que les mineurs sont victimes des atteintes portées aux droits syndicaux par l'intendant de la province de Concepción et par le chef des carabiniers ; les dirigeants du Syndicat industriel de Schwager, dont les noms sont indiqués dans la plainte, auraient été empêchés d'exercer leurs fonctions syndicales. Ces mesures sont en contradiction avec la décision prise par la Cour d'appel de la province de Concepción, qui a libéré les dirigeants du Syndicat industriel de Schwager des poursuites engagées contre eux par le gouvernement. La Fédération nationale des boulangers, enfin, dans sa communication du 4 juin 1956, indique que le fait que, sur un total approximatif de 2 millions de paysans, ouvriers et employés, il n'existe que quelque 350.000 syndiqués est dû non seulement aux difficultés d'ordre législatif, mais également à ce que le gouvernement a « intérêt à mettre obstacle à la création des syndicats et à l'élection de leurs dirigeants ». Non seulement des obstacles sont dressés contre certaines catégories de travailleurs désireux de s'associer, mais en outre la formation de confédérations syndicales nationales auxquelles participeraient des ouvriers et des employés appartenant à des branches d'activité différentes est interdite.
- Allégations relatives aux restrictions imposées à la liberté syndicale des travailleurs agricoles et des fonctionnaires
- 37 Dans sa communication en date du 10 mars 1956, la Confédération maritime du Chili allègue que le gouvernement ne respecte pas le droit d'association des travailleurs agricoles ; le Code du travail contient des dispositions qui rendraient illusoire et absurde l'exercice de ce droit, puisqu'il leur refuse expressément le droit de grève et que les dirigeants syndicaux ne jouissent pas, comme dans l'industrie, de la garantie d'inamovibilité. De plus, le droit de se syndiquer ne serait pas reconnu aux fonctionnaires : on les ignore lorsqu'ils protestent contre des chefs qui outrepassent leurs pouvoirs ou lorsqu'ils présentent des revendications relatives à leurs traitements. La Commission des droits de l'homme a déjà attiré l'attention sur cette violation des conventions internationales conclues en la matière.
- 38 De son côté, la Fédération nationale chilienne des boulangers et d'autres organisations syndicales chiliennes, dans une communication en date du 23 mai 1956, signale que la Commission d'experts a attiré à plusieurs reprises l'attention du gouvernement chilien sur la non-application de la convention sur le droit d'association (agriculture), 1921. Malgré ces appels réitérés, les travailleurs agricoles du pays sont toujours privés de leurs droits les plus élémentaires en ce qui concerne la liberté d'association et de négociation collective. Pour cette raison, plus de 600.000 travailleurs agricoles ne bénéficient pas des conquêtes du progrès social.
- Allégations relatives à la loi de stabilisation des traitements, des salaires et des prix
- 39 La Confédération maritime du Chili allègue que la loi no 12006 du 23 janvier 1956, appelée « loi de stabilisation des traitements, des salaires et des prix », a favorisé la spéculation et porté préjudice aux travailleurs. Cette loi aurait en fait abaissé les traitements et salaires et permis aux industriels d'échapper à leur devoir fiscal sans avoir recours au crédit bancaire. La loi autorise uniquement un ajustement des traitements et des salaires égal à 50 pour cent de la hausse de l'indice du coût de la vie établi par la Direction générale de la statistique ; cependant, l'indice du coût de la vie a augmenté de 93 pour cent pendant l'année 1955, alors que les ouvriers n'ont vu leurs salaires augmenter que de 46,5 pour cent, ce qui ne va pas sans susciter un certain malaise. Dans sa communication en date du 23 mai 1956, la Fédération des boulangers indique que les organisations syndicales ont protesté avec la dernière énergie contre ledit projet de loi. Toutefois, au lieu d'appeler les organisations compétentes du mouvement syndical à étudier la question, le gouvernement a appliqué à certains des dirigeants syndicaux la loi de défense permanente de la démocratie.
- Second groupe de plaintes (Cas nos 153 et 154)
- Allégations relatives à des violations des droits syndicaux et à des représailles exercées contre des syndicalistes à la suite d'une grève des employés de banque
- 40 L'Association uruguayenne des employés de banque, dans sa communication du 1er octobre 1956, et la Confédération internationale des syndicats chrétiens, dans sa communication du 6 novembre 1956 - toutes communications appuyées par la Fédération internationale des syndicats chrétiens des employés, techniciens, cadres et voyageurs de commerce et la Confédération internationale des syndicats libres -, allèguent qu'à la suite d'une grève des employés de banque en septembre 1956, le gouvernement chilien aurait commis une violation caractérisée de la liberté syndicale. Les faits peuvent se résumer ainsi : le Syndicat des employés de la Banque de Londres et d'Amérique du Sud a demandé à la direction le versement anticipé des gratifications dues en fin d'année. La Banque l'ayant refusé, le personnel résolut de recourir à la grève. La Fédération des syndicats bancaires n'approuvant pas cette décision, le Syndicat intéresse demanda donc à son conseiller juridique de rechercher une solution au conflit par voie de conciliation. La grève fut suspendue, le ministre du Travail ayant accepté d'agir en qualité de médiateur. La Banque de Londres et d'Amérique du Sud, toutefois, exigea comme condition préalable à la reprise du travail que le personnel décidât de renoncer à la demande qui avait donné naissance à la grève, et, par ailleurs, renvoya, sans cause justifiant une telle mesure, les six employés qui avaient pris la parole pour proposer la grève à l'assemblée du Syndicat. Devant ces renvois, la Fédération des syndicats bancaires, se conformant à une résolution antérieure, déclara la grève générale des employés de banque. La grève s'étendit sur tout le territoire chilien et fut suivie par les employés de la Banque d'Etat. Devant cet état de choses, le gouvernement décréta la réquisition militaire des banques et l'illégalité de la grève, mesures fondées sur les dispositions de la loi de défense permanente de la démocratie qui interdisent les grèves non seulement des fonctionnaires, mais aussi des « employés ou ouvriers des entreprises ou institutions particulières responsables de services d'utilité publique » (article 3 4)). Les contrôleurs militaires assignèrent aux employés un délai pour reprendre le travail, sous peine de voir résilier leur contrat de travail. Le gouvernement, de son côté, ordonna l'arrestation des membres de tous les bureaux des syndicats bancaires. Les banquiers, appuyés par les délégués militaires et la police, prirent des mesures de répression destinées à « décapiter » le mouvement syndical bancaire. La persécution policière aurait été énergique : les employés auraient été sommés de choisir entre la prison ou la reprise du travail. Des perquisitions auraient eu lieu au domicile des employés. Devant cet état de choses, les dirigeants syndicaux bancaires arrêtés ordonnèrent, de leur prison, la fin de la grève et la reprise du travail pour le 5 septembre 1956.
- 41 Les renvois consécutifs à la grève auraient été faits conformément aux directives générales données par l'Association des banquiers. Toutes les banques, sauf une auraient licencié les membres des bureaux syndicaux. La Banque espagnole-Chili, où les mesures de représailles auraient été particulièrement sévères, aurait congédié jusqu'aux membres du précédent bureau syndical. Le gouvernement se serait refusé à mettre fin à l'action répressive des banquiers déclarant que les contrats de travail étant caducs conformément à la loi, les banques avaient le droit de procéder au congédiement de personnel. Les plaignants indiquent les noms de plusieurs personnes touchées par cette vague de renvois. L'Association uruguayenne des employés de banque déclare que « la campagne de persécution entreprise par le gouvernement du Chili contre le mouvement syndical de ce pays a réussi à détruire complètement les syndicats et la Fédération syndicale des employés de banque, dont les dirigeants et les ex-dirigeants (soit plus de 1.000 personnes) ont perdu leur emploi, 90 pour cent d'entre eux n'ayant aucun droit à la retraite. Plus de 350 employés de banque sont toujours incarcérés dans les prisons chiliennes pour leur activité syndicale ».
- 42 Au nombre des employés victimes de ces représailles se trouve M. José Goldsack Donoso, président de la Confédération latino-américaine des syndicats chrétiens et membre du Directoire exécutif de l'Action syndicale chilienne. Au moment où la grève éclata, Goldsack Donoso, employé de la Banque espagnole-Chili, se trouvait à La Havane en qualité de délégué des travailleurs chiliens à la sixième Conférence des Etats d'Amérique Membres de l'O.I.T. (septembre 1956). Il avait été nommé délégué à cette conférence par décret du 22 août 1956 et le ministère du Travail lui-même avait obtenu de la direction de la Banque espagnole-Chili le congé nécessaire. Durant l'absence de Goldsack Donoso, le contrôleur militaire, Gustavo Vásquez Román, à la demande de la direction de la Banque, signait la résiliation de son contrat et refusait la réintégration de l'intéressé lors de son retour de La Havane. Goldsack n'avait d'aucune façon pris part à la grève, et le seul fait justifiant son licenciement arbitraire était son appartenance au bureau du syndicat de son établissement bancaire. La Confédération internationale des syndicats chrétiens considère qu'il est inadmissible qu'un Etat Membre de l'O.I.T licencie le délégué des travailleurs lors d'une conférence de l'O.I.T. « pendant l'accomplissement de son mandat, de telles mesures entravant le fonctionnement normal de l'O.I.T. ».
- 43 La Confédération américaine des employés de banque, déclare l'Association uruguayenne des employés de banque, a installé son bureau permanent à Santiago du Chili. Trois des membres de son bureau exécutif, MM. Humberto Moreno, Ricardo Cruz Laso et Mario Bravo, furent emprisonnés en même temps que les dirigeants syndicaux chiliens en dépit de leur qualité de dirigeants internationaux et bien qu'ils n'eussent rien à voir avec le conflit bancaire chilien. Ricardo Cruz Laso et Mario Bravo, qui n'avaient pris aucune part à la grève, ont été mis en liberté, mais révoqués de leur emploi et privés du droit à la retraite. Humberto Moreno, secrétaire général de la Confédération américaine des employés de banque, était toujours incarcéré à la date de la plainte après avoir passé sept jours au secret. Il a, lui aussi, perdu son emploi.
- 44 Enfin, les organisations plaignantes accusent le gouvernement du Chili d'avoir emprisonné trois dirigeants syndicaux internationaux étrangers au conflit où étaient engagés les syndicats des employés de banque chiliens, de ne pas avoir respecté la législation chilienne sur la conciliation, d'avoir prêté appui aux employeurs lorsque ceux-ci décidèrent le renvoi massif des travailleurs, d'avoir recouru à de violentes représailles policières et de maintenir les persécutions dirigées contre des syndicats. Elles demandent que les dirigeants syndicaux bancaires détenus soient mis en liberté et que le droit des employés de banque à exercer leurs droits syndicaux en toute liberté soit reconnu.
- Allégations relatives à des violations des droits syndicaux à la suite d'une grève dans les mines de salpêtre de Pedro de Valdivia
- 45 L'Union internationale des syndicats des mineurs (F.S.M.), dans ses communications en date du 25 octobre et du 26 novembre 1956, et la Confédération internationale des syndicats chrétiens, dans ses communications des 29 octobre et 6 novembre 1956, allèguent que dès le début de 1956 le syndicat de l'entreprise de salpêtre de Pedro de Valdivia, propriété de l'Anglo-Lautaro Nitrate Company, avaient présenté un cahier de revendications de caractère économique et social. Dès le début des négociations, le gouvernement aurait appuyé les employeurs et rendu difficile la solution du conflit. Les ouvriers se virent ainsi obligés de recourir à la grève en juin 1956. Cette grève, parfaitement légale, affectait quelque 8.500 ouvriers et, en comptant leurs familles, plus de 30.000 personnes. Le 15 septembre, le gouvernement édictait un décret sur la reprise du travail déclarant la grève illégale et mettait deux salpêtrières sous le contrôle d'un délégué militaire.
- 46 Le 17 septembre 1956, le local du Syndicat de la salpêtrière Pedro de Valdivia fut attaqué par un piquet de carabiniers au moyen de grenades lacrymogènes et d'armes à feu. Selon la Confédération internationale des syndicats chrétiens, cette attaque aurait eu lieu le 14 septembre et l'intervention armée des carabiniers aurait eu pour but l'arrestation des dirigeants du Syndicat durant une réunion syndicale. Les coups de feu auraient été tirés à bout portant, tuant 4 personnes et en blessant 20 grièvement. Quelques jours plus tard, le 20 septembre, le gouvernement décréta l'état de siège dans les départements de Tarataca et d'Antofagasta, suspendant ainsi toutes les garanties constitutionnelles dans la zone minière, où aurait régné « la terreur policière » et où aurait été déclenchée « une chasse impitoyable aux dirigeants du syndicat et du comité de grève ». Les organisations syndicales et les principaux partis politiques du Chili ont condamné l'attitude prise par le gouvernement dans cette affaire. La Chambre des députés a désigné une commission d'enquête qui s'est rendue sur les lieux pour vérifier les faits et « juger des responsabilités de ce lâche massacre ». Le 25 octobre, la Centrale unique des travailleurs du Chili a organisé une réunion publique de protestation. Cependant, l'état de siège est toujours en vigueur, empêchant les dirigeants syndicaux d'exercer leurs droits.
- ANALYSE DES REPONSES
- 47 Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications, en date du 7 mai et du 10 octobre 1956 et du 12 janvier 1957, dont les principaux éléments sont analysés ci-après. Ces observations concernent exclusivement le premier groupe de plaintes. Dans la première de ces communications, le gouvernement déclare, à propos de la situation créée par l'arrestation de M. Isidoro Godoy Bravo, que si la convention sur les privilèges et immunités du 21 novembre 1947, qui a été ratifiée par le Chili le 21 septembre 1951, confère à M. Isidoro Godoy Bravo « l'immunité d'arrestation, de détention et de saisie de ses bagages personnels et, en ce qui concerne les actes accomplis par lui en sa qualité officielle, y compris ses paroles et écrits, l'immunité de toute juridiction », il n'en reste pas moins que, conformément à la section 17 de la même convention, cette immunité « ne sera pas opposable aux autorités de l'Etat dont la personne est ressortissante ou dont elle est, ou a été, le représentant ». La Constitution politique de la République, poursuit le gouvernement, consacre l'indépendance totale des trois pouvoirs de l'Etat, le pouvoir judiciaire ayant seul, aux termes de l'article 80, « le pouvoir de juger les causes civiles et criminelles... Ni le Président de la République ni le Congrès ne peuvent, en aucun cas, exercer des fonctions judiciaires, se saisir de cas en instance, ou remettre en question des procès terminés ». L'intendant de la province de Santiago a accusé, devant la première Cour d'appel de la capitale, les dirigeants de la Centrale unique des travailleurs d'avoir décrété une grève nationale de durée indéfinie à partir du 9 janvier 1956, afin d'exercer, par cette attitude, une pression sur le pouvoir législatif pour que ce dernier rejette un projet de loi sur la stabilisation des prix, des traitements et des salaires. La pression que l'on tentait d'exercer sur le pouvoir exécutif au moyen de la grève comportait le délit de sédition ; l'article 3 de la Constitution politique dispose à ce propos qu'« aucun individu ni groupe ne peut prendre le titre de représentant du peuple, s'arroger ses droits ni présenter des pétitions en son nom. L'infraction à cet article est considérée comme une sédition ». D'autre part, aux termes de la loi de défense permanente de la démocratie, article 2, paragraphe 10
- Article 2. Commet un délit contre la sécurité intérieure de l'Etat et sera passible des peines mineures de travaux forcés, réclusion, relégation ou bannissement, ou d'amendes de 5.000 à 50.000 pesos, quiconque... 10) tient, organise ou facilite des réunions ayant pour objet de renverser le gouvernement légitimement constitué ; de conspirer ou d'attenter, sous quelque forme que ce soit, contre le régime légal et constitutionnel et la paix intérieure de l'Etat ; ou d'organiser le sabotage, la destruction, l'arrêt du travail, le travail au ralenti ou toute autre action ayant pour objet de troubler le développement normal des activités productrices du pays en vue de porter préjudice à l'économie nationale ou d'apporter des perturbations aux services d'utilité publique.
- L'article 3, paragraphe 4, de la même loi ajoute:
- Article 3. Commet un délit contre l'ordre public et sera passible des peines mineures de travaux forcés, de réclusion, de relégation ou de bannissement à leur degré maximum, ou d'amendes de 3.000 à 20.000 pesos quiconque... 4) organise, réalise ou encourage des arrêts du travail ou des grèves contraires aux dispositions légales en vigueur en la matière et qui troublent ou sont de nature à troubler l'ordre public, qui causent ou peuvent causer des perturbations dans les services d'utilité publique ou dont le fonctionnement est légalement obligatoire, ou un préjudice à l'une quelconque des industries vitales.
- C'est sur ces fondements légaux que fut intenté le procès, qui porte le no 1/56, par le ministre de la première Cour d'appel de Santiago, M. Marco Aurelio Velázquez, qui décerna un mandat d'arrêt contre les dirigeants de la Centrale unique des travailleurs, au nombre desquels figure M. Isidoro Godoy Bravo. Cette personne ayant été déférée devant les tribunaux ordinaires et inculpée selon la procédure légale, l'exécutif ne pouvait plus rien faire en sa faveur sans porter atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. M. Godoy Bravo a demandé sa mise en liberté provisoire sous caution, mais elle lui a été refusée par le juge d'instruction ; la plainte en appel contre ce magistrat fut rejetée à l'unanimité des membres de la deuxième chambre de la première Cour d'appel de Santiago. M. Godoy Bravo ayant présenté une nouvelle demande de mise en liberté l'a obtenue, sous caution, le 2 mai 1956. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'il a donné à M. Godoy Bravo toutes les facilités pour lui permettre de participer à la 131ème session du Conseil d'administration.
- 48 Au cours de la septième séance de la 131ème session du Conseil d'administration (Genève, mars 1956), M. Donosa Silva, représentant du gouvernement chilien, a déclaré que le gouvernement avait accordé à M. Isidoro Godoy Bravo un passeport officiel pour lui permettre de se rendre à la session du Conseil, mais que la décision des autorités judiciaires rendait impossible toute intervention du pouvoir exécutif. Si le principe de l'immunité diplomatique doit être pleinement respecté, a continué M. Donoso Silva, « il comporte également une certaine responsabilité de la part de ceux qui en jouissent pour éviter de se trouver impliqués dans des délits donnant lieu à des poursuites judiciaires dans le cadre du droit commun ». L'arrestation de M. Godoy Bravo et d'autres dirigeants syndicaux aurait été effectuée selon les formes légales, ainsi que le prouve le rejet d'un recours en habeas corpus présenté au nom des inculpés. D'autre part, le juge qui a ordonné l'arrestation de M. Godoy Bravo et des autres dirigeants le 19 février 1956, aurait procédé à un examen approfondi de la responsabilité pénale des personnes en question, ainsi que le prouve le délai qui s'est écoulé entre la date de la grève (9 janvier 1956) qui a motivé la plainte du gouvernement et la date à laquelle a été décerné le mandat d'arrêt.
- 49 Le gouvernement indique, en outre, dans sa communication du 7 mai 1956, que M. Isidoro Godoy Bravo n'est pas le seul dirigeant de la Centrale unique des travailleurs qui ait fait l'objet de poursuites et ait été inculpé pour délit de sédition et de violation de la loi de défense permanente de la démocratie. Parmi les autres inculpés, certains, comme M. Eduardo Long Alessandri et M. Wenceslao Moreno, ont été laissés en liberté sans que le gouvernement porte atteinte à l'indépendance traditionnelle des tribunaux de la République. MM. Clotario Blest Riffo, Juan Vargas, Baudilio Casanova, Julio Alegria et Manuel Collao ont été libérés sous caution le 2 mai 1956.
- 50 Pour ce qui est de prétendues violations des droits syndicaux, le gouvernement déclare que les organisations syndicales sont régies par les dispositions du livre III du Code du travail (articles 365 et suivants). Le Chili a été le premier pays d'Amérique à promulguer, dès 1924, une loi spéciale pour les associations syndicales. Le fait que certains tribunaux de la République ont intenté une action contre certains citoyens en raison d'activités séditieuses de caractère exclusivement politique ne signifie pas que les droits syndicaux établis par la législation nationale aient été violés. En 1956, le gouvernement a autorisé la création de 30 nouveaux syndicats, et leur nombre avait augmenté de 142 en 1955 ; ils sont au nombre de 2.340 en ce moment et groupent 339.151 membres.
- 51 La Centrale unique des travailleurs dans ce pays n'a pas d'existence légale; elle n'a pas la personnalité juridique et a été constituée en violation des dispositions du Code du travail relatives aux confédérations de syndicats. Il en va de même pour la Confédération maritime du Chili. Ce fait est dû à l'intromission d'éléments politiques, ainsi que l'a signalé le délégué des travailleurs chiliens à la 30ème session de la Conférence internationale du Travail. Ce facteur politique, poursuit le gouvernement, est à l'origine de l'instabilité des divers organismes qui ont prétendu, au cours des années, représenter les travailleurs chiliens, ainsi que de la faible proportion des travailleurs organisés par rapport à l'effectif total de la population active. La liberté d'association est pleinement garantie par l'article 10 de la Constitution chilienne, qui dispose : « La Constitution garantit à tous les habitants de la République... 5) le droit de s'associer sans autorisation préalable et conformément à la loi. » Cette garantie constitutionnelle fait l'objet d'une réserve en ce que le droit syndical doit être exercé conformément à la loi. Il faut donc considérer comme inacceptable l'affirmation que la Fédération syndicale mondiale formule à propos du caractère licite de l'existence de la Centrale unique des travailleurs. Le gouvernement retrace brièvement l'histoire des centrales syndicales chiliennes de 1909 à ce jour pour prouver le caractère transitoire et « peu représentatif » des diverses organisations. Etant donné qu'elles sont constituées en marge de la loi et qu'elles sont influencées par des éléments politiques, « le gouvernement du Chili ne saurait sans violer les normes juridiques et l'organisation démocratique de la République donner à la Centrale unique le caractère d'organe représentatif des travailleurs ».
- 52 Par le décret no 4255, en date du 26 septembre 1955, le gouvernement a décrété l'état de siège pour une période de six mois dans les provinces de Tarapacá, Antofagasta, Atacama, O'Higgins et Concepción. L'article 72, paragraphe 17, de la Constitution confère au Président de la République le pouvoir de proclamer l'état de siège. Par la déclaration de l'état de siège, « le Président de la République est seulement investi du pouvoir de transférer les personnes d'un département à un autre et de les maintenir en état d'arrestation dans leur propre demeure et en des lieux qui ne sont ni des prisons ni des locaux destinés à la détention ou à l'emprisonnement de condamnés de droit commun ». Ultérieurement, par le décret no 123, en date du 6 janvier 1956, le gouvernement a décrété l'état de siège pour une période de six mois dans les autres provinces du pays (à l'exception du territoire antarctique). La promulgation du décret a été motivée par l'« action subversive du communisme international » et l'ordre de grève lancé par la C.U.T.CH, « organisme créé en marge de la loi, qui prétend s'ériger en autorité suprême visant à agir sur les pouvoirs constitués en vue de leur arracher des résolutions tendant à l'accomplissement de ses prétentions, contraires aux intérêts élevés de la nation ». L'état de siège a été levé par le décret no 935 du 29 février 1956. Les mesures prises par le Président de là République à l'égard de certains citoyens dans l'exercice des pouvoirs que lui confère la déclaration de l'état de siège, ne peuvent, selon le gouvernement, être considérées comme arbitraires et nul ne peut prétendre qu'il existe au Chili un « état de dictature ».
- 53 M. Eduardo Long Alessandri, dirigeant de la C.U.T.CH, a accusé devant le Sénat, conformément à la procédure prévue à l'article 42, paragraphe 2, de la Constitution, le ministre de l'Intérieur pour le préjudice qu'il aurait eu à subir injustement en conséquence de la proclamation de l'état de siège. Le 24 avril 1956, le Sénat, en statuant en tant que jury, a rejeté cette accusation par 23 voix contre 2, avec 4 abstentions. Ce vote du Sénat a confirmé que le gouvernement avait procédé légalement, et qu'il a mérité par son action l'approbation du corps législatif le plus élevé du pays.
- 54 Enfin, le gouvernement rejette d'autres allégations qu'il déclare « fantaisistes et dénuées de fondement » : il n'y a eu ni censure ni interdiction de publier certains journaux ou autres organes de publicité. L'exercice des libertés civiques a été garanti en tout temps, ainsi que les droits des « organisations de travailleurs authentiques et légitimes », auxquelles le gouvernement prête un large soutien. Dans sa communication du 10 octobre 1956, le gouvernement déclare que les observations qui ont été présentées le 7 mai 1956 - elles avaient trait aux plaintes qui lui avaient été communiquées les 20 et 26 mars 1956 par le Directeur général - « répondent également aux accusations portées ultérieurement (plaintes communiquées les 24 avril, 24 mai, 5 juin et 16 juillet par le Directeur général), de sorte qu'il estime n'avoir rien à ajouter et qu'au cas où il aurait à le faire, il en chargerait le délégué du Chili auprès de l'Organisation ».
- 55 Le gouvernement, dans sa communication du 12 janvier 1957, fait savoir, en ce qui concerne les allégations relatives à la détention d'employés des douanes, que le 26 août 1955 ces fonctionnaires se sont déclarés en grève. L'article 133 du Statut administratif interdit la grève pour les fonctionnaires publics qui sont soumis à ce statut. L'infraction à cette interdiction peut entraîner la destitution du fonctionnaire, sans préjudice des sanctions pénales et de la responsabilité civile correspondante. De toute façon, les fonctionnaires ayant participé à la grève ne reçoivent aucune rémunération pour le temps pendant lequel ils n'ont pas travaillé. La loi no 8987, dite de défense permanente de la démocratie, en date du 3 septembre 1948, dispose, de plus, que les grèves dans les services d'utilité publique constituent un délit passible de travaux forcés, de réclusion, de relégation ou d'amendes. Ce texte interdit strictement la grève, quel que soit le cas, pour « les fonctionnaires, employés ou ouvriers de l'Etat, des municipalités, des organismes dépendant de l'Etat, des administrations autonomes de l'Etat et des institutions de caractère semi-officiel ». Ne peuvent, non plus, se mettre en grève « les employés ou ouvriers d'entreprises ou d'institutions privées, assurant des services d'utilité publique ». Se fondant sur ces dispositions, poursuit le gouvernement dans sa réponse, l'intendant de Valparaiso, en vertu des pouvoirs que lui confère le Code de procédure pénale, a ordonné l'incarcération des fonctionnaires des douanes en grève, à seule fin de les mettre à la disposition des tribunaux. Une action en justice a été intentée contre les détenus ; par la suite, les intéressés ont été mis en liberté sous caution, si bien qu'à la date de la plainte, c'est-à-dire le 3 novembre 1955, aucun d'eux ne se trouvait encore en prison. Enfin, ils ont été amnistiés en vertu de la loi no 12004 du 5 janvier 1956, dont l'article 2 prévoit spécifiquement le cas des fonctionnaires qui se sont rendus coupables d'infractions au Statut administratif. De surcroît, poursuit le gouvernement, l'organisation plaignante ne saurait parler « de dirigeants du Syndicat des employés des douanes », car le Code du travail et le Statut administratif ne permettent pas aux employés publics de se grouper en syndicat. Il ne saurait davantage être question de « mesures de répression », étant donné que les mesures de détention alléguées font partie de la procédure adoptée en raison d'un délit défini dans une loi antérieure à la perpétration de ce délit. L'action judiciaire a été menée par les tribunaux ordinaires et, en fin de compte, aucun des employés publics en question n'a fait l'objet de sanctions.
Cas nos 134 et 141
Cas nos 134 et 141- Question préliminaire relative à la plainte du Parti socialiste populaire du Chili
- 56. Le Comité a jugé que la plainte du Parti socialiste populaire du Chili n'était pas recevable, les partis politiques n'étant pas habilités à présenter des plaintes destinées à être examinées par le Comité.
- Allégations relatives à l'emprisonnement de M. Isidoro Godoy Bravo et à la violation de ses immunités
- 57. Selon les plaignants, M. Isidoro Godoy Bravo, membre suppléant travailleur du Conseil d'administration, aurait été détenu par les autorités chiliennes en février 1956, en violation des immunités prévues par l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T. Il se serait vu ainsi dans l'impossibilité d'assister à la 131ème session du Conseil d'administration (Genève, mars 1956). La détention se serait produite pendant une « vague de répression » contre le mouvement syndical et impliquerait non seulement une violation des droits des travailleurs chiliens, mais encore une violation des droits des travailleurs de tous les Etats Membres de l'O.I.T, dont le représentant devant le Conseil est M. Isidoro Godoy Bravo. Il ne serait pas possible de reconnaître à un gouvernement le droit d'arrêter un membre du Conseil d'administration au moment où il a été appelé à exercer ses fonctions ; cela impliquerait une obstruction au bon fonctionnement d'un organe de l'O.I.T. M. Godoy Bravo lui-même fait savoir que son arrestation aurait eu pour cause une prétendue infraction à la loi de défense permanente de la démocratie, et il serait inexact que le gouvernement lui ait donné toutes facilités pour se rendre à la session du Conseil. Le fonctionnaire qui a ordonné l'arrestation aurait été l'intendant de la province de Santiago, fonctionnaire dépendant du ministère de l'Intérieur, M. Godoy Bravo ayant été par la suite déféré devant les tribunaux. M. Godoy Bravo a été mis en liberté provisoire sous caution en mai 1956.
- 58. Le gouvernement, tant dans les déclarations verbales de son représentant au Conseil que dans sa communication du 7 mai 1956, indique qu'en aucun cas il ne se serait rendu coupable de violation de la convention sur les privilèges et immunités, en date du 21 novembre 1947, car ladite convention prévoit que les immunités ne peuvent être invoquées contre les autorités de l'Etat dont la personne dont il s'agit est ressortissante. De plus, M. Godoy Bravo a fait l'objet d'une action judiciaire devant les tribunaux ordinaires, dont l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif est établie par la Constitution chilienne. La Centrale unique des travailleurs ayant organisé, le 9 janvier 1956, un arrêt général du travail destiné à faire pression sur le pouvoir législatif pour qu'il rejette un projet de loi sur la stabilisation des prix, des traitements et salaires, l'intendant de la province de Santiago a dénoncé devant la première Cour d'appel de la capitale les dirigeants de cette organisation, parmi lesquels figurait M. Isidoro Godoy Bravo, pour les délits de sédition, prévu à l'article 3 de la Constitution 'politique, et d'attentat contre la sécurité de l'Etat, prévu aux articles 2, paragraphe 10), et 3, paragraphe 4), de la loi de défense permanente de la démocratie. Les tribunaux, l'ordre une fois donné d'intenter des poursuites contre les détenus, auraient repoussé la demande de mise en liberté sous caution, refus qui aurait été confirmé en appel. Cette circonstance, jointe à l'impossibilité dans laquelle se trouve le pouvoir exécutif d'intervenir dans les affaires judiciaires, a empêché que M. Godoy Bravo n'assiste à la 131ème session du Conseil d'administration. L'arrestation et le procès de M. Godoy Bravo ont respecté les formes légales, le juge ayant procédé sommairement, avant d'entreprendre les poursuites, à un examen sur le fond des responsabilités pénales des détenus.
- 59. L'article 40 de la Constitution de l'O.I.T dispose:
- 1. L'Organisation internationale du Travail jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, des privilèges et immunités qui lui sont nécessaires pour atteindre ses buts.
- 2. Les délégués à la Conférence, les membres du Conseil d'administration ainsi que le Directeur général et les fonctionnaires du Bureau jouissent également des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation.
- 3. Ces privilèges et immunités seront précisés dans un accord séparé qui sera préparé par l'Organisation en vue de son acceptation par les Etats Membres.
- 60. L'accord visé ci-dessus au paragraphe 3 de l'article 40 est la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 21 novembre 1947, et adoptée le 10 juillet 1948 par la Conférence internationale du Travail. Le Chili a adhéré à cette convention le 21 septembre 1951. Ce texte dispose, à la section 13 de son article V:
- Les représentants des Membres aux réunions convoquées par une institution spécialisée jouissent, pendant l'exercice de leurs fonctions et au cours de leurs voyages à destination ou en provenance du lieu de la réunion, des privilèges et immunités suivants:
- a) Immunité d'arrestation ou de détention et de saisie de leurs bagages personnels et, en ce qui concerne les actes accomplis par eux en leur qualité officielle (y compris leurs paroles et écrits), immunité de toute juridiction ;
- ......................................................................................................................................................
- Ces immunités, conformément à l'annexe de la convention relative à l'Organisation internationale du Travail, sont applicables aux membres du Conseil d'administration:
- Les clauses standard s'appliqueront à l'Organisation internationale du Travail sous réserve des dispositions suivantes
- 1. Les membres et membres adjoints employeurs et travailleurs du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du Travail, ainsi que leur suppléants, bénéficieront des dispositions de l'article V (autres que celles du paragraphe c) de la section 13), et de la section 25, paragraphes 1 et 2 a) de l'article VII, à cette exception près que toute levée de l'immunité, en vertu de la section 16, d'une telle personne, sera prononcée par le Conseil.
- La section 17 de l'article V dispose:
- Les dispositions des sections 13, 14 et 15 ne sont pas opposables aux autorités de l'Etat dont la personne est ressortissante ou dont elle est ou a été le représentant.
- 61. M. Godoy Bravo étant citoyen chilien, il est évident que le gouvernement a raison lorsqu'il considère que la section 17 de l'article V de la convention sur les privilèges et immunités est appliquée. Reste à savoir si la mesure prise est compatible avec l'article 40 de la Constitution qui lie tous les Etats Membres de l'Organisation, qu'ils aient ou non adhéré à la convention sur les privilèges et immunités, et qui dispose que les membres du Conseil d'administration jouiront également des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation. Il est évident que toute action tendant à empêcher un membre du Conseil d'administration d'exercer ses fonctions en tant que telles serait incompatible avec cette disposition.
- 62. A une occasion antérieure (avant l'adoption de l'article 40 de la Constitution), le Conseil d'administration, lorsqu'il apprit à sa 64ème session (Genève, octobre 1933), qu'un représentant des travailleurs avait été arrêté par les autorités de son pays, avait adopté à l'unanimité, le 24 octobre 1933, une déclaration aux termes de laquelle aucun membre du Conseil d'administration, élu par les délégués patronaux ou ouvriers de la Conférence, ne doit être inquiété d'aucune façon en raison de son activité comme membre du Conseil d'administration. Le Comité estime qu'il est également important qu'aucun membre ne soit inquiété de manière à l'empêcher d'exercer son activité comme membre du Conseil.
- 63. Dans le cas de M. Isidoro Godoy Bravo, le gouvernement déclare avoir donné à l'intéressé un passeport officiel pour lui permettre d'assister à la session du Conseil d'administration, mais que l'intervention des autorités judiciaires, contre laquelle, étant donné la séparation des pouvoirs prévue par la Constitution nationale, le pouvoir exécutif est impuissant à empêcher celui-ci de rien tenter pour faciliter la participation au Conseil de M. Godoy Bravo. L'un des plaignants allègue cependant que les poursuites judiciaires auraient été engagées à la demande du ministère de l'Intérieur ; de son côté, le gouvernement affirme qu'elles ont été entreprises par l'intendant de la province de Santiago à la suite de la déclaration de grève générale. Il est admis que M. Godoy Bravo a été libéré sous condition le 23 mai 1956. Dans ces conditions, le Comité estime que, bien que les motifs d'accusation qui sont à l'origine de l'arrestation de M. Godoy Bravo soient liés aux événements qui se sont déroulés au Chili, il est très regrettable qu'un événement se rapportant directement à une grève portant sur une législation relative aux salaires ait eu pour conséquence d'empêcher un membre travailleur de prendre part à une session du Conseil d'administration ; il considère également que l'indépendance du pouvoir judiciaire, une fois la procédure engagée, ne saurait être invoquée par un gouvernement comme excuse à une mesure qu'il admet lui-même avoir prise. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement chilien sur l'importance que le Conseil attache au principe énoncé à l'article 40 de la Constitution selon lequel les membres du Conseil d'administration jouiront des privilèges et immunités nécessaires pour leur permettre d'exercer leurs fonctions en toute indépendance. Sous cette réserve, constatant que M. Godoy Bravo a été relâché, le Comité estime qu'il serait inopportun de poursuivre l'affaire.
- Allégations relatives à la persécution des organisations syndicales et à l'emprisonnement de syndicalistes
- 64. Les divers plaignants allèguent que le gouvernement aurait entrepris une campagne de persécution contre les organisations syndicales et contre leurs dirigeants. La plupart des dirigeants de la Centrale unique des travailleurs auraient été arrêtés et déférés devant les tribunaux. Cette campagne, ainsi que les arrestations, auraient eu pour but d'empêcher une grève, déclarée le 9 janvier 1956 par la C.U.T.CH pour protester contre le blocage des salaires. Le gouvernement aurait recouru à la force armée pour réprimer la grève. Parmi les noms mentionnés par les plaignants figurent ceux des membres du Conseil national de la C.U.T.CH contre lesquels le procureur aurait requis trois années d'emprisonnement, sans compter 100.000 pesos d'amende. La mise en liberté des détenus sous caution aurait été refusée. Le représentant de l'O.R.I.T au Chili aurait également été arrêté. La plainte de la F.S.M est accompagnée d'une longue liste de syndicalistes arrêtés, désignés par leurs noms, leur affiliation syndicale, leurs fonctions syndicales et le lieu de leur arrestation. Un nombre important des dirigeants auraient été internés dans des camps de concentration. En ce qui concerne l'arrestation d'Isidoro Godoy Bravo, également membre du Conseil national de la C.U.T.CH, la dénonciation aurait été faite par l'intendant de la province de Santiago, fonctionnaire dépendant du ministère de l'Intérieur, pour une prétendue infraction à la loi de défense permanente de la démocratie ; mis à la disposition des tribunaux, le détenu se serait vu refuser la mise en liberté jusqu'au mois de mai 1956. A ce moment, les autres membres du Conseil national de la C.U.T.CH auraient été également mis en liberté provisoire.
- 65. Le gouvernement, quant à lui, indique dans sa communication du 7 mai 1956, que la procédure appliquée dans le cas de Godoy Bravo a été celle qui a été suivie également en ce qui concerne les autres dirigeants de la C.U.T.CH. : ladite organisation ayant déclaré une grève séditieuse, les intéressés ont été dénoncés aux tribunaux pour infraction à divers articles de la loi de défense permanente de la démocratie et, en conséquence, traduits en justice. Plusieurs d'entre eux, par exemple Eduardo Long et Wenceslao Moreno ont été mis en liberté, tandis que d'autres, comme Clotario Blest Riffo, Juan Vargas, Baudilio Casanova, Julio Alegria et Manuel Colláo ont été mis en liberté sous caution par la suite, sans que le gouvernement ait eu à enfreindre le principe traditionnel de l'indépendance des tribunaux. Le fait que certains tribunaux aient intenté des actions judiciaires contre des citoyens pour des activités séditieuses de caractère politique n'implique pas, affirme le gouvernement, de violation des droits syndicaux. De septembre 1955 à février 1956, le pays (en tout ou en partie) s'est trouvé en état de siège. Dans cette situation, la Constitution donne pouvoir au Président de la République de transférer les personnes dans l'intérêt du pays et de les détenir en des lieux différents de ceux qui sont prévus pour l'incarcération des condamnés de droit commun. L'état de siège, décrété le 6 janvier 1956, avait précisément pour but de répondre à la grève ordonnée par la C.U.T.CH. L'exercice des droits constitutionnellement reconnus au Président de la République ne peut être arbitraire et n'autorise pas à prétendre, comme le font certains des plaignants, que le pays se trouve sous un régime de dictature. Le Sénat, agissant en qualité de jury, aurait reconnu la légalité des mesures prises par le pouvoir exécutif.
- 66. Dans des cas antérieurs pour lesquels le Comité a dû examiner des allégations relatives à des procès intentés à des dirigeants et à des militants syndicaux, le Comité a estimé que la seule question qui se pose consiste à savoir quel a été le véritable motif des arrestations et des procès en question. Ce n'est que si ces arrestations et ces procès ont été ordonnés en raison des activités syndicales proprement dites des intéressés que l'on peut considérer qu'il y a eu violation de la liberté syndicale. Dans le cas présent, il semble que l'arrestation des membres du Conseil national de la C.U.T.CH et les poursuites intentées contre eux ont été ordonnées pour une prétendue infraction à la loi de défense permanente de la démocratie, loi que le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner partiellement. D'autres arrestations, en revanche, auraient été ordonnées par le Président de la République en vertu des pouvoirs que lui confère la Constitution politique pendant l'état de siège. Le Comité, dans le cas no 56 (Uruguay), examinant les allégations relatives aux atteintes aux droits syndicaux et aux droits de l'homme pendant que sont en vigueur des mesures d'exception, a déclaré qu'il serait opportun que le gouvernement ait recours, de préférence, « pour faire face aux conséquences résultant de grèves et de locks-outs, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception qui, même prises en conformité de la Constitution nationale et appliquées sous le contrôle du Parlement, risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux... ».
- 67. En ce qui concerne l'arrestation des membres du Conseil national de la C.U.T.CH, dont fait partie M. Isidoro Godoy Bravo, ces membres ont tous été l'objet de poursuites devant les tribunaux ordinaires pour une prétendue infraction à la loi de défense permanente de la démocratie. Dans ces conditions, il n'a pas paru possible au Comité de se prononcer sur ces allégations et sur l'éventuelle violation des droits syndicaux qu'elles impliquent tant que l'instance judiciaire chilienne qui a à connaître de l'affaire ne se sera pas prononcée définitivement. Considérant, d'autre part, que la détention pendant plusieurs mois de ces dirigeants syndicaux les a empêchés effectivement d'exercer leurs activités syndicales, le Comité estime nécessaire, comme il l'a fait dans des cas antérieurs, d'appeler l'attention du gouvernement du Chili sur l'importance qu'il attache à ce que tout syndicaliste arrêté jouisse des garanties d'un procès légal et demande au gouvernement de bien vouloir l'informer de la décision prise à l'égard des membres du Conseil national de la C.U.T.CH.
- 68. En ce qui concerne les autres personnes mentionnées dans les plaintes - en particulier la liste annexée à la communication du 22 mars 1956 de la Fédération syndicale mondiale, liste qui contient les noms de plus d'une centaine de personnes avec l'indication de leurs fonctions syndicales et de la localité où elles les exerçaient -, le gouvernement ne fait mention que de deux d'entre elles, à savoir Eduardo Long et Wenceslao Moreno. En ce qui concerne la centaine de personnes qui restent, le gouvernement se borne à indiquer que les mesures prises contre « certains citoyens » en vertu des pouvoirs que la Constitution confère au pouvoir exécutif pendant l'état de siège ne comportent aucun élément d'arbitraire et aucune violation de la légalité. Dans ces conditions, le Comité, rappelant ses déclarations antérieures selon lesquelles, en cas d'allégations précises concernant l'arrestation de syndicalistes, même durant un état d'urgence, les informations fournies par les gouvernements doivent être suffisamment circonstanciées pour permettre de conclure que les arrestations n'ont pas eu pour motif les activités syndicales des détenus et que ces derniers peuvent jouir de toutes les garanties d'un procès légal, juge nécessaire de demander au gouvernement du Chili des informations complémentaires sur la situation de toutes les personnes détenues mentionnées dans les plaintes du 22 mars 1956, de la Fédération syndicale mondiale, du 6 avril 1956, de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, du 3 mai 1956, de la Confédération internationale des syndicats libres, du 16 mai 1956, de la Fédération syndicale mondiale, et du 23 mai 1956, de la Fédération nationale des boulangers du Chili et d'autres organisations syndicales chiliennes.
- Allégations relatives à la loi de défense permanente de la démocratie
- 69. La Fédération nationale chilienne des boulangers, la Fédération syndicale mondiale et la Centrale unique des travailleurs du Chili allèguent que la loi de défense permanente de la démocratie supprime les libertés et les droits d'association syndicale des travailleurs ; elle limite le droit de grève au point de faire de la grève illégale un délit. Dans les situations d'urgence, comme l'état de siège déclaré au Chili au début de 1956, le délit serait encore aggravé. Les dirigeants syndicaux arrêtés en vertu de cette loi se verraient refuser le droit de faire appel du refus de mise en liberté provisoire. La loi permettrait enfin « les mesures antisyndicales les plus arbitraires » ; en application de cette loi, des milliers de syndicalistes auraient été arrêtés. En ce qui concerne ces allégations, le gouvernement se borne à indiquer que les poursuites contre M. Isidoro Godoy Bravo et les autres dirigeants de la C.U.T.CH ont été intentées pour infraction aux articles 2, paragraphe 10, et 3, paragraphe 4, de la loi de défense permanente de la démocratie (loi no 8987, en date du 3 septembre 1948, codifiée par décret no 5839 du 30 septembre 1948).
- 70. Dans les cas no 10 (Chili) et no 43 (Chili) le Comité a eu l'occasion de se prononcer sur diverses dispositions de cette loi, à savoir les articles 29, 32 et 37. Ces dispositions, comme le Comité a pu s'en rendre compte dans les cas ci-dessus, prévoient, respectivement, l'établissement d'un certain contrôle de la part des pouvoirs publics sur les fonds que peuvent percevoir les syndicats industriels à titre de cotisations (article 32) ; l'interdiction, pour les personnes faisant l'objet de poursuites ou condamnées pour infraction à cette loi, de se syndiquer (article 29) et la vérification de la comptabilité et le contrôle de l'administration et du placement des fonds des syndicats par la Direction générale des impôts (article 37). Le Comité, estimant qu'il lui semblait insolite qu'une personne faisant simplement l'objet de poursuites, mais non condamnée, puisse se voir privée de son droit d'affiliation syndicale et que les contrôles financiers prévus par la loi pouvaient donner lieu à des abus, a recommandé au Conseil d'administration, dans les deux cas, de suggérer au gouvernement du Chili « d'examiner certains articles de la loi de défense permanente de la démocratie, et en particulier les articles 29 et 37, en vue de déterminer s'il serait désirable d'y apporter certaines modifications, compte tenu de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention sur le droit d'association et de négociation collective, 1949 ».
- 71. Jusqu'à présent, les articles en question de la loi de défense permanente de la démocratie n'ont fait l'objet d'aucune modification. Cette loi, sous sa forme codifiée par le décret no 5839 du 30 septembre 1948, est un texte de portée générale qui non seulement contient diverses dispositions pénales relatives à des délits contre la sécurité intérieure de l'Etat et l'ordre public, mais aussi des normes régissant la procédure des tribunaux, l'exercice de la liberté de la presse, le régime syndical et les autres organismes du travail, le système électoral, etc. Etant donné les articles sur lesquels le Comité a déjà eu l'occasion de se prononcer et le caractère général des allégations présentées, le Comité considère qu'il n'est pas nécessaire pour lui de procéder à un nouvel examen de ces articles et attire par suite l'attention du gouvernement sur la recommandation formulée antérieurement dans les cas no 10 et no 43, qu'il réitère.
- 72. En ce qui concerne l'exercice du droit de grève, l'article 3, paragraphe 4, de la loi de défense permanente de la démocratie - un des articles en vertu desquels sont poursuivis, comme l'indique le gouvernement, les dirigeants de la C.U.T.CH. - a la teneur suivante:
- Article 3. Commet un délit contre l'ordre public et sera passible des peines mineures de travaux forcés, de réclusion, de relégation ou de bannissement, à leur degré maximum, et d'une amende de 3.000 à 20.000 pesos, quiconque... 4) organise, réalise ou encourage des arrêts du travail ou des grèves contraires aux dispositions légales en vigueur en la matière et qui troublent ou sont de nature à troubler l'ordre public, qui causent ou peuvent causer des perturbations dans les services d'utilité publique ou dont le fonctionnement est légalement obligatoire, ou un préjudice à l'une quelconque des industries vitales. En aucun cas, les fonctionnaires, employés ou ouvriers de l'Etat, des municipalités, des organismes dépendant de l'Etat, des administrations autonomes de l'Etat et des institutions de caractère semi-officiel ne pourront se mettre en grève ni suspendre leurs travaux. Il en sera de même des employés ou ouvriers d'entreprises ou d'institutions privées, assurant des services d'utilité publique. Quiconque encouragera, suscitera ou soutiendra de telles grèves ou suspensions de travail sera passible de la sanction prévue au présent article, sans préjudice de sa destitution et de son renvoi immédiat ou de la résiliation de son contrat de travail. Les différends collectifs du travail surgissant dans les entreprises ou institutions privées visées par les présentes dispositions doivent... être soumis en première instance à l'arbitrage obligatoire d'un tribunal de trois membres qui aura le caractère d'une juridiction arbitrale et qui sera composé d'un représentant des employés ou ouvriers, d'un représentant des institutions ou entreprises intéressées et d'un membre désigné dans chaque cas par le Président de la République.
- D'après ce texte, les grèves décrétées « en violation de dispositions légales » sont des délits contre l'ordre public.
- 73. A cet égard, il est allégué que des dirigeants syndicaux, des employés des douanes auraient fait l'objet de représailles à l'occasion d'une grève ; 16 travailleurs auraient été mis en prison, dont 8 auraient été des dirigeants syndicaux. Le gouvernement précise que, les grèves des employés des services publics étant interdites et faisant l'objet de sanctions administratives et pénales, un certain nombre de fonctionnaires des douanes de Valparaiso ont été incarcérés par l'intendant de cette ville, en août 1955, et mis à la disposition des tribunaux ordinaires. Ceux-ci ont intenté des poursuites judiciaires ; les détenus ont été mis en liberté sous caution et, par la suite, ont été amnistiés en vertu d'une loi spéciale. Par conséquent, aucun employé n'a fait l'objet de sanctions. De plus, indique le gouvernement, il est faux de prétendre que parmi les détenus se trouvaient des dirigeants syndicaux, étant donné que des dispositions légales précises interdisent à tout employé public de constituer des organisations syndicales ou de s'affilier à celles-ci.
- 74. L'article 3, paragraphe 4, de la loi de défense permanente de la démocratie qui est reproduit ci-dessous, interdit les grèves dans le secteur public.
- Cette interdiction est reprise par l'article 133 du Statut administratif qui a la teneur suivante:
- Sont interdits au personnel auquel s'applique le présent statut, la grève, l'interruption ou la suspension totale ou partielle du travail, la grève perlée, la grève des bras croisés et tout autre acte illégal, quel qu'il soit, qui trouble le fonctionnement normal des services ou organismes d'Etat et des services publics en général. Toute infraction à cette interdiction pourra faire l'objet de sanctions allant jusqu'à la destitution du fonctionnaire qui aura participé à de tels actes ou qui les aura encouragés, sans préjudice des sanctions pénales et de la responsabilité civile pour les dommages et préjudices que pourra causer une telle attitude, tant à l'égard de l'Etat qu'à l'égard de tierces personnes. De toute façon, le ou les fonctionnaires ayant participé à des actes de ce genre se verront privés de toute rémunération pour le temps pendant lequel ils n'auront pas travaillé...
- 75. En application de ces règles, qui punissent les grèves de fonctionnaires et d'employés publics, le gouvernement déclare que l'intendant de Valparaiso a donné des ordres pour l'incarcération des employés des douanes qui s'étaient mis en grève le 28 août 1955. L'intendant a agi en vertu des pouvoirs que lui reconnaît l'article 258 du Code de procédure pénale, qui dispose:
- Les gouverneurs de département pourront décerner des mandats d'arrêt s'ils estiment, à juste titre, qu'il y a un réel danger à laisser la justice être bafouée du fait des délais qu'entraînerait une action entreprise par les autorités judiciaires, pour faire appréhender les personnes présumées coupables des délits ci-après 1) crime ou simple délit contre la sécurité extérieure et la souveraineté de l'Etat ou contre sa sécurité intérieure...
- Cependant, l'action pénale commencée a été interrompue et, pour cette raison, aucun des détenus n'a été condamné, grâce à l'application de la loi d'amnistie no 12004 du 5 janvier 1956, qui a la teneur suivante:
- Article 1. Il est accordé une amnistie à toutes les personnes coupables de tous délits ou infractions sanctionnés par la loi no 8987, en date du 3 septembre 1948, relative à la défense permanente de la démocratie, si ces délits ont été perpétrés avant le 18 octobre 1955, et à toutes les personnes poursuivies pour des délits sanctionnés par ladite loi et commis antérieurement à la date indiquée ci-dessus.
- Toutefois, l'amnistie prévue par le présent paragraphe ne pourra être accordée aux personnes qui ont été condamnées ou qui, à la date de promulgation de la présente loi, font l'objet de poursuites pour incitation ou participation à des délits d'homicide, de lésions graves, de vol ou d'incendie, ou à des crimes ou simples délits prévus à l'article 480 du Code pénal.
- Article 2. Les sanctions prévues dans les statuts du personnel des services d'Etat, des services semi-officiels, semi-officiels à administration autonome, des administrations autonomes, municipales, et de l'Entreprise des transports collectifs de l'Etat, et les sanctions prévues au Code du travail, ne seront pas appliquées aux ouvriers et employés qui se seront rendus coupables de l'une quelconque des infractions visées par ces textes pour les délits auxquels se réfère le premier paragraphe de l'article premier.
- 76. Comme le Comité a pu s'en assurer à plusieurs reprises, le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Ce principe général, comme le Comité s'en est rendu compte dans de nombreux cas souffre cependant des restrictions, soit qu'il s'agisse des services considérés comme essentiels, soit qu'il s'agisse de la fonction publique. A ces occasions, le Comité a marqué l'importance qu'il attache à l'existence d'une procédure garantissant la solution pacifique de tels conflits, de manière que les travailleurs qui se voient privés d'un moyen essentiel de défense professionnelle, comme l'est la grève légale, puissent jouir des garanties appropriées. Dans le cas présent, cependant, en dehors du fait que différents dirigeants syndicaux des employés des douanes ont été l'objet de poursuites pour infraction aux dispositions ci-dessus de la loi, l'allégation générale selon laquelle la loi de défense permanente de la démocratie impose au droit de grève en général des restrictions incompatibles avec la liberté syndicale n'est pas étayée de preuves suffisantes. En effet, la loi impose seulement des sanctions pénales en cas de « grève illégale ». Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que l'allégation générale concernant l'exercice du droit de grève n'exige pas un examen plus approfondi.
- 77. En ce qui concerne l'interdiction des grèves dans le secteur public, le Comité a constaté dans le cas no 60 (Japon) que « dans la majorité des pays, les fonctionnaires publics placés sous un statut spécial n'ont pas le droit de grève, en vertu d'une condition courante établie par la législation qui régit leurs relations de travail et qu'il n'y a aucune raison d'examiner de façon plus approfondie cet aspect du problème... ». Il est évident que, dans le cas présent, la législation chilienne ne se borne pas à interdire la grève des fonctionnaires publics ou à soumettre simplement les grévistes à des sanctions administratives, mais qu'elle fait de la grève, comme le précise l'article 3, paragraphe 4, de la loi de défense permanente de la démocratie, un délit pénal sanctionné de peines sévères de privation de liberté. De surcroît, les fonctionnaires publics se trouvent privés par la même loi du droit de constituer des organisations syndicales. Les sanctions prévues en cas de grève des fonctionnaires publics sont appliquées, comme le dispose la même loi de défense permanente de la démocratie, par les tribunaux ordinaires. Dans le cas d'espèce, à savoir la grève des employés des douanes, l'action pénale a été interrompue par la loi d'amnistie du 5 janvier 1956.
- 78. Dans ces conditions, le Comité, étant donné qu'il s'agit d'une grève de fonctionnaires publics soumis à un régime statutaire spécial, réaffirme sa propre jurisprudence en la matière. Cependant, étant donné que la loi de défense permanente de la démocratie fait de ce qui serait, selon le Statut administratif, une simple faute disciplinaire punissable de peines administratives, un délit pénal entraînant des sanctions graves, le Comité attire l'attention du gouvernement chilien sur cette circonstance afin qu'il envisage l'éventuelle modification de l'article 3, paragraphe 4, de la loi de défense permanente de la démocratie. Tenant compte, cependant, du fait qu'en l'espèce l'action pénale a été interrompue par une loi d'amnistie, le Comité considère que la poursuite de l'examen de ces allégations spécifiques est sans objet.
- 79. Les plaignants allèguent enfin que les dirigeants syndicaux arrêtés pour infraction à la loi de défense permanente de la démocratie ne pourraient faire appel de la décision prise de leur refuser la mise en liberté provisoire. L'article 18 k) de la loi, relatif à la procédure, dispose que, « dans les jugements de ce genre, il ne pourra être interjeté appel que de la sentence définitive, de la décision de surseoir définitivement ou temporairement aux poursuites, de la décision refusant la mise en accusation et de la décision accordant la liberté provisoire ». Il semblerait donc, a contrario, que la décision refusant la mise en liberté provisoire ne puisse faire l'objet d'un appel. Cependant, il ressort de l'examen des allégations antérieures que les dirigeants de la C.U.T.CH, par exemple, ont effectivement interjeté appel lorsque la mise en liberté provisoire leur a été refusée, appel qu'ils ont réitéré par la suite avec succès. Dans ces conditions, le Comité considère qu'il est sans objet de poursuivre l'examen de ce cas.
- Allégations relatives au décret Yáñez-Koch (décret no 4161 en date du 20 septembre 1955)
- 80. Certains des plaignants allèguent que le décret connu sous le nom de décret Yáñez-Koch empêche les travailleurs d'élire librement leurs dirigeants, du fait que les candidats doivent avoir été préalablement agréés par le Service des recherches de la police politique. L'Office du contrôleur général de la République se serait prononcé contre l'application de ce décret. D'après la Centrale unique des travailleurs, l'application de ce décret aurait empêché plus de 3.000 travailleurs démocratiquement élus par leurs camarades, d'assumer leurs fonctions syndicales. Le gouvernement ne présente pas d'observations sur ces allégations.
- 81. Même si le gouvernement n'a pas formulé d'observations sur cette question, le Comité s'est estimé à même d'examiner l'allégation quant au fond, du fait qu'elle se rapporte à un texte législatif, publié dans le journal officiel du Chili, et dont le gouvernement ne discute pas l'authenticité. Le décret no 4161, du 20 septembre 1955, modifie les articles 30 et 36 du décret réglementaire no 1030 en date du 26 décembre 1949, en invoquant les dispositions des articles 29 et 36 de la loi de défense permanente de la démocratie. L'article 36 de cette dernière loi a la teneur suivante:
- Article 36. Ne pourront être membres du comité directeur d'un syndicat, membres d'un conseil de conciliation ou d'un conseil spécial de conciliation et d'arbitrage pour l'agriculture, arbitres ou membres d'un tribunal d'arbitrage dans un différend collectif du travail, membres de la commission mixte des salaires minima, membres de la commission mixte des traitements et salaires, membres d'un tribunal du travail, délégués des employés, membres d'une délégation représentant les ouvriers ou employés dans un différend collectif du travail, ni exercer aucune fonction de représentation des employeurs, employés ou ouvriers dans des organismes officiels ou semi-officiels, les personnes inculpées d'un crime ou d'un simple délit, ou rayées des registres électoraux ou municipaux, ou appartenant à l'un quelconque des groupements, organisations, associations, partis, factions ou mouvements visés par les articles 1 et 2 du titre I de la présente loi.
- Le décret no 4161, qui réglemente l'application de cette disposition, dispose que la liste des noms des candidats aux fonctions de membres du comité directeur d'un syndicat, désignés au cours de l'assemblée statutaire réunie à cette fin, doit être communiquée par les autorités syndicales à l'inspection du travail compétente ; il dispose notamment ce qui suit:
- Article 1. L'Inspection du travail transmettra cette communication à la préfecture départementale au plus tard dans un délai de cinq jours... en y joignant tous les renseignements dont elle a connaissance ou qu'elle a pu réunir, de manière à déterminer si les candidats élus tombent sous le coup de certaines des incapacités prévues par l'article 36 de la loi de défense permanente de la démocratie. Il appartient au préfet départemental de constater, sur rapport des services des recherches de la police et du travail, les incapacités envisagées dans la partie finale de l'article 36 de cette loi et de les communiquer à l'Inspection du travail compétente afin que celle-ci, à son tour, les fasse connaître aux syndicats intéressés pour que soient exclues de l'élection de membres dirigeants la personne ou les personnes auxquelles s'appliquent ces incapacités. La date d'élection du dirigeant ou du bureau syndical sera fixée après que l'Inspection du travail compétente aura visé les listes de candidats qui, conformément à la décision du préfet, ne font l'objet d'aucune objection. Si, en dépit de la communication dont il est question au paragraphe 3 du présent article, la personne reconnue inéligible est élue membre du bureau du syndicat, le préfet obtiendra la suppression de la personnalité juridique de ce syndicat, suppression qui sera décrétée par le ministre compétent, à moins que l'élection n'ait été certifiée, sous une forme digne de foi, comme nulle et non avenue.
- 82. La simple lecture des dispositions ci-dessus permet de constater une incompatibilité avec le principe généralement admis selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent pouvoir élire librement leurs représentants, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention tendant à limiter ce droit ou à en paralyser l'exercice légal. Cette incompatibilité paraît d'autant plus grave que le décret qui fait l'objet de la plainte prévoit, en cas d'infraction, la sanction de la dissolution administrative, d'une manière contraire au principe universellement admis qui figure dans les conventions internationales, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas pouvoir être sujettes à dissolution ou suspension par voie administrative. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur l'incompatibilité qui existe entre le décret no 4161, en date du 20 septembre 1955, et les principes de la liberté syndicale, afin qu'il veuille bien envisager la possibilité d'abroger ce décret en vue de mettre la législation du travail chilienne en harmonie avec les principes ci-dessus.
- Allégations relatives à la non-reconnaissance de la Centrale unique des travailleurs du Chili et d'autres organisations syndicales
- 83. Les plaignants allèguent que le gouvernement refuse de reconnaître l'existence de la Centrale unique des travailleurs, lui déniant le droit de représenter les travailleurs. Le Conseil central panindonésien des syndicats attribue au gouvernement l'intention de détruire l'organisation qu'il appelle « Fédération chilienne des syndicats ». Le gouvernement aurait adopté la même attitude en ce qui concerne les fédérations nationales d'industrie. En particulier, le gouvernement n'accepterait pas l'intervention de la C.U.T.CH comme représentant les ouvriers devant les organismes d'Etat pendant les différends collectifs. Le prétexte invoqué serait que cette organisation aurait un caractère « séditieux ». Ceci n'aurait pas empêché, cependant, qu'en diverses occasions le gouvernement ait eu recours à la C.U.T.CH pour désigner des membres de comités mixtes et même que des ministres d'Etat se soient rendus auprès de cette organisation pour l'informer de la politique économique du gouvernement. Le fait que la C.U.T.CH fonctionne comme simple association de fait tient à ce que la loi interdit l'existence de confédérations syndicales nationales formées de fédérations de syndicats « industriels » et « professionnels ». En réalité, la C.U.T.CH serait la plus importante des organisations existantes, étant donné qu'elle grouperait 36 fédérations nationales et que ses affiliés représenteraient un total de 750.000 à 800.000. Son caractère licite résulte de la reconnaissance constitutionnelle du droit d'association.
- 84. De son côté, le gouvernement déclare que la C.U.T.CH n'a pas d'existence légale. Elle ne possède pas la personnalité juridique et elle a été créée en violation des normes du Code du travail relatives aux confédérations. Il se serait produit en son sein une grave ingérence d'éléments politiques, ce qui est la cause principale de l'instabilité des différents organismes centraux qui ont prétendu assumer la représentation des travailleurs chiliens au cours des années et, également, de la faible proportion de travailleurs affiliés. Le droit d'association, reconnu par l'article 10, paragraphe 5, de la Constitution, doit s'exercer, ainsi que l'établit le texte constitutionnel lui-même, « en conformité de la loi », et le fait que la C.U.T.CH ne se conforme pas à cette prescription empêche le gouvernement de donner à cette organisation « le caractère d'organisme représentatif des travailleurs ». L'organisation mentionnée par le Conseil central panindonésien est inconnue.
- 85. La constitution d'organisations syndicales est régie au Chili par le Code du travail (articles 365 et suivants) et la réglementation en est régie par le décret no 10301 du 26 décembre 1949. Les articles 382 et 383 du Code du travail disposent ce qui suit:
- Article 382. Les syndicats industriels et professionnels seront considérés comme légalement constitués dès que leur sera octroyée la personnalité juridique par le Président de la République. A cette fin, ils devront présenter une demande à la Direction générale du travail, conformément aux formalités prévues par le règlement. La demande et les documents annexes seront exonérés de tout impôt ou droit de timbre.
- Article 383. Tout syndicat, dès qu'il aura obtenu la personnalité juridique, devra se faire inscrire sur un registre national tenu par la Direction générale du travail. Les syndicats industriels et professionnels seront soumis à la surveillance de la Direction générale du travail et devront fournir tous les renseignements qui leur seront demandés, conformément aux dispositions du règlement.
- L'obtention de la personnalité juridique est réglementée spécifiquement par les articles 10 à 22 du décret no 1030 : pour qu'un syndicat soit constitué de façon valide, la présence d'un inspecteur du travail qui veille à l'exécution des dispositions légales est nécessaire (article 11) ; lorsque la constitution du syndicat a été signalée à l'Inspection du travail, que les statuts ont été approuvés par une assemblée et qu'a été désigné le représentant qui négociera la personnalité juridique et « acceptera les réformes préalables requises par l'autorité compétente », le bureau provisoire présente une demande au Président de la République afin d'obtenir l'« approbation des statuts et la concession de la personnalité juridique » (article 15) ; la Direction générale du travail, après étude des renseignements communiqués, indique les modifications qui doivent être apportées aux statuts et les lacunes qui doivent être comblées (article 19). Après ces démarches, la Direction générale du travail transmet la demande au ministère du Travail qui, à son tour, la transmet au ministère de la Justice « pour que le Président de la République se prononce sur l'approbation des statuts et l'octroi de la personnalité juridique » (article 21). L'article 9 a la teneur suivante:
- Article 9. Les syndicats seront considérés comme légalement constitués dès qu'ils auront obtenu la personnalité juridique. Ce n'est qu'alors qu'ils seront habilités à exercer leurs droits et à contracter des obligations, à conclure des contrats collectifs, à demander des déductions sur feuille de paie, à susciter des différends du travail, à percevoir des participations de bénéfices, à s'affilier à des fédérations syndicales.
- En ce qui concerne la constitution de fédérations et confédérations syndicales, il est nécessaire, en premier lieu, comme le dispose l'article 9 du décret no 1030 cité ci-dessus, que les syndicats désirant se fédérer ou se confédérer aient obtenu la personnalité juridique. D'autre part, le Code du travail réglemente ce droit différemment selon qu'il s'agit de syndicats « industriels » ou « professionnels ». « Seront seules autorisées les réunions ou confédérations de syndicats industriels aux fins d'éducation, d'entraide, de prévoyance sociale, et en vue de la création d'économats et de coopératives » (article 386) ; mais « les syndicats professionnels qui sont fondés sur une communauté de métiers ou de professions pourront constituer des unions ou des confédérations pour l'étude, le développement et la défense légitime des intérêts communs. Ces unions ou confédérations devront obtenir la personnalité juridique selon les modalités prévues pour les syndicats professionnels qui les constituent et auront les mêmes droits que ces syndicats ; elles ne pourront, toutefois, assumer la représentation des syndicats adhérents tant qu'elles n'auront pas obtenu la personnalité juridique » (article 414). L'article 58 du règlement, enfin, dispose que les syndicats ne pourront s'unir ou se confédérer que pour les fins prévues aux articles 386 et 414 du Code, et ajoute « il est interdit aux syndicats de s'affilier à des unions ou confédérations qui ne seront pas constituées conformément aux dispositions du Code du travail et du présent règlement ».
- 86. Compte tenu de ces éléments et pour apprécier à sa juste valeur la portée des allégations formulées et des observations présentées, il est nécessaire d'examiner la question sous l'angle des dispositions légales ci-dessus. Le gouvernement admet que la C.U.T.CH n'est pas reconnue comme organisation représentative des travailleurs du fait qu'elle ne jouit pas de la personnalité juridique et qu'elle a été constituée en violation des normes juridiques en vigueur. Les plaignants, d'autre part, soutiennent que cette organisation n'a pu se soumettre à la condition de l'obtention de la personnalité juridique du fait que le Code du travail ne permet pas la confédération de syndicats professionnels et industriels en une même organisation centrale.
- 87. Il convient de remarquer à cet égard l'importance que la question de la libre constitution de fédérations et de confédérations a revêtue de tout temps pour l'Organisation internationale du Travail. La Conférence du travail des Etats d'Amérique Membres de l'O.I.T, qui s'est tenue à Santiago du Chili, en 1936, a adopté une résolution qui porte le no 16 et qui est relative à la formation des organisations centrales, patronales et ouvrières. Elle a la teneur suivante:
- La Conférence du travail des Etats d'Amérique Membres de l'Organisation internationale du Travail,
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- Considérant... qu'il est d'une grande importance, pour l'heureux résultat de la participation des Etats Membres aux travaux de l'Organisation internationale du Travail, qu'il existe dans tous les pays des fédérations nationales de patrons et d'ouvriers tendant à faciliter l'accomplissement de l'obligation qu'ont les gouvernements de désigner des délégués et des conseillers non gouvernementaux pour la Conférence internationale du Travail, conformément à l'article 3 de ladite Constitution, d'après lequel la désignation de ces délégués doit être faite d'accord avec les organisations professionnelles les plus représentatives des employeurs et des travailleurs,
- Considérant toutefois que dans divers pays du continent américain, il n'existe pas encore de telles fédérations centrales, patronales et ouvrières,
- La Conférence invite le Conseil d'administration du Bureau international du Travail à adresser aux gouvernements de tous les pays où de telles fédérations n'existent pas encore un appel pour qu'ils n'opposent aucune difficulté aux efforts tendant à créer ces fédérations, dont l'existence facilitera et développera la participation des organisations patronales et ouvrières à l'activité de l'Organisation internationale du Travail, étant donné que l'article 412 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail reconnaît le droit d'association en vue de tous objets non contraires aux lois aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.
- La deuxième Conférence du travail des Etats d'Amérique Membres de l'O.I.T, qui s'est tenue à La Havane en 1939, a adopté une résolution confirmant celle qui est reproduite ci-dessus; la troisième Conférence, qui s'est tenue en 1946, dans sa résolution (no 6) concernant la liberté d'association a déclaré que : « Les organisations devraient avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations d'organisations professionnelles ; la constitution, le fonctionnement et la dissolution de fédérations et confédérations ne devraient pas être subordonnés à des formalités autres que celles qui sont prescrites pour les organisations de travailleurs ou d'employeurs. » Ces principes ont enfin été consacrés par une convention internationale du travail, la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. L'article 5 de ce texte dispose que « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations, ainsi que celui de s'y affilier ». Au cas où il est nécessaire, pour la constitution d'une organisation syndicale, d'obtenir la personnalité juridique, l'article 7 de la même convention dispose que l'« acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus ; ces articles portent sur le droit, pour les travailleurs et les employeurs, de constituer des organisations de leur choix et de s'affilier à ces organisations ; sur le droit d'élaborer les statuts, d'élire librement les représentants, d'organiser la gestion et l'activité et de formuler des programmes d'action, etc., sans aucune intervention des autorités publiques.
- 88. Dans ces conditions, le Comité considère que le fait que la Centrale unique des travailleurs n'est pas reconnue officiellement, situation admise d'ailleurs par le gouvernement, tient à ce qu'au Chili, les syndicats, les fédérations et les confédérations ne sauraient avoir d'existence légale sans avoir acquis la personnalité juridique, et que l'acquisition de cette personnalité juridique est soumise à des conditions incompatibles avec les principes généralement reconnus qui sont mentionnés au paragraphe précédent. Pour ces raisons, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu'une organisation centrale librement constituée puisse fonctionner en toute liberté et, à cette fin, d'étudier la possibilité de mettre la législation du travail chilienne en harmonie avec les principes énoncés ci-dessus.
- Allégations relatives au droit de réunion
- 89. Les plaignants allèguent que la zone septentrionale du pays s'étant trouvée en état de siège, il n'avait pas été possible d'exercer le droit de réunion. Les réunions syndicales ne pourraient s'effectuer sans autorisation préalable ou sans la présence de représentants de la police politique. Les réunions syndicales en général auraient été interdites après la grève du 9 janvier 1956. Le siège de la C.U.T.CH aurait été occupé par des forces armées le 1er mars 1956. Le gouvernement se borne à faire observer, en ce qui concerne ces allégations, que l'exercice des libertés civiles a été respecté à tout moment, ainsi que les droits des « véritables et légitimes organisations de travailleurs ».
- 90. En diverses circonstances, le Comité a eu l'occasion d'insister sur l'importance de la liberté de réunion syndicale. Dans le cas no 56 (Uruguay), par exemple, s'en tenant à une jurisprudence antérieure et ferme, il a indiqué que « la liberté de réunion syndicale constitue un des éléments fondamentaux du droit syndical ». Dans un cas plus récent, le cas no 133 (Pays-Bas-Antilles néerlandaises), le Comité a insisté sur ce même principe. Il le réaffirme dans le cas présent.
- Allégations relatives à la liberté d'expression
- 91. La Confédération maritime du Chili allègue que la liberté d'expression subirait des atteintes, les personnes qui sont opposées au gouvernement faisant l'objet de sanctions. Le gouvernement, de son côté, déclare que cette allégation est « fantaisiste », étant donné qu'il n'y a eu ni interdiction ni censure de journaux.
- 92. Dans ces conditions, le Comité, étant donné le caractère général de l'allégation, qui n'a aucun rapport spécifique avec une violation des droits syndicaux, recommande au Conseil d'administration de décider qu'il ne lui appartient pas de poursuivre l'examen de cette allégation.
- Allégations relatives aux entraves mises à la constitution et au fonctionnement des syndicats
- 93. Certains des plaignants allèguent que le gouvernement mettrait des entraves, en violation des principes reconnus par les conventions internationales du travail, à la constitution de syndicats, pour laquelle il serait nécessaire d'obtenir le « consentement préalable » du gouvernement. La C.T.A.L, de son côté, indique que les travailleurs des mines de charbon seraient victimes d'atteintes aux droits syndicaux dans la province de Concepción, les dirigeants du syndicat industriel de la localité de Schwager ayant été privés de la possibilité d'exercer leurs fonctions, malgré la décision contraire prise par les tribunaux. En ce qui concerne la première de ces allégations, le gouvernement indique que le Chili a été, dès 1924, le premier pays d'Amérique à réglementer le droit d'association syndicale. Actuellement, c'est le livre III du Code du travail de 1931 qui régit cette question. Comme preuve qu'il est possible de constituer librement des syndicats, le gouvernement indique qu'au cours de l'année 1956, 30 nouvelles organisations se sont constituées. Il existe à l'heure actuelle 2.340 syndicats, comptant environ 350.000 affiliés.
- 94. Dans ces conditions, le Comité considère qu'ayant examiné la question des entraves mises à la constitution des syndicats à propos des allégations relatives à la non-reconnaissance de la C.U.T.CH, et la question de la destitution de dirigeants syndicaux à propos des allégations relatives à la loi de défense permanente de la démocratie et au décret Yáñez-Koch, il est inutile pour lui, au sujet de cette allégation, d'ajouter quoi que ce soit aux conclusions qu'il a formulées aux paragraphes 82 et 88.
- Allégations relatives à des restrictions imposées à la liberté syndicale des travailleurs agricoles
- 95. La Confédération maritime du Chili allègue que le gouvernement ne respecte pas les droits syndicaux des paysans, le droit de grève étant interdit à ceux-ci et les dirigeants syndicaux ne pouvant bénéficier de la garantie d'inamovibilité. La Fédération nationale chilienne des boulangers et d'autres organisations syndicales chiliennes, dans une communication où est cité l'article 24 de la Constitution de l'O.I.T, indiquent que la Commission d'experts compétente a, à plusieurs reprises, attiré l'attention du gouvernement sur la non-observation de la convention sur le droit d'association (agriculture), 1921. Ces observations n'auraient produit aucun effet, étant donné que les travailleurs agricoles continuent à être privés des droits d'association et de négociation collective. Le gouvernement ne présente pas d'observations sur ces allégations.
- 96. Les syndicats agricoles se trouvent soumis au Chili à un régime spécial prévu aux articles 418 et suivants du Code du travail. Aux termes de l'article 419, ces syndicats sont « des institutions de collaboration mutuelle entre le capital et le travail, et par conséquent seront considérées contraires à l'esprit et aux normes de la loi les organisations dont les procédés entravent la discipline et l'ordre du travail ». Il y est affirmé que ces syndicats doivent porter une attention spéciale à l'amélioration des habitations paysannes. L'article 425 « interdit aux syndicats agricoles de travailler à des fins différentes de celles qui leur sont assignées ». Chaque syndicat doit constituer un fonds (article 426) et est soumis à la surveillance de la Direction générale du travail (article 430). L'article 431 dispose que « pour aucune raison les réunions ou confédérations de syndicats agricoles ne seront autorisées ». L'interruption volontaire du travail par plus de 55 pour cent des ouvriers syndiqués et la violation des dispositions relatives aux procédures de conciliation et d'arbitrage dans l'agriculture donnent aux tribunaux du travail la possibilité de décider la dissolution (article 463, paragraphe 2, et article 489).
- 97. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, réaffirmant ses conclusions des années antérieures, a formulé en 1956 les observations suivantes sur la question de l'application de la convention sur le droit d'association (agriculture), 1921, ratifiée par le Chili le 15 septembre 1925
- La Commission est obligée de constater qu'alors qu'aux termes de l'article 1 de la convention, le gouvernement s'est engagé « à assurer à toutes les personnes occupées dans l'agriculture les mêmes droits d'association et de coalition qu'aux travailleurs de l'industrie, et à abroger toute disposition législative ou autre ayant pour effet de restreindre ces droits à l'égard des travailleurs agricoles », la législation chilienne a, depuis 1947, restreint les droits d'association et de coalition des travailleurs agricoles sur les différents points suivants:
- 1. Aux termes de l'article 426 du Code du travail, les travailleurs agricoles ne peuvent constituer de syndicats que dans le cadre d'un même domaine agricole, alors que, selon l'article 366 du Code, les syndicats de travailleurs de l'industrie peuvent adopter deux formes différentes : syndicats d'entreprise (industriales) ou syndicats professionnels (profesionales).
- Il résulte de cette différence établie par la loi que les travailleurs agricoles n'ayant pas le droit de constituer des «syndicats professionnels» sont privés:
- a) du droit de constituer des syndicats débordant le cadre d'une entreprise;
- b) du droit de constituer des fédérations et des confédérations.
- 2. Ainsi que la Commission l'a déjà signalé en 1954, les dispositions de l'article 433 du Code aboutissent en fait à interdire aux travailleurs saisonniers ou occasionnels de constituer des syndicats. En effet, aux termes de cet article, les ouvriers qui désirent constituer un syndicat doivent avoir plus d'une année de services ininterrompus sur le même domaine et représenter 40 pour cent au moins des ouvriers employés dans ce domaine.
- Une disposition de cet ordre est même susceptible d'aboutir, en fait, à interdire toute possibilité de constituer un syndicat, notamment dans les domaines qui emploient une forte proportion de main-d'oeuvre saisonnière ou occasionnelle.
- Pour le surplus, la Commission doit se référer aux observations détaillées qu'elle a présentées depuis 1953 et ne peut qu'exprimer l'espoir que le gouvernement qui, à de nombreuses reprises au cours des dernières années, a donné à la Commission de la Conférence l'assurance qu'il apportera les modifications nécessaires à sa législation, pourra indiquer à la prochaine session de la Conférence quelles mesures il entend prendre pour remplir ses obligations.
- Lors de la 39ème session de la Conférence (1956), le délégué gouvernemental du Chili a fait, devant la Commission de l'application des conventions et recommandations, une déclaration aux termes de laquelle « les divergences signalées par la Commission d'experts découlent des règlements d'application et n'impliquent pas qu'il existe une discrimination quelconque quant au droit d'organisation entre les travailleurs agricoles et les travailleurs de l'industrie... Son gouvernement considère que l'article 1 de la convention est pleinement appliqué au Chili et il n'admet pas l'interprétation de la législation nationale que donne la Commission d'experts ». La Commission de la Conférence, cependant, par le truchement de son président, a souligné que l'« interprétation donnée par la Commission d'experts est partagée par tous les membres de la Commission de la Conférence. Il est clair que la convention n'est pas appliquée au Chili. La Commission a donc exprimé l'espoir que son avis serait porté à la connaissance du gouvernement et que celui-ci ferait tout son possible pour assurer la pleine application de la convention. Ce rapport a été adopté par la suite par la Conférence elle-même. En 1957, la Commission d'experts, lors de son examen du rapport du gouvernement, a pris note « du fait qu'en 1957, le gouvernement ne contestait plus le bien-fondé des observations qu'elle avait présentées depuis de nombreuses années et fait procéder aux études préliminaires destinées à apporter à la législation toutes les modifications nécessaires pour la mettre en harmonie avec les prescriptions de la convention... La Commission ne peut donc qu'exprimer une fois de plus l'espoir que l'adoption des nouvelles mesures législatives en cours d'étude mettra fin à une violation caractérisée de la convention par des dispositions qui, depuis bientôt dix ans, restreignent considérablement le droit d'association et de coalition des travailleurs agricoles».
- 98. Prenant acte des conclusions susmentionnées de la Commission de l'application des conventions et recommandations de la Conférence internationale du Travail et de la Commission d'experts, le Comité estime que, s'agissant de l'application d'une convention ratifiée par le Chili, il lui appartient de reprendre à son compte ces conclusions et, à cet égard, il recommande au Conseil d'administration d'appeler instamment sur elles l'attention du gouvernement du Chili et de souligner l'importance qu'il attache à ce que des mesures soient prises sans délai par le gouvernement afin de mettre sa législation nationale en harmonie avec les obligations qu'il a solennellement contractées en ratifiant la convention.
- Allégations relatives à l'interdiction faite aux fonctionnaires et aux travailleurs du secteur public de se syndiquer
- 99. Pour ce qui a trait aux allégations concernant l'interdiction imposée aux fonctionnaires de constituer des syndicats, le gouvernement admet que l'article 368 du Code du travail (article invoqué par la loi de défense permanente de la démocratie) dispose : « Ne pourront se grouper en syndicats ni s'affilier à un syndicat les employés ou ouvriers qui prêtent leurs services à l'Etat, aux municipalités, ou qui appartiennent à des entreprises d'Etat ». Cette interdiction, déclare le gouvernement, existe aussi dans le statut administratif.
- 100. Dans ces conditions, le Comité, étant donné l'interdiction expresse du droit d'association pour les travailleurs au service de l'Etat, qui est contenue dans le Code du travail du Chili, considère nécessaire, tenant compte du principe formulé à l'occasion du cas no 5 (Inde), sur l'« importance que revêt, pour les employés de l'Etat ou des autorités locales, le droit de constituer et de faire enregistrer des syndicats », de faire remarquer l'incompatibilité de l'interdiction figurant à l'article 368 du Code du travail avec le principe généralement admis selon lequel les travailleurs, sans aucune distinction, doivent avoir le droit de constituer, sans autorisation préalable, les syndicats de leur choix. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement du Chili sur le fait que la législation en vigueur est incompatible avec les principes ci-dessus.
- Allégations relatives à la loi de stabilisation des traitements, des salaires et des prix
- 101. La loi no 12006, du 23 janvier 1956, sur la stabilisation des traitements, des salaires et des prix, porterait préjudice, selon les plaignants, aux travailleurs et favoriserait les entrepreneurs. La loi n'autoriserait qu'un rajustement des traitements inférieur à l'augmentation réelle du coût de la vie. La protestation formulée par les organisations syndicales contre cette loi, lorsqu'elle était encore à l'état de projet, aurait provoqué des sanctions contre les dirigeants syndicaux. Le gouvernement répond, à propos des allégations examinées ci-dessus, que la pression exercée par diverses organisations sur le pouvoir législatif pour que celui-ci rejette le projet correspondait au délit de sédition.
- 102. Dans des cas antérieurs, le Comité a décidé qu'il ne lui appartenait pas d'examiner des questions relatives à la politique économique du gouvernement et qui n'ont pas de relation directe avec l'exercice de la liberté syndicale. Etant donné ce principe et considérant que dans des paragraphes antérieurs, il a déjà examiné la question de la répression de la grève du 9 janvier 1956, le Comité considère que la loi no 12006, du 23 janvier 1956, sur la stabilisation des traitements, des salaires et des prix, ne constitue pas un texte législatif qui ait directement rapport à l'exercice des droits syndicaux et, pour cette raison, recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 103. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur les dispositions contenues à l'article 40 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail selon lequel les membres du Conseil d'administration doivent jouir des privilèges et immunités nécessaires pour pouvoir exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation, et de décider que, sous réserve des observations qui figurent aux paragraphes 59 à 63 ci-dessus, cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi ;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur les recommandations faites par le Conseil d'administration lorsqu'il a approuvé les rapports du Comité portant sur les cas nos 10 et 43, recommandations selon lesquelles le gouvernement devrait examiner la possibilité de réétudier la loi sur la défense permanente de la démocratie à la lumière des principes généralement admis en matière de liberté syndicale ;
- c) pour les raisons indiquées aux paragraphes 97 et 98 ci-dessus, d'attirer instamment l'attention du gouvernement du Chili sur les conclusions adoptées par la Commission de la Conférence sur l'application des conventions et recommandations et adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa 39ème session, ainsi que sur celles de la Commission d'experts (1957), relatives à l'application au Chili de la convention sur le droit d'association (agriculture), 1921, ratifiée par le Chili, et de souligner l'importance qu'il attache à ce que des mesures soient prises sans délai par le gouvernement afin de mettre sa législation nationale en harmonie avec les obligations qu'il a solennellement contractées en ratifiant la convention ;
- d) d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu'une organisation centrale librement constituée puisse fonctionner en toute liberté et d'envisager de mettre sa législation en plus grande harmonie avec le principe selon lequel les employeurs et les travailleurs devraient avoir le droit de créer et d'adhérer à des fédérations et à des confédérations ;
- e) pour les raisons indiquées au paragraphe 100 ci-dessus, d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur le fait que l'article 368 du Code du travail chilien est incompatible avec le principe selon lequel les travailleurs, y compris ceux qui sont au service de l'Etat, devraient avoir le droit de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable ;
- f) pour les raisons indiquées au paragraphe 82 ci-dessus, d'attirer l'attention du gouvernement du Chili sur le fait que le décret no 4161 du 20 septembre 1955 qui prévoit une autorisation de la part du gouverneur provincial avant que les candidats à un poste syndical soient à même de se présenter, autorisation qui est accordée ou refusée sur la base d'un rapport de police, est incompatible avec le principe selon lequel les organisations d'employeurs et de travailleurs devraient avoir le droit d'élire librement leurs représentants ;
- g) de décider que les allégations relatives à l'exercice du droit de grève (sous réserve des observations du paragraphe 78), aux violations de la liberté d'expression, aux obstacles mis à la constitution de syndicats, à la disqualification des dirigeants syndicaux de la province de Concepción et à l'application de la loi sur la stabilisation des traitements, des salaires et des prix, n'appellent pas un examen plus approfondi pour les raisons indiquées aux paragraphes 76, 92, 94 et 102 ci-dessus ;
- h) pour les raisons indiquées aux paragraphes 67 et 68 ci-dessus, de prendre note du présent rapport intérimaire du Comité en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes, étant entendu que le Comité fera, de nouveau, rapport à ce sujet lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement ;
- i) de demander au gouvernement du Chili de bien vouloir envisager la possibilité de réexaminer de manière approfondie sa législation actuelle à la lumière des recommandations qui précèdent et des dispositions de la convention sur le droit d'association (agriculture), 1921, de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 ;
- j) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne le deuxième groupe des plaintes (cas nos 153 et 154), étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport à ce sujet lorsqu'il sera en possession des observations du gouvernement du Chili.