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Interim Report - REPORT_NO49, 1961

CASE_NUMBER 143 (Spain) - COMPLAINT_DATE: 15-APR-59 - Closed

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  1. 98. Poursuivant l'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale déposées contre le gouvernement de l'Espagne par la C.I.S.L, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil et la allègue, le Comité de la liberté syndicale, à sa vingt-cinquième session (mai 1960), a présenté au Conseil d'administration un nouveau rapport intérimaire, qui a été adopté par ce dernier et contenait certaines conclusions, recommandations et demandes d'informations complémentaires.
  2. 99. Les conclusions du Comité, telles qu'elles ont été adoptées par le Conseil d'administration, ont été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre du 6 juin 1960. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre du 21 octobre 1960. Le présent document ne traite que des allégations restées en suspens.

Allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève (Charte du travail, loi du 29 mars 1941 et Code pénal pris ensemble)

Allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève (Charte du travail, loi du 29 mars 1941 et Code pénal pris ensemble)
  1. 100. Ces allégations, de même que les réponses initiales du gouvernement à leur sujet, ont déjà été analysées et examinées aux paragraphes 125-131 du trentième rapport du Comité et aux paragraphes 81-88 de son quarante et unième rapport. A l'issue de l'examen du cas auquel il avait alors procédé, le Comité, après avoir noté la déclaration du gouvernement selon laquelle, en vertu de la législation en vigueur, les dispositions pénales ne sauraient être appliquées qu'en cas de sédition et non en cas d'arrêt du travail, avait cependant relevé que l'article XI (2) de la Charte du travail déclarait que «toute action collective ou individuelle qui nuit au rythme normal de la production ou qui risque de lui nuire sera considérée comme un crime contre l'Etat ». Il avait constaté en outre que, de son côté, la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat prévoyait, à son article 44, que «les lock-outs et les grèves seront punissables d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans » et, à son article 46, que « toute personne qui cause, de quelque manière que ce soit, la suspension totale ou partielle du fonctionnement des services publics... ou la grève et le lock-out mentionnés à l'article 44 sera passible d'une peine d'un an à trois ans de prison». Le Comité avait noté, enfin, que l'article 222 du Code pénal qualifiait «les grèves de travailleurs» d'actes de sédition punissables d'une peine de prison. Le Comité avait donc estimé que les dispositions législatives relatives à la grève qui viennent d'être rappelées et, singulièrement, les dispositions pénales, étaient rédigées en des termes si larges qu'elles étaient susceptibles d'une application incompatible avec les principes de la liberté syndicale. C'est pourquoi, au paragraphe 104 b) de son quarante et unième rapport, il avait fait au Conseil d'administration la recommandation suivante, ultérieurement réaffirmée dans son quarante-septième rapport:
  2. 104. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  3. ......................................................................................................................................................
  4. b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève:
  5. i) de noter à nouveau la déclaration du gouvernement selon laquelle les travailleurs ne sauraient être punis en vertu des dispositions du Code pénal pour le simple fait d'avoir cessé le travail;
  6. ii) de noter que, dans leur application, et en raison de leur rédaction, les textes législatifs actuels risquent de ne pas être interprétés conformément à ce principe;
  7. iii) de demander, pour cette raison, au gouvernement espagnol, en admettant que tel est bien l'esprit de la loi, s'il a pris les mesures nécessaires pour que les autorités chargées d'engager des procédures légales soient pleinement conscientes de cet esprit et de la portée exacte des textes qu'elles ont la tâche d'appliquer;
  8. iv) de constater que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves d'une manière absolue, ce qui ne serait pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
  9. v) de suggérer au gouvernement que dans ces conditions il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à cette législation.
  10. ......................................................................................................................................................
  11. 101. Dans sa réponse du 21 octobre 1960, le gouvernement déclare tout d'abord avoir pris note des conclusions contenues au paragraphe 104 b) du quarante et unième rapport cité plus haut. Se référant ensuite à la demande formulée à l'alinéa iii) dudit paragraphe, le gouvernement indique que l'application des règles de droit relève du pouvoir judiciaire, lequel est à cet égard autonome et indépendant, et que le gouvernement ne saurait en conséquence intervenir dans ce domaine. Si - ajoute-t-il - la loi se révélait injuste dans son application, il conviendrait d'y apporter une révision qui incomberait aux Cortès.
  12. 102. Etant donné les explications fournies par le gouvernement, le Comité a relevé à nouveau la déclaration, déjà notée par le Conseil d'administration, selon laquelle les travailleurs ne sauraient être punis pour le simple fait d'avoir cessé leur travail; il a en outre réaffirmé la constatation qu'il avait faite que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève et, plus précisément, les dispositions de la Charte du travail, de la loi de 1941 sur la sécurité de l'Etat et du Code pénal prises ensemble, risquent d'être interprétées comme interdisant les grèves d'une manière absolue, ce qui ne serait pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale; étant donné d'autre part la dernière déclaration du gouvernement selon laquelle, en cas d'application erronée de la législation, il appartient aux Cortès de procéder à une révision de cette législation, le Comité recommande au Conseil d'administration, tout en prenant acte du fait que le gouvernement dit avoir pris note des conclusions contenues au paragraphe 104 b) du quarante et unième rapport du Comité, de suggérer de nouveau au gouvernement, comme il l'avait fait dans ce paragraphe, d'envisager de soumettre aux autorités nationales compétentes, savoir, aux Cortès, des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés aux textes législatifs mentionnés plus haut dans la mesure où ils affectent le droit de grève.
  13. Allégations relatives à un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public
  14. 103. Par une communication du 21 juin 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil déclare que le bulletin officiel des Cortès du 12 juin 1959 contient le texte d'un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public. D'après ce projet, les actes suivants seraient punissables comme contraires à l'ordre public: actes susceptibles de nuire à la circulation et à la distribution des marchandises et denrées; actes susceptibles de nuire au fonctionnement normal des services publics; arrêts du travail, grèves et fermetures d'établissements. Le projet de loi ajoute que si les actes préjudiciables à l'ordre public sont considérés comme sérieux, le ministre proclamera l'état d'urgence dans tout le pays. Dans ce cas, il aura le pouvoir d'arrêter toute personne qui, à son avis, menace l'ordre public, de perquisitionner les domiciles privés de jour ou de nuit, d'établir une censure de toutes publications, émissions radiophoniques et spectacles publics, d'instituer enfin des tribunaux d'exception.
  15. 104. Les plaignants déclarent qu'une telle loi, si elle devait être appliquée, priverait les travailleurs de moyens essentiels de défendre et de promouvoir leurs intérêts ou de protester contre des injustices éventuelles, tout arrêt du travail devenant en effet un délit qui serait jugé par des tribunaux d'exception.
  16. 105. En l'absence des observations du gouvernement sur ces allégations, le Comité, à sa réunion de novembre 1959, a décidé de charger le Directeur général d'obtenir du gouvernement lesdites observations avant de présenter sur cet aspect du cas ses recommandations au Conseil d'administration.
  17. 106. Saisi à nouveau du cas à sa réunion de mai 1960, le Comité a constaté que, dans une communication du 15 février 1960, le gouvernement déclarait que le projet de loi mentionné dans les allégations formulées était dans l'intervalle devenu la loi sur l'ordre public du 30 juillet 1959.
  18. 107. Dans sa communication du 15 février 1960, le gouvernement nie que la loi rende punissable comme contraires à l'ordre public « les arrêts de travail, les grèves et les lock-outs ». L'article 2 de la loi - déclare le gouvernement, qui ne fait pas allusion aux grèves (huelgas) -dispose que les arrêts collectifs de travail (paros colectivos), les lock-outs ou fermetures illicites d'entreprises seront considérés comme contraires à l'ordre public.
  19. 108. Le gouvernement conteste que le ministre compétent soit habilité à décréter l'état d'urgence dans l'ensemble du territoire espagnol; la loi établit des critères rigoureux pour la proclamation d'«ordonnances proclamant l'état d'urgence et suspendant les garanties constitutionnelles », ce qui est prévu dans la législation de tous les pays. Aux termes de l'article 25 de la loi, le gouvernement (et non le ministre) peut déclarer l'état d'exception par voie de décret qui doit immédiatement être soumis aux Cortès, lesquelles ratifient ou annulent le décret (art. 26); si le décret est ratifié, il doit repasser devant les Cortès au bout de trois mois.
  20. 109. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la déclaration de l'état d'urgence habilite le ministre compétent à effectuer des arrestations, des perquisitions et à établir la censure, le gouvernement déclare que de telles prérogatives sont inhérentes à l'état d'exception et qu'elles existent dans tous les pays en pareille circonstance. Toutefois - déclare le gouvernement -, des précautions sont prises pour éviter les abus: ainsi, l'article 25, al. 2, de la loi prévoit que le décret proclamant l'état d'exception doit indiquer les garanties juridiques qui sont suspendues, alors que l'article 30 garantit le caractère objectif des perquisitions et enquêtes et que l'article 32 prévoit le versement d'indemnités en cas d'éventuels préjudices causés à ces occasions.
  21. 110. Le gouvernement conteste que la loi autorise le ministre à instituer des tribunaux d'exception. Lorsque l'état d'urgence est proclamé, les tribunaux ordinaires se constituent automatiquement en tribunaux d'exception relevant uniquement du pouvoir judiciaire; ainsi, les juges mènent en toute indépendance l'instruction des affaires en appliquant les règles de procédure de l'instruction criminelle « sans les modifier plus que ne le réclament les besoins de la procédure d'exception » et en donnant aux accusés toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière en matière de défense, de preuve, d'appel, telles qu'elles sont établies Par les articles 49, 50 et 51 de la loi.
  22. 111. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle « l'exercice du droit de grève est considéré comme un délit passible des tribunaux d'urgence annoncé par le texte de la loi », le gouvernement déclare que la loi n'établit pas de nouveaux délits, mais qu'elle se borne à énumérer les actes contraires à l'ordre public. L'article 44 dispose que les tribunaux « ne connaîtront que des actes énoncés à l'article 2 qui constituent des délits ». De tels actes ne constituent pas toujours des délits.
  23. 112. Lorsqu'il a examiné cet aspect du cas à sa session du mois de mai 1960, le Comité a estimé que le point essentiel sur lequel il convenait d'avoir une idée nette avant de pouvoir aboutir à une conclusion était la signification de l'expression « arrêts collectifs de travail » contenue à l'article 2 de la loi. Il est allégué - relevait le Comité - que la loi rend la grève illégale; le gouvernement déclare que le mot huelga - mot signifiant normalement «grève» - n'est pas utilisé, mais que l'article 2 de la loi rend contraires à l'ordre public et par suite punissables les «arrêts collectifs de travail » (paros colectivos). La nuance n'étant pas claire à ses yeux, le Comité a estimé, avant d'examiner cet aspect du cas plus avant, devoir demander au gouvernement de lui indiquer quelle est la portée exacte de l'expression «arrêts collectifs de travail » (paros colectivos) et les circonstances dans lesquelles la cessation du travail est considérée comme une grève (huelga) et non comme un arrêt collectif du travail (paro colectivo) punissable en vertu de la nouvelle loi.
  24. 113. Dans sa réponse en date du 21 octobre 1960, le gouvernement donne à cet égard les explications suivantes. De l'avis du gouvernement, dans l'interprétation qu'il a donnée de la loi et qui est rappelée au paragraphe précédent, le Comité n'a pas attaché l'importance qu'il convenait au libellé de l'article 2 c), lequel est ainsi conçu: «Sont considérés comme portant atteinte à l'ordre public ... les arrêts collectifs du travail, les lock-outs et les fermetures illicites des entreprises, ainsi que toute mesure tendant à provoquer ou susciter l'un de ces actes.» Le terme «illicites » qu'emploie la loi dans le paragraphe cité - déclare le gouvernement - «présente le plus grand intérêt lorsqu'il s'agit d'interpréter correctement cette loi; il y a lieu de souligner que ce qualificatif s'applique à toute action possible commise en marge de la loi et en violation de cette dernière, tant par les travailleurs que par les entreprises ».
  25. 114. De ces explications, il ressort que seuls les arrêts du travail et les lock-outs illicites sont, aux termes de la loi, des actes contraires à l'ordre public. Le gouvernement poursuit en précisant que, contrairement à ce qu'allèguent les plaignants et à l'interprétation que semble avoir donnée le Comité, ces actes « contraires à l'ordre public » ne sont pas des délits punissables, les seules sanctions susceptibles d'être encourues étant les amendes minimes prévues par l'article 19 de la loi.
  26. 115. Le gouvernement indique ensuite que les termes « arrêt collectif de travail » n'ont pas été autrement précisés par la loi pour donner plus de souplesse au texte. D'après le gouvernement, il appartient au juge de déterminer tout d'abord s'il s'agit ou non d'un «arrêt collectif de travail ». Dans l'affirmative, il s'agit dans tous les cas d'un acte «contraire à l'ordre public ». Le juge détermine alors s'il s'agit d'un simple acte «contraire à l'ordre public » susceptible d'entraîner uniquement les peines d'amende mentionnées au paragraphe précédent ou si, en plus d'être un acte «contraire à l'ordre public», les circonstances dont il s'entoure font de lui un crime punissable, alors, de peines plus sévères.
  27. 116. Quant à la définition du terme « crime » en cette matière, une plainte de la C.I.S.L du 21 octobre 1960, doublée d'une plainte de la allègue sur le même sujet, transmises par les Nations Unies, allèguent qu'un décret du 21 septembre 1960 précise et étend ce qu'il faut entendre par crime de rébellion militaire. D'après ce décret, seront coupables de rébellion militaire et passibles des peines prévues dans le Code de justice militaire, ceux qui répandent des nouvelles fausses ou tendancieuses afin de troubler l'ordre public intérieur, de provoquer des conflits internationaux ou de porter atteinte au prestige de l'Etat, de ses institutions, du gouvernement, de l'armée ou des autorités espagnols; ceux qui, de quelque façon que ce soit, se réunissent pour conspirer ou prennent part à des réunions, des conférences ou des manifestations tendant aux mêmes fins. Plus précisément, l'article 2 du décret prévoit expressément que les grèves, les grèves « sur le tas », les actes de sabotage ou autres actes similaires, lorsqu'ils poursuivent un but politique ou sont susceptibles de troubler l'ordre public, seront considérés comme crimes de rébellion militaire passibles des peines prévues par le Code de justice militaire.
  28. 117. La plainte de la C.I.S.L du 21 octobre 1960 a été transmise au gouvernement par une lettre du les novembre 1960; la plainte de la allègue a également été transmise au gouvernement. Celui-ci n'a pas encore eu l'occasion de présenter ses observations à leur sujet. Etant donné que les questions soulevées dans les dernières plaintes de la C.I.S.L et de la allègue sont intimement liées à celles qui sont étudiées aux paragraphes 103 à 115 ci-dessus, le Comité a décidé d'attendre d'être en possession des observations sollicitées du gouvernement au sujet de ces deux plaintes avant de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.
  29. Allégations relatives aux mesures prises à l'égard de travailleurs du chantier naval de Sestao et de mineurs du puits Maria Luisa à la suite de grèves
  30. 118. Dans une communication du mois de décembre 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que plusieurs travailleurs, dont elle donne la liste, auraient été punis à la suite d'une grève déclenchée dans les chantiers navals de Sestao. Les plaignants s'abstiennent toutefois de préciser en quoi auraient consisté les punitions encourues. Ils allèguent en outre que tous les autres travailleurs ayant participé à la grève (sans les nommer) auraient fait l'objet de brimades.
  31. 119. A sa session de mai 1960, le Comité, en l'absence des observations du gouvernement, avait décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas. Dans sa communication du 21 octobre 1960, le gouvernement nie qu'aucunes représailles aient été exercées contre les travailleurs des chantiers navals de Sestao. En ce qui concerne les Il personnes nommément désignées, le gouvernement fournit les renseignements suivants. M. Restituto Pedro Marcos n'a été ni arrêté, ni jugé. Il est actuellement employé à la compagnie Metatal d'Echevarri (Biscaye). M. Ignacio Sanz Larrea a un casier judiciaire; il a été jugé en 1939 pour vol; emprisonné il a été relâché peu après; il travaille maintenant à la firme Industrias Juste, S.A. M. Carlos Casaseca Casado n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il est actuellement employé aux chantiers navals de Cadagua. M. Pablo Rodriguez de Castro n'a pas passé en jugement; il travaille pour la firme Industrias Juste, S.A. M. Juan de la Fuente n'a été ni arrêté, ni traduit en justice, il a émigré en Australie. M. Gregorio Rocandio n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il est employé par les usines IPSA de Bilbao. M. Ernesto Montalban n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il travaille maintenant à l'usine métallurgique de Bucena. M. Juan José Galindo n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il travaille actuellement au barrage de Somne. M. Roberto Homes n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il est employé à la compagnie de construction navale et de remorquage Euskalduna de Bilbao. M. Antonio Narváez n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il est actuellement employé dans la même compagnie que M. Hornes. M. Andrés González n'a été ni arrêté, ni traduit en justice; il travaille actuellement à l'école d'apprentissage d'Orcuella.
  32. 120. L'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue en outre que plusieurs travailleurs du puits Maria Luisa - dont deux sont mentionnés par leur nom - auraient été condamnés par un tribunal militaire pour avoir participé à un mouvement de grève.
  33. 121. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'en 1957, plusieurs actes de sabotage ont eu lieu dans le puits Maria Luisa. Parmi les travailleurs ayant pris part à ces actes de sabotage, se trouvaient des individus faisant leur service militaire en affectation spéciale. A la suite des sabotages, les travailleurs mobilisés ont été renvoyés à leur régiment, à Oviedo. En plus des deux personnes mentionnées par les plaignants - déclare le gouvernement -, six autres travailleurs ont été arrêtés pour sabotage et actes de violence et condamnés à six mois et un jour de prison. Le gouvernement indique en terminant que les intéressés ont tous été libérés depuis longtemps et qu'ils ont repris leur travail.
  34. 122. Il paraît ressortir des informations précises données par le gouvernement que les travailleurs des chantiers navals de Sestao mentionnés par les plaignants n'ont pas subi de préjudice sérieux en raison de leur participation au mouvement de grève de 1957: aucun d'entre eux n'a été arrêté, aucun d'entre eux n'a passé en jugement, et tous -- mise à part la personne qui a émigré en Australie - semblent normalement occupés dans diverses entreprises. Dans ces conditions, compte tenu par ailleurs du caractère assez vague des allégations formulées, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu, en l'occurrence, atteinte à la liberté syndicale.
  35. 123. En ce qui concerne d'autre part les mesures qui ont frappé certains travailleurs du puits Maria Luisa, elles paraissent avoir été motivées par des actes de sabotage et non en raison d'activités syndicales. D'ailleurs, les travailleurs auxquels elles se sont appliquées semblent s'être trouvés sous les drapeaux au moment où elles ont été prises. Dans ces conditions, notant en outre que les intéressés paraissent tous avoir été libérés, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu en l'espèce violation de la liberté syndicale.
  36. 124. En conséquence, pour les raisons indiquées aux paragraphes 118 à 123 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que les allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de travailleurs du chantier naval de Sestao et de mineurs du puits Maria Luisa n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
  37. Allégations relatives à l'arrestation de trente-quatre travailleurs des Asturies et à l'exil de dix-sept autres en Estrémadure pour avoir participé à des grèves
  38. 125. Dans une communication du 31 décembre 1958, adressée au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier à l'O.I.T, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil donne le nom de 34 travailleurs qui seraient encore emprisonnés après avoir été arrêtés pour participation à la grève des mineurs des Asturies en mars 1958; 17 autres travailleurs auraient été exilés en Estrémadure.
  39. 126. A sa session de mai 1960, le Comité, en l'absence des observations du gouvernement sur cet aspect du cas, a décidé d'en ajourner l'examen à sa présente session.
  40. 127. Dans sa réponse du 21 octobre 1960, le gouvernement indique que 32 travailleurs - et non 34 comme l'affirment les plaignants - ont passé en jugement, non pour avoir participé à une grève, mais pour avoir clandestinement reconstitué le parti communiste des Asturies, ce qui, en Espagne, est un crime punissable en vertu de la loi nationale. Le procès a eu lieu le 22 décembre 1958 en présence de journalistes espagnols et étrangers et s'est entouré de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière. M. Higinio Canda Diaz - déclare le gouvernement -, chargé de la liaison avec le parti communiste français, ayant effectué plusieurs voyages en France et principal instigateur du mouvement de reconstitution du parti communiste des Asturies, est celui qui a été condamné le plus sévèrement. Les autres coupables se sont vu infliger des peines de moindre importance. La plupart d'entre eux - déclare le gouvernement en terminant - ont maintenant purgé leur peine et ont été remis en liberté.
  41. 128. Etant donné les explications fournies par le gouvernement, le Comité estime que l'arrestation des personnes mentionnées dans la plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil paraît avoir pour origine les activités politiques illicites déployées par les intéressés et non leurs activités syndicales ou leur participation à une grève. Constatant d'autre part que les peines encourues par les personnes en cause leur ont été infligées par un tribunal siégeant en audience publique et selon une procédure judiciaire régulière paraissant offrir les garanties nécessaires, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu pour lui de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.
  42. Allégations relatives à la condamnation de trente-deux travailleurs coupables d'avoir tenté de reconstituer l'Union générale des travailleurs de Saragosse
  43. 129. Dans une lettre du 17 mars 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que 32 travailleurs auraient été arrêtés à Saragosse, en 1948, pour avoir tenté de réorganiser l'Union générale des travailleurs, maintenus en prison une année durant, relâchés sous caution et, enfin, le 17 février 1959, onze ans après, condamnés à des peines d'emprisonnement de trois mois à six ans. Les plaignants donnent le nom des personnes intéressées.
  44. 130. A sa session de mai 1960, le Comité, en l'absence des observations du gouvernement, a décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas à sa prochaine session.
  45. 131. Dans sa réponse du 21 octobre 1960, le gouvernement confirme que trente-deux personnes ont été arrêtées à Saragosse en 1948. Il déclare toutefois que le motif de cette mesure résidait dans le fait que les intéressés s'étaient livrés à une propagande illégale, détenaient illégalement des armes à feu et avaient tenté de créer un parti politique de tendance marxiste, ce qui est puni par la loi espagnole. Le fait que le procès de ces personnes n'ait pas eu lieu avant plusieurs années tient à ce que l'affaire relevait des tribunaux ordinaires et non de la justice militaire. Un nombre important d'affaires antérieures figurant au calendrier du tribunal compétent, l'affaire en question n'a pu passer qu'en 1959. Dans l'intervalle -- déclare le gouvernement -, les intéressés se trouvaient en liberté et libres de vaquer à leurs occupations normales. Les peines prononcées par le tribunal compétent, lequel a suivi une procédure accompagnée de toutes les garanties appropriées, n'ont pas excédé six mois de prison, sauf dans le cas de MM. Bernardo Gracia Miguel et Donato Navarro Jaulin, tous deux récidivistes. Tous les autres accusés sont actuellement en liberté et ont repris leurs occupations.
  46. 132. Etant donné les explications fournies par le gouvernement, le Comité, ici encore, estime que l'arrestation des personnes mentionnées par les plaignants paraît avoir pour origine les activités politiques illicites déployées par les intéressés et que, les peines encourues par eux ayant été prononcées par un tribunal ordinaire selon une procédure paraissant présenter les garanties nécessaires, il convient pour lui de recommander au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  47. Allégations concernant l'arrestation de militants syndicaux opérée en février 1960
  48. 133. Par une communication du 18 août 1960, la F.S.M a formulé des allégations aux termes desquelles, au mois de février 1960, au cours d'une vaste opération policière qui aurait couvert les principales villes d'Espagne, un grand nombre de travailleurs et de militants syndicaux auraient été arrêtés, malmenés et jetés en prison en raison de leurs activités syndicales, pour avoir participé à des mouvements de grève et pour avoir formulé et défendu des revendications économiques et sociales afin d'obtenir une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Les plaignants donnent une liste de 21 noms de personnes qui auraient ainsi été arrêtées.
  49. 134. Cette plainte de la F.S.M a été transmise au gouvernement par une lettre du 5 septembre 1960. Le gouvernement n'a pas encore présenté d'observations à son sujet.
  50. 135. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir fournir ses observations sur cet aspect du cas en attirant son attention sur le fait que les allégations en question rentrent dans la catégorie de celles qui doivent être traitées en priorité par le Comité et le Conseil, conformément à la décision prise par le Conseil en novembre 1958, puisque, aussi bien, elles ont trait à des questions mettant en cause la vie ou la liberté d'individus, et de demander en conséquence au gouvernement de fournir sur ces questions une réponse particulièrement rapide.
  51. Allégations relatives au procès intenté en Catalogne à quatre-vingt-dix-neuf travailleurs accusés d'avoir voulu reconstituer la Confédération nationale du travail, mise hors la loi lors de l'accession au pouvoir du gouvernement actuel
  52. 136. Par une communication du 13 septembre 1960, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil formule un certain nombre d'allégations relatives à la situation du syndicalisme en Espagne à l'occasion d'un procès, non encore terminé, qui aurait été intenté à 99 travailleurs accusés d'avoir voulu reconstituer la Confédération nationale du travail, mise hors la loi au moment de l'accession du général Franco au pouvoir. En annexe à la plainte, figure un mémoire comprenant un examen des faits reprochés aux prévenus, de la procédure qui a été suivie à ce jour et de la législation sur la base de laquelle les poursuites ont été engagées.
  53. 137. La plainte et son annexe ont été transmises au gouvernement par une lettre du 23 septembre 1960. Le gouvernement n'a pas encore présenté ses observations à leur sujet.
  54. 138. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur cet aspect du cas aussi rapidement qu'il lui sera possible et de décider, en attendant, d'ajourner l'examen des allégations en question.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 139. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève:
    • i) de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle celui-ci a pris note des conclusions contenues au paragraphe 104 b) du quarante et unième rapport;
    • ii) de rappeler à nouveau à l'attention du gouvernement les paragraphes 81 à 88 du quarante et unième rapport, approuvés par le Conseil d'administration, paragraphes qui exposent les motifs pour lesquels il est apparu que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève et, plus précisément, les dispositions de la Charte du travail, de la loi de 1941 sur la sécurité de l'Etat et du Code pénal prises ensemble, risquent d'être interprétées comme interdisant les grèves d'une manière absolue, ce qui ne serait pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
    • iii) de suggérer une fois encore au gouvernement que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes, savoir aux Cortés, des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés aux textes législatifs mentionnés ci-dessus;
    • b) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 118 à 132 ci-dessus, les allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de travailleurs du chantier naval de Sestao et de mineurs du puits Maria Luisa, à l'arrestation de trente-quatre travailleurs des Asturies et à l'exil de dix-sept autres en Estrémadure pour avoir participé à des grèves, ainsi qu'à la condamnation de trente-deux travailleurs coupables d'avoir tenté de reconstituer l'Union générale des travailleurs de Saragosse n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de militants syndicaux en février 1960, de demander au gouvernement de bien vouloir fournir ses observations sur cet aspect du cas en attirant son attention sur le fait que les allégations en question rentrent dans la catégorie de celles qui doivent être traitées en priorité par le Comité et le Conseil, conformément à la décision prise par le Conseil en novembre 1958, puisque, aussi bien, elles ont trait à des questions mettant en cause la vie ou la liberté d'individus, et de demander en conséquence au gouvernement de fournir sur ces questions une réponse particulièrement rapide;
    • d) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives au procès intenté en Catalogne à quatre-vingt-dix-neuf travailleurs accusés d'avoir voulu reconstituer la Confédération nationale du travail, mise hors la loi par le gouvernement, de demander au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur ces allégations aussi rapidement qu'il lui sera possible et, en attendant d'être en possession desdites observations, d'ajourner l'examen de cet aspect du cas;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à la loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des observations encore attendues du gouvernement au sujet de la communication de la C.I.S.L du 21 octobre 1960 et de la F.S.M du 12 octobre 1960.
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