DISPLAYINEnglish - Spanish
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 108. Le Comité est saisi de trois plaintes : la première, datée du 11 novembre 1955, émane de la Confédération internationale des syndicats libres ; la deuxième, du 9 novembre 1955, émane de l'Union syndicale des mineurs nord-américains ; la troisième, du 28 décembre 1955, émane de la Centrale des syndicats unitaires (Amsterdam).
- 109. La plainte de la C.I.S.L a été présentée au Conseil d'administration conformément à l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail. Le Conseil d'administration l'a transmise, pour examen, au Comité de la liberté syndicale ; celui-ci, dans son dix-huitième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 130ème session (Genève, 15-18 novembre 1955), déclarait n'être « pas en mesure de faire rapport sur la substance des allégations formulées tant que le gouvernement des Pays-Bas, responsable des relations internationales des Antilles néerlandaises, n'a pas eu la possibilité de communiquer ses observations sur les allégations formulées ».
- 110. Le gouvernement a fait parvenir ses observations au Bureau sur les trois plaintes mentionnées plus haut par deux communications en date des 13 et 17 février 1956. Le Comité se trouve donc maintenant en mesure de procéder à l'examen du cas.
- 111. Les plaignants indiquent tout d'abord que, selon l'article 43 du Statut du Royaume des Pays-Bas, tous les Etats membres du Royaume jouissent des droits fondamentaux de l'homme, le Royaume ayant la responsabilité de la garantie de ces droits. Ils ajoutent que les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ont été acceptées par le gouvernement du Royaume des Pays-Bas au nom du gouvernement des Antilles néerlandaises; cependant, la convention n'aurait pas été appliquée, et l'atmosphère serait telle à Curaçao que toute activité syndicale serait devenue impossible, les syndicalistes et les membres des comités exécutifs des syndicats craignant de reprendre leurs activités syndicales normales. Les plaignants présentent ensuite les allégations spécifiques suivantes:
- 1) Plusieurs représentants de l'O.R.I.T, de la Fédération internationale des ouvriers du pétrole et d'autres organisations - organisations qui s'étaient efforcées de grouper en syndicats les travailleurs du pétrole, des mines et d'autres industries, se seraient vus empêchés de prendre la parole à des réunions syndicales, en particulier à la réunion du 2 août 1955, dont le but était de célébrer la fondation de la Confédération des travailleurs de Curaçao. Le chef de la police leur aurait notifié l'ordre qu'aucune personne non résidante des Antilles néerlandaise ne pouvait, prendre la parole à ladite réunion, bien qu'il n'y eût absolument aucun danger d'atteinte à la légalité ou à l'ordre public.
- 2) Le Syndicat des mineurs de Curaçao, organisé au début de l'année 1955, n'aurait pas été reconnu par la compagnie minière du fait que ses statuts n'auraient pas été approuvés par le gouvernement. Les négociations menées en présence d'un médiateur du gouvernement échouèrent et cette circonstance aurait contraint le syndicat à la grève. Le gouvernement aurait prescrit une période d'attente de trente jours pendant laquelle la compagnie aurait licencié vingt travailleurs. Entre temps, les statuts du syndicat auraient été officiellement approuvés ; cependant, à l'échéance de la période d'attente, le syndicat n'aurait pas encore été reconnu par la compagnie. En conséquence, la grève aurait été déclarée le 15 octobre.
- 3) Le 18 octobre, trois membres du comité exécutif auraient été arrêtés par la police sous l'accusation d'avoir provoqué un incendie sur le terrain de la compagnie. Après quatre jours pendant lesquels ils auraient été maintenus au secret, l'accusation aurait été changée et les inculpés se seraient vu reprocher d'avoir violé l'article 138 bis du Code pénal des Antilles néerlandaises, qui interdit les grèves accompagnées de violences ou susceptibles de nuire à l'économie nationale, La police se serait efforcée de persuader des syndicalistes de témoigner contre leurs chefs ; elle aurait arrêté des travailleurs à leur domicile et aurait fait des tournées en demandant aux travailleurs pourquoi ils ne reprenaient pas le travail ; le bureau de la Confédération des travailleurs aurait été fermé et mis sous scellés ; une machine à ronéoter aurait été confisquée ainsi que les livres de la Confédération. Le 27 octobre, un des détenus aurait été relâché, mais les deux autres auraient été mis en prison comme instigateurs de la grève.
- 4) A l'occasion de ladite grève, la compagnie minière aurait renvoyé 460 grévistes sur une main-d'oeuvre totale de 530 travailleurs. Après un délai de quatorze jours, tous les travailleurs étrangers congédiés auraient été déportés par le gouvernement. D'après les nouvelles publiées dans la presse, les autorités auraient rapatrié 264 grévistes en territoire britannique. La Centrale des syndicats unitaires d'Amsterdam aurait protesté contre cette déportation auprès du ministre néerlandais des Territoires d'outre-mer, mais cette protestation n'aurait pas encore reçu de réponse. Cette déportation est considérée par l'un des plaignants non seulement comme une mesure de répression contre des travailleurs en grève, mais également comme une mesure de répression colonialiste contraire aux droits démocratiques des travailleurs.
- 112. Le gouvernement néerlandais déclare dans sa réponse que, pour juger la situation syndicale dans les Antilles néerlandaises, il importe de se rendre compte que ce territoire vient de traverser une période d'industrialisation intense et que la législation existante n'est plus entièrement adaptée aux nouvelles relations professionnelles. Le syndicalisme, aux Antilles, se trouve encore au stade initial de son évolution. La source des difficultés à l'origine des plaintes doit être cherchée dans cette conjoncture. Le gouvernement ne s'oppose en aucune façon au développement du mouvement syndical ni ne voit d'inconvénient à ce que des représentants syndicaux étrangers prennent la parole à des réunions pour autant que cela soit compatible avec les lois du pays et avec l'ordre public.
- 113. En ce qui concerne l'allégation relative aux incidents survenus pendant la grève à la compagnie minière, le gouvernement déclare qu'il est exact que trois membres du comité exécutif du Syndicat des mineurs ont été arrêtés comme suspects d'avoir pris part à un incendie. L'arrestation a eu lieu conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, et lorsqu'il est apparu que toute preuve de participation à l'incendie faisait défaut, les poursuites et la détention préventive ont été fondées, sur l'initiative du ministère public et sans consultation du gouvernement des Antilles, sur l'article 138 bis du Code pénal, qui est ainsi conçu:
- Quiconque, sachant ou pouvant raisonnablement présumer qu'il en résultera vraisemblablement un trouble de l'ordre public par suite de violences, par d'autres voies de fait ou par des menaces de violences, ou bien une désorganisation de l'économie des îles ou du pays, incite ou provoque plusieurs personnes à commettre ou à refuser, malgré un ordre légalement donné, d'effectuer des travaux auxquels elles se sont engagées ou auxquels elles sont tenues par suite de leur contrat de travail, sera puni d'une peine de prison de quatre ans au maximum ou d'une amende de 1.000 florins au maximum.
- Si le fait déclaré punissable à l'alinéa précédent est commis par une personne morale, la poursuite sera entreprise et la peine prononcée contre les dirigeants établis sur le territoire des Antilles néerlandaises ou, à défaut de tels membres, contre les représentants de la personne morale sur le territoire des Antilles néerlandaises.
- Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables par analogie à la personne morale agissant comme direction ou représentation d'une autre personne morale.
- Le gouvernement indique qu'il s'agit là d'une disposition ancienne dont la modification était déjà à l'étude lorsque la grève en question dans le cas présent a été déclenchée.
- 114. La police, - poursuit le gouvernement, - ne s'est pas efforcée d'obtenir des déclarations tendancieuses des témoins ; elle s'est bornée à rechercher les preuves des faits incriminés. Elle a escorté afin d'éviter des troubles les ouvriers désireux de travailler. Les autorités compétentes de Curaçao ne sont pas au courant du fait que la police aurait demandé aux travailleurs les raisons pour lesquelles ils n'étaient pas disposés à reprendre le travail. Le chef de la police local a donné l'ordre à ses subordonnés d'être tout à fait impartiaux. Cet ordre a été rendu public. Il est exact que les locaux du syndicat ont été mis sous scellés et qu'une machine à ronéoter a été saisie comme pièce à conviction ; il est faux, par contre, que les livres du syndicat aient été confisqués ; la police a demandé au président de la Confédération des travailleurs de lui donner communication des livres du syndicat, autorisation qui a été accordée.
- 115. Il n'est nullement exact qu'il existe aux Antilles néerlandaises une atmosphère d'intimidation comme semblent l'alléguer les plaignants. Le gouvernement des Antilles néerlandaises estime que la poursuite et l'arrestation fondées sur l'article 138 bis du Code pénal n'étaient pas indiquées, ayant été décidées contrairement aux directives très claires du gouvernement. Cependant, il convient de signaler que poursuites et arrestations ont eu lieu sur la base de textes législatifs en vigueur. Le ministre de la Justice des Antilles néerlandaises est intervenu quand le ministère public se fut pourvu en appel contre la décision du juge de première instance par laquelle la citation en justice avait été déclarée nulle et les accusés avaient été remis en liberté ; il a ordonné le retrait de cet appel. Le gouvernement a pris des mesures pour éviter que de telles poursuites n'aient lieu à l'avenir sans qu'il soit consulté. En outre, le gouvernement des Antilles néerlandaises a déclaré au Parlement local que le gouvernement ne partageait pas l'opinion du ministère public.
- 116. Le gouvernement indique que toutes ces mesures, qu'il convient de juger à la lumière des circonstances et notamment de la situation très tendue qui existait à l'époque entre les travailleurs et la compagnie minière, reposaient sur des règles de droit positives ; pour cette raison, elles ne peuvent être considérées comme des mesures illégales. L'intention du gouvernement des Antilles néerlandaises, favorable à la protection des droits syndicaux et qui a donné un élan au syndicalisme naissant, a été clairement établie par son attitude pendant les poursuites et par les mesures prises en vue de modifier les anciennes dispositions légales susceptibles d'entraver le développement du mouvement syndical. La grève à l'origine des incidents relatés plus haut a pris fin par la signature d'un accord de compromis entre les parties, dont le texte a été transmis par le gouvernement au Comité de la liberté syndicale. Dans cet accord, il est prévu notamment que pendant la durée de l'accord, il n'y aura pas de grève ou de lock-out. La compagnie entend engager un expert en matière de relations de travail, qui aura pour tâche d'assurer des relations harmonieuses entre la direction et le personnel ; entre temps, un comité du syndicat sera entendu par le directeur afin de résoudre à l'amiable tout différend professionnel.
- 117. En ce qui concerne l'allégation relative à la déportation de travailleurs, le gouvernement déclare que, sur les 235 travailleurs congédiés par la compagnie en raison de la grève, 228 avaient des permis de séjour à Curaçao valables pour la durée de leur travail, tandis que 7 travailleurs avaient des permis de séjour sans condition. Il a été donné aux 228 travailleurs un délai d'au moins deux semaines pour chercher un nouvel emploi ; pendant ce délai, le service de l'emploi n'aurait pris en considération aucune autre demande de travailleurs antillais en chômage. Au début de janvier 1956, 9 travailleurs auraient obtenu de nouveaux contrats ; les 219 travailleurs restants ont dû quitter les Antilles néerlandaises. Cependant, d'après le gouvernement, toutes ces personnes peuvent être admises à nouveau dans les territoires néerlandais à la condition qu'elles y trouvent un nouvel emploi. D'après l'accord passé en date du 1er février 1956 entre la compagnie minière et le syndicat, « tous les salariés qui avaient cessé de travailler pour la compagnie le 15 octobre 1955 seront rembauchés dans leurs anciens emplois dans la mesure du possible à la condition qu'ils en fassent la demande avant le 15 février 1956 » et aux termes de l'article 7, « les travailleurs qui ont été rapatriés aux Antilles britanniques seront repris sans discrimination dans la mesure des besoins et dès que la production aura de nouveau atteint le niveau maximum conformément à un plan méthodique qui devra être établi entre le syndicat et la compagnie ».
- 118. En conclusion, le gouvernement déclare qu'étant donné l'évolution de la situation, il n'existe pas, à son avis, de raison de faire une démarche spéciale auprès du gouvernement des Antilles néerlandaises ; il va de soi, par ailleurs, que le gouvernement du Royaume des Pays-Bas ne cessera de veiller à l'avenir à ce que les obligations découlant des conventions internationales soient respectées.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 119. Le gouvernement néerlandais a ratifié le 7 mars 1950 la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Le 22 juin 1951, il en a accepté les dispositions au nom du gouvernement des Antilles néerlandaises, dont les relations avec la métropole sont régies par la Proclamation du 29 décembre 1954 : Charte du Royaume des Pays-Bas.
- 120. Les plaignants allèguent que les dispositions de la convention no 87 n'ont pas été appliquées aux Antilles néerlandaises et qu'en automne 1955, il existait dans le pays une telle atmosphère d'intimidation que les activités syndicales normales ont été interrompues, les membres et les dirigeants des syndicats craignant d'exercer leurs activités syndicales. D'après le gouvernement, la situation qui caractérisait dans ce domaine les Antilles néerlandaises à cette époque doivent être jugées à la lumière de diverses considérations : développement rapide de l'industrialisation, législation périmée par rapport aux nouvelles conditions, syndicalisme au premier stade de son développement. Le gouvernement déclare n'être nullement opposé au développement du mouvement syndical et donne l'assurance qu'il veillera à l'avenir au respect des obligations découlant des conventions. Les allégations spécifiques présentées par les plaignants sont examinées ci-dessous.
- Allégations relatives au droit de réunion et au droit de parole
- 121. La première allégation spécifique présentée par les plaignants concerne l'interdiction de prendre la parole dont plusieurs représentants d'organisations professionnelles internationales auraient fait l'objet par un ordre de la police locale, à l'occasion d'une réunion célébrant la fondation de la Confédération des travailleurs de Curaçao et tenue le 2 août 1955. Au dire des plaignants, cette mesure constitue une violation des principes implicitement reconnus par l'article 3 de la convention no 87, aux termes duquel « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit... d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ».
- 122. En ce qui concerne cette allégation, le gouvernement, sans nier expressément les faits, déclare qu'il ne voit pas d'inconvénient à ce que des représentants syndicaux étrangers prennent la parole au cours de réunions publiques, pour autant que cela soit compatible avec les lois du pays et avec l'ordre public.
- 123. Etant donné les assurances données par le gouvernement selon lesquelles le droit de parole pourra s'exercer à l'avenir sans entrave conformément à la loi et sous réserve que l'ordre public n'en soit pas troublé, le Comité, tout en soulignant à nouveau, comme il l'a fait dans plusieurs cas antérieurs, l'importance qu'il attache à la sauvegarde du droit de réunion syndicale et du droit des organisations syndicales nationales d'entretenir des relations avec les organisations professionnelles internationales, voudra peut-être recommander au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la reconnaissance syndicale
- 124. Il est allégué que le Syndicat des mineurs de Curaçao, créé en 1955, n'a pas été reconnu par la compagnie minière sous le prétexte que les statuts de cette organisation n'auraient pas été approuvés par le gouvernement. Il semble qu'au cours du différend qui a suivi, le gouvernement aurait approuvé les statuts du syndicat, mais que la compagnie minière ne l'aurait pas pour autant reconnu et que c'est pour cette raison qu'une grève aurait été déclenchée le 15 octobre 1955. Après plusieurs incidents, examinés plus loin, il semble que la question de la reconnaissance du syndicat ait trouvé une solution satisfaisante sous la forme d'un accord passé entre les parties le 1er février 1956. Dans ces conditions, tout en soulignant l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs doivent reconnaître les organisations professionnelles légalement constituées aux fins de négociations collectives, le Comité considère que si, à l'origine, cette allégation a pu être fondée, cet aspect de la plainte est devenu sans objet et il recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
- Allégations relatives aux poursuites et à la détention de dirigeants syndicaux
- 125. La deuxième allégation concerne principalement l'arrestation et les poursuites dont ont fait l'objet trois dirigeants syndicaux pendant la grève survenue à la compagnie minière en raison d'une participation supposée à un incendie volontaire et - le mal-fondé de la première accusation ayant été reconnu - pour incitation à la grève accompagnée de violences, délit prévu par l'article 138 bis du Code pénal des Antilles néerlandaises. Les plaignants allèguent que ces mesures ont eu pour effet d'empêcher le libre fonctionnement du syndicat par l'arrestation de ses dirigeants et constituent une violation du droit qu'ont les syndicats d'organiser leurs activités (article 3 de la convention no 87).
- 126. Le gouvernement reconnaît les faits, mais déclare que l'intervention des autorités locales s'est faite conformément à la loi ; que les dirigeants syndicaux ont été arrêtés conformément au Code de procédure pénale, en tant que suspects d'avoir enfreint diverses dispositions du Code pénal (participation à un incendie volontaire, provocation à une grève accompagnée de violences) ; que les poursuites intentées contre les accusés se sont déroulées conformément à la loi et que, d'une manière générale, toutes les règles ont été respectées. Le gouvernement déclare en outre que les mesures prises en vue d'établir des preuves - certaines de ces dernières étant examinées plus loin - l'ont été à la suite d'instructions données dans le cadre de la loi par le ministère public ; le gouvernement précise enfin, toutefois, que les mesures rappelées plus haut ont été prises sans consultation préalable du gouvernement des Antilles néerlandaises et qu'elles étaient contraires aux directives expresses de celui-ci.
- 127. Lorsque le juge de première instance a rejeté l'accusation du ministère public et ordonné la mise en liberté des personnes arrêtées, le gouvernement des Antilles néerlandaises est intervenu pour demander au ministère public de retirer l'appel qui avait été interjeté contre le jugement d'acquittement. Par suite, la procédure a été arrêtée, les accusés ont été libérés et le gouvernement déclare avoir pris des mesures pour éviter que des poursuites - même engagées sous une forme légale - n'aient lieu à l'avenir sans qu'il ait été préalablement consulté.
- 128. Les plaignants allèguent en outre que le siège du syndicat aurait été fermé et mis sous scellés et que la police aurait adopté une attitude tendancieuse en conduisant sous escorte les travailleurs au lieu de leur emploi et en obligeant certains d'entre eux à porter témoignage. Le gouvernement déclare que la police n'a pas adopté une attitude d'intimidation : d'après lui, la fermeture et la mise sous scellés des locaux syndicaux, la confiscation d'une machine à ronéoter, la recherche de témoins et l'examen des livres du syndicat (cette dernière mesure ayant, semble-t-il, été prise avec l'autorisation du président du syndicat) constituent autant de mesures prises conformément à la loi, ordonnées d'ailleurs par le ministère public, en vue de faire la lumière sur des faits criminels.
- 129. En ce qui concerne le principal chef d'accusation retenu contre les détenus, le gouvernement déclare qu'il découle de l'application de l'article 138 bis du Code pénal des Antilles néerlandaises, dont le texte est reproduit ci-dessus (cet article prévoit une peine d'emprisonnement ou une amende en cas d'incitation à une grève accompagnée de violences ou à une grève risquant de mettre en danger l'économie nationale) ; le gouvernement indique que c'est là une disposition ancienne dont la modification était déjà à l'étude avant qu'ait été déclenchée la grève dont il est fait état dans les plaintes.
- 130. La question qui se pose aujourd'hui au Comité est donc de savoir si l'arrestation des dirigeants syndicaux, tout d'abord, en tant que suspects d'avoir pris part à un incendie volontaire, ensuite, pour avoir incité à une grève accompagnée de violences, constitue une atteinte aux droits syndicaux. Les plaignants allèguent essentiellement que les arrestations et les accusations qui les ont suivies étaient entièrement injustifiées et qu'elles n'étaient en somme que des mesures d'intimidation destinées à faire échouer la grève et à entraver l'action syndicale. Le gouvernement reconnaît qu'aucune preuve n'a pu être apportée quant à la complicité des détenus à un incendie volontaire ; il semble d'ailleurs que semblable accusation n'ait jamais été portée devant un tribunal ; ce dont les tribunaux ont été saisis, c'est d'une accusation fondée sur la violation d'une disposition du Code pénal relative à l'incitation à la grève accompagnée de violences. Le gouvernement déclare que les poursuites se sont déroulées conformément à la procédure légale existante ; il admet toutefois que la loi invoquée est dépassée et qu'au moment où les événements en question se sont déroulés, la possibilité de l'amender était déjà à l'étude ; en outre, ajoute-t-il, les poursuites ont été entreprises sur l'initiative du ministère public en contradiction avec les vues exprimées par le gouvernement des Antilles néerlandaises, dont le ministre de la Justice est finalement intervenu pour empêcher le procureur général d'interjeter appel contre le jugement d'acquittement rendu par le tribunal de première instance. Les autres mesures contre lesquelles s'élèvent les plaignants sont en somme complémentaires de celles qui viennent d'être mentionnées ; le gouvernement les admet et indique que la fermeture et la mise sous scellés des locaux syndicaux, la confiscation d'une machine à ronéoter, etc., ont été ordonnées par le ministère public au cours de l'instruction de l'affaire.
- 131. Etant donné les faits qui viennent d'être relatés, le Comité considère que les arrestations et les poursuites mentionnées dans les plaintes n'étaient pas indiquées, comme le gouvernement se plaît d'ailleurs à le reconnaître lui-même et qu'en la circonstance, elles ont gêné les activités syndicales des personnes mises en cause ainsi que le fonctionnement normal du syndicat auquel elles appartenaient. Toutefois, notant les assurances données par le gouvernement que lesdites poursuites n'avaient pas l'approbation du gouvernement des Antilles néerlandaises, qui a finalement pris les mesures propres à y mettre un terme, qu'un amendement de la loi sur laquelle elles étalent fondées est actuellement à l'étude, qu'aucune poursuite semblable ne sera entreprise à l'avenir sans consultation préalable du gouvernement, notant, enfin, que la situation paraît s'être sensiblement modifiée du fait de la signature d'un accord collectif susceptible de marquer l'avènement de relations professionnelles plus harmonieuses, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait inopportun d'examiner plus avant cet aspect du cas, mais opportun d'attirer néanmoins l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y a à garantir, aux Antilles néerlandaises, le respect des principes contenus dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en particulier du principe selon lequel les organisations professionnelles ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, et du principe selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Le Comité recommande enfin au Conseil d'administration de décider de demander au gouvernement de le tenir au courant du résultat des mesures prises par lui en vue de remplacer les dispositions législatives en la matière qui sont devenues périmées.
- Allégations relatives à la déportation de travailleurs
- 132. En ce qui concerne l'allégation relative à la déportation d'un grand nombre de travailleurs congédiés par la compagnie minière pendant la grève, le gouvernement admet la déportation de 219 travailleurs étrangers dont les permis provisoires de séjour avaient été délivrés à la condition que leurs détenteurs ne soient pas en chômage. Le gouvernement déclare néanmoins qu'un délai de deux semaines avant d'être déportés aurait été accordé aux travailleurs pour leur permettre de trouver un nouvel emploi ; 9 travailleurs auraient bénéficié de cette mesure : les travailleurs restants peuvent être admis de nouveau dans le territoire des Antilles néerlandaises s'ils y trouvent un nouvel emploi. De plus, dans l'accord conclu le 1er février 1956 entre la compagnie et le syndicat, il est stipulé que les travailleurs déportés qui le demanderont avant le 15 février seront rengagés par la compagnie, dans la mesure du possible, conformément à un plan méthodique élaboré conjointement par les parties.
- 133. Il semblerait donc, à la suite de la conclusion dudit accord, que la situation tende sous ce rapport à devenir normale, les autorités n'ayant fait aucune objection au remploi des travailleurs déportés. Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a estimé qu'il échappait à sa compétence spécifique de procéder à l'examen de la question générale du statut des étrangers non couverts par des conventions internationales, dans la mesure où l'action entreprise à l'encontre de travailleurs étrangers ne porte pas atteinte à l'exercice des droits syndicaux. Dans le cas d'espèce, les plaignants avaient des raisons de considérer la déportation massive de tant de travailleurs comme une mesure destinée à anéantir le syndicat. Toutefois, à la lumière des événements subséquents - conclusion d'un accord prévoyant la réintégration des travailleurs déportés et absence d'obstacle juridique au retour desdits travailleurs aux Antilles néerlandaises s'ils obtiennent un nouveau contrat -, le Comité considère que cette allégation est devenue sans objet et recommande au Conseil d'administration de décider qu'elle n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 134. Dans ces conditions, étant donné les assurances formelles données par le gouvernement que les obligations découlant des conventions internationales du travail seront à l'avenir respectées et que, dorénavant, des poursuites fondées sur une disposition du Code pénal qui, de l'avis du gouvernement lui-même, est périmée et fait du reste l'objet d'une révision ne seront plus entreprises sans consultation préalable du gouvernement ; tenant d'autre part compte du fait, en ce qui concerne les allégations spécifiques formulées, que le gouvernement n'empêchera pas les délégués étrangers de prendre la parole aux réunions syndicales dans la mesure où cette latitude est compatible avec le respect de la loi et le maintien de l'ordre public, que la question de la reconnaissance syndicale S'est trouvée réglée par la conclusion d'une convention collective, que les dirigeants syndicaux arrêtés ont été acquittés et libérés et que des mesures ont été prises pour permettre aux travailleurs déportés de réintégrer leur emploi, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de souligner l'importance qu'il y a à ce qu'une application scrupuleuse soit faite de toutes les dispositions de la convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, dispositions qui ont été acceptées au nom du gouvernement des Antilles néerlandaises ;
- b) de demander au gouvernement du Royaume des Pays-Bas de faire part au gouvernement des Antilles néerlandaises du sincère espoir exprimé par le Conseil d'administration qu'il envisagera dans les plus brefs délais la modification de sa législation de manière à la mettre en plus grande harmonie avec les principes contenus dans la convention et qu'il tiendra le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés dans ce sens ;
- c) de décider que, sous réserve de ces restrictions et des observations contenues aux paragraphes 123, 124, 131 et 133 ci-dessus, le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.