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- 4. Par une communication en date du 8 novembre 1955, la Fédération des syndicats chrétiens (Genève), a déposé une plainte devant l'O.I.T, plainte aux termes de laquelle il aurait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux en Suisse. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires à l'appui des allégations qu'elle avait formulées par une lettre datée du 14 décembre 1955.
- 5. Le gouvernement suisse, auquel les communications précitées avaient été transmises par le Directeur général, a fait parvenir à celui-ci certaines observations et informations préliminaires par des lettres en date des 14 janvier 1956, 26 mai 1956, 9 janvier 1957 et 2 octobre 1957.
- 6. Ces communications ayant révélé que les faits relatifs à l'affaire se trouvaient faire l'objet d'instances devant les tribunaux judiciaires et d'arbitrage nationaux, le Comité, suivant en cela sa pratique habituelle, a décidé, à ses quatorzième, quinzième, seizième, dix-septième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième sessions, d'ajourner son examen du cas en attendant de connaître le résultat des procédures engagées.
- 7. Par une communication en date du 22 novembre 1958, le gouvernement suisse a fait tenir au Directeur général le texte de l'un des jugements attendus, intervenu le 14 juillet 1958.
- 8. De son côté, par une communication en date du 10 février 1959, l'organisation plaignante déclare retirer sa plainte.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 9. Dans sa plainte en date du 8 novembre 1955, précisée par une communication du 14 décembre de la même année, l'organisation plaignante, agissant en accord avec le Syndicat suisse de l'imprimerie, déclarait que trois typographes de Suisse alémanique, MM. E. Jaggi, L. Schutz et P. Naef, avaient été engagés par trois imprimeries genevoises en 1955. Tous trois se seraient inscrits au Syndicat suisse de l'imprimerie, qu'ils considéraient comme correspondant à leurs convictions syndicales. Il est allégué que, pour n'avoir pas adhéré à la Fédération suisse des typographes, cette organisation aurait exercé une pression telle sur les employeurs de MM. Jaggi et Schutz - y compris une menace de grève - qu'ils se seraient vus contraints de licencier ces employés. Dans le cas de M. Naef, la pression exercée aurait eu pour effet de faire adhérer ce dernier à la Fédération suisse des typographes pour pouvoir conserver son emploi.
- 10. Les plaignants signalent que, tant le Syndicat suisse de l'imprimerie que la Fédération suisse des typographes, sont liés par un contrat collectif et tenus par ce dernier de se garantir réciproquement le libre exercice du droit d'association; ils allèguent qu'en agissant comme elle l'a fait, la Fédération suisse des typographes a violé à la fois le droit de libre association et l'accord auquel elle est partie. De plus, les plaignants allèguent que la Fédération suisse des typographes a violé plusieurs dispositions de la Constitution nationale: son attitude aurait constitué une tentative en vue de réduire les trois travailleurs en question à l'état de « sujets », ce qui est contraire à l'article 4 de la Constitution; la perte de leur emploi aurait contraint ces travailleurs à quitter Genève, ce qui est une violation de l'article 45, qui garantit le droit de s'établir n'importe où sur le territoire de la Confédération; l'exercice d'une pression en vue de les contraindre à adhérer à la Fédération irait à l'encontre de l'article 49, qui garantit à chacun la liberté de conscience; enfin, la Fédération aurait violé l'article 56 de la Constitution, qui prévoit que les citoyens jouiront du libre droit d'association. Les plaignants allèguent que les principes énoncés dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ne sont pas respectés en Suisse.
- 11. En conclusion, l'organisation plaignante indique que MM. Jaggi et Schutz ont porté plainte devant les tribunaux genevois contre la section de Genève de la Fédération suisse des typographes ainsi que contre les employeurs qui les ont licenciés.
- 12. Dans sa réponse, en date du 14 janvier 1956, le gouvernement suisse déclare que, bien que n'ayant pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection syndicale, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, il se rallie entièrement aux principes qui y sont contenus.
- 13. Il déclare ensuite que l'article 56 de la Constitution garantit la liberté d'association mais ne règle que les relations entre les individus et l'Etat et non pas les relations entre organisations ou entre individus. L'Etat n'est pas tenu de garantir chaque individu contre les restrictions qui pourraient être imposées à son droit d'association par des tiers. Le gouvernement indique que le Code pénal peut être invoqué dans les cas où il y a eu contrainte manifeste, et seulement dans ces cas, ainsi, de l'avis du gouvernement, les seules dispositions pénales ne sont pas suffisantes à garantir le libre exercice du droit syndical. Notant qu'une action civile a été intentée par deux des personnes intéressées, le gouvernement déclare qu'il ne voit pour lui ni la raison ni la possibilité d'intervenir dans l'affaire. Il signale néanmoins en terminant que les tribunaux civils ont, à plusieurs reprises dans le passé, établi que les droits de la personnalité devaient être respectés même sur le plan syndical.
- 14. Par une communication ultérieure, en date du 26 mai 1956, le gouvernement indique que la Société suisse des maîtres imprimeurs, association signataire du côté employeur du contrat collectif en cause, a, de son côté, intenté une action devant le tribunal arbitral prévu dans le contrat collectif contre la Fédération suisse des typographes, partie ouvrière au contrat, pour violation de la liberté syndicale.
- 15. Par cette même communication, le gouvernement suisse suggère au Comité de la liberté syndicale d'ajourner son examen du cas en attendant de connaître le résultat des procédures engagées. Répondant à ce voeu et conformément d'ailleurs à sa pratique habituelle, le Comité a, de session en session, ajourné la formulation de ses conclusions en attendant d'être en possession des jugements attendus.
- 16. Par une lettre en date du 9 janvier 1957, le gouvernement a communiqué le texte des jugements de diverses instances civiles relativement à un cas absolument semblable à ceux qui sont en cause dans l'affaire dont le Comité est saisi en indiquant que les tribunaux civils chargés de ladite affaire ne manqueraient sans doute pas de s'en inspirer dans les cas de MM. Schutz et Jaggi. Aux termes de ces jugements (juridiction de première instance et Tribunal fédéral), le fait qu'une organisation syndicale a obtenu d'un employeur le congédiement d'un employé en raison de sa non-appartenance à cette organisation est déclaré illégal et donnant droit à indemnité à la personne lésée.
- 17. Enfin, par une communication en date du 22 novembre 1958, le gouvernement transmet le texte de la sentence arbitrale rendue, en ce qui concerne le cas Schutz, par le tribunal arbitral paritaire pour l'industrie suisse de l'imprimerie dans l'action intentée contre la Fédération suisse des typographes par la Société suisse des maîtres imprimeurs pour violation de la liberté syndicale. Il ressort de cette sentence que la Fédération suisse des typographes n'était pas fondée à agir comme elle l'a fait; elle se voit, en conséquence, condamnée à payer à la Société suisse des maîtres imprimeurs un montant de 300 francs à titre de peine conventionnelle.
- 18. De son côté, par une communication en date du 10 février 1959, la Fédération des syndicats chrétiens de Genève indique que les deux organisations syndicales en cause dans l'affaire, la Fédération suisse des typographes et le Syndicat suisse de l'imprimerie, ont signé deux accords, dont les plaignants joignent le texte à leur communication. Ces accords - déclarent les plaignants - précisent pour la première fois la reconnaissance de l'égalité des droits entre syndicats majoritaires et syndicats minoritaires. En outre, afin de garantir la liberté d'association et de travail sur toute l'étendue du territoire helvétique, ils créent un tribunal arbitral qui devra trancher tous les litiges qui pourraient surgir en ce qui concerne la liberté d'association et la liberté du travail. La Fédération des syndicats chrétiens de Genève déclare donc que la plainte qu'elle avait déposée est devenue sans objet et ajoute que les données qu'elle contenait ne devraient être considérées maintenant que comme une simple information.
- 19. Il ressort des faits exposés ci-dessus que la question dont est saisi le Comité est essentiellement une question se rattachant au problème de la «sécurité syndicale ». Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur les clauses de sécurité syndicale, ni sur les conflits intersyndicaux portant sur la question de la sécurité syndicale, en aboutissant à cette conclusion, le Comité s'est fondé sur le fait due la Commission des relations professionnelles de la Conférence internationale du Travail avait exprimé, en 1949, dans son rapport à la 32ème session de la Conférence, l'opinion - acceptée par la Conférence lors de son adoption dudit rapport - selon laquelle la convention (no 98) sur le droit d'association et de négociation collective, 1949, « ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationale ». Il s'ensuit que les pays (et plus particulièrement les pays de pluralisme syndical) ne seraient nullement tenus, aux termes de la convention, de tolérer, soit en droit, soit en pratique, les clauses de sécurité syndicale, tandis que les autres pays qui les admettent ne seraient pas mis dans l'impossibilité de ratifier la convention.
- 20. Sur le point de savoir si la façon dont il est allégué que l'on a fait respecter une clause de sécurité syndicale est contraire à un accord collectif national et à la législation nationale - en particulier, aux dispositions de la Constitution suisse - le gouvernement suisse déclare, qu'à son avis, aucune violation de la Constitution n'a eu lieu qui justifie une application des dispositions pénales; quant à la question de savoir quel autre texte juridique peut être invoqué et quels droits dont la violation peut être sanctionnée découlent de l'accord collectif mentionné plus haut, elle relève des tribunaux qui peuvent en être saisis, possibilité dont ont d'ailleurs fait usage deux des personnes mises en cause.
- 21. Dans ces conditions, le Comité aurait pu considérer dès l'abord que, dans le cas d'espèce, il s'agit simplement d'un conflit provoqué par le désir d'une organisation d'instaurer une pratique de sécurité syndicale et que, par suite, il serait inopportun qu'il se prononce à son sujet, d'une part, pour les raisons indiquées aux paragraphes 19 et 20 ci-dessus, d'autre part, en raison du fait que le cas a été porté devant les tribunaux compétents du pays intéressé qui paraissent à même de décider si des droits ont été violés ou non.
- 22. Toutefois, faisant suite à la demande formulée par le gouvernement et dans son souci d'être bien en possession de tous les éléments du cas, le Comité s'est abstenu jusqu'ici de formuler ses recommandations au Conseil d'administration en attendant de connaître le résultat des procédures engagées.
- 23. Bien que les informations dont il dispose à cet égard soient encore partielles, le Comité a néanmoins devant lui la jurisprudence des tribunaux civils dans des affaires analogues ainsi que la sentence arbitrale relative au cas Schutz qui est l'une des deux personnes en cause. Dans l'un et l'autre cas, il est donné raison à l'interprétation de l'organisation plaignante, ce qui implique une reconnaissance tacite du bien-fondé de sa plainte de la part des instances nationales.
- 24. Par ailleurs, ainsi qu'on l'a vu au paragraphe 18 ci-dessus, l'organisation plaignante, à la suite d'accords intervenus entre la Fédération suisse des typographes et le Syndicat suisse de l'imprimerie, demande que l'examen de sa plainte soit abandonné. Une telle requête pose un problème de procédure sur lequel le Comité a déjà été appelé à se prononcer. Dans le cas no 66, relatif à la Grèce, le Comité a estimé que le désir manifesté par l'organisation plaignante de retirer sa plainte, s'il est vrai qu'il constitue un élément qui mérite la plus grande attention, ne fournit pas en soi une raison suffisante pour que le Comité abandonne automatiquement l'examen de la plainte. Dans ledit cas, le Comité a estimé devoir s'inspirer en cette matière des conclusions adoptées par le Conseil d'administration en 1937 et en 1938 à propos de deux réclamations formulées par le Syndicat des travailleurs du textile de Madras (Madras Labour Union for Textile Workers) et par la Société de bienfaisance des travailleurs de l'île Maurice, en application de l'article 23 de la Constitution de l'Organisation (aujourd'hui article 24). Le Conseil d'administration avait alors établi le principe selon lequel, dès le moment où il était saisi d'une réclamation, il avait seul qualité pour décider de la suite qu'elle comportait et « le désistement de l'organisation requérante n'est pas toujours une preuve que la réclamation n'est pas recevable ou est dénuée de fondement». Le Comité a estimé que, pour l'application de ce principe, il était libre de peser les raisons fournies pour justifier le retrait de la plainte et de chercher à établir si ces raisons semblaient suffisamment plausibles pour donner à penser que ce désistement était la conséquence d'une décision prise en toute indépendance. Le Comité a fait observer qu'il pourrait se présenter des cas où le retrait d'une plainte par l'organisation plaignante serait la conséquence non pas du fait que la plainte est devenue sans objet, mais d'une pression exercée par le gouvernement sur le plaignant, ce dernier étant menacé d'une aggravation de la situation s'il ne consent au retrait de sa plainte.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 25. Dans le cas d'espèce, le Comité estime que les raisons avancées par l'organisation plaignante pour demander l'abandon de l'examen de sa plainte - accords intervenus entre les deux centrales syndicales intéressées qui mettent fin à la situation qui est à l'origine du différend - montrent que les plaignants ont agi de leur plein gré; le Comité considère donc que le retrait de la plainte constitue un élément dont il peut et doit tenir compte.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 26. Dans ces conditions, étant donné, d'une part, ce qui a été dit aux paragraphes 19 à 21 ci-dessus, étant donné, d'autre part, que les décisions déjà rendues paraissent devoir donner satisfaction aux plaignants, étant donné, enfin, que les plaignants, agissant de leur plein gré, ont retiré leur plainte en invoquant pour ce faire la raison que les griefs qui avaient motivé la plainte ont disparu, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu pour lui de poursuivre l'affaire.