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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 24. Par une communication en date du 20 mars 1954, adressée par la Fédération syndicale mondiale au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par celui-ci à l'O.I.T, cette organisation a présenté une plainte alléguant certaines atteintes à la liberté syndicale au Salvador, lesquelles, estime-t-elle, constitueraient une violation de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
- 25. Plus précisément, le plaignant allègue que, le 23 novembre 1953, M. Cayetano Carpio, dirigeant du Syndicat des ouvriers boulangers et membre du Comité de réorganisation syndicale du Salvador, aurait été incarcéré à San Salvador. Le juge d'instruction qui s'est occupé de l'affaire aurait considéré comme dénuée de fondement l'accusation qui pesait sur M. Cayetano Carpio et aurait, en conséquence, déclaré illicite sa détention. En outre, les autorités auraient nié que cette personne ait été détenue de septembre 1952 à novembre 1953, alors que tel aurait été le cas. Enfin, la Fédération syndicale mondiale demande la libération immédiate de l'intéressé.
- 26. Conformément à la procédure en vigueur, le Directeur général, par une lettre en date du 22 juin 1954, a informé l'organisation plaignante que toute information complémentaire qu'elle pourrait désirer soumettre à l'appui de sa plainte devrait lui être adressée dans le délai d'un mois. Par une communication en date du 24 juillet 1954, la Fédération syndicale mondiale a répondu en indiquant que la teneur de la plainte constituait une preuve suffisante des violations alléguées et qu'elle n'avait donc rien à ajouter à sa communication originale.
- 27. Le Directeur général a communiqué la plainte de la Fédération syndicale mondiale au gouvernement du Salvador par une lettre en date du 25 juin 1954 en le priant de lui faire parvenir ses observations éventuelles.
- 28. A ses dixième, onzième, douzième, treizième et quatorzième sessions, le Comité, en l'absence des observations du gouvernement, a ajourné l'examen du cas. Des lettres de rappel ont été adressées au gouvernement les 2 décembre 1954, 12 mars 1955, 21 juin 1955, 28 novembre 1955 et 23 juillet 1956.
- 29. Le gouvernement du Salvador a fait parvenir au Bureau ses observations sur la plainte de la Fédération syndicale mondiale par une communication en date du 17 août 1956.
- 30. Dans sa réponse, le gouvernement commence par indiquer que la raison pour laquelle il s'est abstenu tout d'abord de présenter des observations sur la plainte réside clans le fait qu'il considère celle-ci comme totalement dénuée de fondement. Il précise ensuite que, contrairement à ce que semble dire le plaignant, le gouvernement du Salvador n'a pas ratifié la convention no 87 ; il ajoute que le Salvador n'ayant même pas été présent à la session de la Conférence qui a adopté la convention, il ne saurait en aucune manière être lié par un instrument à l'approbation duquel il n'a eu aucune part.
- 31. Après avoir rappelé que la politique pratiquée par le gouvernement du Salvador est caractérisée par l'esprit démocratique qui l'inspire et par sa tolérance sociale, la réponse du gouvernement expose les faits de la manière suivante le 9 décembre 1953, M. Cayetano Carpio a été mis à la disposition du Tribunal pénal de deuxième instance sous l'inculpation d'avoir diffusé du matériel de propagande subversive. Le Il décembre 1953, le Tribunal a ordonné la détention préventive de l'accusé ; le 2 avril 1954, ayant considéré que les faits imputés à l'intéressé ne constituaient pas un délit, il a décidé l'ajournement des poursuites. Cette dernière décision ayant fait l'objet d'un appel, la Chambre pénale de la Cour suprême de justice l'a confirmée le 24 juin 1954. En conséquence, à cette même date, M. Carpio a été remis en liberté.
- 32. Ces faits, aux dires du gouvernement, démontrent qu'il n'y a eu aucune violation de la liberté syndicale. Les autorités compétentes n'ont fait que leur devoir en engageant des poursuites qu'elles croyaient justifiées, et le fait que celui qui en a été l'objet a été un dirigeant syndicaliste est indépendant des mesures prises. D'ailleurs, ajoute le gouvernement, la qualité de dirigeant syndicaliste que peut avoir une personne ne dispense pas cette personne d'avoir à se conformer à la loi et ne la met pas à l'abri des poursuites auxquelles elle s'expose en l'enfreignant.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 33. La Fédération syndicale mondiale allègue que M. Cayetano Carpio, dirigeant du Syndicat des ouvriers boulangers du Salvador aurait été arrêté sous le prétexte d'avoir diffusé du matériel de propagande subversive et laisse entendre que la qualité de syndicaliste de l'intéressé aurait été la véritable raison de la mesure prise contre lui. Elle ajoute que l'attitude du gouvernement en cette occurrence est d'autant plus grave si l'on songe que la convention no 87 a été approuvée par lui.
- 34. Le gouvernement indique que sa qualité de syndicaliste est indépendante des mesures qui ont été prises contre l'intéressé et ajoute que d'ailleurs, la faute imputée à M. Carpio ayant été jugée comme ne constituant pas un délit, le pré venu a été relâché. Le gouvernement précise ensuite qu'il n'a ni ratifié ni approuvé la convention no 87 et que, par conséquent, cet instrument n'entraîne pour lui aucune obligation.
- 35. En ce qui concerne ce dernier élément de la réponse gouvernementale et étant donné qu'une des raisons du retard apporté par le gouvernement à répondre aux accusations formulées contre lui semble avoir résidé dans le fait que, dans son esprit, la non-ratification de la convention no 87 le dispensait d'avoir a fournir une telle réponse, le Comité rappelle qu'en s'acquittant de la responsabilité qui lui a été confiée de favoriser l'application des principes contenus dans la Déclaration de Philadelphie - laquelle fait partie intégrante de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail -, il devrait, notamment, se laisser guider dans sa tâche par les dispositions approuvées en la matière par la Conférence et contenues dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui constituent des éléments d'appréciation lors de l'examen d'allégations déterminées, d'autant plus que les Membres de l'Organisation ont, en vertu de l'article 19 5) e) de la Constitution, l'obligation de faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées, selon ce que décidera le Conseil d'administration, sur l'état de leur législation et sur leur pratique concernant les questions faisant l'objet de conventions non ratifiées, en précisant dans quelle mesure on a donné suite ou l'on se propose de donner suite à toute disposition de la convention et en exposant quelles difficultés empêchent ou retardent la ratification de la convention.
- 36. Dans ces conditions, tout en reconnaissant que les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ne lient pas le Salvador, le Comité estime qu'il doit examiner les allégations formulées dans le cas présent, en vue de dégager les faits et de faire rapport a leur sujet au Conseil d'administration, et note d'ailleurs avec satisfaction que le gouvernement du Salvador a accepté de fournir des observations sur le fond de la plainte.
- 37. En ce qui concerne l'allégation spécifique présentée par le plaignant, le Comité rappelle que, dans plusieurs cas antérieurs où il a eu à connaître d'allégations relatives à la poursuite et à l'arrestation de dirigeants syndicalistes, il a estimé que la seule question qui se posait était de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées, et que c'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités proprement syndicales qu'il y aurait atteinte à la liberté syndicale.
- 38. Dans le cas d'espèce, le plaignant se borne à laisser entendre que la mesure dont M. Carpio a été l'objet aurait pour origine sa qualité de dirigeant syndicaliste. Le gouvernement, au contraire, affirme qu'il n'y aurait eu aucun lien entre ladite mesure et les activités ou l'appartenance syndicales de l'intéressé, lequel aurait été poursuivi pour avoir diffusé du matériel de propagande subversive. Le gouvernement ajoute d'ailleurs que, l'accusation n'ayant pas été retenue, M. Carpio a immédiatement été libéré.
- 39. Compte tenu, d'une part, du caractère imprécis des allégations formulées par le plaignant, d'autre part, des affirmations du gouvernement selon lesquelles il n'y aurait eu aucun lien de cause à effet entre la qualité de syndicaliste de M. Carpio et les mesures prises contre lui, et notamment du fait que M. Carpio a été libéré après que le tribunal eut considéré les faits imputés à l'intéressé comme ne constituant pas un délit, le Comité, tout en attirant l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel tout gouvernement doit veiller à assurer le droit qu'a toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière, engagée le plus rapidement possible, estime que le plaignant n'a pas apporté la preuve suffisante qu'il y ait eu en l'occurrence violation des droits syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 40. Dans ces conditions, pour les raisons indiquées aux paragraphes 37 à 39 ci-dessus et sous réserve des observations qui y sont contenues, le Comité, tout en regrettant que le gouvernement n'ait fait parvenir sa réponse qu'avec un retard considérable et après des rappels réitérés, recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.