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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - France (RATIFICATION: 1937)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - France (RATIFICATION: 2016)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Renforcement et application effective du cadre législatif de lutte contre toute forme de travail forcé. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note de l’adoption de certaines mesures législatives, notamment la loi no 2013-711 du 5 août 2013 qui incorpore dans le Code pénal les crimes de «réduction en esclavage» et d’«exploitation de personnes réduites en esclavage» (art. 224-1 A à 224-1 C) et qui complète l’article 225-14 du Code pénal qui incrimine le fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (désormais art. 225-14-1) en prévoyant deux nouvelles infractions: «le travail forcé» et «la réduction en servitude» (art. 225-14-2 et 225-14-3, respectivement). Elle a également observé que cette loi autorise les associations de lutte contre la traite et l’esclavage, déclarées depuis cinq ans à la date des faits, à exercer, avec l’accord de la victime, les droits reconnus à la partie civile.
La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, auparavant, les agents de l’inspection du travail étaient compétents pour constater seulement les infractions relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité des personnes. Depuis l’adoption de la loi no 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, ainsi que de l’ordonnance no 2016-413 du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail, les agents de l’inspection du travail peuvent désormais constater et relever par procès-verbal les infractions relatives à la traite des personnes, au travail forcé et à la réduction en servitude. Le gouvernement indique également que l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) s’est investi depuis plusieurs années dans les affaires de traite des personnes et d’exploitation de personnes au travail, ce qui lui a donné une expertise dans ce domaine. Cet office joue un rôle de conseil et d’expertise auprès des unités de police et de gendarmerie, mais aussi des magistrats. La commission observe que, par exemple, l’office a détecté le cas d’un chef d’entreprise ayant recruté des personnes mentalement déficientes sous contrat à mi-temps, qu’il a fait travailler plus de cinquante heures par semaine pendant vingt ans. Le gouvernement indique également que, dans le cadre du projet «EMPACT» (European multidisciplinary plateform against criminal threats) dédié à la traite des personnes, l’inspection du travail a participé, pour la première fois, en 2017, aux Journées communes d’action organisées dans différents pays de l’Union européenne, lesquelles associent dans une coopération opérationnelle l’inspection du travail et des services de police judiciaire (gendarmerie). Le gouvernement indique par ailleurs qu’un groupe de travail sur la formation des professionnels en contact avec les victimes de traite à des fins d’exploitation au travail a été mis en place, en 2014, afin de préparer des outils de formation à destination des professionnels en contact avec les victimes de traite, notamment les inspecteurs du travail. Un livret sur la traite des personnes destiné aux agents de l’inspection du travail a été préparé par ce groupe et sera prochainement diffusé. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour sensibiliser et former les autorités chargées du contrôle de l’application de la loi, notamment les agents de l’inspection du travail, à la lutte contre le travail forcé, y compris la traite à des fins d’exploitation au travail. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les infractions relatives à la traite des personnes, au travail forcé et à la réduction en servitude, constatées par procès-verbal par les agents de l’inspection du travail, en indiquant les mesures prises dans ce contexte. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des statistiques sur les procédures judiciaires engagées sur la base de l’ensemble de ces incriminations, sur le nombre de condamnations et la nature des sanctions imposées.
2. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note de la mise en place d’une mission interministérielle (Miprof) ayant pour objectif la coordination nationale de la lutte contre la traite des personnes. Elle a également noté l’adoption d’un Plan national de lutte contre la traite des êtres humains couvrant la période 2014-2016 qui prévoit 23 mesures s’articulant autour de trois axes prioritaires d’action: l’identification et l’accompagnement des victimes; la poursuite et le démantèlement des réseaux de traite; et l’impulsion d’une politique publique.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’évaluation du Plan national 2014-2016 a été confiée à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDH) en tant que rapporteur national sur la traite. La commission prend note du rapport d’évaluation de la CNDH publié en mars 2016. Elle note que la CNDH émet un certain nombre de recommandations, notamment: la nécessité de mobiliser les pouvoirs publics et d’allouer des ressources budgétaires pour faciliter la mise en œuvre effective du Plan d’action; et une meilleure coordination entre les organes chargés de la lutte contre la traite afin d’assurer la prise en compte de toutes les formes de traite, non seulement la traite à des fins d’exploitation sexuelle, mais aussi la traite à des fins d’exploitation au travail. La commission prie le gouvernement d’indiquer si des mesures ont été prises pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme suite à son évaluation du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2016) et de fournir des informations à cet égard. Elle prie également le gouvernement d’indiquer si un nouveau Plan d’action a été adopté.
3. Protection des victimes. La commission note que, en ce qui concerne le droit au séjour des ressortissants étrangers victimes de traite, le gouvernement indique que l’article R.316-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tel que révisé en 2014, prévoit la délivrance désormais de plein droit d’un titre de séjour, renouvelable et autorisant l’exercice d’une activité professionnelle pour un étranger victime de traite qui coopère avec les autorités judiciaires (dépôt de plainte ou témoignage). Ce titre est renouvelé pendant toute la durée de la procédure pénale sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. Il est délivré pour une durée de six mois minimum. La commission note que, s’agissant des victimes de traite qui ne coopèrent pas dans le cadre de l’enquête pour quelque raison que ce soit, le gouvernement indique que celles-ci peuvent bénéficier de titres de séjour pour des raisons humanitaires ou des motifs exceptionnels comme prévu à l’article L.313 14 du CESEDA. La commission observe également que le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), dans son rapport de 2017 sur l’application de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par la France, indique que les autorités françaises ont spécifié que l’identification n’est pas liée à une éventuelle coopération des victimes aux poursuites. Toutefois, la société civile a souligné qu’en pratique il est généralement attendu des victimes potentielles qu’elles acceptent de coopérer, le plus souvent en déposant plainte ou en témoignant, si leur témoignage est de nature à permettre des poursuites contre les trafiquants. Cela va de pair avec le fait que très peu de délais de rétablissement et de réflexion, qui constituent une période devant permettre aux victimes de se remettre de l’exploitation et de réfléchir à leur éventuelle coopération avec la justice, ont été délivrés (paragr. 130).
S’agissant de l’indemnisation des victimes de la traite, la commission observe que l’article 131-21, alinéa 6, du Code pénal prévoit désormais pour les infractions les plus graves, dont la traite des personnes, qu’il est possible de confisquer l’intégralité du patrimoine du condamné. La commission observe, par ailleurs, l’indication du gouvernement selon laquelle le droit français ne fait pas de distinction entre les victimes du travail forcé et les victimes du travail illégal, bien que très souvent les victimes de travail forcé se trouvent dans une situation de travail dissimulé. En effet, selon le gouvernement, les victimes du travail forcé peuvent faire valoir les mêmes droits que les travailleurs déclarés en termes de conditions de travail et de rémunération, et peuvent également se voir accorder une indemnité forfaitaire dont le montant est égal à six mois de salaire, correspondant au minimum au salaire minimum (SMIC), en cas de rupture de relation de travail.
La commission note par ailleurs que dans son rapport la CNDH souligne que le faible nombre des infractions de traite des personnes constatées par les services de police et de gendarmerie révèle que les victimes potentielles de traite ne s’auto identifient pas en tant que telles et qu’elles ne dénoncent que très rarement les faits dont elles font l’objet. Les faits sont dès lors largement sous-rapportés. Ces mêmes données statistiques témoignent de l’insuffisance des moyens consacrés par la France à l’identification des victimes potentielles de traite. C’est ainsi que certaines formes d’exploitation (travail forcé, réduction en servitude, réduction en esclavage) ne font l’objet d’aucun constat de la part des forces de l’ordre, alors qu’elles sont pourtant existantes en pratique. A cet égard, la commission observe que la CNDH recommande que les indicateurs d’identification des victimes de traite doivent être développés en concertation avec les associations spécialisées. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer l’identification des victimes de traite. Elle le prie également de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ces victimes bénéficient des mesures de protection adéquates, qu’elles aient ou non collaboré avec les autorités compétentes.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire effectué au profit d’entreprises privées. La commission a précédemment observé que les détenus peuvent être amenés à travailler pour des entreprises privées, d’une part au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte, à des travaux liés au fonctionnement de ces établissements et, d’autre part, à des activités de production pour le compte des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire ou dans des établissements à gestion mixte. La commission a souligné à cet égard que, pour être compatible avec la convention, le travail réalisé au profit d’entités privées doit être exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre, à savoir avec le consentement libre et éclairé du prisonnier, et entouré d’un certain nombre de garanties. La commission a relevé à ce sujet que l’obligation d’exercer au moins l’une des activités proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, prévue à l’article 27 de la loi pénitentiaire de 2009, ne semblait pas faire obstacle au caractère volontaire du travail pénitentiaire, consacré à l’article D99, paragraphe 1, du Code de procédure pénale. La commission a noté à cet égard l’indication du gouvernement selon laquelle le décret no 2010-1635 du 23 décembre 2010 portant application de la loi pénitentiaire et modifiant le Code de procédure pénale a précisé les éléments devant obligatoirement figurer dans l’acte d’engagement qui doit être signé entre le détenu et le chef d’établissement préalablement à l’exercice d’une activité professionnelle. Le décret se réfère notamment à la description du poste de travail, au régime de travail, aux horaires de travail, à la rémunération en indiquant la base horaire et les cotisations sociales afférentes et, le cas échéant, les risques particuliers liés au poste.
S’agissant de la rémunération des détenus, l’article 32 de la loi pénitentiaire précise que celle-ci ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum. La commission a noté que le gouvernement indique que le décret no 2010-1635 précité a fixé cette rémunération à 45 pour cent du salaire minimum pour les activités de production. La rémunération varie de 33 à 20 pour cent pour le service général. En ce qui concerne les établissements pénitentiaires en gestion mixte, le gouvernement a précisé que, en raison du contexte économique défavorable, ces derniers n’ont pas été en mesure d’atteindre leurs objectifs contractuels en termes de volume horaire de travail offert aux détenus et ont dû payer des pénalités. La commission a demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour rapprocher le niveau de rémunération des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte de celui des travailleurs libres.
La commission note l’absence d’information de la part du gouvernement sur ce point. La commission réitère à nouveau sa demande en priant le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les conditions de travail des détenus travaillant au profit d’entreprises privées ou d’établissements à gestion mixte se rapprochent de celles des travailleurs libres et de fournir des informations à cet égard. Prière notamment de préciser les mesures prises pour rapprocher le niveau de rémunération de ces détenus du niveau du salaire minimum national, notamment lorsqu’ils sont occupés au service général des établissements pénitentiaires à gestion mixte.
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