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Afin de fournir une vue d’ensemble des questions relatives à l’application des conventions ratifiées en matière de sécurité et de santé au travail (SST), la commission estime qu’il convient d’examiner les conventions nos 115 (protection contre les radiations), 139 (cancer professionnel), 155 (SST) et 176 (sécurité et santé dans les mines) dans un même commentaire.
La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats libres de l’Ukraine (KVPU), reçues le 31 août 2023, concernant l’application de la convention no 155.
Application des conventions nos 115 et 155 dans la pratique. Travailleurs des centrales nucléaires. La commission note que le rapport présenté au Conseil d’administration à sa 349e session, octobre-novembre 2023 (GB.349/INS/15), intitulé «Faits nouveaux survenus dans l’application de la Résolution concernant l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine du point de vue du mandat de l’Organisation internationale du Travail» dénote une inquiétude persistante concernant la sécurité des travailleurs de la centrale nucléaire occupée de Zaporijia. Ce rapport fait état de préoccupations concernant la détérioration des conditions de travail et de sécurité des travailleurs qui découle principalement du risque d’exposition accru aux radiations et du risque potentiel d’accident nucléaire en raison de l’instabilité de l’approvisionnement en électricité. À cet égard, la commission note avec préoccupation les indications du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), publiée le 27 octobre 2023, dans une «Déclaration sur la situation en Ukraine» (mise à jour 191), selon laquelle la sûreté et la sécurité nucléaires restent potentiellement précaires en Ukraine, y compris à la Zaporijia et dans certaines autres centrales nucléaires. En ce qui concerne les conditions du travail du personnel d’exploitation du site de Tchernobyl, le directeur général de l’AIEA a également indiqué, dans la mise à jour 193 du 13 novembre 2023, que les conditions du travail sur le site portent atteinte à la santé physique et mentale du personnel d’exploitation et que cette situation n’est pas tenable à long terme. La commission prend également note des références faites, dans le rapport de l’AIEA du 14 septembre 2023 intitulé «Sûreté, sécurité et garanties nucléaires en Ukraine», aux mesures prises pour assurer l’exploitation sûre et sécurisée des installations nucléaires et des activités impliquant des sources radioactives. La commission réitère sa préoccupation et prie une fois encore instamment que toutes les mesures nécessaires soient prises pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs des centrales nucléaires. En particulier, elle prie instamment que l’application de la convention no 115 soit renforcée en vue d’assurer une protection effective des travailleurs contre les radiations ionisantes dans le cadre de leur travail.

A. Dispositions générales

Convention (n o   155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981

Application de la convention no 155 dans la pratique et impact du conflit sur la sécurité et la santé des travailleurs. La commission note avec préoccupation l’observation de la KVPU selon laquelle, depuis le début de l’agression armée de la Fédération de Russie jusqu’au 26 janvier 2023, l’Inspection du travail de l’État a enregistré 571 travailleurs accidentés, dont 221 sont décédés suites aux blessures subies dans l’exercice de leurs fonctions à cause des bombardements, des attaques de missiles et d’artillerie, des champs de mines installés sur le territoire et autours des installations, des actes d’enlèvement et d’autres actions illégales. À cet égard, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la cause du décès dans 46 pour cent des accidents du travail mortels, survenus en 2022, a été déterminée comme étant liée au conflit et à des actes illégaux commis par des tiers. Étant consciente de la situation difficile que connaît le pays depuis le 24 février 2022, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir les informations disponibles sur l’impact du conflit sur la sécurité et la santé des travailleurs dans le pays.
Articles 4, 7 et 8. Politique nationale en matière de SST. Réformes législatives. En réponse à ses commentaires précédentes sur la mise en œuvre du Cadre pour la réforme du système de gestion de la protection des travailleurs et de son plan d’action approuvé par le décret no 989, le gouvernement fait état de l’élaboration et la révision de divers règlements en matière de SST et indique qu’il sera possible d’élaborer des règlements administratifs spécifiques s’y rapportant une fois que le nouveau projet de loi sur la sécurité et la santé au travail est adopté. À cet égard, la commission note que le nouveau projet de loi no 10147 sur la SST a été présenté au Parlement le 13 octobre 2023 et il est actuellement en examen. La commission note en outre qu’un nouveau projet de l’OIT pour l’adoption d’un nouveau code du travail visant à promouvoir le respect des normes internationales du travail (ILS) ainsi que d’autres projets d’actes législatifs liés à la SST ont été élaborés.
La commission prend note des observations de la KVPU selon lesquelles le projet de loi no 10147 sur la SST n’est pas conforme à la convention no 155, en particulier les articles 4, 5 e), 8, 10 et 13 (protection du travailleur qui s’est retiré d’une situation de travail dangereuse) et l’article 19 (dispositions au niveau de l’entreprise concernant les droits et devoirs des travailleurs et de leurs représentants, et la coopération). La KVPU indique par ailleurs que le projet de loi no 10147 sur la SST réduira considérablement la teneur et la portée des garanties et des droits des travailleurs qui sont actuellement en vigueur en matière de sécurité et de santé au travail. La KVPU indique également que les syndicats n’ont pas approuvé le projet de loi no 10147 sur la SST, qui supprimera le droit aux prestations et aux compensations accordées lorsque les conditions de travail sont difficiles et préjudiciables, prévu par la loi sur la protection au travail, et que le projet ne définit pas de financement minimum pour mettre en place des mesures de prévention. En outre, la KVPU réaffirme que le projet de loi sur le travail n’est pas conforme à la convention no 155, en ce qui concerne les articles 4 (consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives pour définir, mettre en application et réexaminer la politique nationale en matière de sécurité et de santé des travailleurs), 5, alinéa e) (protection des travailleurs et de leurs représentants contre les mesures disciplinaires), 8 (mise en œuvre de la politique nationale en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressées) et 10 (mesures pour fournir des conseils aux employeurs et aux travailleurs). La commission prie le gouvernement une fois encore de faire part de ses commentaires sur les observations de la KVPU. Elle le prie également de prendre les mesures nécessaires pour que tout texte législatif adopté en matière de sécurité et de santé soit conforme aux conventions SST ratifiées. Rappelant une fois de plus l’importance des consultations avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs dans l’application de la convention no 155, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les points de vue des organisations d’employeurs et de travailleurs ont été pris en considération dans l’élaboration du projet de loi sur le travail et du projet de loi no 10147 sur la SST.
Article 5 e). Protection des travailleurs et de leurs représentants contre les mesures disciplinaires. Par suite de ses précédents commentaires concernant la protection contre les mesures disciplinaires, le KVPU indique que projet de loi no 10147 sur la SST n’inclut pas l’exigence de l’article 5, alinéa e), sur la protection des travailleurs et de leurs représentants contre des mesures disciplinaires consécutives à des actions effectuées par eux à bon droit pour assurer leur sécurité conformément à la politique nationale de SST. À cet égard, la commission note que le paragraphe 26 (11) de projet de loi no 10147 sur la SST prévoit une protection contre le harcèlement ou des mesures disciplinaires, mais uniquement pour les travailleurs et seulement pour le signalement d’un accident, d’une maladie professionnelle ou d’un événement dangereux. Prenant note de l’examen en cours du projet de loi no 10147 sur la SST, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la nouvelle législation en matière de SST protège les travailleurs ainsi que leurs représentants contre des mesures disciplinaires consécutives à des actions effectuées par eux à bon droit pour assurer leur sécurité conformément à la politique nationale de SST et à l’article 5 e).
Article 11, alinéa c), de la convention. Notification des accidents du travail et des cas de maladies professionnelles. Faisant suite à ses précédents commentaires concernant l’application de la décision no 337 du 17 avril 2019 du Cabinet des ministres de l’Ukraine, la commission prend note des changements introduits par le biais de plusieurs amendements, notamment la résolution no 1 du 5 janvier 2021, qui prévoit la notification et l’enquête sur les accidents du travail et les décès de travailleurs du cadre médical liés à l’infection au COVID-19 (article 141). En ce qui concerne l’obligation des employeurs en matière d’enregistrement et de déclaration des accidents et des maladies professionnelles, la commission note les dispositions de l’article 141 (18) et (19) de la résolution no 59 du 20 janvier 2023 portant modification de la procédure d’enquête et d’enregistrement applicable en cas d’accident, de maladie professionnelle et d’accident du travail. La commission note également les mesures envisagées en vertu des articles 6 (2), 8 et 25 (22) du projet de loi no 10147 sur la SST. La commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les prescriptions de l’alinéa c) de l’article 11 soient pleinement appliquées et de fournir des informations actualisées sur les progrès accomplis dans l’examen du projet de loi no 10147 sur la SST et sur toute autre mesure prise pour assurer la notification des accidents du travail et des maladies professionnelles par les employeurs.

B. Risques spécifiques

Convention (n o   139) sur le cancer professionnel, 1974

Articles 2, 3 et 4 de la convention. Remplacement des substances et agents cancérogènes, mesures à prendre pour protéger les travailleurs, enregistrement des données et mise à disposition d’informations. La commission se félicite des informations fournies par le gouvernement en réponse à sa demande précédente, notamment en ce qui concerne la promulgation d’un règlement sur la teneur admissible de substances chimiques et biologiques dans l’air sur les lieux de travail, adopté par les décrets du ministère de la Santé de l’Ukraine no 1596 du 14 juillet 2020 et no 1054, relative à l’approbation du règlement hygiénique «Liste des substances, produits, processus de production, facteurs domestiques et naturels cancérigènes pour l’homme», de juin 2022. À cet égard, la commission note que décret no 1054 prévoit le remplacement et/ou l’élimination des substances et agents cancérogènes (partie II, sections 1 et 2), prescrit des mesures de protection et de surveillance des travailleurs (partie II, sections 3 à 5) et accord aux travailleurs le droit de recevoir des informations sur les dangers encourus et sur des mesures à prendre (partie II, articles 6 et 7). La commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application de l’ordonnance no 1054 dans la pratique et de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard.

C. Branches d ’ activité spécifiques

Convention (n o   176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995

Articles 5, paragraphes 1 et 2, alinéa e), et 16 de la convention. Surveillance de la sécurité et de la santé dans les mines, suspension des activités minières, mesures correctives et application de la loi. En réponse aux observations précédentes de la commission sur le pouvoir des autorités compétentes, le gouvernement indique qu’en vertu de l’article 39 de la loi no 2694-12 de 1992 sur la protection du travail (loi sur la SST), les fonctionnaires de l’Inspection du travail de l’État sont investis du pouvoir, entre autres, d’interdire, de suspendre, de mettre fin ou de restreindre l’activité des entreprises. Toutefois, la commission note avec préoccupation que le gouvernement a indiqué qu’en vertu de l’article 5 de la loi no 877-V de 2007 sur les principes fondamentaux régissant la surveillance et le contrôle des activités économiques par les organes de l’État, les inspections programmées par l’État ne sont menées qu’une fois tous les deux ans, y compris dans les exploitations charbonnières classées comme site à haut risques. À cet égard, la commission note qu’en vertu des dispositions du paragraphe 1 de la résolution no 303 du Conseil des ministres de l’Ukraine, du 13 mars 2022, relative à «la suspension des mesures de surveillance (contrôle) étatique et des mesures de surveillance du marché de l’État, sous l’emprise de la loi martiale», toute surveillance (contrôle) étatique, programmée et spontanée, ainsi que la surveillance du marché par l’État, ont été suspendues pendant la période de la loi martiale (décret du Président de l’Ukraine no 64 du 24 février 2022 sur l’introduction de la loi martiale en Ukraine) qui a été prolongé jusqu’en février 2024. La commission prend également note des statistiques fournies dans le rapport du gouvernement concernant les inspections menées dans deux exploitations minières en octobre 2021, au cours desquelles 1 370 infractions à la réglementation ont été constatées, 56 fonctionnaires ont été reconnus passibles de peines d’amendes administratives et une demande d’interruption de travaux pour infractions a été déposée auprès du tribunal administratif. Se référant à ses commentaires adoptés en 2023 au titre de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947, et de la convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture), 1969, la commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application effective des dispositions de la présente convention et de prévoir des services d’inspection appropriés pour superviser la sécurité et la santé dans les mines.La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des statistiques actualisées sur les violations constatées lors des inspections, ainsi que des informations détaillées sur les mesures prises par les inspecteurs dans de tels cas, y compris les sanctions imposées, les demandes d’interruption de travaux déposées et la suite accordée à ces demandes.
Article 5, paragraphe 2, alinéas c) et d), article 7 et article 10, alinéa d). Mesures visant à éliminer ou à réduire au minimum les risques pour la sécurité et la santé dans les mines. Procédures d’enquête sur les accidents graves et les accidents mortels et établissement et publication des statistiques. Mesures correctives appropriées et mesures prises par les employeurs à la suite d’enquêtes pour prévenir de futurs accidents. Faisant suite à ses précédents commentaires sur le taux élevé des accidents du travail et des cas de maladies professionnelles, ainsi que sur la sous-estimation de leur taux, la commission note l’absence d’informations statistiques actualisées sur le secteur minier. La commission prie une fois de plus le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour garantir qu’il soit donné pleinement effet à l’article 5, paragraphe 2, alinéa c), relatif à la notification et à l’enquête sur les accidents mortels et graves, les situations dangereuses et les catastrophes minières, l’article 5, paragraphe 2, alinéa d), sur l’établissement et la publication des statistiques sur les cas d’accidents, de maladies professionnelles et d’incidents dangereux, l’article 7 sur les mesures prises pour éliminer ou réduire au minimum les risques pour la sécurité et la santé dans les mines et article 10 sur les obligations des employeurs, notamment en ce qui concerne leur obligation de mener une enquête sur les accidents et les incidents dangereux et de prendre des mesures correctives appropriées pour y remédier (article 10, alinéa d)).
Article 5, paragraphe 2, alinéa f). Droit des travailleurs et de leurs représentants d’être consultés au sujet des questions et de participer aux mesures relatives à la SST. Faisant suite à ses précédents commentaires sur les procédures mises en place pour faire respecter les droits des travailleurs et de leurs représentants d’être consultés et de participer aux mesures relatives à la SST (article 5, paragraphe 2, alinéa f), la commission note que l’article 25 (11 et 12) du projet de loi no 10147 sur la SST prévoit des mesures pour assurer la consultation et la participation des travailleurs et/ou de leurs représentants au niveau de l’entreprise, notamment en ce qui concerne la prise de décision en matière de SST. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer les droits des travailleurs et de leurs représentants d’être consultés au sujet des questions de SST, et de participer aux mesures relatives à la sécurité et à la santé sur le lieu de travail, conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 2, point f).
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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