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Afin de fournir une vue d’ensemble des questions relatives à l’application des conventions ratifiées en matière d’inspection du travail, la commission estime qu’il convient d’examiner les conventions nos 81 (inspection du travail) et 129 (inspection du travail dans l’agriculture) dans un même commentaire.
La commission prend note des observations du Syndicat des travailleurs du complexe pétrolier et énergétique (TUWFEC), et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) sur l’application de ces conventions, reçues en 2022.
Articles 12 et 16 de la convention no 81 et articles 16 et 21 de la convention no 129. Limites et restrictions aux inspections du travail. Pouvoirs des inspecteurs du travail. 1. Moratoire sur les inspections du travail. Faisant suite à son commentaire précédent, la commission note avec une profonde préoccupation que la période d’application du décret présidentiel no 229 du 26 décembre 2019 relatif à l’introduction d’un moratoire sur les inspections et le contrôle préventif et la surveillance avec visites en République du Kazakhstan a été prolongée jusqu’au 1er janvier 2024 en vertu du décret présidentiel no 44, du 7 décembre 2022. Le moratoire, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, s’applique aux inspections du travail dans les entreprises privées et publiques qui relèvent des catégories des petites et micro-entreprises. La commission note que les exceptions au moratoire s’appliquent dans les cas: i) d’inspections visant à prévenir ou à éliminer des violations susceptibles de constituer une menace majeure pour la vie et la santé humaines, l’environnement, la loi et l’ordre public, ou une menace directe ou indirecte pour l’ordre constitutionnel et la sécurité nationale; et ii) d’inspections effectuées pour des motifs spécifiés dans la loi de la République du Kazakhstan du 4 juillet 2003 sur la réglementation, le contrôle et la surveillance par l’État du marché financier et des organisations financières. La commission note que le décret présidentiel no 44 de décembre 2022 ajoute aux cas qui justifient des exceptions possibles au moratoire celui des inspections inopinées qui sont menées conformément au Code des entrepreneurs de la République du Kazakhstan (no 375V ZRK du 29 octobre 2015, ci-après le Code des entrepreneurs). La commission note aussi que l’article 144 (12) du Code des entrepreneurs, tel que modifié par la loi no 95-VII du 20 décembre 2022, maintient la disposition qui permet de suspendre, à la suite d’une décision du gouvernement, la surveillance et le contrôle par l’État des entités commerciales privées pendant une certaine période.
Le gouvernement indique dans son rapport que les inspections sont effectuées sur la base d’une décision du chef de l’organe central de l’État ou de l’autorité locale. À cet effet, un algorithme type a été approuvé, qui établit une procédure uniforme pour assigner aux autorités locales les inspections de petites et microentreprises. Le gouvernement indique aussi que des inspections inopinées sont effectuées dans le cas de plaintes collectives de trois travailleurs ou davantage pour différents motifs (entre autres, non-paiement de salaires et d’autres prestations, licenciements collectifs et réductions de personnel, atteintes aux droits du travail dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail). De 2020 à 2022, les inspecteurs du travail de l’État ont réalisé 196 inspections dans des petites et microentreprises où de graves infractions avaient été constatées. Toutefois, la commission note que, selon les observations du TUWFEC, en réponse à des plaintes pour violation des droits au travail qui émanaient de travailleurs de petites entreprises, l’inspection du travail a seulement pu aider les plaignants à formuler leurs plaintes pour les soumettre au tribunal, et à adresser des courriers aux employeurs au sujet de la nécessité de respecter la législation du travail, mais cela n’a pas eu de conséquences juridiques en ce qui concerne les infractions. Qui plus est, en raison du moratoire, aucune des plaintes déposées auprès de l’inspection du travail pour des atteintes aux droits au travail dans l’agriculture n’a fait l’objet d’une inspection. Le syndicat indique aussi que les informations faisant état de nombreuses violations de droits ainsi que d’accidents sur les lieux de travail pendant le moratoire montre bien que les inspections sont nécessaires.
À cet égard, la commission rappelle une nouvelle fois son observation générale de 2019 sur les conventions relatives à l’inspection du travail, dans laquelle elle se dit préoccupée par les réformes qui affaiblissent considérablement le fonctionnement inhérent aux systèmes d’inspection du travail, notamment par les moratoires sur les inspections du travail, et prie instamment les gouvernements de supprimer ces restrictions, afin de se conformer aux conventions. Rappelant qu’un moratoire sur l’inspection du travail constitue une violation grave des conventions, la commission exprime sa profonde préoccupation concernant la décision du gouvernement de prolonger le moratoire et,avec la plus grande fermeté, elle le prie instamment d’agir rapidement pour lever l’interdiction temporaire des inspections et de faire en sorte que les inspecteurs du travail puissent procéder à des inspections du travail aussi souvent et aussi soigneusement qu’il est nécessaire pour assurer l’application effective des dispositions légales, conformément à l’article 16 de la convention no 81 et l’article 21 de la convention no 129.
2. Autres restrictions aux pouvoirs de l’inspection. Faisant suite à son commentaire précédent sur les restrictions étendues dans le domaine de l’inspection et de la fréquence des visites d’inspection, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la proposition visant à ce que les inspecteurs du travail puissent se rendre sur les lieux de travail sans avertissement préalable a été examinée dans le cadre de la mise en œuvre jusqu’en 2025 du Plan d’action destiné à garantir la sécurité au travail. Toutefois, le gouvernement indique que l’Autorité publique chargée des entreprises et les représentants des employeurs n’ont pas appuyé cette proposition.
La commission note que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur la question de savoir si l’ordonnance no 55-p du 16 février 2011 abroge l’ordonnance no 12 du 1er mars 2004. À ce sujet, la commission note que l’ordonnance no 162 du 25 décembre 2020 relative à l’application de l’article 146 (2) du Code des entrepreneurs, prévoit l’enregistrement préalable des inspections auprès du ministère public, lequel a la faculté de refuser cet enregistrement. La commission prend note aussi de l’observation de la CSI selon laquelle la loi applicable exige de notifier préalablement toutes les inspections aux entités concernées, notamment en notifiant par écrit, avec un délai de préavis de trente jours, les inspections programmées, et avec un délai de préavis de 24 heures pour les inspections inopinées.
La commission note en outre avec préoccupation que le Code des entrepreneurs, tel que modifié par la loi no 95-VII du 30 décembre 2022, prévoit toujours des restrictions aux pouvoirs de l’inspection, notamment en ce qui concerne: i) la capacité des inspecteurs du travail d’effectuer des visites d’inspection sans avertissement préalable (articles 144 (3) et (4) et 156 (2)); et ii) la libre initiative des inspecteurs du travail (articles 144(13), 144-1, 144-2, 145 et 146). De plus, la commission note que, conformément aux articles 143 (3) et 151 du Code des entrepreneurs, seules les conditions requises dans la liste de contrôle établie font l’objet d’une vérification et d’un contrôle préventif. La commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures législatives nécessaires pour que les inspecteurs du travail soient habilités à effectuer des visites sur les lieux de travail sans avertissement préalable, et à procéder à tout examen, test ou enquête qu’ils jugent nécessaire, conformément à l’article 12, paragraphe 1 a) et c), de la convention no 81 et à l’article 16, paragraphe 1 a) et c), de la convention no 129. Notant que l’article 197 du Code du travail et l’article 147 (2) du Code des entrepreneurs ont été abrogés, la commission prie aussi le gouvernement d’indiquer si les inspecteurs sont désormais habilités à effectuer des visites d’inspection à toute heure du jour ou de la nuit, comme le prévoient l’article 12, paragraphe 1 a), de la convention no 81 et l’article 16, paragraphe 1 a), de la convention no 129.
3. Fréquence des inspections du travail. Faisant suite à son commentaire précédent, la commission note que l’article 141 du Code des entrepreneurs, tel que modifié en 2022, prévoit la fréquence et les types d’inspections qui sont autorisées en fonction du degré de risque qu’a déterminé le système d’évaluation et de gestion des risques, lequel est réglementé par l’arrêté conjoint no 1022 du ministre de la Santé et du Développement social de la République du Kazakhstan, en date du 25 décembre 2015, et no 801 du ministre de l’Économie nationale de la République du Kazakhstan, en date du 28 décembre 2015 (ci-après l’arrêté conjoint de 2015). En conséquence, la fréquence des inspections ne doit pas dépasser une inspection par an pour les entités classées dans la catégorie des entreprises présentant un risque élevé, une fois tous les deux ans pour les entreprises présentant un risque moyen et une fois tous les trois ans pour celles présentant un risque faible. La commission note que, selon la CSI, il n’a pas été établi de fréquence minimale d’inspection pour les employeurs dont l’activité comporte un risque faible, si bien que les employeurs de cette catégorie de risque ne sont pas couverts par des activités programmées de surveillance et de contrôle.
Se référant à son observation générale de 2019 sur les conventions relatives à l’inspection du travail, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser le Code des entrepreneurs, afin que les inspecteurs du travailpuissent procéder à des inspections du travail aussi souvent et aussi soigneusement que nécessaire pour assurer l’application effective des dispositions légales pertinentes. En outre, la commission prie à nouveau le gouvernement deprendre les mesures nécessaires pour que les critères d’évaluation des risques ne limitent pas les pouvoirs des inspecteurs du travail ou la réalisation des inspections du travail. La commission prie aussi le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les inspections dans la pratique, en indiquant le nombre total d’établissements assujettis au contrôle de l’inspection, le nombre d’inspections programmées et inopinées, en précisant s’il s’agit d’inspections sur place ou d’inspections sans visite du lieu de travail, ainsi que le nombre d’inspections menées à la suite d’une plainte, et les résultats de toutes ces inspections.
Article 6 de la convention no 81 et article 8 de la convention no 129. Sanctions disciplinaires. La commission note que, conformément à l’article 50 (12) de la loi sur la fonction publique, les violations graves des prescriptions relatives à l’organisation et à la conduite des inspections concernant les entités commerciales qui sont énoncées aux sous-paragraphes 1), 2), 3), 4) et 7) de l’article 151, et aux sous-paragraphes 2), 6) et 8) de l’article 156 du Code des entrepreneurs sont considérées comme des infractions disciplinaires. La commission note que l’article 151 (1) dispose que les inspecteurs du travail ne sont pas habilités à mener des inspections sur des éléments qui ne figurent pas sur la liste de contrôle de l’inspection. En vertu de l’article 156 (2), les inspections sont considérées comme non valables si l’entité visée par le contrôle n’en a pas été avertie préalablement ou si le délai de préavis pour le contrôle n’a pas été respecté. Par conséquent, la commission note que ces dispositions de la législation nationale comportent des restrictions aux pouvoirs des inspecteurs du travail qui ne sont pas conformes aux conventions. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser les articles 151 et 156 du Code des entrepreneurs, et de fournir des informations sur le nombre de sanctions disciplinaires imposées aux inspecteurs du travail en application de l’article 50 (12) de la loi sur la fonction publique.
Articles 13 et 17 de la convention n° 81 et articles 18 et 22 de la convention n° 129. Pouvoirs des inspecteurs du travail d’assurer l’application effective des dispositions légales concernant les conditions de travail et la protection des travailleurs. Poursuites légales immédiates. Faisant suite à son commentaire précédent, la commission note la référence du gouvernement à l’article 193 du Code du travail, qui consacre le pouvoir des inspecteurs du travail d’imposer des mesures de suspension en cas d’infraction à la législation relative à la sécurité et à la santé au travail, et de transmettre les cas aux organismes chargés de l’application de la loi et aux tribunaux compétents. Le gouvernement ajoute que la durée des mesures de suspension que les inspecteurs du travail prennent ne peut pas dépasser cinq jours ouvrables.
La commission note que les articles 144-1 et 144-2 du Code des entrepreneurs indiquent que, dans le cas d’infractions constatées au cours d’inspections préventives, les inspecteurs sont tenus d’émettre un avertissement mais ne peuvent pas engager des poursuites. De plus, l’article 136 du même code dispose que les mesures de réaction rapide – que les inspecteurs peuvent adopter si des activités ou des biens constituent une menace directe pour les droits constitutionnels, les libertés et les intérêts légitimes de personnes physiques et morales, la vie et la santé humaines, l’environnement et la sécurité nationale – ne peuvent être prises que dans les cas identifiés par la loi et pour des violations d’éléments figurant sur la liste de contrôle de l’inspection.
La commission rappelle que, conformément à l’article 13 de la convention no 81 et à l’article 18 de la convention no 129, les inspecteurs du travail sont autorisés à prendre des mesures destinées à éliminer les défectuosités constatées dans une installation, un aménagement ou des méthodes de travail qu’ils peuvent avoir un motif raisonnable de considérer comme une menace à la santé ou à la sécurité des travailleurs. La commission rappelle également une fois de plus que l’article 17 de la convention no 81 et l’article 22 de la convention no 129 prévoient que, sauf certaines exceptions, les personnes qui violent ou négligent d’observer les dispositions légales dont l’application est soumise au contrôle des inspecteurs du travail sont passibles de poursuites judiciaires immédiates, sans avertissement préalable, et qu’il est laissé à la libre décision des inspecteurs du travail de donner des avertissements ou des conseils au lieu d’intenter ou de recommander des poursuites. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision de la législation, pour que les inspecteurs du travail soient habilités à prendre des mesures ayant force exécutoire immédiate et soient en mesure d’engager des poursuites judiciaires sans avertissement préalable, le cas échéant, conformément aux articles 13 et 17 de la convention no 81 et aux articles 18 et 22 de la convention no 129. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Article 18 de la convention no 81 et article 24 de la convention no 129. Sanctions appropriées. Faisant suite à son commentaire précédent, la commission note la référence du gouvernement à l’article 462 du Code des infractions administratives qui prévoit des sanctions pour les actes faisant obstruction aux fonctionnaires du bureau des inspections de l’État, et d’autres organes de surveillance et de contrôle de l’État, dans l’exercice de leurs fonctions officielles. La commission note toutefois que l’article 12 du Code des entrepreneurs prévoit toujours le droit des employeurs de refuser l’inspection de fonctionnaires d’organes de surveillance et de contrôle de l’État. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu’aucun acte d’obstruction indue n’est commis à l’encontre d’inspecteurs du travail dans l’exercice de leurs fonctions. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de cas dans lesquels des employeurs refusent à des inspecteurs l’accès à des lieux de travail et sur les motifs de ce refus, et sur le nombre de cas dans lesquels des sanctions sont imposées aux employeurs qui font obstruction aux inspecteurs du travail dans l’exercice de leurs fonctions, et sur la nature de ces sanctions.
Articles 20 et 21 de la convention no 81 et articles 26 et 27 de la convention no 129. Rapport annuel sur l’activité des services d’inspection du travail. La commission note que, depuis la ratification des conventions en 2001, le Bureau n’a pas reçu de rapport annuel sur les activités des services d’inspection du travail. La commission note également que, dans son rapport, le gouvernement fournit les statistiques suivantes pour 2021: 4 727 inspections ont été effectuées, plus de 10 000 infractions à la législation du travail ont été constatées, 3 300 ordres ont été donnés de remédier aux infractions constatées et 1 323 amendes ont été imposées pour un montant de 324 millions de tenges kazakhs (KZT). Dans l’agriculture, en 2021, 62 inspections ont été effectuées, 216 infractions ont été constatées, 64 ordres ont été donnés de prendre des mesures correctives et 23 amendes administratives ont été imposées, pour un montant de 4 562 180 KZT. Par ailleurs, la commission note que le Rapport de 2022 sur l’examen des activités des inspections du travail des États membres de l’Alliance régionale euro-asiatique des inspections du travail contient des informations sur le nombre de visites d’inspection, les infractions constatées et les sanctions imposées, ainsi que des statistiques sur les accidents du travail. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour élaborer et publier un rapport annuel sur les activités des services d’inspection et le communiquer au BIT, conformément à l’article 20 de la convention no 81 et à l’article 26 de la convention no 129, et de veiller à ce que le rapport contienne tous les sujets énumérés à l’article 21 de la convention no 81 et à l’article 27 de la convention no 129.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024.]
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