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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Brazil (RATIFICATION: 1957)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), et de l’Association nationale des magistrats de la justice du travail (ANAMATRA), reçues respectivement les 1er septembre, 2 septembre et 6 décembre 2021. Elle note également la réponse du gouvernement aux observations de la CUT.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. «Travail esclave».a) Cadre juridique. i) Article 149 du Code pénal incriminant «la réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave». La commission s’est précédemment référée aux débats entourant la question de l’incrimination de la «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave», prévue à l’article 149 du Code pénal et aux propositions de loi visant à modifier cet article. La commission note que dans son rapport le gouvernement se réfère à l’adoption du décret no 1293 de 2017 qui donne une définition spécifique des éléments constitutifs du crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave au sens de l’article 149 du Code pénal, à savoir le travail forcé, la journée harassante de travail, les conditions dégradantes de travail, la restriction de la liberté de mouvement du travailleur en raison de la contractation d’une dette, et/ou la rétention sur le lieu de travail. À cet égard, le gouvernement souligne qu’il résulte de ces définitions et de la jurisprudence que le travail d’une personne réduite à une condition d’esclave au sens de l’article 149 du Code pénal (ci-après «travail esclave») ne se limite pas à l’exercice d’une violence physique (lorsqu’elle porte atteinte à la liberté individuelle), mais peut également se caractériser par d’autres et diverses formes, lorsqu’il y a atteinte à la dignité humaine.
La commission note que dans leurs observations, tant la CUT que l’ANAMATRA expriment leurs préoccupations face au fait que la question de la délimitation juridique de la notion de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave continue à faire l’objet de controverses tant au niveau politique que des juridictions. L’ANAMATRA exprime sa préoccupation face à plusieurs projets de loi déposés visant à modifier l’article 149 du Code pénal et face à l’interprétation restrictive de cet article par certaines juridictions du premier degré et en particulier de la notion de conditions dégradantes de travail. Ceci alors que les cours supérieures ont déjà donné une interprétation précise et objective de cette notion dans le cadre d’une jurisprudence consolidée.
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les discussions autour du champ d’application de l’article 149 du Code pénal ne constituent pas dans la pratique un obstacle à l’action menée par les autorités compétentes pour identifier et protéger les victimes de toutes les situations relevant du travail forcé et pour sanctionner de manière rapide et appropriée les auteurs de ce crime.
ii) Article 243 de la Constitution. La commission rappelle que suite à un amendement constitutionnel adopté en 2014, l’article 243 de la Constitution permet l’expropriation des biens ruraux ou urbains dans lesquels l’exploitation du travail esclave aura été constatée ainsi que la destination de ces biens à la réforme agraire et aux programmes de logements sociaux. La commission note l’absence d’information sur l’application de cet article en pratique. Elle observe à cet égard que si le ministère public du travail et le tribunal supérieur du travail considèrent que cet article est d’application directe, le Procureur général de l’Union est d’avis que l’article 243 de la Constitution est «d’efficacité limitée» et que son application dépend de l’adoption d’une loi réglementaire (affaire no 000450-57.2017.5.23.0041, tribunal du travail de Colíder (TRT, 23e Région) et affaire no TST-RR-450-57.2017.5.23.0041). La commission réitère que la possibilité d’exproprier des biens des personnes reconnues coupable d’avoir imposé du «travail esclave» constitue un outil important de lutte contre ce phénomène dans la mesure où elle contribue à porter atteinte aux intérêts économiques de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave, et à lutter contre le sentiment d’impunité. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour rendre effective cette disposition de la Constitution en pratique. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les décisions d’expropriations qui auront été prononcées et sur les mesures prises pour assurer leur exécution. La commission prie en particulier le gouvernement d’indiquer si les fonds tirés des biens expropriés bénéficient directement aux travailleurs qui ont été victimes de travail forcé, concourant ainsi à prévenir leur revictimisation.
iii) Registre des employeurs. S’agissant de la remise en cause de la publication de la liste des personnes physiques ou morales reconnues responsables d’avoir utilisé du travail esclave (connue sous le nom de «liste sale»), la commission observe que suite à des recours en inconstitutionnalité, le Tribunal Fédéral Suprême a confirmé, le 14 septembre 2020, la constitutionnalité de la création, de la publication et de l’actualisation de cette liste. Le gouvernement réitère à cet égard que l’inclusion dans la liste se fait uniquement lorsque la procédure administrative découlant de la constatation de l’infraction est terminée et que, dans le cadre de cette procédure, les employeurs bénéficient des garanties procédurales constitutionnelles telles que le droit de la défense ou le respect du principe du contradictoire. L’inclusion dans la liste se fait pour une période de deux ans. La commission note d’après les informations disponibles sur le site du ministère du Travail et de la Prévoyance qu’après une suspension en 2015 et 2016, le ministère a continué à mettre à jour et à publier chaque semestre la liste. La liste publiée en octobre 2022 a incorporé 95 employeurs (66 personnes physiques et 29 personnes morales), portant le nombre total des personnes morales ou physiques sur la liste à 179.
La commission souligne une nouvelle fois que cette liste constitue un outil d’information tant pour la société dans son ensemble que pour les entreprises qui sont ainsi plus à même de contrôler et surveiller leurs chaînes d’approvisionnement. La commission note à cet égard la référence du gouvernement à l’Institut Pacte National pour l’Éradication du Travail Esclave (InPacto) dont les entreprises membres se sont engagées à définir les restrictions commerciales devant être mises en place avec les personnes morales qui intègrent la liste. La commission encourage par conséquent vivement le gouvernement à continuer de prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’assurer que la liste des personnes physiques ou morales reconnues responsables d’avoir utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage est publiée de manière régulière.
b) Action systématique et coordonnée. Rappelant que, de par sa complexité, la lutte contre travail forcé requiert une action coordonnée et concertée des autorités publiques ainsi que l’implication de la société civile dans son ensemble, la commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les activités de coordination de la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) et sur la mise en œuvre des actions prévues dans le deuxième plan national pour l’éradication du travail esclave (Plan II). Le gouvernement indique que, malgré les mesures prises depuis 1995, le travail esclave subsiste encore au Brésil, et que c’est la raison pour laquelle la lutte contre ce phénomène a été portée au niveau d’une politique de l’État. Le gouvernement réitère qu’il est essentiel de sensibiliser à ce problème non seulement les autorités gouvernementales, mais surtout l’ensemble de la population. La commission note que la CONATRAE, dont le mandat est d’accompagner l’application du Plan II et de proposer des mesures à cet égard, a approuvé le rapport final d’évaluation de la mise en œuvre de ce plan (rapport réalisé avec l’assistance du BIT). Selon cette évaluation, près de 70 pour cent des objectifs fixés dans le Plan II ont été atteints ou partiellement atteints. Dans ce contexte, la CONATRAE a publié une série de recommandations concernant les six axes inclus dans le Plan II (dont notamment la répression, la prévention, la réinsertion des victimes). La commission prend également dument note de la création de la plateforme SmartLab, fruit d’une initiative conjointe du Ministère public du Travail et du BIT. Cette plateforme propose un observatoire de l’éradication du travail esclave et de la traite des personnes qui regroupe l’ensemble des informations contenues dans les bases de données des différentes autorités compétentes dans la lutte contre le travail esclave, et vise à favoriser une gestion efficace des politiques publiques et des programmes dans ce domaine.
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour atteindre l’ensemble des objectifs du Plan national pour l’éradication du travail esclave (Plan II) et pour mettre en œuvre les recommandations formulées à cet égard par la CONATRAE. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard en précisant les résultats obtenus et les difficultés rencontrées. La commission demande également au gouvernement d’indiquer les actions déployées par la CONATRAE pour assurer une action systématique, cohérente et coordonnée de la lutte contre le travail esclave sur l’ensemble du territoire.
c) Action de l’inspection du travail et de la justice du travail. La commission a précédemment demandé au gouvernement de renforcer les capacités de l’inspection du travail et de la justice du travail. Elle a souligné en particulier le rôle clé joué par le Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) dans l’identification des cas de travail esclave ainsi que par le ministère public du travail qui, à travers ses actions, obtient l’imposition d’importantes amendes pour les violations de la législation du travail ainsi que des indemnisations pour les préjudices moraux subis par les travailleurs et pour le préjudice moral collectif subi par la société. La commission note que le gouvernement indique que, depuis ses premières opérations en mai 1995, le GEFM a libéré plus de 59 000 travailleurs en situation de travail esclave et plus de 126 millions de reais ont été perçus par les travailleurs au titre de salaires et indemnités dus. Il précise par ailleurs que l’expérience acquise par le GEFM et son modus operandi ont été présentés dans le cadre des formations prodiguées aux Superintendances régionales du travail et de l’emploi (SRTE) qui développent désormais leurs propres programmes de lutte contre le travail esclave. Les opérations des SRTE dépassent désormais en nombre celles du GEFM qui agit à titre subsidiaire lorsque les opérations sont urgentes, complexes ou dangereuses (54 et 46 pour cent respectivement en 2020). Le gouvernement indique également que, suite à l’adoption du décret no 1.293/2017, l’inspection du travail a adopté en 2018 la directive no 139 qui réaffirme que les opérations d’inspection pour éradiquer le travail esclave sont coordonnées par le Secrétariat de l’Inspection du Travail (SIT), et établit une liste non exhaustive ni exclusive d’indicateurs devant être vérifiés en cas de suspicion de travail esclave. Le gouvernement indique qu’en 2019, 272 opérations ont été réalisées qui ont permis la libération de 1 054 travailleurs, dont 655 dans le secteur agricole. Pour 2020, malgré les mesures de distanciation sociale liées à la pandémie de COVID19, les opérations ont continué, s’élevant à 276 et à la libération de 936 travailleurs. Selon le rapport sur l’action de l’inspection du travail au Brésil pour l’éradication du travail analogue à celui de l’esclave, bilan 2020, 78 pour cent des travailleurs libérés l’ont été dans le secteur rural (culture du café, production de charbon végétal, notamment) avec une augmentation dans le secteur urbain.
La commission note que la CSI se réfère au démantèlement des mécanismes mis en place dans le passé pour lutter contre le travail esclave. Elle signale en particulier la réduction drastique du budget annuel alloué par le gouvernement fédéral à la lutte contre le travail esclave; le manque de ressources des procureurs du travail qui ne peuvent mener les investigations dans les cas qui leur sont soumis; et le déficit d’inspecteurs fédéraux du travail. Selon la CSI, seuls 20 pour cent des cas signalés font l’objet d’une enquête et, parmi ceux-ci, l’existence d’un travail esclave n’est prouvée que dans 45 pour cent des cas. L’ANAMATRA dresse le même constat en soulignant que depuis 2019 les coupures budgétaires se sont intensifiées et qu’en 2021 le budget annoncé pour les inspections et la lutte contre le travail esclave serait le plus bas depuis les sept dernières années avec une coupure de 47,3 pour cent.
La commission rappelle que, de par leur composition interinstitutionnelle (inspecteurs du travail, représentants du ministère public du travail, de la police fédérale et du ministère public fédéral), le GEFM et maintenant les SRTE sont un maillon essentiel de la lutte contre le travail esclave, non seulement en libérant les travailleurs en situation de travail forcé, mais également en récoltant les preuves qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques. Tout en notant certaines mesures prises, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour prendre les mesures nécessaires pour doter l’inspection du travail, et notamment le GEFM, des moyens suffisants, tant humains que financiers, pour pouvoir mener à bien sa mission sur l’ensemble du territoire, et de renforcer les moyens d’action des autorités de poursuite et judiciaires du travail. la commission le prie également de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard et de préciser le nombre d’opérations réalisées, le nombre de travailleurs libérés, les secteurs concernés ainsi que les amendes et les indemnisations imposées.
d) Application de sanctions pénales. La commission a précédemment noté l’absence d’informations concrètes sur les décisions prononcées par la justice fédérale sur la base de l’article 149 du Code pénal. La commission note que dans son rapport, le gouvernement indique qu’entre 2001 et 2020, 951 procédures judiciaires ont été initiées sur la base de l’article 149 du Code pénal. Il fournit également des informations sur sept décisions de justice dans lesquelles des personnes ont été condamnées (une en 2010, une en 2017, trois en 2019 et deux en 2020). La commission note que dans ses observations la CUT souligne que si de nombreuses procédures judiciaires sont bien initiées sur la base de l’article 149 du Code pénal, peu de condamnations sont prononcées. La commission observe par ailleurs que dans son rapport de 2021 sur la situation des droits humains au Brésil, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) note avec inquiétude que, bien que le nombre de travailleurs libérés depuis 1995 et le montant des paiements qu’ils ont reçus montrent des résultats concrets plutôt positifs, la répression dans la sphère pénale reste timide avec peu de condamnations prononcées pour le crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave». La commission rappelle à cet égard que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions pénales réellement efficaces doivent être strictement appliquées aux personnes qui ont imposé du travail forcé. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de fournir des informations précises sur le nombre d’affaires concernant l’article 149 du Code pénal en instance devant le ministère public fédéral, le nombre de procédures judiciaires initiées, le nombre de condamnations prononcées et la nature des peines imposées. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer la coordination et la collaboration entre l’inspection du travail, la police, le ministère public du travail et le ministère public fédéral en ce qui concerne la collecte des preuves qui permettent d’initier les poursuites judiciaires, de juger ceux qui sont suspectés d’avoir imposé du travail forcé et, s’ils sont reconnus coupables, de leur imposer des sanctions pénales à la hauteur du crime commis.
e) Protection et réinsertion des victimes. La commission note que le gouvernement continue à apporter une aide d’urgence et une assistance à moyen terme aux personnes victimes de travail forcé pour faciliter leur réinsertion (notamment à travers l’octroi de prestations de chômage correspondant à trois salaires minimums).La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour protéger et assister les victimes de travail forcé et favoriser leur réinsertion sociale, et de fournir des informations détaillées sur les mesures concrètes prises à cet égard. La commission le prie également de fournir des informations sur les actions entreprises pour sensibiliser les travailleurs des régions les plus touchées par le travail forcé sur les risques encourus.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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