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La commission prend note des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la Coordination des centrales syndicales du Pérou (qui regroupe la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), la Centrale unitaire des travailleurs (CUTPeru), la CATP et la Confédération des travailleurs du Pérou (CTP)), et de la Confédération nationale des institutions entrepreneuriales privées (CONFIEP), reçues le 1er septembre 2022 et qui traitent de questions que la commission aborde dans le présent commentaire. La commission prend note de la réponse du gouvernement à toutes les observations susmentionnées. La commission prend également note de la réponse du gouvernement aux observations de la CATP de 2018.
Évolution de la législation. La commission prend note de ce que le décret suprême no 014-2002-TR, publié le 24 juillet 2022, a modifié le Règlement figurant dans la loi sur les relations collectives de travail (LRCT) et elle observe, entre autres, que ce décret:
  • –Indique que l’immunité syndicale couvre également les délégués des sections syndicales et les dirigeants de syndicats, fédérations et confédérations, les représentants désignés par ceux-ci, et que les parties peuvent choisir, par voie de convention collective, d’étendre la protection syndicale à d’autres travailleurs ou d’allonger la période de protection. les représentants syndicaux dans les organes de dialogue social sont également couverts par l’immunité syndicale (article 12).
  • –Intègre l’article 23-A afin de préciser la portée en ce qui a trait à la dissolution judiciaire de l’organisation syndicale en raison de la perte du nombre minimum d’affiliés, en indiquant que, pour ce qui est du calcul de ce nombre, sont toujours pris en considération les travailleurs syndiqués licenciés dont le licenciement fait l’objet d’une procédure judiciaire ou lorsque des actes antisyndicaux ont été dénoncés devant l’inspection du travail.
  • –Dispose que l’employeur ne peut étendre de manière unilatérale la portée de la convention collective aux travailleurs qui ne relèvent pas de son champ d’application (article 28).
  • –Dispose qu’en cas de dissolution de l’organisation syndicale, les clauses normatives de la convention collective restent d’application (article 30).
  • –Intègre l’article 33-A dans le règlement de la LRCT en disposant qu’en cas de désaccord quant au niveau de la négociation collective, il est possible d’actionner les moyens de recours alternatifs pour le règlement des conflits.
  • –Précise les limites du droit à l’information des organisations syndicales pendant la négociation collective, définissant le minimum d’information devant être communiqué ainsi que le délai dans lequel cela doit être fait par l’employeur (article 38).
  • –Intègre l’article 40-A qui prescrit le contenu minimum de l’obligation de négocier de bonne foi prévue à l’article 54 de la LRCT.
  • –Modifie l’article 59 du règlement disant que le recours judiciaire contre une sentence arbitrale ne suspend pas son exécution, sauf sur décision du pouvoir judiciaire.
  • –Modifie l’article 61-A du règlement régissant les motifs de recours à l’arbitrage facultatif.
La commission prend note du fait que les centrales syndicales considèrent que ce décret peut contribuer à pallier la gravité de la situation des droits de l’homme. Elle note pour sa part que la CONFIEP: i) signale que le décret devait faire l’objet d’une consultation au Conseil national du travail et de la promotion de l’emploi (CNTPE), comme le prévoit la Convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976; et ii) considère que les modifications apportées au Règlement de la LRCT vont affecter les relations de travail entre travailleurs et employeurs. La CONFIEP signale que «la liste des informations que doit fournir l’employeur contrevient à la protection des données personnelles des travailleurs; que la négociation collective par branche d’activité est préconisée (imposée); les seules à pouvoir demander l’arbitrage obligatoire sont les organisations syndicales; il prévoit que l’employeur ne peut pas étendre de manière unilatérale la portée de la convention collective aux travailleurs qui ne relèvent pas de son champ d’application, promouvant de ce fait de manière compulsive l’affiliation syndicale».
La commission note que le gouvernement indique que, loin de perturber l’équilibre dans les relations collectives entre employeurs et travailleurs, le décret suprême s’explique à l’origine par le constat de la situation préoccupante que connaît actuellement la liberté syndicale dans le pays. Il souligne qu’en 2021, le taux national d’affiliation syndicale était d’à peine 5 pour cent et que 4,42 pour cent de travailleurs du secteur privé formel étaient couverts par la convention collective en cette même année. Il indique aussi que 429 cahiers de revendications ont été déposés en 2021, confirmant ainsi la tendance à la baisse amorcée dans les années 1990. S’agissant des conflits ayant trouvé une solution, le gouvernement indique que leur nombre est passé de 1 762 en 1990 à 186 en 2021. Le gouvernement indique aussi qu’alors que le CNTPE, de composition tripartite, s’était mis d’accord en mai 2022 sur une déclaration réaffirmant et renforçant le dialogue social, en juillet de la même année, les organisations patronales ont annoncé suspendre leur participation au CNTPE, disant que l’approbation du document précité avait été sabotée par la promulgation du décret suprême no 014-2022-TR. Rappelant l’importance cruciale du dialogue social et de la consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs dans la préparation et l’élaboration de la législation relative aux relations collectives de travail, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement veillera à la tenue de consultations tripartites tangibles sur les initiatives législatives de cette nature. La commission espère aussi que toutes les préoccupations que suscite le décret suprême seront dument prises en compte dans le cadre du dialogue social tripartite au sein du CNTPE et que tous les obstacles au fonctionnement de cet organisme seront rapidement aplanis. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Article 1 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Ayant noté avec préoccupation qu’en dépit de l’entrée en vigueur de la loi de procédure du travail de 2010, la durée des procédures judiciaires portant sur des atteintes aux droits syndicaux se soit fortement allongée, la commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures afin de garantir leur rapidité et d’informer quant à leur durée, ainsi que sur les sanctions imposées en cas de discrimination antisyndicale. La commission regrette que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations en rapport avec la durée des dites procédures et elle observe que les centrales syndicales affirment que: i) la loi de procédure du travail n’est pas appliquée sur l’ensemble du territoire national et les délais des juridictions du travail restent toujours aussi longs, d’autant plus lorsqu’il est fait appel, une stratégie fréquemment utilisée par les employeurs; et ii) le dépôt de plaintes contre des délégués syndicaux est une pratique antisyndicale récurrente qui génère un climat d’intimidation en l’absence d’un mécanisme administratif ou judiciaire approprié qui protège les adhérents et les dirigeants contre les pratiques antisyndicales.
La commission relève dans les informations communiquées par le gouvernement que, de 2017 à 2021, la Surintendance nationale de contrôle de l’application de la législation du travail (SUNAFIL) a ouvert 2 886 dossiers d’inspection sur la base de plaintes relatives à des conventions collectives ou à l’affiliation syndicale, dont 2 350 ont été menés à terme, pour 964 infractions constatées et 1 386 procès-verbaux dressés. Sur ce point, les centrales syndicales font remarquer que cette information ne montre pas dans quelle mesure les inspections effectuées ont constaté des infractions aux droits syndicaux, si elles ont eu pour effet de réintégrer les préjudiciés dans leurs droits et si les sanctions furent effectives. Elles font remarquer de même que les matières connexes aux droits syndicaux représentent moins de 2 pour cent du total des matières soumises à un contrôle au cours d’une année et qu’en mars 2021 a été inauguré le Tribunal de l’inspection du travail de la SUNAFIL, une instance chargée de statuer sur les recours en révision des procédures d’instance et que, s’agissant de son fonctionnement, elle prend des décisions qui ne vont pas dans le sens de la protection des droits syndicaux.
Par ailleurs, la commission observe que le décret suprême no 014-2022TR dispose que le privilège syndical couvre également les délégués des sections syndicales et les dirigeants de syndicats, fédérations et confédérations, ou les représentants désignés par ceux-ci, et que les parties peuvent, par voie de convention collective, convenir d’étendre la protection du privilège syndical à d’autres travailleurs ou allonger la durée de la protection assurée, et qu’il englobe dans le privilège syndical les représentants syndicaux des instances de dialogue social. Le décret suprême prévoit aussi que, pour ce qui est du calcul du nombre minimum d’adhérents, sont toujours pris en considération les travailleurs syndiqués licenciés dont le licenciement fait l’objet d’une procédure judiciaire ou lorsque des actes antisyndicaux ont été dénoncés devant l’inspection du travail. La commission note que le gouvernement explique que, de cette manière, on évite que soit utilisé le licenciement antisyndical comme stratégie pour poursuivre des dirigeants et dissoudre des syndicats. Le gouvernement indique aussi qu’une proposition d’avantprojet de Code du travail, rédigée au début de 2022 par le ministère du Travail et de la promotion de l’emploi, et communiqué au CNTPE, poursuit le même objectif que le décret suprême. La commission prend bonne note de ces informations, et en particulier des éléments du décret suprême no 014-2022-TR visant à renforcer la protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur la durée des procédures judiciaires relatives aux atteintes contre les droits de la liberté syndicale et de la négociation collective et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la rapidité de celles-ci. De même, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées et actualisées sur les sanctions imposées dans les cas de discrimination antisyndicale et sur les suites données à cet égard. Rappelant que les services de l’inspection du travail contribuent à garantir l’application de la convention, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les préoccupations mentionnées ci-dessus soient dument prises en compte dans le cadre du dialogue social au sein du CNTPE, et que soit également évaluée dans cette enceinte l’efficacité du système de protection contre les actes de discrimination antisyndicale ainsi que les effets de l’application du décret suprême no 014-2022-TR sur ce point. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces discussions et sur leurs résultats.La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau concernant l’avant-projet du Code du travail.
Travailleurs sous contrat à durée déterminée dans le secteur privé. La commission avait demandé au gouvernement de faire état d’éventuelles mesures prises par l’inspection du travail afin d’assurer une protection efficace des travailleurs sous contrat à durée déterminée contre la possibilité d’un non-renouvellement du contrat de travail pour des motifs antisyndicaux. Elle avait aussi invité le gouvernement à utiliser l’enceinte tripartite du CNTPE pour examiner cette question, de même que la possibilité de réviser la loi sur la promotion des exportations non traditionnelles qui permettrait l’utilisation récurrente de contrats de courte durée. La commission note que le gouvernement indique que la proposition d’avant-projet de Code du travail a pour but d’uniformiser la législation du travail et de réduire l’utilisation des contrats à durée déterminée et propose la possibilité de conclure des contrats de différentes formes avec un même travailleur pour autant que, dans leur totalité, ils ne dépassent pas une durée de deux ans. La commission observe que les centrales syndicales affirment que: i) le non-renouvellement de contrats est habituellement utilisé à titre de représailles pour l’affiliation à un syndicat ou l’exercice d’activités syndicales; ii) les contrats régis par la Loi sur la promotion des exportations non traditionnelles peuvent être reconduits sans aucune limite; iii) en 2021, 91,2 pour cent des nouveaux contrats conclus dans le pays l’étaient pour une durée déterminée; et iv) la législation ne prévoit aucun type de protection pour les travailleurs contre l’utilisation du nonrenouvellement de contrats temporaires en tant que représailles contre l’affiliation syndicale ou l’exercice d’activités syndicales. La commission rappelle que, lors de l’examen de cas sur la question (en particulier les cas no 3065, 3066 et 3170), le Comité de la liberté syndicale (CLS) a rappelé que les contrats de travail à durée déterminée ne devraient pas être utilisés de manière délibérée à des fins antisyndicales et que, dans certaines situations, l’emploi de travailleurs au moyen de reconductions successives de contrats à durée déterminée pendant plusieurs années peut constituer un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. Prenant note des indications relatives à la proportion élevée de contrats à durée déterminée et des préoccupations exprimées ci-avant, la commission prie le gouvernement de soumettre la question de la protection contre la discrimination antisyndicale à l’encontre des travailleurs au moyen de contrats à durée déterminée à des consultations approfondies au sein du CNTPE afin de rechercher des mesures concrètes en la matière. Rappelant que dans les cas soumis au Comité de la liberté syndicale, le gouvernement a évoqué la possibilité de réviser les dispositions de la loi sur la promotion des exportations non traditionnelles qui permettraient l’utilisation récurrente des contrats de courte durée, la commission invite à nouveau le gouvernement à ajouter cet élément aux consultations tripartites et au processus en cours de réforme de la législation du travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces discussions et sur leurs résultats.
Travailleurs sous contrat à durée déterminée dans le secteur public. Ayant pris note des allégations de licenciements massifs de travailleurs recrutés sous contrat administratif de services (CAS), la commission avait prié le gouvernement de soumettre la question de la protection contre la discrimination antisyndicale de ces travailleurs au dialogue avec les organisations syndicales du secteur public. La commission note que le gouvernement répond que: i) la loi no 31131 qui arrête des dispositions en vue d’éradiquer la discrimination des régimes du secteur public, publiée le 9 mars 2021, a interdit les CAS et édicté que les travailleurs embauchés sous ce régime devaient être versés au régime du décret législatif no 728 (loi sur la productivité et la compétitivité au travail) et du décret législatif no 276 (loi de base de la carrière administrative et de la rémunération dans le secteur public); ii) les travailleurs embauchés à partir du 10 décembre 2021 sous le régime des CAS ont des contrats à durée indéterminée à condition qu’ils aient participé à un concours public pour un poste permanent; toutefois l’engagement de personnel sous CAS pour une durée déterminée restera possible s’il s’agit de remplacements ou de postes temporaires; et iii) il existe plusieurs organisations syndicales représentant ces catégories de travailleurs et les titulaires de CAS étaient représentés dans les négociations prescrites par la loi 31188. La commission observe que les centrales syndicales indiquent que: i) bien que la loi 31131 ait institué le caractère indéterminé des contrats CAS, on voit apparaître de plus en plus une nouvelle forme de contrat temporaire et atypique qualifiée de contrats pour tiers; et ii) en 2020, plus de 127 000 personnes ont été engagées en régime de louage de services et, dans la plupart des cas, il s’agit de relations de travail dissimulées sous d’apparents contrats de tiers dans lesquels les travailleurs ne peuvent exercer leurs droits syndicaux sous peine de non-reconduction de leur contrat. Tout en accueillant favorablement l’adoption de mesures législatives visant les contrats administratifs de services, prenant note des préoccupations exprimées ci-avant, la commission prie le gouvernement de soumettre la question de la protection contre la discrimination antisyndicale à l’encontre des travailleurs n’ayant pas de contrat à durée indéterminée à des consultations approfondies avec les organisations syndicales représentatives du secteur public. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces discussions et sur leurs résultats.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Travailleurs relevant de dispositifs de formation. Dans son dernier commentaire, la commission prenait note de ce que le gouvernement œuvrait à l’adoption d’une loi sur les pratiques préprofessionnelles et professionnelles applicable au seul secteur public et procédait à la révision de la loi no 28518 dans l’objectif d’une reconnaissance expresse du droit de négociation collective des travailleurs relevant de dispositifs de formation. La commission note que le gouvernement indique que l’avant-projet de Code du travail élaboré par le ministère du Travail et de la promotion de l’emploi définit en son article 75 les modalités de la formation professionnelle comme des formes particulières de contrats de travail, l’assimilant ainsi à du travail, et supposant de même la possibilité que les travailleurs relevant de dispositifs de formation aient le droit à la fois de constituer des organisations syndicales et de négocier collectivement. La commission observe que les centrales syndicales affirment que: i) il n’existe à ce jour aucune initiative visant à modifier la loi no 28518; ii) la reconnaissance générique par la Constitution des droits syndicaux en tant que tels n’octroie pas aux personnes en dispositif de formation l’exercice de ces droits; et iii) l’article 76 de l’avant-projet de Code du travail indique que les modalités de la formation professionnelle ne sont pas assujetties au régime général de travail, ce qui veut dire que l’avant-projet maintiendrait l’orientation de la norme en vigueur, qui est de ne pas reconnaître de manière explicite les droits syndicaux des personnes en formation. La commission espère que l’avant-projet de Code du travail fera l’objet de consultations tripartites approfondies et que, dans le cadre dudit processus de dialogue sera également envisagée la révision de la législation de telle sorte que soient reconnus de manière explicite les droits collectifs des travailleurs relevant de dispositifs de formation. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée dans ce domaine.
Promotion de la négociation collective à tous les niveaux. La commission rappelle que la question du libre choix par les parties du niveau de la négociation fait l’objet de son attention depuis de nombreuses années et qu’elle a donné lieu à une série de cas dont a débattu le Comité de la liberté syndicale. Elle avait noté qu’en vertu de l’article 45 de la LRCT, en cas de désaccord entre les parties et en l’absence de convention collective, la législation accorde la primauté à la négociation au niveau de l’entreprise et elle avait prié le gouvernement d’entamer une consultation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs à propos des modifications jugées nécessaires pour garantir que ce soient les parties concernées qui déterminent le niveau de la négociation collective et le mécanisme de règlement des conflits relatifs au niveau auquel doit se tenir cette négociation. La commission note avec intérêt que le gouvernement indique que la loi no 31110 sur le Régime du travail agraire et des mesures d’incitation pour le secteur agraire et irrigateur, agroexportateur et agroindustriel, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, a supprimé la dernière phrase du premier paragraphe de l’article 45 du TUO de la LRCT qui disposait que, faute d’accord sur le niveau de la négociation, celle-ci se tiendrait au niveau de l’entreprise. La commission observe que la version modifiée de l’article 45 dispose que, en cas de désaccord sur le niveau de la négociation, un accord doit être recherché en recourant aux mécanismes alternatifs de règlement des conflits. Les centrales syndicales indiquent que la loi n’a pas modifié le deuxième paragraphe de l’article 45 qui dispose qu’une fois défini le niveau de la négociation, il ne pourra plus être modifié qu’avec l’accord des parties, à l’exclusion de tout mécanisme alternatif pour régler les éventuels désaccords quant à la modification du niveau de négociation. Pour les centrales syndicales, cela exclut la possibilité de négocier collectivement à des niveaux autres que celui de l’entreprise. La commission note que le gouvernement explique que cette modification ne concerne pas seulement le premier paragraphe de l’article 45 mais aussi le deuxième, permettant ainsi que, en cas de désaccord quant au niveau de la négociation, soit qu’il s’agisse d’une nouvelle négociation collective ou qu’il existe déjà une convention à quelque niveau que ce soit, ce désaccord puisse être solutionné en recourant aux mécanismes alternatifs de règlement des conflits. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les effets de la réforme de l’article 45 du TUO de la LRCT sur la négociation collective. La commission espère que le gouvernement garantira la primauté de l’autonomie des parties pour la détermination du niveau de la négociation.
La commission observe aussi que la loi no 31110 préconise, pour le secteur agraire et agroexportateur, le droit collectif à la négociation collective, en particulier aux échelons supérieurs à celui de l’entreprise, du fait que les travailleurs de ces deux secteurs ont du mal à exercer ce droit de manière efficace en raison du caractère intermittent et saisonnier de leur activité (article 8). Rappelant la nécessité de garantir que la négociation collective puisse se dérouler à quelque niveau que ce soit, c’estàdire au niveau de l’entreprise, du groupe d’entreprises, du secteur ou au niveau national, et observant les données statistiques fournies par le gouvernement et mentionnées ci-dessus, suivant lesquelles le taux de couverture de la négociation collective est très faible dans le pays, la commission note avec intérêt que des mesures législatives auraient été prises afin de promouvoir également la négociation collective aux niveaux supérieurs à celui de l’entreprise. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises afin de promouvoir la négociation collective à tous les niveaux, y compris aux niveaux supérieurs à celui de l’entreprise, et de faire état de leurs résultats.
Recours à l’arbitrage facultatif en cas de désaccord sur le niveau de la négociation et dans d’autres situations. La commission avait observé dans ses précédents commentaires que la LRCT et son Règlement prévoyaient la possibilité, pour l’une ou l’autre partie à la négociation collective, de recourir à l’arbitrage (arbitrage facultatif) lorsque: i) lors de la première négociation, aucun accord ne s’est dégagé quant à son niveau ou son contenu (après la tenue d’au moins six réunions de négociation directe ou de conciliation et au terme de trois mois de négociation); ou ii) dans le courant de la négociation se sont produits des actes de mauvaise foi ayant eu pour effet de retarder, entraver ou éviter la conclusion d’un accord. La commission observe que le décret suprême no 014-2022-TR apporte des modifications au Règlement quant à la possibilité de recourir à l’arbitrage facultatif dans la mesure où: i) il est dit que cette possibilité n’échoit qu’au camp des travailleurs; ii) les conditions requises pour demander un arbitrage facultatif dans le premier cas envisagé par la réglementation (une première négociation, lorsque les parties ne s’accordent pas quant à son niveau ou son contenu) ne doivent plus être réunies mais s’appliquent indépendamment (il faut que se soient tenues au moins six réunions de négociation directe ou de conciliation ou bien que se soient écoulés trois mois depuis le début de la négociation); et iii) s’agissant du point i), il est précisé que les actes de mauvaise foi dans la négociation pouvant justifier le recours à l’arbitrage facultatif sont ceux commis par l’employeur.
La commission note que la CONFIEP indique que le décret suprême permet aux seules organisations syndicales de solliciter l’arbitrage obligatoire, faisant ainsi fi du principe de base de l’arbitrage qui est la volonté des parties. La CONFIEP considère qu’en consacrant le caractère obligatoire de l’arbitrage, on fait du processus de négociation collective un processus de pure forme, car il y a lieu de privilégier le recours à l’arbitrage facultatif puisqu’un tribunal arbitral accorde davantage de bénéfices économiques aux travailleurs, sans prendre en considération le fait que, dans certains cas, la situation financière de l’entreprise ne le permette pas. La commission note qu’à cet égard, le gouvernement indique que: i) l’article 62 de la LRCT précise que les travailleurs peuvent soit déclarer la grève, soit recourir à l’arbitrage; et ii) l’arbitrage facultatif déclenché à l’initiative de l’employeur comporte le risque de porter atteinte au droit de grève, parce qu’il peut présider au déroulement en parallèle d’une grève initiée par les travailleurs et d’un arbitrage facultatif initié par l’employeur, ayant ainsi un effet de sape sur le recours à la grève.
La commission rappelle qu’elle considère que l’arbitrage obligatoire n’est admissible que dans certaines circonstances particulières, à savoir: i) dans les services essentiels au sens strict du terme, soit les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; ii) dans le cas de litiges dans le service public, impliquant des fonctionnaires commis à l’administration de l’État; iii) lorsque, après des négociations prolongées et infructueuses, il devient évident que l’on ne sortira pas de l’impasse sans une initiative des autorités; ou iv) en cas de crise aiguë. La commission rappelle aussi que, alors que la commission considère que l’arbitrage imposé par les autorités à la demande d’une seule partie est d’une manière générale contraire au principe de la négociation volontaire des conventions collectives, elle admet une exception dans le cas de dispositions autorisant les organisations de travailleurs à engager une telle procédure en vue de la conclusion d’une première convention collective. L’expérience montrant que la conclusion d’une première convention collective constitue souvent une des étapes les plus difficiles dans l’établissement de saines relations professionnelles, de telles dispositions peuvent être considérées comme des mécanismes et procédures visant à promouvoir la négociation collective (l’Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 247 et 250). Notant que, dans un contexte de couverture très réduite de la négociation collective, le décret suprême no 014-2022-TR a assoupli certaines conditions permettant au camp des travailleurs de recourir à l’arbitrage, lorsqu’il s’agit d’une première négociation ou en cas de mauvaise foi de l’employeur, la commission prie le gouvernement de: i) fournir des informations complètes sur l’application des nouvelles dispositions mentionnées afin que la commission puisse évaluer leur impact sur le caractère libre et volontaire de la négociation collective et sur la promotion efficace de celle-ci; et ii) engager un dialogue de fond avec les partenaires sociaux représentatifs du pays sur l’application de ces dispositions et sur toute autre mesure envisagée en la matière.
La commission note que l’article 28 du décret suprême no 014-2022-TR dispose que l’employeur ne peut étendre de manière unilatérale la portée de la convention collective aux travailleurs qui ne relèvent pas de son champ d’application. Elle observe que la CONFIEP considère que cet article est une forme de punition des travailleurs qui ne sont pas syndiqués en promouvant de manière obligatoire l’affiliation syndicale. La commission note que le gouvernement indique que cette affirmation ne tient pas compte du fait que la LRCT dispose en son article 9: «En matière de négociation collective, le syndicat qui affilie la majorité absolue des travailleurs relevant de son aire de compétence assume la représentation de la totalité de ceuxci, même s’ils ne sont pas affiliés. S’il existe plusieurs syndicats dans une même unité, pourront exercer conjointement la représentation de la totalité des travailleurs les syndicats qui affilient ensemble plus de la moitié de ceux-ci. Dans ce cas, les syndicats détermineront la forme dans laquelle ils exerceront cette représentation, soit au prorata, proportionnellement au nombre des affiliés, soit à la charge d’un des syndicats. Faute d’un accord, chaque syndicat représente uniquement ses adhérents». La commission prend note de ces précisions. Elle rappelle que sont compatibles avec les principes de la convention tant les systèmes qui permettent que les conventions collectives conclues par l’organisation représentative ne s’appliquent qu’aux parties contractantes et à leurs membres (et non à l’ensemble des travailleurs) que la pratique contraire en vertu de laquelle l’ensemble des travailleurs de l’unité de négociation sont couverts (Étude d’ensemble de 2012, paragraphe 225). La commission observe en outre que la modification introduite par le décret suprême no 014-2022-TR ne semble pas exclure pour les parties la possibilité qu’elles-mêmes décident d’élargir la portée de la convention collective aux travailleurs qui ne sont pas affiliés au syndicat qui l’a négociée.
Articles 4 et 6. Promotion de la négociation collective. Travailleurs du secteur public. La commission avait signifié au gouvernement la nécessité de réviser la loi sur le service civil (LSC) de 2013, de même que toutes les normes apparentées, de telle sorte que les employés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’État puissent exercer leur droit de négocier collectivement des questions économiques et salariales. La commission note que le 2 mai 2021 a été promulguée la loi no 31188 sur la négociation salariale dans le secteur étatique, qui régit l’exercice du droit de négociation collective dans le secteur public et indique que la négociation peut porter sur tous types de conditions de travail et d’emploi, y compris les rémunérations et autres conditions de travail ayant une incidence économique, ainsi que tout autre aspect relatif aux relations entre employeurs et travailleurs et aux relations entre les organisations de travailleurs et d’employeurs. La commission observe que la loi prévoyait des dérogations à divers articles de la LSC, parmi lesquels les articles 42, 43 et 44 qui excluaient totalement la négociation collective de la détermination des échelles salariales ou de l’incidence économique dans le contexte du secteur public. La commission note que, suivant les informations du gouvernement: i) le 20 janvier 2022 a été promulgué le décret suprême no 008-2022-PCM approuvant les lignes directrices de la mise en application de la loi; ii) la loi budgétaire du secteur public pour l’exercice budgétaire 2022 approuve l’augmentation économique convenue collectivement; et iii) le 30 juin 2022 a été conclue la Convention collective centralisée 2022-2023 concrétisant des accords très importants favorables à tous les travailleurs de l’État (à l’exception des agents des carrières spéciales de la santé et de l’enseignement, qui négocieront au niveau décentralisé de leur secteur). La commission prend note avec satisfaction de la signature de la convention collective centralisée. Elle note que les centrales syndicales indiquent que, bien que la loi constitue un pas en avant dans la reconnaissance et l’effectivité de la négociation économique de tous types de conditions d’emploi des employés de l’État, des difficultés sont signalées au niveau de son application. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tant la loi que le décret suprême qui l’accompagne soient mis en application de telle manière qu’ils contribuent à garantir aux organisations syndicales de travailleurs de l’État le plein et total exercice des droits reconnus dans les dits instruments et consacrés par la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les effets de son application. La commission renvoie de même aux commentaires qu’elle formule à propos de laconvention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
La commission exprime le ferme espoir que les initiatives prises par le gouvernement dans le cadre de l’application de la convention seront précédées de consultations complètes avec les partenaires sociaux. La commission rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
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