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2022-SLV-144-Fr

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale – El Salvador est un Membre fondateur de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Nous croyons aux valeurs et aux principes qui sous-tendent l’Organisation dont l’objectif principal est de parvenir à la paix dans le monde. Notre Constitution prévoit l’obligation de respecter les conventions internationales ratifiées. Par conséquent, en tant que gouvernement, nous respectons les normes internationales du travail et nous nous engageons fermement à les respecter progressivement.

Lors de la précédente Conférence, en juin 2021, la commission a formulé des conclusions que notre pays a adoptées et toutes les actions nécessaires ont été prises pour s’y conformer. Diligemment, notre gouvernement a mis en place le Conseil supérieur du travail (CST) dans le cadre d’un processus transparent et avec le soutien et le consentement des employeurs et des travailleurs qui ont désigné librement et indépendamment leurs représentants. De plus, l’OIT a vérifié et accompagné ce processus.

Notre gouvernement a clairement fait preuve de volonté politique et d’engagement à l’égard des organes de contrôle de l’OIT en recevant de manière tripartite la mission de haut niveau décidée par la commission. Même s’il revenait à l’État salvadorien d’accueillir la mission, conformément au calendrier et aux horaires convenus, nous avons décidé de le faire de façon tripartite et consensuelle avec le CST, ce que reflète le document que vous avez tous reçu. Lors de la visite de la mission, nous lui avons fourni, en toute transparence et avec diligence, toutes les informations qu’elle réclamait, comme le montre le rapport publié par la délégation.

De plus, il convient de noter que, tout au long de la semaine, votre serviteur, la vice-ministre et l’ensemble de la direction du ministère avons délaissé nos tâches ministérielles pour lesquelles nous avons été nommés et avons consacré tout notre temps à répondre directement à la mission de haut niveau, en lui accordant la priorité et l’intérêt dont fait preuve notre gouvernement.

Depuis la réception du rapport de la mission de haut niveau, le gouvernement salvadorien en a pris connaissance et a examiné avec un esprit constructif et de coopération multilatérale ses précieuses contributions, conformément au dialogue social, aux engagements tripartites et à la promesse d’un meilleur avenir professionnel et de ses avantages sociaux.

Toutefois, il n’y a selon nous aucune cohérence entre les conclusions du rapport de la mission de haut niveau et la décision d’inclure El Salvador sur la liste des cas individuels. Cette décision nous préoccupe au plus haut point, car elle ébranle la crédibilité, non la nôtre, mais celle d’une organisation internationale. Les délégués qui ont pris part à la mission ont constaté un climat constructif de dialogue social tripartite. Ils ont également constaté qu’El Salvador compte cinq instances tripartites, dont quatre sont opérationnelles et fonctionnent de façon continue depuis l’installation de notre gouvernement, de même qu’un processus de désignation des représentants des employeurs. S’il s’agissait d’établir des proportions en pourcentage, nous dirions alors que nous sommes conformes à 80 pour cent pour ce qui est du fonctionnement des espaces tripartites et que nous mettons tout en œuvre pour combler les 20 pour cent restants afin d’atteindre 100 pour cent de conformité avec la convention; telle est la raison pour laquelle la commission a décidé de nous inscrire sur la liste.

De plus, si ce pourcentage était un critère d’évaluation, combien d’autres pays figureraient sur la liste courte des cas individuels? Nous sommes parfaitement convaincus que, en appliquant un tel critère, un nombre considérable de pays n’obtiendraient pas le pourcentage de conformité de la convention qu’atteint El Salvador.

Cela démontre une contradiction claire et nette et, au final, le seul résultat est la perte de crédibilité d’une organisation, puisque aucun pays ne croira plus en un mécanisme de contrôle, comme une mission de haut niveau, à cause de la contradiction évidente que nous avons décrite précédemment. Cela est d’autant plus étonnant que, dans certains pays voisins, à quelques kilomètres à peine de nos frontières, des dirigeants syndicaux sont intimidés, subissent du chantage, sont extorqués et assassinés lorsqu’ils tentent de s’organiser; pourtant ces pays ne figurent sur aucune liste susceptible de nuire à l’image de leur nation.

Compte tenu de cette double approche, notre conclusion en tant qu’État est que la commission ne procède manifestement pas à une analyse technique ou objective pour inclure un pays sur la liste et, pour le moment, il n’existe pas de processus clair permettant à toutes les parties d’avancer librement et directement leurs arguments, dont la vérification implique l’inclusion ou non sur une liste.

Nous voyons que des pays violent les droits au travail, répriment et affaiblissent la liberté syndicale de leurs secteurs productifs. Mais ils disposent d’équipes expérimentées pour plaider leur cause dans des instances comme celle-ci, et en particulier sur la scène internationale. Peut-être est-ce là notre problème majeur et notre plus grande faiblesse en tant que pays. El Salvador est fort en ce qui concerne le respect des droits des secteurs productifs, mais ne dispose pas des capacités de plaidoyer nécessaires dans l’arène internationale quand il s’agit de décider des pays à inscrire sur les listes.

Cette contradiction entre les conclusions de la mission tripartite de haut niveau et la décision de la commission de nous faire figurer sur la liste n’encourage en rien le progrès et est contraire à l’esprit constructif et de collaboration en méprisant l’existence de véritables espaces de dialogue social.

Compte tenu de ce qui précède, au nom du gouvernement salvadorien, je tiens à exprimer mon désaccord avec cette décision. Il est inouï que la commission n’ait pas tenu compte des conclusions de la mission tripartite de haut niveau que ce même organe de contrôle a envoyée, minimisant ainsi la crédibilité de ses membres. En outre, cette décision invalide les efforts accomplis en tant que mandant et la bonne volonté constatée par la commission.

C’est pourquoi nous estimons que la présence aujourd’hui de notre pays relève plus d’une décision politique que technique, ce qui serait tragique car indigne des instances de contrôle de l’OIT. Nous exhortons la commission à prendre ses distances autant que possible avec ce genre de manœuvres politiques qui nuisent à l’image des organes de contrôle de l’OIT, et à reprendre son véritable rôle historique dans la construction de la paix dans le monde qui est l’axe transversal de l’OIT.

Nous ne faisons pas partie de ceux qui ont pris le train en marche, mais nous sommes l’un des Membres fondateurs de l’OIT. Nous confirmons notre engagement à l’égard de cette Organisation; il est inébranlable malgré les imperfections humaines ou l’échiquier politique où les pions sont bougés de manière discrétionnaire par des individus qui ne viennent pas vérifier la situation sur place. La preuve en est que récemment notre pays, à l’initiative du Président Bukele, a ratifié cinq conventions pour répondre aux demandes des travailleurs, des demandes qui n’avaient jamais été entendues auparavant dans ce pays. En outre, El Salvador n’a jamais figuré sur des listes pour ne pas avoir ratifié des conventions. Malheureusement, parfois, la balance penche plus d’un côté que de l’autre. La ratification de ces conventions témoigne d’une réelle volonté politique de notre gouvernement de progresser dans l’adoption et le respect des normes internationales du travail dans des domaines tels que la sécurité sociale, la protection de la maternité, la négociation collective, la santé au travail et l’élimination de la violence dans le monde du travail. Mais ce n’est pas tout, d’autres ratifications sont envisagées, car nous croyons vraiment en l’OIT, même si certains organes agissent d’une façon qui n’améliorera pas son image.

Je conclus ici mon intervention, espérant que la commission tiendra compte de ces nouveaux éléments que la mission tripartite de haut niveau et la réalité dans notre pays confirment. Nous sommes dans une nouvelle étape de dialogue social tripartite, franc, hautement technique et durable, comme nous l’avons expliqué, et les partenaires sociaux sont présents. Ils pourront confirmer que telle a été notre démarche. Le dialogue tripartite doit être franc, sincère, continu et pérenne dans le temps, accompagné de la volonté de surmonter les défis, pas des défis auxquels nous avons été confrontés ou que nous avons décidé de relever, puisque notre gouvernement n’est en place que depuis trois ans, mais de grands défis historiques en matière de législation du travail dont nous avons hérité des gouvernements précédents, mais qui n’ont jamais été exposés sur la scène internationale ni n’ont même jamais justifié notre inscription sur la liste malgré d’importantes lacunes.

Membres travailleurs – On nous demande à nouveau d’examiner le cas d’El Salvador en ce qui concerne le respect de la convention no 144. Depuis notre dernière réunion, les choses ont avancé. En effet, comme le gouvernement vient de l’indiquer en réponse aux conclusions de la commission, le gouvernement a accepté de recevoir la mission tripartite de haut niveau, ce qui est donc à prendre en compte et qu’il faut saluer.

La mission qui a eu lieu en mai de cette année a fait un certain nombre de constatations intéressantes, notamment le fait que le CST est de nouveau opérationnel. Il a tenu plusieurs réunions et a notamment examiné la ratification de plusieurs conventions de l’OIT. Les problèmes concernant l’intégration de l’organisation des employeurs, l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP), semblent également en voie de résolution.

Cela étant, El Salvador ne figure pas sur notre liste cette année pour mettre en évidence ces domaines d’amélioration. En fait, trois problèmes persistent: les employeurs et les travailleurs doivent être représentés au sein du CST sur un pied d’égalité, ce qui signifie que les postes actuellement vacants au sein de l’instance doivent être pourvus dans les plus brefs délais; la procédure administrative requise pour la désignation des représentants des travailleurs est toujours compliquée, ce qui a pour conséquence d’entraver le fonctionnement normal du CST; enfin, un obstacle juridique rend encore plus compliqué le processus de nomination des travailleurs, le Code du travail imposant aux syndicats de renouveler la composition de leur comité directeur chaque année. D’une part, nous ne voyons pas la raison d’être de cette règle de renouvellement; d’autre part, elle constitue une forme d’ingérence dans le fonctionnement des organisations en question. Il convient de rappeler que l’article 3 de la convention dispose que les représentants doivent être librement désignés. À notre avis, la règle du renouvellement annuel est une violation de cette liberté.

Enfin, il convient de noter que, pour les organisations qui représentent les employeurs, la période de renouvellement est de deux ans. Il résulte de ces constatations que, malgré les progrès réalisés, le gouvernement ne se conforme toujours pas aux exigences de la convention.

Membres employeurs – Tout d’abord, j’aimerais remercier le gouvernement pour le rapport qu’il a présenté à la commission. Cependant, nous ne cachons pas notre inquiétude car c’est la cinquième fois consécutive que nous devons traiter cette question et que, sur le fond, la situation n’a pratiquement pas changé depuis son premier examen, d’autant plus que, selon le rapport de la commission d’experts, la situation s’est détériorée.

Inquiétude, car cette commission, en 2017, 2018, 2019 et 2021, a adopté des conclusions très concrètes qui comprenaient les mesures que le gouvernement devrait prendre pour mettre en œuvre la convention no 144, une convention de gouvernance de l’OIT.

Je dois être bref, alors que ce cas est grave et urgent, marqué par des échecs répétés. J’invite donc les membres de la commission à consulter les rapports de la commission des années que je viens de citer.

Dans les antécédents du cas, des préoccupations sont manifestées aussi bien par la commission d’experts que par la présente commission et par les missions de contacts directs du Bureau. On y trouve aussi plusieurs demandes d’intervention urgente adressées au Directeur général par l’ANEP, l’organisation d’employeurs la plus représentative d’El Salvador, et par l’Organisation internationale des employeurs (OIE). Et ce, en raison de l’ingérence du gouvernement dans l’administration et le fonctionnement de l’ANEP, des agressions commises contre ses dirigeants et des graves déficiences du fonctionnement du dialogue social et de la consultation tripartite dans des conditions très similaires à celles que, selon le rapport des experts et la réalité nationale, les organisations légitimes de travailleurs connaissent.

Lors de l’examen du cas en 2019, nous avons exprimé l’espoir sincère que le nouveau gouvernement, récemment entré en fonction, inverserait cette situation grave et assurerait ainsi la gouvernance du pays, la promotion de bonnes relations entre les partenaires sociaux et le gouvernement, et le respect des obligations découlant de la convention.

Il faut rappeler que, une fois adoptées les conclusions du cas en 2019, le représentant gouvernemental avait déclaré que ces conclusions feraient partie d’une liste de priorités pour le gouvernement. Ces déclarations encourageantes ont également été adressées à la mission de haut niveau qui a récemment visité le pays. Cependant, à notre grand regret, elles ne correspondent en rien aux actions du gouvernement. La situation s’est aggravée sur fond d’une détérioration générale des institutions démocratiques et d’un manque d’indépendance des pouvoirs, au détriment du système d’équilibre des forces et des mécanismes de contrôle, y compris l’autonomie nécessaire à l’organisation la plus représentative du secteur employeur de ce pays.

Dans un souci de clarté et pour l’information de tous, je vais communiquer des informations concrètes qui démontrent ce qui précède.

Tout d’abord, en septembre 2019, le gouvernement a institué le CST pour une période de quelques mois. Toutefois, il était interdit, selon un ordre du Président, de rencontrer les représentants de l’organisation patronale la plus représentative du pays. Il s’agissait donc plus d’une tactique du gouvernement pour donner l’apparence de respecter ce qui avait été demandé qu’une réelle intention de donner la priorité au fonctionnement du conseil.

Le gouvernement a mis son inefficacité sur le compte de la pandémie et de la suspension des activités, tout en saluant le dialogue social qui avait lieu par le biais d’autres instances et réunions. Il y a une contradiction.

Après cette activité apparente, le gouvernement a réactivé le CST en décembre 2021. Or les représentants des partenaires sociaux les plus représentatifs nient l’existence de consultations tripartites effectives ou d’un véritable dialogue social et affirment que le dialogue n’a lieu qu’avec des interlocuteurs proches du gouvernement, en violation des termes de la convention dans ses articles 1, 2 et 3.

Le gouvernement, une fois de plus, se cache derrière les apparences pour échapper aux organes de contrôle.

Je m’explique: lors d’un événement privé pour célébrer la fête du travail, le 1er mai de cette année, le gouvernement a annoncé, sans avoir consulté le CST, qu’il ratifierait cinq conventions par le biais de l’Assemblée législative, comme nous l’a dit le gouvernement. L’ANEP qui depuis six mois participait, en faisant preuve de bonne volonté, aux réunions du conseil, a été surprise par cette annonce. Elle a immédiatement envoyé une lettre demandant au gouvernement de soumettre la ratification de ces conventions au CST pour consultation, conformément à la convention no 144. Les propositions de l’ANEP ont été ignorées par le gouvernement et, le 16 mai – sans la consultation que prévoit l’article 2 de la convention précitée et les propositions dans ce sens, y compris la mission de haut niveau – l’Assemblée législative a ratifié les cinq conventions susmentionnées.

Nous ne remettons pas en cause la volonté souveraine de l’Assemblée législative de procéder à la ratification, mais il est grave que le gouvernement méconnaisse l’article 5 de la convention et les mécanismes de dialogue social et de consultation tripartite, y compris ce qu’il nous a présenté comme un protocole comportant des directives sur la procédure de soumission qu’il aurait récemment élaboré.

Deuxièmement, l’année dernière, en pleine Conférence, le gouvernement salvadorien a modifié les dispositions légales relatives aux 23 entités paritaires et tripartites par lesquelles le Président de la République s’arroge le pouvoir de nommer et de révoquer les directeurs qui représentent les organisations d’employeurs dans les conseils de direction de ces instances. Depuis son compte Twitter, le Président de cette nation, M. Bukele, a annoncé l’envoi des 23 projets de loi à l’Assemblée pour, je cite: «retirer l’ANEP des conseils de direction des organisations autonomes, afin que celles-ci se mettent véritablement au service du peuple». Depuis lors, le gouvernement a mené des actions déloyales en exigeant la démission des directeurs des organes tripartites et paritaires, dans certains cas sous la menace, et en nommant les directeurs conformément aux dispositions des 23 nouvelles lois modifiées, en violation flagrante de l’article 4 de la convention.

À cet égard, la commission d’experts prie instamment le gouvernement: «d’abroger toute disposition légale relative aux 23 entités autonomes susmentionnées accordant au gouvernement la possibilité d’intervenir dans la désignation des représentants des employeurs».

Troisièmement, deux mois après la prise de fonction, en avril dernier, du nouveau président de l’ANEP, le gouvernement n’a pas activé les espaces bipartites qui existaient avant que le Président de la République ne désavoue l’ancien président de l’ANEP. L’ingérence dans les élections des représentants en vue de la consultation tripartite et dans la délivrance des pouvoirs à l’ANEP constitue également une violation flagrante de la convention. La promesse du Président Bukele selon laquelle tout reviendrait à la normale après l’élection d’un nouveau président de l’ANEP ne s’est pas concrétisée. C’était une fausse promesse, un acte d’ingérence manifeste et une violation flagrante de l’indépendance de l’ANEP.

Quatrièmement, à ce jour, les employeurs ne participent pas pleinement au CST car le gouvernement n’a pas encore autorisé l’inclusion de trois organisations d’employeurs afin que les trois secteurs – gouvernement, travailleurs et employeurs – aient le même nombre de représentants. Cela montre que la convention n’est pas respectée, ni en droit ni dans la pratique. À cet égard, la commission d’experts a exhorté le gouvernement à veiller à la pleine reconnaissance du président de l’ANEP, de cette organisation d’employeurs la plus représentative dans le dialogue social et la consultation tripartite, ainsi que pour toute révision pertinente du règlement intérieur du conseil, ce qui n’a pas eu lieu. Les représentants des travailleurs ont également exprimé leur impuissance s’agissant de la reconnaissance de leurs représentants et de leur indépendance.

Et, enfin, cinquièmement, le gouvernement poursuit sans relâche une campagne de dénigrement contre l’ANEP à travers la radio, la télévision, la presse et les réseaux sociaux depuis le plus haut niveau, la présidence de la République.

Les faits présentés témoignent d’un mépris du dialogue social et du respect des obligations que le gouvernement salvadorien a souscrites lorsqu’il a ratifié la convention.

Comme vous pouvez le constater, il s’agit là de l’un des cas les plus graves de non-respect répété des conventions de l’OIT qu’El Salvador a ratifiées volontairement. Nous espérons que le gouvernement fondera le succès de cette participation, comme il l’a annoncé sur les réseaux sociaux, sur le respect de la convention et sur des actes concrets et des résultats vérifiables et pas seulement sur des paroles, qui malheureusement n’ont pas été tenues jusqu’à ce jour. Monsieur le Président, nous serons très attentifs à l’évolution de cette discussion.

Membre travailleur, El Salvador – Je m’exprime au nom des organisations de travailleurs d’El Salvador. C’est un honneur de m’adresser à cette commission. En tant que secteur travailleur, nous sommes convaincus de l’importance du dialogue social tripartite comme élément essentiel à la construction d’un pays plus juste, accompagnée de travail décent. Nous reconnaissons l’importance fondamentale de l’OIT et de son système de normes pour atteindre l’objectif de la justice sociale et de la paix au niveau mondial.

El Salvador est un pays qui a subi des injustices sociales, une répression et une inégalité qui nous ont conduits à un affrontement armé. Malgré la signature des accords de paix, les causes à l’origine du conflit n’ont pas été réglées. Après la guerre, nous avons été dirigés par des élites politiques qui ont appauvri notre pays, privatisé des secteurs essentiels et continué de réprimer les luttes syndicales et qui se sont enrichies en appauvrissant et en marginalisant la population.

Sous ces gouvernements, la mort de dirigeants syndicaux est restée impunie et le dialogue social s’est brisé. Pendant de nombreuses années, nous, travailleurs, n’avons pas réellement participé et les élites économiques prenaient les grandes décisions du pays.

Nous avons avancé et, en tant que secteur travailleur, nous avons ouvert des brèches grâce aux luttes que nous avons livrées. Notre participation s’est renforcée et a eu des effets sur les politiques publiques.

Nous accueillons avec satisfaction la mise en marche de mécanismes de dialogue et la relance du CST, après plusieurs années de paralysie. De toute évidence, la continuité et le renforcement de cet espace de dialogue tripartite, réclamés par le mouvement syndical pendant des années, nous permettront de conclure des accords importants qui donneront un élan aux relations professionnelles, qui nous permettront de réaliser davantage de droits et qui dynamiseront la croissance de la production dans le pays.

Nous nous félicitons du fait que le gouvernement a entendu les réclamations que nous portions depuis longtemps quant à la ratification de cinq conventions internationales importantes de l’OIT. Nous devons souligner que leur ratification a été encouragée par le mouvement syndical et menée à bien par le gouvernement. Il s’agit de la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; de la convention (no 148) sur le milieu de travail (pollution de l’air, bruit et vibrations), 1977; de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981; de la convention (no 183) sur la protection de la maternité, 2000; et de la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, récemment adoptée. Avec ces ratifications, nous, travailleurs, disposons d’un outil de lutte grâce auquel nous pourrons exiger des politiques publiques plus nombreuses et de meilleure qualité et des réformes du cadre juridique conformes aux normes internationales, ce qui constitue un fait historique sans précédent dans le pays.

El Salvador fait face à nombre de défis importants en matière de droits au travail. Des années de gouvernements néolibéraux, contraires aux intérêts du peuple, ont démantelé les normes protectrices, durement restreint la liberté syndicale et légiféré en faveur de leurs intérêts, par exemple en instaurant des processus bureaucratiques dans le but de compliquer l’accréditation des organisations syndicales.

Nous avons des attentes favorables quant au processus politique actuel. Le mouvement syndical a présenté au gouvernement et au Congrès des propositions de réforme du Code du travail visant à l’aligner sur les dispositions de l’OIT. Nous nous trouvons actuellement dans une phase de dialogue actif qui montre des avancées sur la voie de la conclusion d’accords importants. Nous espérons parvenir rapidement à la version finale qui culminera par l’adoption des nouvelles lois.

Notre Code du travail et la loi sur la fonction publique ont cinquante ans. Ces normes sont quasiment obsolètes. Il est temps de les mettre à jour.

En tant que secteur travailleur, nous avons largement participé à la mission tripartite de haut niveau que la commission a nommée. Nous saluons l’ouverture et la bonne volonté du gouvernement au moment de recevoir cette mission et de participer de manière tripartite. Les recommandations de la mission montrent les avancées réalisées et les défis que le pays doit encore relever. Le plus important, c’est qu’elles montrent la perspective positive de dialogue social dans le pays.

En tant que secteur, nous demandons à la commission qu’elle puisse étudier les conclusions de la mission tripartite, dont les délégués ont pu constater les avancées accomplies et en prendre note. En effet, si la commission avait étudié le rapport de très bonne facture établi par la mission et lui avait accordé tout le crédit qu’il mérite, El Salvador n’aurait pas été inscrit sur la liste, sauf s’il existe d’autres intérêts, étrangers au renforcement du dialogue social.

En tant que travailleurs, nous espérons compter sur l’assistance technique du BIT pour avancer au sujet des réformes envisagées. Nous espérons également que le gouvernement respectera les engagements qu’il a publiquement pris et que les employeurs apporteront leur esprit de collaboration, en laissant de côté les égoïsmes mus par l’accumulation de richesses et les intérêts politiques. Nous ferons tout notre possible dans un esprit constructif, car c’est dans le dialogue social et la force des travailleurs que repose notre espoir de construire un pays plus juste.

Membre employeur, El Salvador – Nous avons pris note des explications que le gouvernement d’El Salvador a données aujourd’hui. Devant la commission, il y a trois ans, nous avons exprimé notre optimisme parce que le nouveau gouvernement s’engageait à respecter les conventions internationales et à se soumettre aux mécanismes de contrôle de l’OIT. La relance du CST, en septembre 2019, par le gouvernement, nous a encouragés, mais, en mai 2020, ce même gouvernement a interdit à tous ses fonctionnaires de rencontrer l’ANEP.

De ce fait, la nouvelle relance du CST, il y a six mois, était porteuse d’espoir, tout comme ses réunions régulières en plénière et les réunions régulières de sa direction. Le CST a repris le processus tripartite visant à élaborer une politique de l’emploi, avec la participation de travailleurs et d’employeurs, et avec l’assistance technique du bureau régional de l’OIT. Le gouvernement a également soumis au CST, pour consultation, des projets de loi visant à modifier la prestation de services de garderie pour les enfants des travailleurs. Des observations ont été débattues, élaborées et présentées.

Toutefois, pour être en conformité avec la convention, il faut régler au moins cinq points déjà relevés par la commission et par la commission d’experts. Avec la volonté politique du gouvernement, ces cinq points pourraient prendre la forme d’une feuille de route qui, si elle est menée à bien, évitera que le pays fasse l’objet d’un nouvel examen en 2023. Nous, employeurs, ne souhaitons pas continuer ce type d’examen; nous souhaitons un environnement propice à l’investissement et à la création d’emplois décents. Nous espérons que cela sera possible.

Les points en question sont les suivants:

- Premièrement, s’agissant de l’ingérence du gouvernement dans la désignation des représentants des employeurs: dans son rapport, la commission d’experts dit sa «profonde préoccupation» parce que, depuis longtemps, de multiples allégations d’ingérence des autorités sont portées au sujet de la désignation des représentants d’entités publiques tripartites et paritaires et que les faits récents indiquent une aggravation de la situation. La commission d’experts prie instamment le gouvernement d’abroger toute disposition juridique relative aux 23 entités autonomes mentionnées qui accorde au gouvernement la possibilité d’intervenir dans la nomination des représentants des employeurs. Il y a exactement un an, le gouvernement réformait 23 lois pour s’arroger le droit de choisir les directeurs qui représentent les organisations d’employeurs et de les limoger. À ce jour, en résumé, dans 10 entités, le gouvernement a procédé à des nominations arbitraires en marge de la convention no 144, tandis que, dans 10 autres espaces de dialogue, la nomination est toujours en suspens. Dans certains cas, les directeurs ont été obligés de démissionner prématurément; dans d’autres, des directeurs ont reçu des menaces pour les contraindre à la démission. Cela a dégradé le dialogue social dans mon pays non seulement parce que les nominations étaient arbitraires, mais aussi parce que le dialogue social se fait sous la menace permanente d’un limogeage pouvant survenir à tout moment. Seuls les membres du CST et du Conseil national du salaire minimum (CNSM), entités relevant de la compétence du ministère du Travail, ont été nommés conformément à la convention no 144. Pour qu’il y ait un véritable dialogue social tripartite efficace, les organisations d’employeurs doivent choisir leurs représentants directement, librement et en toute autonomie, sans ingérence du gouvernement.

Il s’agit là du premier point d’une feuille de route que le gouvernement, nous l’espérons, aura la volonté de mener à bien.

- Deuxièmement, dans le cadre juridique qui régit l’élection des membres du CST, il y a un vide qui limite la participation des employeurs. La commission d’experts prie instamment le gouvernement de «prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein respect de l’autonomie de l’ANEP et […] la reconnaissance de cette organisation d’employeurs en tant que partenaire social, de sorte que l’ANEP puisse participer pleinement au dialogue social par l’intermédiaire de ses représentants élus».

Le deuxième point de la feuille de route consisterait à élaborer et à approuver des règles claires, objectives, prévisibles et juridiquement contraignantes en vue de parvenir à la pleine participation des employeurs au CST.

- Troisièmement, nous constatons avec préoccupation que le gouvernement a présenté directement à l’Assemblée législative des projets de loi en matière de travail sans consulter le CST, ce qui contrevient aux dispositions de notre législation et de la convention no 144. Il s’agit, par exemple, d’un nouveau Code du travail et de la loi de procédure du travail. Mais des députés proches du gouvernement ont également présenté des projets de loi. Il ne faut pas que le gouvernement agisse en marge du CST pour les questions de fond.

C’est pour cette raison que le troisième point de la feuille de route consisterait à présenter, au sein du CST, ce nouveau Code du travail et la loi de procédure du travail, en tant que début de dialogue social sur ces textes, ainsi qu’à constituer des commissions techniques pour chaque texte.

- Quatrièmement, s’agissant de la ratification des conventions, le dialogue social doit se traduire en actes et non en paroles. Les faits graves qui se sont produits en mai dernier nous mettent en alerte. Le gouvernement, sans consulter le CST, au cours d’une célébration privée de la fête du travail, a annoncé la ratification de cinq conventions de l’OIT. Ces conventions ont été présentées à l’Assemblée législative qui les a ratifiées, de manière expresse, deux semaines plus tard, sans avoir consulté le CST. Nous sommes encore sous le choc, car le pays a perdu là une belle opportunité de pratiquer le dialogue social par l’examen des conventions et l’envoi d’une recommandation tripartite à l’Assemblée législative.

Un quatrième point de cette feuille de route consisterait à inscrire à l’ordre du jour du CST une discussion sur la mise en œuvre de ces conventions, mais également à habiliter le CST à examiner quelles autres conventions devraient être ratifiées au cours des prochains mois.

- Cinquièmement, il y a deux ans, l’ANEP a déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale, car le gouvernement ne reconnaissait pas le président de l’ANEP, ni l’ANEP, comme l’entité la plus représentative des employeurs de mon pays. Puis, nous avons demandé au Directeur général d’intervenir directement en raison du harcèlement fiscal subi. À ce sujet, dans son rapport, la commission d’experts observe avec une «profonde préoccupation» que les plus hautes instances gouvernementales n’ont pas reconnu l’ANEP comme l’entité la plus représentative des employeurs en El Salvador. Permettez-moi de vous informer du fait que, le 4 avril dernier, l’ANEP a élu un nouveau président qui s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur du dialogue social en tant qu’instrument pour l’élaboration d’accords.

Un cinquième élément de cette feuille de route consisterait à ce que le Président, les ministres et le pouvoir législatif reconnaissent l’ANEP en tant qu’entité la plus représentative des employeurs.

Le CST a été institué. Il s’agit d’une opportunité que nous devons tous saisir. Nous, employeurs, ne cesserons jamais de nous employer à cela.

Membre gouvernementale, France – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, pays candidat, et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange, membre de l’Espace économique européen, s’alignent sur la présente déclaration. L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits du travail, tels qu’ils sont garantis par les conventions fondamentales de l’OIT et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme et du travail.

Nous sommes fermement convaincus que le respect des conventions de l’OIT est essentiel pour la stabilité sociale et économique de tout pays et qu’un environnement propice au dialogue, à la consultation et à la confiance entre les employeurs, les travailleurs et les gouvernements est la base d’une croissance solide et durable et de sociétés inclusives.

L’UE et ses États membres sont aux côtés du peuple salvadorien. Nous sommes déterminés à renforcer notre coopération par des liens politiques et commerciaux. L’accord de dialogue politique et de coopération entre l’UE et l’Amérique centrale (PDCA) et l’application provisoire du pilier commercial de l’accord d’association entre l’UE et l’Amérique centrale constituent un cadre pour développer davantage notre partenariat, notamment par la coopération en matière de commerce, de développement durable et de mise en œuvre effective, en droit comme dans la pratique, des conventions fondamentales de l’OIT.

Nous prenons en compte les mesures récentes prises en vue du respect de la convention, et nous attendons que le dialogue social et les consultations tripartites deviennent pleinement fonctionnels dans le pays, en notant que le cas a déjà été discuté lors des quatre dernières sessions de la commission, y compris en tant que cas grave en 2017.

L’année dernière, nous avons salué l’inauguration et la première session du CST, en septembre 2019, et les mesures prises par le gouvernement pour initier le dialogue social et la consultation tripartite et réactiver le CST à la suite du rapport de 2020 de la commission. Tout en notant que les réunions de ce conseil ont été gelées tout au long de 2020 et 2021, nous nous félicitons de son rétablissement pour la période biennale 2021-2023 et de la création d’une commission technique tripartite pour rendre opérationnel l’agenda du conseil.

Nous nous félicitons que, à la suite de la demande de la commission en 2021, le gouvernement ait finalement reçu la mission tripartite de haut niveau du 2 au 5 mai 2022.

Conformément aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau et en écho aux appels de la commission, nous soulignons que, pour assurer le fonctionnement efficace du CST, ses règles doivent respecter l’autonomie des partenaires sociaux, y compris en ce qui concerne la désignation de leurs représentants. Dans ce contexte, nous notons en particulier la nécessité d’assurer la pleine reconnaissance du président de l’ANEP et de cette organisation dans le dialogue social et la consultation tripartite, ainsi que lors de toute révision du statut du CST.

Nous réitérons également l’appel de la commission invitant le gouvernement à respecter pleinement l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, tant en droit que dans la pratique. Cela inclut le plein respect de la sélection des représentants aux organes publics tripartites et paritaires, tels que l’Institut salvadorien de sécurité sociale ou le Fonds social. Cela inclut également que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir la délivrance rapide des pouvoirs de toutes les organisations et abroge toute disposition légale permettant une quelconque ingérence dans l’autonomie des organisations.

Nous nous faisons l’écho de l’appel urgent lancé par la commission au gouvernement pour qu’il fournisse des informations détaillées et actualisées sur le contenu et le résultat des consultations tripartites, y compris au sein du CST, tenues sur toutes les questions liées aux normes internationales du travail couvertes par la convention, ainsi que sur la soumission des normes internationales du travail aux autorités nationales compétentes conformément à la Constitution de l’OIT. Nous demandons une nouvelle fois au gouvernement de se conformer à ces obligations en matière de rapports.

Nous rappelons l’importance de l’assistance technique du BIT pour faciliter le respect de toutes les conventions ratifiées de l’OIT et la promotion du tripartisme. Nous soulignons également que l’étendue et le contenu de cette assistance devraient être définis par le dialogue social, par exemple dans le cadre du CST.

Nous demandons instamment au gouvernement d’honorer de manière constructive et sincère ses engagements à mettre effectivement en œuvre, en droit et dans la pratique, toutes les conventions ratifiées de l’OIT, y compris la convention no 144 et les conventions fondamentales de l’OIT.

L’UE et ses États membres restent attachés à un engagement constructif conjoint avec El Salvador, y compris par le biais de projets de coopération, dans le but de renforcer la capacité du gouvernement à traiter les questions soulevées dans le rapport de la commission.

Membre employeuse, Costa Rica – Je souhaite commencer mon intervention par une définition de l’OIT du dialogue social qui inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun; il peut prendre la forme d’un processus tripartite ou de relations bipartites.

Depuis sa création, l’OIT encourage la coopération entre employeurs, travailleurs et gouvernements, permettant ainsi à la justice sociale de régner grâce au dialogue social. La convention no 144 permet d’assurer la participation des employeurs et des travailleurs dans chaque pays. C’est pour cette raison que cette convention figure parmi les normes du travail de l’OIT les plus importantes du point de vue de la gouvernance.

La convention dispose clairement que les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs sont celles qui jouissent de la liberté syndicale, un principe qui implique aussi que les États doivent s’abstenir d’intervenir dans la constitution de ces organisations. Les employeurs du Costa Rica, comme ils l’ont déjà signalé lors de précédentes discussions sur ce cas, estiment que l’ingérence des autorités salvadoriennes dans le processus de désignation des représentants, tant des employeurs que des travailleurs, au sein d’entités publiques tripartites et paritaires, constitue un précédent très négatif à l’échelle internationale. L’article 3 de la convention dispose que les représentants des employeurs et des travailleurs sont choisis librement.

Si l’objectif principal du dialogue social est bien d’encourager la formulation d’un consensus entre les principaux acteurs du monde du travail ainsi que leur participation démocratique, il n’est pas compréhensible que le pouvoir exécutif se soit arrogé le droit de révoquer les administrateurs représentant les organisations d’employeurs dans les conseils de direction, qui plus est en établissant des motifs discrétionnaires et arbitraires pour leur nomination par la modification de 23 lois nationales. Il s’agit à l’évidence d’une violation de la convention et du principe de la liberté d’association.

Il reste inquiétant que différentes instances essentielles pour la prise de décision dans le pays ne disposent toujours pas d’une représentation en bonne et due forme, et si, comme l’indique le membre employeur d’El Salvador, le CST et le CNSM fonctionnent déjà, c’est en violation du dialogue social puisque ces instances ne sont pas saisies de questions qui les concernent et que les employeurs ne peuvent pas y participer pleinement.

Le dialogue social est la bonne façon d’élaborer des instruments, quels qu’ils soient, surtout lorsqu’il s’agit d’instruments tels que ceux mentionnés par l’ANEP, c’est-à-dire des projets de loi comme un nouveau Code du travail et la loi de procédure du travail, qui sont des normes fondamentales pour parvenir au travail décent et à l’instauration de bonnes relations de travail.

Nous demandons au gouvernement salvadorien de permettre au CST de dialoguer et de présenter sa position sur les questions qui le concernent et qui sont de la plus haute importance pour le pays, afin de stimuler la productivité et la compétitivité tout en favorisant le travail décent. Tout cela est fondamental dans une démocratie.

Membre travailleur, Argentine – Ce cas est particulier en ce qu’il est possible de dégager des progrès par rapport aux années précédentes, mais aussi de soulever des problèmes qui n’ont pas été résolus. Il ne fait aucun doute que la récente ratification de cinq conventions internationales du travail de la part du gouvernement salvadorien, après des années de revendications du mouvement syndical, est un élément positif et un important pas en avant que nous tenons à souligner et saluer.

Malgré ces progrès, en ce qui concerne les normes internationales, la législation du travail d’El Salvador est obsolète, il y a de sérieux problèmes de procédures et des conflits éclatent au moment de mettre en place des espaces de dialogue social tripartite. La commission d’experts met l’accent sur un point essentiel, à savoir l’obligation faite à tous les syndicats de renouveler leur personnalité juridique auprès des autorités tous les douze mois, une démarche administrative qui dure au moins neuf mois, ce qui signifie que le statut à peine acquis expire presque aussitôt, obligeant les organisations à recommencer toute la procédure. Tous ici, nous savons que tout retard dans la reconnaissance juridique perturbe l’exercice des droits syndicaux collectifs et nuit aux organisations en ce qui concerne leurs responsabilités de gestion administrative, financière et institutionnelle, et nous savons également que de nombreux gouvernements se servent de la reconnaissance juridique, qu’ils refusent ou retardent, comme moyen de faire pression sur les syndicats qui s’opposent à leurs politiques ou comme méthode de discipline: rapide pour les amis, mais tard ou jamais pour les opposants. Ce point appelle une attention et une solution urgente de la part du gouvernement: une volonté politique et un programme informatique suffisent à résoudre ce problème. Rien de plus; aucun délai supplémentaire ne peut être toléré.

Nous tenons compte des plaintes relatives aux difficultés de former des délégations représentatives au CST, mais nous le faisons en adoptant un point de vue différent de celui de la commission d’experts quand elle a rédigé son rapport puisque nous avons été informés que d’importants progrès ont été accomplis: cette instance de dialogue fonctionne maintenant de manière régulière, des commissions ont été relancées et la participation est plus large. Il reste encore beaucoup à faire, mais nous constatons que nous sommes sur la bonne voie et que des progrès sont réalisés.

Enfin, nous tenons à souligner l’attitude du gouvernement salvadorien pendant cette conférence qui, par l’intermédiaire de sa vice-ministre, a pris contact avec les partenaires sociaux, a pu adoucir les critiques et a demandé l’assistance technique d’autres gouvernements pour surmonter les difficultés. C’est ainsi que cela se passe au sein de la commission. Il ne faut pas accentuer les fissures ni contredire juste pour le plaisir de contredire; il faut profiter de chaque minute à Genève, des réunions bilatérales ou tripartites, des discussions avec le Bureau, pour rechercher la cohérence et le consensus sur la base de négociations de bonne foi.

Nous espérons que, dans le cas d’El Salvador, le gouvernement respectera dans la pratique et en temps voulu les engagements pris à l’égard des partenaires sociaux et que nous pourrons bientôt constater les progrès réalisés et en rendre compte lors de la prochaine Conférence.

Membre gouvernemental, Chili – Je fais cette déclaration au nom d’une grande majorité de pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Nous saluons les informations fournies par le gouvernement de la République d’El Salvador par l’intermédiaire du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale concernant le respect de la convention. Nous prenons en compte le rapport publié par la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue en El Salvador en mai 2022 et qui était présidée par la déléguée du Mexique, en représentation du groupe gouvernemental. Cette mission a été accueillie par le ministre Rolando Castro, au nom du Président de la République, Nayib Bukele, déclarant que c’était pour eux l’occasion de fournir toutes les informations dont la mission pourrait avoir besoin.

La mission faisait suite aux recommandations que contenaient les conclusions de la commission de juin 2021. Cette mission a constaté la mise en place et le fonctionnement du CST pour la période 2021-2023 et la création d’une commission technique tripartite pour la mise en œuvre de son programme. Selon le rapport en question, El Salvador a réalisé des progrès notables dans la promotion du dialogue social tripartite. Autant d’informations qui contrastent avec le fait qu’El Salvador figure, une fois de plus, dans la liste des 22 pays appelés à rendre compte à la commission.

Nous encourageons donc le gouvernement salvadorien à mettre en œuvre la convention et encourageons le BIT à continuer de fournir une coopération technique au gouvernement d’El Salvador.

Membre employeur, République démocratique du Congo – Au nom du secteur employeur de la République démocratique du Congo, épris de la lettre et de l’esprit des normes internationales du travail, il est tout à fait inacceptable que le gouvernement d’El Salvador s’ingère dans les élections des représentants des employeurs, et notamment de l’ANEP à la Surintendance générale de l’électricité et des télécommunications par le décret de novembre 2017. Peu importe que le gouvernement allègue par la suite, à titre de défense, que la Cour suprême de justice a rendu une décision déclarant nulle et non avenue l’élection des représentants des employeurs contestée par l’ANEP. Cet acte constitue sans aucun doute une violation manifeste du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention, comme le signale la commission d’experts.

Aussi, l’exclusion par le gouvernement de l’ANEP du dialogue social est une autre manifestation de la violation de la convention. Cela prouve à suffisance qu’il n’y a pas de véritable dialogue.

Au regard de cette situation, il est tout à fait indiqué que le gouvernement d’El Salvador bénéficie d’une assistance technique du BIT en vue de promouvoir le tripartisme et le dialogue social dans le pays. Il est aussi recommandable que cette assistance technique dans la promotion du dialogue social vise surtout le CST qui connaît un grand dysfonctionnement.

Membre travailleur, Pays-Bas – Le rapport de la commission d’experts sur El Salvador aborde les problèmes que posent la composition et les conditions de participation des syndicats aux organes tripartites de dialogue social, tels que le CST.

La récente mission tripartite de haut niveau de l’OIT dans ce pays fournit des éléments de poids et des propositions sérieuses pour y mettre fin. L’une des conditions préalables à la reconnaissance des organisations syndicales est la nécessité de respecter certaines exigences relatives à la légalisation des fédérations et des confédérations. La mission tripartite a pris note de l’obligation légale qui impose que les comités directeurs de syndicats et leurs pouvoirs soient renouvelés tous les douze mois; une ingérence qui restreint la liberté et l’autonomie des syndicats.

La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dispose que les organisations syndicales sont libres d’élaborer leurs statuts, d’organiser leur gestion et leur activité et d’élire librement leurs représentants.

Outre le fait qu’il s’agit d’une législation très interventionniste en matière d’autonomie collective, cela se traduit dans la pratique par des retards importants dans le traitement administratif de ces enregistrements, voire des refus injustifiés, alors que toutes les conditions ont été remplies en temps utile et de façon appropriée.

L’absence de dirigeants qui en découle empêche les organisations syndicales de participer à la désignation des représentants pour la consultation tripartite.

Le refus de délivrer les pouvoirs nécessaires a un impact direct sur le droit à la consultation que prévoit la convention qui fait l’objet d’une observation de la commission d’experts. Il est donc urgent de modifier sans attendre le Code du travail salvadorien pour lever cet obstacle et assurer ainsi l’autonomie syndicale en redonnant aux organisations syndicales le pouvoir de fixer librement dans leurs statuts la durée des mandats des dirigeants.

De même, la mission tripartite de l’OIT indiquait dans son rapport final que des mesures législatives devraient être envisagées pour revoir ces exigences en matière d’élections et de pouvoirs. Elle ajoutait – un point de vue que nous partageons – que les syndicats devraient être autorisés à déterminer dans leurs statuts la durée du mandat de leurs comités directeurs.

En d’autres termes, il ne semble pas difficile de trouver une solution rapide au problème de la liberté syndicale en El Salvador en ce qui concerne la détermination de la représentation syndicale, un élément clé pour l’activité syndicale et le développement du travail décent.

Membre employeuse, Argentine – Le secteur employeur argentin se réjouit que les autorités d’El Salvador aient accepté l’assistance technique du BIT et reçu la mission tripartite de haut niveau, et que le CST ait été réactivé pour donner suite aux recommandations de la commission 2020-21. Cependant, après avoir lu le rapport de la mission tripartite, publié en mai de cette année, et après avoir entendu les déclarations des acteurs sociaux du pays, nous sommes au regret de constater qu’aucun progrès réel n’a été réalisé dans le respect des obligations découlant de la convention no 144. Au contraire, les déclarations des partenaires sociaux indiquent que la paralysie d’un certain nombre d’espaces institutionnalisés de dialogue social persiste dans le pays, ainsi que l’ingérence indue dans la constitution et la vie interne des organisations d’employeurs et de travailleurs. S’y ajoutent le mépris du droit des organisations les plus représentatives d’élire leurs propres représentants et le refus d’accorder des autorisations pour leur participation aux différentes instances de dialogue social.

Nous notons avec inquiétude que le gouvernement salvadorien poursuit la ratification d’une série de conventions de l’OIT sans respecter l’obligation de mener au préalable des consultations effectives avec les acteurs sociaux.

Les travaux de cette commission attestent du fait que la reconnaissance et les mécanismes du dialogue social qui intègrent les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives sont des éléments essentiels au fonctionnement des mécanismes d’adoption et d’examen des normes de l’OIT.

La définition des priorités stratégiques au niveau national ne doit être entreprise qu’après avoir identifié les défis et les besoins liés à la mise en œuvre d’une norme internationale du travail. L’efficacité d’une ratification dans un pays donné est directement liée à la reconnaissance de l’expérience et du point de vue des mandants sur la question traitée et à la recherche de consensus de base sur la stratégie de mise en œuvre d’une convention sur le territoire.

Dans le cas présent, nous sommes face à un double problème non seulement les organes de consultation constitués ne sont pas consultés, mais, quand ils le sont, cela se passe dans un climat hostile où la représentativité des organisations est ignorée et où leurs représentants ne peuvent pas s’exprimer librement.

Nous espérons que, à la lumière de ce débat, le gouvernement salvadorien prendra les mesures appropriées pour garantir les conditions nécessaires au dialogue social et s’engagera à mettre en place et à assurer le fonctionnement de mécanismes de consultation institutionnalisés, transparents, prévisibles et juridiquement contraignants qui garantissent le respect en droit et dans la pratique de la convention no 144, avec l’assistance technique du BIT, si nécessaire.

Membre travailleur, Espagne – Les travailleurs notent avec espoir et attente les efforts déployés par El Salvador, notamment au cours des derniers mois, pour promouvoir et respecter les normes internationales du travail et, en particulier, les dispositions de la convention.

À cet égard, il est nécessaire de souligner que la mission tripartite de haut niveau de l’OIT a pu constater le mois dernier que le principal organe consultatif de dialogue social tripartite dans le pays, le CST, avait repris son activité à partir du 8 décembre 2021. Et, bien sûr, il est également important de noter que, le 16 mai 2022, l’Assemblée législative d’El Salvador a ratifié cinq conventions de l’OIT, allant ainsi vers une plus grande protection des droits de la classe ouvrière.

Cependant, si la réactivation du CST représente bien un progrès en matière de dialogue social tripartite, les travailleurs n’en sont pas moins préoccupés par le fait que la législation d’El Salvador exerce une ingérence excessive et inappropriée dans l’autonomie des organisations syndicales, ce qui les empêche d’exercer leur droit de faire partie des instances de consultation.

L’obligation légale de renouveler les comités directeurs des organisations syndicales tous les douze mois, avec un éventuel retrait des pouvoirs si le renouvellement n’est pas effectué dans ce délai, ainsi qu’un retard dans les processus de révision des pouvoirs, représente un obstacle évident à la liberté du syndicat de s’organiser, de se gérer et de participer aux instances de dialogue social.

Pour cette raison, nous considérons que le gouvernement d’El Salvador doit aller plus loin dans la promotion du dialogue social et prendre les mesures nécessaires pour supprimer dans sa législation la moindre intervention dans les élections des représentants pour la consultation tripartite ainsi que dans la délivrance des pouvoirs.

Membre gouvernementale, Colombie – Je souhaite évoquer deux aspects du cas. Premièrement, il convient de souligner que les représentants des travailleurs et des employeurs doivent être élus librement et être représentés sur un pied d’égalité, comme le prévoient la convention no 87 et l’article 3 de la convention no 144.

À maintes reprises, le Comité de la liberté syndicale a indiqué qu’il incombe aux organisations d’employeurs et de travailleurs de déterminer les conditions dans lesquelles leurs dirigeants syndicaux sont élus, et que les autorités devraient s’abstenir de toute intervention indue dans l’exercice de ce droit.

C’est pour ces raisons que nous constatons avec préoccupation que le gouvernement, d’une part, persiste à ne pas reconnaître l’ANEP en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative en El Salvador et, d’autre part, continue d’interdire toute réunion avec l’ANEP et refuse de la convoquer pour qu’elle participe aux espaces de dialogue social.

Deuxièmement, la convention, à son article 2, indique qu’il faut assurer des consultations efficaces et se fonde principalement sur le dialogue social en tant qu’instrument essentiel pour élaborer des propositions conjointes entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement, favorisant la croissance, la paix et le bien-être général. À cet égard, pour parvenir à un véritable dialogue et, partant, à des consultations efficaces, il faut donc, comme l’a également indiqué le Comité de la liberté syndicale, instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de faciliter des relations professionnelles stables et solides.

Nous insistons sur l’importance de la réactivation du CST et sur l’organisation de réunions régulières comme c’est le cas depuis six mois. Toutefois, nous notons avec inquiétude que, malgré cette reprise des activités, le gouvernement continue de présenter à l’Assemblée législative des projets de normes du travail de grande importance, comme le nouveau Code du travail et la loi de procédure du travail sans consulter ni les employeurs ni les travailleurs.

Face à cette situation, il est nécessaire de citer à nouveau le Comité de la liberté syndicale qui, dans sa Compilation des décisions, indique que la consultation tripartite doit se dérouler avant que le gouvernement ne soumette un projet à l’Assemblée législative ou n’élabore une politique de travail, social ou économique.

Il est de la plus haute importance que les consultations s’effectuent dans un climat de bonne foi et de confiance, et que les employeurs et les travailleurs soient autorisés à faire part de leurs opinions, analyses et propositions pour parvenir à un véritable consensus et progresser dans la recherche d’une amélioration des relations de travail grâce au dialogue social.

Pour conclure, nous demandons au gouvernement que, en plus de maintenir les réunions régulières du CST, il s’engage à reconnaître le nouveau président de l’ANEP, M. José Agustín Martínez, pour créer un climat de confiance, autorise l’ANEP à participer à toutes les instances de dialogue social tripartite et mène des consultations efficaces sur des thèmes liés à l’OIT et sur toutes les questions qui ont trait aux politiques sociales et du travail du pays.

Membre employeur, Honduras – Nous discutons aujourd’hui d’un cas très grave. Violer le droit au dialogue social des organisations les plus représentatives, comme c’est le cas de l’ANEP en El Salvador, est une atteinte à la stabilité sociale, à la paix et à la bonne gouvernance qui doivent prévaloir dans les États; c’est une atteinte à l’emploi auquel les travailleurs ont droit et une violation très grave de l’un des principes fondamentaux de l’OIT, à savoir le dialogue social.

Nous regrettons que, pour la cinquième fois consécutive, ce même cas soit examiné; aucun progrès n’est visible en El Salvador où les mêmes violations de la convention sont toujours commises, notamment:

1. Le gouvernement continue de nommer les directeurs des instances tripartites et paritaires de manière arbitraire sans tenir compte des dispositions de la convention; il a adopté des réformes de la législation qui sapent le dialogue social, sans tenir compte du fait que ces réformes devraient être abrogées, comme l’a établi la commission d’experts.

2. Le gouvernement, son Président, son Vice-président et la majorité des ministres du gouvernement continuent de ne pas reconnaître l’ANEP comme l’organisation d’employeurs la plus représentative d’El Salvador.

3. Les employeurs d’El Salvador continuent de participer de manière incomplète au CST parce que le gouvernement n’a pas établi de normes et de règles claires, prévisibles et juridiquement contraignantes pour l’élection des représentants des employeurs, ce qui constitue une nouvelle violation de la convention. À ce jour, deux mois après l’élection du nouveau président de l’ANEP, le gouvernement n’a toujours pas délivré les pouvoirs correspondants.

5. Le gouvernement n’a pas consulté le CST sur les conventions qu’il soumet à la ratification et sur celles qui sont effectivement ratifiées. Tout ce qui précède viole différentes parties de la convention et instaure un climat politique incertain en matière de politique de développement et de progrès social.

C’est pour toutes ces raisons que nous demandons à cette commission de prendre des mesures efficaces pour garantir le respect de l’autonomie de l’ANEP en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative, afin qu’elle puisse participer pleinement aux différentes instances de dialogue et de consultation tripartites.

Je rappelle à la commission que le dialogue social n’est possible que lorsque les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent agir de manière indépendante, sur le plan technique et en ayant accès à l’information, sans craindre de représailles de la part des gouvernements et avec la certitude que le consensus et les accords obtenus par le dialogue social seront respectés et effectivement mis en œuvre.

Membre employeur, Panama – Le rapport de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT en El Salvador indique que la participation de l’ANEP, en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative dans le dialogue social, à la consultation tripartite et au CST doit être effective. Au sein du CST, les membres représentant les secteurs employeur et travailleur doivent être librement désignés par chaque secteur sur un pied d’égalité.

L’ANEP, en tant qu’organisation la plus représentative des employeurs, doit être respectée et prise en compte par toutes les autorités du pays, de même que dans le cas des travailleurs. Ce n’est pas quelque chose de neuf; pour ceux d’entre nous qui participent à l’OIT depuis de nombreuses années, l’ANEP, en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative, fait partie depuis longtemps de cette organisation.

El Salvador a ratifié la convention, et son respect, dans tous ses aspects et pas seulement en termes de pourcentage, est une obligation du pays qui va au-delà du gouvernement en place. Le dialogue social et la consultation tripartite avec les organisations les plus représentatives des travailleurs et des employeurs – comme l’ANEP – font partie des valeurs consacrées par la convention que le gouvernement se doit de respecter et qu’il ne respecte pas.

Se présenter ici, alors qu’il ne respecte pas la convention ratifiée et nous annoncer qu’il ratifie d’autres conventions, c’est comme l’enfant qui dit à la maîtresse qu’il n’a pas fait ses devoirs mais lui donne une pomme. C’est bien de donner une pomme, mais il doit faire ses devoirs. Il doit se conformer à la convention et reconnaître et respecter l’ANEP en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative d’El Salvador, et ne pas essayer de discréditer devant cette commission les mécanismes de contrôle de l’OIT dont l’efficacité n’est plus à prouver.

Représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale – Je suis un peu consterné par les deux types de pays qui sont apparus au cours de la discussion. La première catégorie correspond un peu à la description qu’a faite le représentant des travailleurs, tandis que l’autre est composée de beaucoup de personnes qui ne sont pas du pays, donnent leur avis sans tenir compte des conclusions de la mission de haut niveau et ont répété la même description de la situation et le même discours de l’année dernière, comme si aucun progrès n’avait été accompli.

Je souhaite préciser que, pour ce qui est du retard de neuf mois dans la délivrance des pouvoirs, il n’y a eu que quelques cas particuliers – on parle de 2 pour cent du mouvement syndical d’El Salvador – qui ont connu un retard et celui-ci a été de maximum sept ou huit mois, alors que, pour les autres, la procédure prend entre un mois et un mois et demi. Pour ce petit nombre d’organisations concernées, un examen a eu lieu parce que, par exemple, des employeurs sont intervenus montrant, preuves à l’appui, que leurs dirigeants syndicaux les extorquaient. Nous avons des documents pour le prouver. Ce n’est pas une généralité et ce cas relève plutôt d’une enquête administrative et pénale diligentée parce que des employeurs se sont plaints d’actes d’extorsion de la part de ces groupes qui n’ont plus grand chose à voir avec le syndicalisme et se livrent à d’autres activités, et réclament de l’argent et d’autres choses. Ce sont les seuls cas particuliers qui sont apparus.

L’autre question porte sur l’organisation la plus représentative que nous devons reconnaître. J’aimerais préciser que, lorsque la session du CST s’est achevée, un nouveau conseil a été installé, avec M. Agustín Martínez en tant que vice-président des employeurs, qui était à l’époque vice-président de l’ANEP. Par la suite, l’ANEP a conduit un processus d’élection et le président actuel de l’ANEP est devenu le vice-président du conseil. Donc, pour ce qui est d’un problème de reconnaissance, je ne sais pas comment il faudrait procéder? Les espaces de dialogue existent, des élections éminemment démocratiques ont été menées dans le respect des procédures en place et ont désigné, comme je l’ai déjà dit, le président actuel de l’ANEP en tant que vice-président du CST. Donc, je ne vois pas de problèmes. Peut-être que la représentativité de l’ANEP n’est plus ce qu’elle était. L’époque où l’ANEP a été la plus représentative est le moment où son président était M. Elías Antonio Saca qui a été catapulté président de la République. Il s’agissait d’un activisme extrêmement politique, et à l’époque cela l’a conduit à la présidence. Évidemment, c’est à ce moment que l’ANEP était la mieux représentée. Soit dit en passant, il s’agit d’un ancien président de la République qui a été poursuivi pour des délits et qui purge actuellement une peine de prison. Mais, sous notre gouvernement, les procédures d’élection ont été entièrement respectées et documentées, et la preuve en est que l’actuel président de l’ANEP est le vice-président représentant le secteur employeur du pays.

Telle est la situation réelle dans notre pays. Je ne vois pas ce que l’on pourrait reconnaître de plus. Nous avons agi conformément aux règles de notre pays. Le CST doit se réunir légalement deux fois par ans et, dans les trois mois qui ont suivi l’installation du nouveau conseil, cinq réunions ont déjà eu lieu de même que beaucoup d’autres réunions bilatérales, car nous avons aussi des réunions et des consultations bilatérales. Je ne sais pas ce qu’un État pourrait encore faire d’autre. Ils sont présents dans toutes les instances dont il est question.

Maintenant, je ne sais pas si le bipartisme relève de la convention no 144, car, précédemment, avec des gouvernements antérieurs, l’ANEP a négocié la création de 20 ou 21 espaces de dialogue bilatéraux, desquels les travailleurs ont été exclus pour qu’ils ne soient pas représentés lors de négociations directes avec le gouvernement. On parle donc de 20 instances bipartites au sein desquelles s’accordent uniquement le gouvernement et l’ANEP, et dont sont exclus les travailleurs. Nous fournissons un effort et nous avons proposé aux vice-présidents des travailleurs comme des employeurs de les transformer en espaces tripartites pour respecter intégralement la convention. C’est ce que nous sommes occupés à faire et le porte-parole des employeurs a d’ailleurs évoqué notre ouverture; ces espaces fonctionnent, mais pas sur une base tripartite parce que les travailleurs en ont toujours été exclus.

La situation est grandement préoccupante parce que, à propos de la convention no 190, l’ANEP a rendu sa position publique, conjointement aux employeurs d’Amérique centrale, et a déclaré qu’elle n’y était pas favorable; le porte-parole des employeurs a d’ailleurs pris part à ces décisions. Nous n’étions pas d’accord avec tout cela et, maintenant, j’entends que le membre employeur d’El Salvador, représentant l’ANEP, affirme qu’en mai nous avons commis des faits graves en ratifiant une convention. Nous avons bien conscience que la ratification de conventions de l’OIT est un acte très important pour les secteurs.

Nous sommes occupés à établir un nouveau modèle en El Salvador où la justice et l’égalité règnent pour tous les secteurs. Il y a quelques années, la réforme des pensions ne faisait pas l’objet de discussions tripartites, y compris au sein des conseils. Elle était justement discutée par les députés, des députés corporatistes à la solde de groupes de pouvoir qui négociaient des accords bilatéraux. Aujourd’hui, le gouvernement de la République privilégie le dialogue social tripartite avec tous les partenaires.

Nous allons continuer de faire tout notre possible pour construire une République d’El Salvador où règne la justice et où tous les secteurs sont sur un pied d’égalité. La seule différence avec ce nouveau gouvernement est qu’à l’époque, et je le répète, lorsque l’ANEP a placé son président, Elías Antonio Saca, à la présidence de la République, le poste que j’occupe était justement monopolisé par des chefs d’entreprise qui venaient ici en tant que ministres du Travail. De plus, avant et depuis cette époque, ils continuent de conseiller certains groupes de pouvoir qu’ils soutenaient. Aujourd’hui, nous ne sommes pas venus pour favoriser plus un secteur que l’autre ni pour exclure un groupe. Ce qui importe ici est que le poids de notre secteur productif employeur soit contrebalancé, sur un pied d’égalité, par le poids que doit avoir le secteur travailleur; c’est ce qui fait naître beaucoup de difficultés.

Quant aux publications sur Twitter qui sont dénoncées, nous voulons affirmer que nous n’avons pas encore réformé la loi. Le système législatif de notre pays s’appuie sur des décrets législatifs et exécutifs, et ne fonctionne pas à coup de Tweets. On ne parle pas de décrets législatifs ou exécutifs, on parle d’un Tweet. Je regrette profondément que la discussion se soit concentrée sur des questions vieilles d’un an et qu’elle n’ait pas accordé toute leur valeur, pas la moindre attention, aussi minime soit-elle, aux conclusions de la mission qui a eu lieu en El Salvador et à laquelle nous avons collaboré autant que possible.

Malheureusement, dans nos pays voisins, des dirigeants syndicaux sont assassinés; ceux qui, la journée, sont membres de conseils d’administration, la nuit, menacent, voire assassinent. Et ces voisins se convertissent parfois en porte-parole des employeurs dans notre pays et sur la scène internationale, alors qu’ils s’opposent aux conventions collectives et refusent d’en signer. Lorsque El Salvador a ratifié les conventions nos 87 et 98, le bruit a couru que la communauté internationale, et surtout l’Union européenne, avaient fait pression sur le système tarifaire.

Aujourd’hui, nous avons ratifié cinq conventions parce que nous le voulions et parce que la classe ouvrière et le secteur productif de notre pays en avaient besoin.

Nous continuerons de fournir des efforts et de travailler dur. Les employeurs et les travailleurs sont les bienvenus, nous allons continuer de travailler.

Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement pour cette clarification. Avant de présenter nos conclusions, nous aimerions faire un commentaire préliminaire. Nous, le groupe des travailleurs, souhaitons faire consigner que nombre des observations formulées au cours de cette session sur El Salvador à propos de la convention no 144 par le groupe des employeurs ne relèvent pas du champ d’application et du contenu de la convention que nous analysons, et nous demandons donc qu’elles ne figurent pas dans les conclusions de cette session.

Pour nous, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais d’une évolution positive dans la bonne direction. Le fait que le gouvernement ait accepté de recevoir la mission tripartite de haut niveau et l’évolution positive de certaines législations, sans parler de l’adoption des cinq conventions de l’OIT qui ont été mentionnées, sont en soi une preuve de l’efficacité du travail de notre commission et de sa crédibilité. Pour autant, le gouvernement se doit de prendre les mesures nécessaires pour appliquer pleinement la convention. Trois mesures sont donc nécessaires: premièrement, assurer la composition complète du CST dans les meilleurs délais; deuxièmement, simplifier et faciliter la procédure de désignation des représentants des travailleuses et des travailleurs; et troisièmement, point important, réformer la disposition du Code du travail qui exige le renouvellement annuel du comité directeur des syndicats.

De manière générale, nous appelons le gouvernement à mettre pleinement en œuvre les recommandations de la mission tripartite.

Membres employeurs – Nous avons écouté attentivement toutes les interventions, notamment celle du ministre. Nous sommes reconnaissants à la représentante de l’Union européenne d’avoir clarifié les concepts contenus dans les conclusions de la mission tripartite de haut niveau.

Lorsque d’autres orateurs y ont fait référence, il m’a semblé qu’ils parlaient d’un document dont je n’ai pas eu connaissance. Nous sommes surpris que quelqu’un puisse considérer la ratification d’une convention comme positive, aussi positive soit-elle, lorsqu’elle a été faite en violation de la convention no 144, qui fait précisément l’objet de notre examen. La fin ne justifie pas les moyens. Après l’aveu fait par le Président Bukele sur son compte Twitter de son intention systématique d’exclure l’ANEP, déclaration que se sont bien gardés de mentionner ceux qui voient des progrès dans d’autres affirmations du gouvernement, il est clair que ce que dit le ministre ne coïncide pas avec le respect des dispositions de la convention.

Les faits témoignent de l’absence d’une réelle volonté d’appliquer efficacement le droit dans la pratique et toutes les dispositions de la convention, et ce en dépit des conclusions de cette commission en 2017, 2018, 2019 et 2021. Cela malgré sept observations formulées par la commission d’experts, de nombreuses interventions urgentes demandées au Directeur général de l’OIT par l’ANEP et l’OIE, l’assistance technique du BIT et les déclarations faites à la mission tripartite de haut niveau qui a récemment visité le pays.

La situation de non-respect de la convention par El Salvador est permanente, grave et urgente. À cet égard, nous demandons instamment au gouvernement de s’abstenir de s’immiscer dans la constitution des organisations d’employeurs et de travailleurs et de faciliter, conformément au droit national et international, la représentation en bonne et due forme des organisations d’employeurs légitimes en délivrant les pouvoirs correspondants; de cesser d’attaquer et de discréditer l’ANEP, l’organisation d’employeurs la plus représentative, et ses dirigeants; d’élaborer, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, des règles légalement contraignantes, claires, objectives et prévisibles pour une réactivation et un fonctionnement à part entière du CST; de relancer, sans délai, la consultation effective au sein du conseil et le fonctionnement des autres instances tripartites, dans le respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives et au moyen du dialogue social, afin d’assurer leur fonctionnement à part entière sans la moindre ingérence; de prendre sans délai, en consultation avec les partenaires sociaux, toutes les mesures nécessaires pour modifier les 23 décrets adoptés le 3 juin 2021, afin de les rendre conformes aux garanties établies par les conventions de l’OIT qu’El Salvador a ratifiées; de continuer à bénéficier de l’assistance technique du BIT; et de soumettre un rapport détaillé sur l’application de la convention en droit et dans la pratique à la commission d’experts, avant sa prochaine réunion de l’année en cours.

Compte tenu de la gravité des faits présentés, nous demandons d’inclure ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi concernant l’application de la convention. La commission a noté que le gouvernement n’a envoyé aucune information écrite à la commission.

La commission a également pris note de la récente mission tripartite de haut niveau de l’OIT qui a eu lieu en mai 2022. La commission regrette que cinq conventions de l’OIT aient été ratifiées sans consultation de l’organisation d’employeurs la plus représentative.

La commission a pris note avec une profonde préoccupation les multiples allégations d’ingérence des autorités dans les processus de désignation des représentants des employeurs et des travailleurs au sein des organes publics tripartites et paritaires.

Prenant en compte la discussion du cas, la commission prie instamment le gouvernement de:

- s’abstenir de tout acte d’agression et de toute ingérence dans la constitution et les activités des organisations d’employeurs et de travailleurs, en particulier de l’Association nationale de l’entreprise privée (ANEP);

- veiller au bon fonctionnement du Conseil supérieur du travail (CST) et des autres entités tripartites, dans le respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives et par le dialogue social, afin de garantir leur plein fonctionnement sans aucune ingérence;

- s’abstenir de désigner unilatéralement les représentants des travailleurs et des employeurs pour les consultations et les institutions tripartites, et élaborer, en pleine consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, les procédures de désignation de ces représentants;

- abroger l’obligation légale faite aux syndicats de demander le renouvellement de leur personnalité juridique tous les douze mois, ainsi que les 23 décrets adoptés le 3 juin 2021;

- élaborer une feuille de route assortie d’un calendrier pour mettre en œuvre sans délai toutes les recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau de l’OIT.

La commission prie le gouvernement de soumettre, d’ici au 1er septembre 2022, un rapport à la commission d’experts contenant des informations sur l’application de la convention, en droit et dans la pratique, en consultation avec les partenaires sociaux.

La commission encourage le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour assurer le plein respect de ses obligations en vertu de la convention.

Un autre représentant gouvernemental – Au nom de la délégation d’El Salvador, je prends bonne note des conclusions formulées par la commission.

Je profite de l’occasion pour signaler qu’El Salvador respecte les organes de contrôle de l’OIT. Par ailleurs, nous regrettons que la commission n’ait pas examiné les informations écrites que nous avons communiquées à diverses reprises pour répondre officiellement à la commission d’experts. Nous regrettons profondément que, dans ses conclusions, la commission ne reconnaisse aucun signe de progrès ni ne prenne note du rapport de la mission de haut niveau tripartite qu’elle a elle-même envoyée en El Salvador.

Nous regrettons aussi qu’elle n’ait pas tenu compte de l’intervention du secteur travailleur salvadorien. Notre pays compte cinq instances de dialogue social qui fonctionnent efficacement en accordant la priorité au dialogue social et à la consultation tripartite, conformément à la convention.

Enfin, nous regrettons que les conclusions recourent à des termes blessants et condamnatoires, loin de l’élégance et de la diplomatie qui caractérisent la commission, et contrairement à l’esprit de coopération qui prévaut à l’OIT.

Face à de telles conclusions, avec tout notre respect, nous nous inquiétons: relève-t-il en effet de la compétence de la commission d’obliger un État de réformer ou d’abroger sa législation nationale? Cela nous semble outrepasser son mandat.

Le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, lors de son allocution devant la commission, a répété de façon claire et catégorique que notre engagement à l’égard de l’OIT est inébranlable. Mais il a aussi fait référence à la dignité et à la souveraineté des États.

Nous réaffirmons notre engagement, à savoir qu’El Salvador va continuer d’accorder la priorité au dialogue social avec tous les partenaires sociaux et tous les secteurs, sans privilégier aucun groupe de pouvoir.

Enfin, nous nous engageons à examiner les conclusions de la commission.

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