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Employment Policy Convention, 1964 (No. 122) - China (RATIFICATION: 1997)

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Se référant à ses précédents commentaires, la commission rappelle les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) sur l’application de la convention par le gouvernement de la Chine, reçues les 16 et 28 septembre 2020, et ses observations supplémentaires reçues le 6 septembre 2021. La commission prend également note de la réponse du gouvernement, reçue le 20 novembre 2020 et arrivée trop tard pour être examinée en 2020, ainsi que des informations supplémentaires relatives aux observations, fournies par le gouvernement dans son rapport sur l’application de la présente convention, reçues le 30 août 2021. La commission prend note en outre d’éléments du rapport du gouvernement sur l’application de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, qui sont également pertinents s’agissant de l’application de la présente convention.
Article 1, paragraphe 1 et 2 a) à c) de la convention. Politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi. Allégations de discrimination et de travail forcé dans le contexte de la convention. La commission se réfère à ses commentaires sur l’application de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Dans l’intérêt de la cohérence et de la transparence de ses commentaires, considérant qu’à la fois dans les allégations et les informations reçues en réponse, on voit apparaître un lien étroit entre la politique de l’emploi, le libre choix de l’emploi des minorités ethniques et religieuses et leur protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession, la commission présente le même résumé des informations disponibles dans les deux commentaires.
Dans ses observations de 2020 et 2021, la CSI allègue que le gouvernement chinois s’est engagé dans un large et systématique programme impliquant une utilisation considérable de travail forcé de la part des Ouïghours et autres minorités turcophones et/ou musulmanes dans des activités agricoles et industrielles dans toute la région autonome ouïghoure du Xinjiang (Xinjiang), violant ainsi le droit à un emploi librement choisi énoncé à l’article 1, paragraphe 2, de la convention. La CSI affirme que 13 millions de membres des minorités ethniques et religieuses du Xinjiang sont ciblés sur la base de leur ethnicité et leur religion, le but étant le contrôle social et l’assimilation de leur culture et leur identité. Selon la CSI, le gouvernement inscrit ce programme dans un contexte de «réduction de la pauvreté», de «formation professionnelle», de «rééducation par le travail» et de «désextrémisation».
Pour la CSI, une caractéristique fondamentale du programme est l’utilisation de travail forcé ou obligatoire de ou à proximité de camps d’internement ou de «rééducation» où sont internés près de 1,8 million d’Ouïghours et autres personnes turcophones et/ou musulmanes dans la région, ainsi que dans ou autour de prisons et lieux de travail dans tout le Xinjiang et d’autres parties du pays.
La CSI indique qu’au début de 2017, le gouvernement a fortement élargi son programme d’internement, quelque 39 camps ayant pratiquement triplé en taille. La CSI explique qu’en 2018, des représentants du gouvernement ont commencé à qualifier ces camps de «centres d’éducation et de formation professionnelles» et qu’en mars 2019, le gouverneur de la région autonome ouïghoure du Xinjiang les a décrits comme des «pensionnats qui dispensent des compétences professionnelles à des stagiaires admis sur une base volontaire et autorisés à quitter les camps». La CSI indique que la vie dans les «centres de rééducation» se caractérise par des conditions extraordinairement pénibles, l’absence de liberté de mouvement, la torture physique et psychologique, la formation professionnelle obligatoire et du travail forcé effectif.
La CSI mentionne aussi des «centres de formation centralisés» qui ne sont pas des camps de rééducation mais présentent des caractéristiques similaires en matière de sécurité (c’est-à-dire de hauts grillages, des miradors et du fil de fer barbelé) et dispensent des programmes d’éducation similaires (réglementation, cours de mandarin, discipline de travail et exercices militaires). La CSI ajoute que les camps de rééducation constituent le pivot d’un programme d’endoctrinement axé sur «l’épuration» des minorités ethniques et religieuses et l’éloignement de leur culture, leurs croyances et leur religion. Les motifs d’internement peuvent être d’avoir voyagé à l’étranger, d’avoir demandé un passeport, d’avoir communiqué avec des personnes vivant à l’étranger ou de prier régulièrement.
La CSI fait aussi état de travail pénitentiaire, principalement dans la récolte du coton et la confection de textiles, de vêtements et de chaussures. Elle cite des recherches suivant lesquelles, à partir de 2017, la population carcérale des Ouïghours et autres minorités musulmanes a fortement augmenté, représentant 21 pour cent de toutes les arrestations effectuées en Chine en 2017. Les chefs d’inculpation sont généralement «terrorisme», «séparatisme» et «extrémisme religieux».
Enfin, la CSI allègue qu’au moins 80 000 Ouïghours et travailleurs d’autres minorités ethniques ont été transférés du Xinjiang dans des usines de l’est et du centre de la Chine, dans le cadre d’un programme de «transfert de main-d’œuvre» appelé «Xinjiang Aid». Ce programme devait aussi permettre à des entreprises de: i) créer une usine de satellites au Xinjiang ou ii) embaucher des travailleurs ouïghours pour leurs usines situées hors de cette région. La CSI allègue que les travailleurs qui sont forcés de quitter la région ouïghour n’ont pas le choix et que, s’ils refusent, ils sont menacés de détention pour eux-mêmes ou pour leur famille. À l’extérieur du Xinjiang, ces travailleurs vivent et travaillent séparés des autres, sont contraints de suivre des cours de mandarin et il leur est interdit de pratiquer leur culture et leur religion. D’après la CSI, des agents de la sécurité d’État assurent une surveillance physique et virtuelle permanente. Les travailleurs n’ont pas de liberté de mouvement, ils sont confinés dans des dortoirs et obligés d’utiliser des moyens de transport surveillés pour se rendre à l’usine et en revenir. Ils sont soumis à des objectifs de productivité impossibles à atteindre et à de longs horaires de travail. La CSI ajoute que, lorsque des salaires sont payés, ils subissent souvent des prélèvements qui les réduisent à presque rien. Elle ajoute encore que, sans ces transferts contraints, les Ouïghours ne trouveraient pas d’emploi hors du Xinjiang parce que leur apparence physique amènerait la police à enquêter.
Selon les allégations de la CSI, pour faciliter la mise en œuvre de ces programmes, le gouvernement propose des mesures d’incitation et des exonérations fiscales aux entreprises qui forment et emploient des détenus; des subventions sont accordées pour encourager les entreprises appartenant à des Chinois à investir dans des usines et construire des usines situées à proximité ou à l’intérieur des camps d’internement; et des indemnités sont versées aux entreprises qui facilitent le transfert et l’emploi de travailleurs ouïghours hors de la région ouïghoure.
La CSI accompagne ses observations de 2021 d’informations, notamment de témoignages provenant de la Xinjiang Victims Database, une base de données accessible au public qui, à la date du 3 septembre 2021, aurait enregistré les témoignages de 35 236 membres de minorités ethniques internés de force par le gouvernement depuis 2017.
Le gouvernement déclare que le droit à l’emploi est un élément important du droit de subsistance et de développement, qui constituent des droits humains fondamentaux. Il indique que, sous sa direction, le Xinjiang a beaucoup progressé dans la protection des droits de l’homme et le développement. Il ajoute que des personnes de tous les groupes ethniques participent volontairement à un emploi de leur choix et que la CSI n’a pas tenu compte des progrès accomplis en matière de développement économique, de réduction de la pauvreté, d’amélioration des conditions d’existence des gens et des efforts pour faire du travail décent une réalité au Xinjiang.
S’agissant des observations formulées par la CSI à propos du recours au travail forcé, le gouvernement souligne que ces allégations sont erronées et répondent à des motifs politiques.
Le gouvernement indique que, suivant la constitution, l’État crée des conditions pour l’emploi au travers de différents canaux. La loi sur la promotion de l’emploi (2007) dispose que les travailleurs ont droit à l’égalité dans l’emploi et le droit de choisir un emploi de leur propre initiative, sans discrimination. Conformément à la loi sur l’éducation professionnelle de 1996, les citoyens sont habilités à recevoir une éducation professionnelle et l’État prend des mesures pour développer l’éducation professionnelle dans les zones des minorités ethniques ainsi que dans les régions éloignées et pauvres.
Le gouvernement indique que les personnes résidant dans les zones durement frappées par la pauvreté du sud du Xinjiang ont souffert d’une insuffisance d’employabilité, de taux d’emploi faibles, de revenus limités et de pauvreté durable. Il déclare que l’élimination de la pauvreté au Xinjiang est un élément essentiel du plan stratégique national unifié pour l’éradication de la pauvreté d’ici à la fin de 2020. Le gouvernement ajoute qu’il a éliminé la pauvreté absolue, y compris dans le sud du Xinjiang, grâce à des programmes officiels tels que le Programme de revitalisation des zones frontalières et d’enrichissement de la population au cours du 13e plan quinquennal (GUOBANFA no 50/2017) et le plan triennal pour l’emploi et la réduction de la pauvreté dans les zones pauvres des quatre préfectures du sud du Xinjiang (2018-2020). Le premier programme avait arrêté des objectifs de développement pour neuf provinces et régions autonomes, y compris le Xinjiang, consistant par exemple à sortir tous les pauvres ruraux de la pauvreté et à relever de manière constante les taux d’emploi en combinant l’emploi indépendant, l’emploi régulé par le marché, la promotion par le gouvernement de l’emploi et de l’esprit d’entreprise, et la formation professionnelle pour accroître l’employabilité des travailleurs. Le deuxième programme a jeté les bases qui ont permis au gouvernement de la région autonome ouïghoure du Xinjiang (RAOX) de fournir une assistance dynamique, catégorisée et ciblée à des personnes en difficulté d’emploi et des familles dans lesquels personne n’a un emploi, et de créer des conditions structurées pour permettre aux gens de trouver des emplois localement, de chercher du travail en zone urbaine, ou de démarrer leur propre entreprise.
La commission note aussi que le gouvernement affirme, dans son livre blanc sur les droits à l’emploi et au travail au Xinjiang (2020), trouver de «nouvelles approches à l’éradication de la pauvreté». Dans son rapport, le gouvernement indique que son approche de l’éradication de la pauvreté prévient et élimine effectivement le terrorisme et l’extrémisme, tout en maintenant la stabilité sociale et en améliorant la vie des gens, ce qu’indique la réduction marquée de l’appauvrissement de la population et de l’incidence de la pauvreté. Le gouvernement exprime le point de vue suivant lequel le Xinjiang a mis en pratique les «mesures de politique pertinentes du gouvernement national» pour appliquer le Programme par pays de promotion du travail décent pour la Chine (2016-2020), assurant ainsi que «les personnes de tous les groupes ethniques travaillent dans un environnement décent, dans la liberté, l’égalité, la sécurité et la dignité». Le gouvernement assure encore, dans son livre blanc sur le respect et la protection des droits de tous les groupes ethniques du Xinjiang, que le Xinjiang a fourni «une aide dynamique, catégorisée et ciblée aux personnes ayant des difficultés d’emploi et aux familles dont aucun membre n’a un emploi pour faire que chaque famille ait au moins un membre au travail». Les préférences professionnelles des travailleurs sont totalement respectées et des «conditions structurées» ont été mises en place pour que ces personnes trouvent des emplois locaux, cherchent du travail en zones urbaines ou lancent leur propre entreprise. Tout en promouvant l’emploi, le Xinjiang garantit «des intérêts et droits au travail légitimes dans le respect de la loi».
Le gouvernement explique que l’opération de délocalisation des pauvres à des fins de réduction de la pauvreté est achevée et que les conditions d’existence et de production des pauvres ont été sensiblement améliorées: le taux d’incidence de la pauvreté des quatre préfectures pauvres du Xinjiang a chuté, passant de 29,1 pour cent en 2014 à 0,21 pour cent en 2019. Entre 2014 et 2020, la population employée totale au Xinjiang est passée de 11,35 millions de personnes à 13,56 millions, soit une hausse de 19,4 pour cent. Sur la même période, 2,8 millions d’opportunités d’emploi urbain en moyenne ont été offertes chaque année à la «main-d’œuvre rurale en surnombre».
Le gouvernement affirme avec assurance qu’il respecte scrupuleusement les souhaits en matière d’emploi et les besoins de formation des travailleurs du Xinjiang, y compris ceux des minorités ethniques. Le gouvernement du Xinjiang réalise régulièrement des enquêtes sur la volonté des travailleurs journaliers de trouver un emploi et se tient au courant de leurs besoins en termes de lieu de l’emploi, de description des postes, de rémunération, de conditions de travail, de cadre de vie, de perspectives d’évolution et de besoins de formation. Ces enquêtes montrent que davantage de travailleurs urbains et ruraux «en surnombre» espèrent s’installer dans des villes du nord du Xinjiang ou d’autres provinces et villes plus développées d’autres parties du pays, où les salaires sont plus élevés, les conditions de travail meilleures, de même que le cadre de vie. Les minorités ethniques comptent sur le gouvernement pour diffuser plus d’informations sur l’emploi et offrir d’autres services publics de l’emploi à leurs membres. Le fait que les travailleurs des minorités ethniques partent travailler est totalement volontaire, autonome et libre. Suivant le gouvernement, le plan triennal pour le sud du Xinjiang parle explicitement de «consentement à l’emploi» et souligne que les souhaits des personnes «qui ne consentent pas à travailler pour des motifs de santé ou autres» seront totalement respectés, et qu’ils ne seront jamais contraints de s’inscrire dans une formation.
Le gouvernement souligne que la formation linguistique des travailleurs des minorités ethniques du Xinjiang est nécessaire pour accroître leurs aptitudes linguistiques et rehausser leur employabilité, et qu’elle ne les prive pas du droit d’utiliser leur propre langue.
Le gouvernement répond aussi aux allégations de la CSI suivant lesquelles les Ouïghours et autres minorités ethniques du Xinjiang ne sont pas payés au salaire minimum local applicable, en indiquant que la législation du travail de la République populaire de Chine dispose que le régime de salaire minimum s’applique dans tout le pays, bien que les normes de salaire minimum puissent varier entre régions administratives. Depuis le 1er janvier 2021, le salaire minimum pour le Xinjiang est subdivisé en quatre catégories: 1 900 yuans, 1 700 yuans, 1 620 yuans et 1 540 yuans. Le gouvernement considère les rumeurs suivant lesquelles les salaires mensuels de certains travailleurs migrants du Xinjiang ne dépasseraient pas 729 yuans (environ 114 $US) comme dénuées de fondement, affirmant que l’énorme majorité de ces informations proviennent d’interviews individuelles et ne mentionnent pas clairement la provenance des données ou informations statistiques. En outre, le gouvernement fait remarquer que ces informations ne précisent pas clairement si les personnes concernées travaillent moins que la durée de travail légale, auquel cas elles seraient payées moins. Il ajoute qu’en partant travailler, beaucoup touchent un salaire réel beaucoup plus élevé que le salaire minimum du Xinjiang.
Le gouvernement explique aussi que le gouvernement local du Xinjiang a mis en place des systèmes d’inspection du travail qui protègent les droits et intérêts des travailleurs, et donnent suite à leurs signalements et plaintes concernant des arriérés de salaires, le fait de ne pas signer de contrats de travail et d’autres infractions. Le gouvernement indique qu’il prendra des mesures pour encore renforcer l’inspection et le contrôle du respect par l’employeur des dispositions relatives au salaire minimum, appeler les employeurs à respecter les normes de salaire minimum et porter remède aux infractions.
Le gouvernement fournit des informations détaillées sur sa législation et ses politiques concernant la liberté de culte, l’égalité entre les 56 groupes ethniques de Chine et pour le renforcement et le développement de l’unité entre ces groupes et au sein de ceux-ci.
Le gouvernement répond aussi aux allégations de la CSI que les restrictions au libre choix de l’emploi visent à éloigner les minorités ethniques et religieuses de leurs religion, leur culture et leurs croyances. Il explique que la Chine adopte des politiques garantissant la liberté des convictions religieuses; gère les affaires religieuses en accord avec la loi; adhère au principe de l’indépendance vis-à-vis des pays étrangers et de l’autogestion; et guide activement les religions pour qu’elles s’adaptent à la société socialiste de telle sorte que les croyants puissent aimer leur pays et leurs compatriotes, préserver l’unité nationale, la solidarité ethnique, se soumettre aux intérêts supérieurs de la nation et du peuple chinois et les servir. La loi de la République populaire de Chine relative à l’administration des activités d’organisations non gouvernementales étrangères en Chine interdit aux ONG étrangères de se livrer illégalement à des activités religieuses ou d’en parrainer. Le droit pénal chinois, la loi sur la sécurité nationale et la loi antiterroriste assurent la protection des convictions religieuses des citoyens. La loi antiterroriste de la République populaire de Chine dit que la Chine est opposée à tous les extrémismes qui cherchent à instiller la haine, incitent à la discrimination et prônent la violence en déformant les doctrines religieuses ou par d’autres moyens, et interdit tout comportement discriminatoire fondé sur la région, l’ethnicité et la religion. La réglementation des affaires religieuses interdit à toute religion et à tout individu de prôner, soutenir ou parrainer l’extrémisme religieux, ou d’utiliser la religion pour saper l’unité ethnique, diviser le pays, ou de s’engager dans des activités terroristes. Selon le gouvernement, la Chine prend des mesures contre la propagation et l’expansion de l’extrémisme religieux et, en même temps, évite soigneusement d’associer le terrorisme et l’extrémisme religieux à un groupe ethnique ou une religion en particulier.
La commission prend dûment note des allégations de la CSI, de la réponse et des informations supplémentaires fournies par le gouvernement et des diverses politiques pour l’emploi et la formation professionnelle telles qu’elles sont énoncées dans les récents «livres blancs» cités par le gouvernement dans son rapport et d’autres textes juridiques et documents de politique cités par les experts des droits de l’homme des Nations Unies.
La commission rappelle que l’objectif de promotion du plein emploi de la convention n’exige pas des États qui l’ont ratifiée de garantir du travail à tous ceux qui sont disponibles et à la recherche de travail, et n’implique pas non plus que tout le monde doit être employé à tout moment (étude d’ensemble de 2020, Promouvoir l’emploi et le travail décent dans un monde en mutation, paragraphe 54). La convention exige toutefois des États qui l’ont ratifiée de promouvoir la liberté de choisir son emploi et sa profession , ainsi que l’égalité d’accès aux possibilités de formation et d’éducation générale pour se préparer à l’emploi, sans discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance nationale, la religion ou d’autres motifs de discrimination inscrits dans la convention n° 111 ou dans d’autres normes internationales du travail telle que la convention (n° 159) sur la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées, 1983).
Dans ce contexte, la commission note que les installations de formation qui accueillent la population ouïghoure et d’autres minorités turcophones et musulmanes sont à l’écart du courant général d’éducation et de formation professionnelles, d’orientation professionnelle et de services de placement dont disposent tous les autres groupes dans la région et dans le pays dans son ensemble. Ce genre de séparation peut faire que les politiques actives du marché du travail de la Chine soient conçues et mises en œuvre d’une manière qui engendre de la coercition dans le choix de l’emploi et ait un effet discriminatoire sur les minorités ethniques et religieuses. Des photographies de ces installations, équipées de miradors et de hauts murs d’enceinte couronnés de fil de fer barbelé renforcent encore la sensation de ségrégation. La commission a observé auparavant que certains travailleurs de minorités ethniques rencontrent des difficultés lorsqu’ils veulent embrasser une profession de leur choix en raison d’une discrimination indirecte. À titre d’exemple, les préjugés à l’égard des activités traditionnelles de certains groupes ethniques, qui sont souvent perçues comme obsolètes, improductives ou nuisibles pour à l’environnement, continuent de poser de graves problèmes à l’égalité de chances et de traitement en matière de profession (observation générale sur la C111, 2019). La commission s’intéresse à d’autres aspects du système particulier d’éducation et de formation professionnelle destiné à déradicaliser les minorités ethniques et religieuses dans ses commentaires sur l’application de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
La commission rappelle que, tandis que la convention requiert des États ayant ratifié la convention qu’ils formulent et appliquent, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi productif et librement choisi afin de stimuler la croissance et le développement économiques et de répondre aux besoins de main-d’œuvre, la politique de l’emploi doit aussi promouvoir le libre choix de l’emploi en permettant à chaque travailleur de se former en vue d’un emploi qu’il peut par la suite choisir librement, conformément à l’article 1, paragraphe 2 c), de la convention.
L’article 1, paragraphe 2 c), dispose que la politique nationale de l’emploi doit faire en sorte qu’«il y aura libre choix de l’emploi et que chaque travailleur aura toutes possibilités d’acquérir les qualifications nécessaires pour occuper un emploi qui lui convienne et d’utiliser, dans cet emploi, ses qualifications ainsi que ses dons, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, sa religion, son opinion politique, son ascendance nationale ou son origine sociale». Dans son Étude d’ensemble de 2020, Promouvoir l’emploi et le travail décent dans un monde en mutation, paragraphes 68-69, la commission note que «l’objectif de l’emploi librement choisi comporte deux éléments : d’une part, nul ne saurait être contraint d’exercer une activité qu’il n’a pas choisie ou acceptée librement, ni être empêché de quitter un travail lorsqu’il le souhaite» et, d’autre part, chacun doit avoir la possibilité d’acquérir des qualifications et d’utiliser ses propres dons et compétences sans subir la moindre discrimination. Ensuite, la commission rappelle que la prévention et l’interdiction du travail obligatoire est une condition sine qua non de la liberté de choix de l’emploi (Étude d’ensemble de 2020, paragr. 70).
La commission prend note de la déclaration du gouvernement suivant laquelle les observations de la CSI reposent sur des déclarations individuelles et ne sont pas étayées. Toutefois, elle note que ces observations s’accompagnent de sources supplémentaires qui contiennent des données statistiques, citent des témoignages de première main, des témoignages de témoins oculaires, de membres de la famille et de proches, des documents de recherche, et des photos de centres d’éducation et de formation professionnelle.
La commission note aussi que, le 29 mars 2021, plusieurs experts des droits de l’homme des Nations Unies (notamment des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail thématiques mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies) ont exprimé de vives préoccupations quant aux allégations de détention et de travail forcé des Ouïghours et autres minorités turcophones et musulmanes au Xinjiang. Les experts des Nations Unies indiquent que des travailleurs ouïghours sont détenus dans des installations de «rééducation» et que beaucoup sont transférés de force pour aller travailler dans des usines du Xinjiang. Ils indiquent en outre que les travailleurs ouïghours seraient embauchés de force dans des industries peu qualifiées et à fort coefficient de main-d’œuvre, comme l’agroalimentaire, le textile et l’habillement, la construction automobile et des secteurs de technologie.
La commission reconnaît la détermination du gouvernement à éradiquer la pauvreté et s’en félicite. Toutefois, la commission est intimement convaincue que l’éradication de la pauvreté et la concrétisation du droit au travail à cette fin recouvrent non seulement le placement et le maintien dans l’emploi, mais aussi les conditions dans lesquelles le gouvernement concrétise ce placement et ce maintien. La convention ne requiert pas seulement du gouvernement qu’il recherche le plein emploi, mais aussi qu’il fasse en sorte que ses politiques de l’emploi soient exemptes de tout effet discriminatoire direct ou indirect en matière de recrutement, de conditions de travail, d’opportunités de formation, de promotion, de cessation ou de toute autre condition en rapport avec le travail, y compris la discrimination dans le choix de la profession.
La commission estime qu’au cœur de la réduction durable de la pauvreté est la promotion active des capacités individuelles et collectives, l’autonomie et l’indépendance, qui trouvent leur expression dans la reconnaissance pleine et entière de l’identité des minorités ethniques et dans leur capacité de choisir, librement et exempts de toute menace ou crainte, des moyens d’existence et des emplois ruraux ou urbains. L’obligation résultant de la convention ne consiste pas à garantir le placement et le maintien dans l’emploi de tous les individus par tous les moyens à disposition, mais à créer les conditions déterminantes pour la création d’emplois décents et d’entreprises durables.
La commission prend dûment note du point de vue exprimé dans le rapport du gouvernement, suivant lequel «certaines forces sensationnalisent de manière irréfléchie la question de ce qu’on qualifie de “travail forcé” à diverses occasions», ajoutant que ce n’est «rien de plus qu’un pur mensonge, un coup bas aux motivations cachées». Force est toutefois de constater que la situation dans l’emploi des Ouïghours et autres minorités musulmanes de Chine fournit de nombreux indices de mesures coercitives, dont beaucoup émanent de textes réglementaires et de documents de politique.
La mention par le gouvernement de la «délocalisation» en grand nombre de «main-d’œuvre rurale en surnombre» vers des sites d’emploi industriel et agricole situés dans la province du Xinjiang et en dehors de celle-ci, dans des «conditions structurées» de «gestion de la main-d’œuvre», conjointement avec une politique de formation professionnelle visant à la déradicalisation de minorités ethniques et religieuses et réalisée, en partie au moins, dans des environnements de haute sécurité et sous étroite surveillance soulève de vives préoccupations quant à la possibilité pour les minorités ethniques et religieuses d’exercer un emploi librement choisi sans discrimination. Plusieurs indices suggèrent la présence d’une «politique de transfert de main-d’œuvre» recourant à des méthodes qui entravent gravement le libre choix de l’emploi. Il s’agit notamment de la mobilisation sous la houlette du gouvernement de ménages ruraux, les municipalités locales organisant les transferts suivant des quotas d’exportation de main-d’œuvre, la délocalisation ou le transfert des travailleurs sous escorte de sécurité, la gestion sur site et la rétention des travailleurs sous étroite surveillance, la menace d’internement en centre d’éducation et de formation professionnelles si les travailleurs n’acceptent pas «l’administration du gouvernement», et l’impossibilité pour les travailleurs placés de changer librement d’employeur.
La commission exhorte le gouvernement à fournir des informations détaillées et actualisées sur les mesures prises ou envisagées pour faire en sorte que sa politique nationale de l’emploi promeuve effectivement l’emploi à la fois productif et librement choisi, ainsi que le libre choix de la profession, et empêche effectivement toutes les formes de travail forcé ou obligatoire. En outre, la commission prie le gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que les programmes d’éducation et de formation professionnelles faisant partie de ses activités de réduction de la pauvreté concentrées dans la région autonome ouïghoure soient intégrés et dispensés dans des institutions ouvertes au public, de telle sorte que toutes les tranches de la population puissent bénéficier de ces services sur un pied d’égalité, en vue d’améliorer leur accès au plein emploi productif et librement choisi et au travail décent. Rappelant que, suivant la loi sur la promotion de l’emploi (2007) et la loi sur l’éducation professionnelle (1996), les travailleurs ont «droit à l’égalité dans l’emploi et le droit de choisir un emploi de leur propre initiative», et sont habilités à recevoir une éducation et une formation professionnelles, respectivement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la manière dont ce droit est effectivement garanti, en particulier aux membres de la minorité ouïghoure et d’autres minorités turcophones et/ou musulmanes. Le gouvernement est également prié de fournir des informations détaillées, notamment des données statistiques ventilées sur la nature des différents cours d’éducation et de formation professionnelles dispensés, les types de cours auxquels ont participé des minorités ouïghoures, et le nombre de participants à chaque cours, ainsi que sur l’impact de cette éducation et cette formation sur l’accès à un emploi librement choisi et durable.
Article 3 de la convention. Consultation. La commission prie le gouvernement d’indiquer la manière dont les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs ont été consultés pour ce qui est de la conception, l’élaboration, la mise en œuvre, le contrôle et la révision des mesures actives du marché du travail adoptées dans la région autonome ouïghoure. En outre, étant donné que les mesures actives du marché du travail visent principalement les Ouïghours et d’autres minorités turcophones et/ou musulmanes, la commission prie le gouvernement d’indiquer la manière dont les représentants de ces groupes ont été consultés, comme l’exige l’article 3.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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