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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et des observations conjointes du Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala et des Syndicats globaux du Guatemala, reçues le 1er septembre 2021, sur des questions examinées dans le présent commentaire. Elle prend également note des réponses que le gouvernement y apporte. En outre, la commission prend note des commentaires du gouvernement sur les points soulevés en 2020 par les centrales syndicales nationales au sujet des effets de la pandémie de COVID-19 sur l’application de la convention.

Suivi par le Conseil d’administration des progrès accomplis dans l’exécution du programme de coopération technique «Renforcement de la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale au Guatemala aux fins de l’application effective des normes internationales du travail»

La commission rappelle que: i) à la suite de la décision du Conseil d’administration de novembre 2018 (décision GB/334/INS/9) de déclarer close la procédure engagée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT concernant la plainte relative au non-respect par le Guatemala de la convention, celui-ci a prié le Bureau de concevoir un programme de coopération technique pour réaliser de nouvelles avancées dans la mise en œuvre de la feuille de route adoptée en 2013 dans le cadre de la plainte précitée; et ii) à sa 340e session (octobre-novembre 2020), le Conseil d’administration a accueilli avec satisfaction l’adoption du programme de coopération technique «Renforcement de la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale au Guatemala aux fins de l’application effective des normes internationales du travail» et a demandé au Bureau de lui rendre compte de la mise en œuvre du programme chaque année à sa session d’octobre-novembre, pendant les trois ans que durerait le programme (décision GB/340/INS/10).
La commission prend note des discussions qui ont eu lieu lors de la 343e session du Conseil d’administration (octobre-novembre 2021) à propos de l’exécution du programme susmentionné et de sa décision de prendre note des informations fournies par le Bureau à cet égard (décision GB/343/INS/7).

Droits syndicaux et libertés publiques

La commission note avec regret que, depuis 2005, elle est saisie d’allégations afférentes à de graves actes de violence, y compris de nombreux homicides, commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, allégations qui ont également trait à l’impunité entourant ces actes. Elle prend aussi note qu’à sa réunion d’octobre 2021, le Comité de la liberté syndicale a examiné le cas no 2609 qui regroupe les cas de violence antisyndicale, dont un nombre très élevé d’homicides de membres du mouvement syndical survenus entre 2004 et 2021 (voir 396e rapport, octobre 2021, cas no 2609, paragr. 307 à 348).
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires relatives aux homicides de 96 membres du mouvement syndical, dont il ressort que: i) 28 décisions ont été rendues à ce jour, dont 22 condamnations (relatives à 19 homicides, dont 3 ont chacun donné lieu à 2 condamnations), 5 acquittements et 1 mesure corrective et de sécurité; ii) 7 mandats d’arrêt sont en cours; iii) 3 cas sont au stade du procès oral et public; iv) les poursuites pénales sont éteintes pour 6 cas dans lesquelles les personnes inculpées sont décédées; et v) les autres cas sont toujours en cours d’instruction. Elle note également qu’il indique que 13 cas en cours d’instruction ont progressé en 2020. Par ailleurs, la commission prend note des informations transmises par le gouvernement sur les mesures de sécurité adoptées en faveur de membres du mouvement syndical en situation de risque selon lesquelles: i) 55 analyses des risques concernant des membres du mouvement syndical ont été menées en 2020 et ont conduit à 1 mesure de sécurité personnelle et 47 mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité; et ii) 19 analyses des risques concernant des membres du mouvement syndical ont été menées entre le 1er juin et le 31 août 2021 et ont conduit à 15 mesures d’établissement d’un périmètre de sécurité.
La commission constate également que le gouvernement renvoie à ses réponses communiquées dans le cadre du cas no 2609. À cet égard, elle prend bonne note des informations détaillées fournies par le gouvernement à propos du rôle actif que jouent la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale (ci-après, la commission nationale tripartite) et sa Sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route dans le suivi de la réponse pénale aux actes de violence antisyndicale. Elle prend spécifiquement note des réunions de haut niveau que la commission nationale tripartite a tenues avec la Procureure générale et l’assemblée plénière de la Cour suprême, ainsi que des demandes précises que la Sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route a adressées aux autorités compétentes, à savoir: i) mener une enquête exhaustive sur tous les cas d’homicides de membres du mouvement syndical, en mettant l’accent sur une série de 36 cas particulièrement importants; ii) réactiver le groupe de travail technique syndical du ministère public et le groupe technique syndical permanent pour une protection intégrale du ministère de l’Intérieur; iii) inciter la justice à accélérer les procès en instance concernant des homicides de membres du mouvement syndical; iv) affecter une section d’analyse criminelle à l’unité chargée des infractions contre les syndicalistes; et v) renforcer la collaboration entre le ministère public et le ministère de l’Intérieur lorsque des membres du mouvement syndical sollicitent des mesures de protection.
La commission prend bonne note de ces informations. Elle observe également que malgré les difficultés causées par la pandémie de COVID-19, deux nouvelles condamnations ont été prononcées en 2021 en lien avec des homicides de membres du mouvement syndical. Dans le même temps, la commission prend note avec une profonde préoccupation que: i) le gouvernement indique qu’en 2020, le ministère public a été saisi de six nouveaux cas d’homicides de membres du mouvement syndical; et ii) dans leurs observations, les centrales syndicales nationales et la CSI dénoncent l’assassinat, le 7 mai 2021, de Mme Cinthia del Carmen Pineda Estrada, dirigeante du Syndicat des travailleurs de l’éducation du Guatemala (STEG), ainsi que d’autres cas graves de violence antisyndicale commis en 2020 et 2021. Tout en prenant note des réponses du gouvernement relatives aux enquêtes conduites sur ces actes, la commission rappelle une nouvelle fois que les droits syndicaux ne peuvent être exercés que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit à l’encontre des syndicalistes et qu’il incombe aux gouvernements de veiller au respect de ce principe.
Compte tenu de ce qui précède et tout en prenant dûment note des mesures que le gouvernement continue de prendre, des résultats rapportés et de la difficulté d’élucider les meurtres plus anciens, la commission exprime de nouveau sa profonde préoccupation face aux allégations de nouveaux homicides et d’autres actes de violence antisyndicale commis en 2021 et à la persistance d’un degré élevé d’impunité, la grande majorité des nombreux cas d’homicides de membres du mouvement syndical signalés n’ayant toujours pas donné lieu à des condamnations. Soulignant l’importance des initiatives réclamées par la Sous-commission sur la mise en œuvre de la feuille de route, la commission prie de nouveau instamment le gouvernement de continuer de prendre et d’intensifier de manière urgente les mesures nécessaires visant à: i) enquêter sur tous les actes de violence visant des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour établir les responsabilités et sanctionner les auteurs et les instigateurs de ces actes, en tenant entièrement compte de l’activité syndicale des victimes; et ii) octroyer rapidement et efficacement une protection aux dirigeants syndicaux et syndicalistes en situation de danger afin d’éviter tout nouvel acte de violence antisyndicale. En ce qui concerne les mesures concrètes requises à ce sujet, la commission renvoie aux recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2609.

Problèmes d’ordre législatif

Articles 2 et 3 de la convention. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle prie le gouvernement de prendre des mesures visant à:

  • -modifier l’article 215 c) du Code du travail qui impose de réunir la majorité absolue des travailleurs d’un secteur déterminé pour pouvoir constituer un syndicat de branche;
  • -modifier les articles 220 et 223 du Code du travail qui imposent d’être guatémaltèque d’origine et travailleur de l’entreprise ou du secteur d’activité économique correspondant pour pouvoir être élu dirigeant syndical;
  • -modifier l’article 241 du Code du travail qui prévoit que la grève doit être déclarée par la majorité des travailleurs et non par la majorité des votants;
  • -modifier l’article 4, alinéas d), e) et g), du décret no 71-86, dans sa teneur modifiée par le décret législatif no 35-96 du 27 mars 1996, qui prévoit la possibilité d’imposer un arbitrage obligatoire dans des services qui ne sont pas des services essentiels et énonce d’autres obstacles à l’exercice du droit de grève;
  • -modifier les articles 390, alinéa 2, et 430 du Code pénal et le décret no 71-86 qui prévoient les sanctions d’ordre professionnel, civil et pénal en cas de grève qu’encourent les fonctionnaires et les travailleurs de certaines entreprises;
  • -prendre des mesures pour que plusieurs catégories de travailleurs du secteur public (engagés sur la base de la ligne budgétaire no 029 et d’autres lignes budgétaires) bénéficient des garanties prévues par la convention.
En outre, la commission rappelle que dans ses commentaires formulés en 2018, 2019 et 2020, elle avait pris note de: i) la conclusion d’un accord tripartite en février 2018 sur la réforme de quatre des six points susmentionnés (obligations à remplir pour être élu dirigeant syndical, arbitrage obligatoire dans des services qui ne sont pas des services essentiels et autres obstacles à l’exercice du droit de grève, sanctions prévues en cas de grève dans plusieurs dispositions législatives et application des garanties de la convention à plusieurs catégories de travailleurs publics); ii) la soumission de l’accord tripartite précité à la commission du travail du Congrès de la République le 7 mars 2018 pour qu’elle abandonne l’examen du projet de loi no 5199 qui n’avait pas obtenu l’aval des partenaires sociaux et adopte plutôt une réforme législative s’appuyant sur ledit accord tripartite; et iii) la conclusion d’un accord tripartite, en août 2018, sur les principes qui devraient orienter les réformes sur les deux autres points de la liste susmentionnée (exigences pour la constitution et le fonctionnement des syndicats de branche et conditions de vote pour déclarer une grève).
La commission prend note que dans son dernier rapport, le gouvernement se contente de: i) signaler que les réformes législatives réclamées par la commission s’inscrivent dans le plan de travail de la commission tripartite nationale et de sa sous-commission de législation; ii) rappeler une nouvelle fois que le projet de loi no 5199, dont l’objectif est de répondre aux observations de la commission, a été présenté au Congrès de la République le 27 octobre 2016, mais que les partenaires sociaux ont préféré l’abandonner et poursuivre les discussions pour parvenir à un consensus sur les réformes à mener; iii) faire savoir que lors de la réunion de la commission nationale tripartite du 22 avril 2021, le gouvernement a présenté un projet d’initiative législative s’appuyant sur le consensus tripartite atteint au sujet des quatre points précédemment cités, figurant dans un accord tripartite complet, qui avaient déjà été soumis au Congrès de la République le 7 mars 2018, permettant ainsi la tenue d’un vaste dialogue sur l’exposition des motifs du projet d’initiative législative.
Tout en prenant note des informations communiquées par le gouvernement, la commission observe avec une profonde préoccupation l’absence de progrès concrets dans la mise en conformité de la législation avec la convention malgré les demandes répétées en ce sens émanant des différents organes de contrôle de l’OIT et du Conseil d’administration et des répercussions graves des dispositions législatives en question sur l’exercice effectif de la liberté syndicale. À cet égard, la commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait pris note avec préoccupation de l’indication des organisations syndicales selon laquelle la conjonction, d’une part, de l’impossibilité de créer des syndicats de branche, conformément aux prescriptions de l’article 215 c) du Code du travail et, d’autre part, de l’impossibilité, dans les petites entreprises, qui représentent la quasi-totalité des sociétés guatémaltèques, de créer un syndicat tant que 20 travailleurs ne sont pas réunis à cette fin, conformément à l’article 216 du Code du travail, fait que la grande majorité des travailleurs du pays ne peuvent bénéficier du droit de se syndiquer. Tout en soulignant l’importance de mener des consultations avec les partenaires sociaux sur les réformes législatives en matière de travail et, dans la mesure du possible, de parvenir à un consensus tripartite, la commission souligne qu’en dernier recours, la responsabilité revient au gouvernement de prendre les décisions nécessaires pour respecter les engagements internationaux qui incombent à l’État en vertu des conventions internationales du travail qu’il a ratifiées. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement d’adopter sans plus tarder les mesures nécessaires pour rendre la législation conforme à la convention. Elle s’attend à recevoir au plus vite des informations spécifiques sur les progrès concrets réalisés à cet égard.

Application de la convention dans la pratique

Enregistrement d’organisations syndicales. Dans ses précédents commentaires, la commission avait invité de nouveau le gouvernement et les organisations syndicales à faire progresser sensiblement le dialogue sur la simplification de la procédure d’enregistrement des syndicats. Elle note que le gouvernement indique qu’il est occupé à renforcer le registre public des syndicats de la Direction générale du travail en mettant au point un outil informatique qui permettra d’accélérer les procédures. De plus, la commission note qu’il ressort du document GB/343/INS/7, soumis au Conseil d’administration à sa session d’octobre-novembre 2021, que: i) le Bureau fournit une assistance technique au projet de renforcement du registre public des syndicats; ii) selon les informations communiquées par le gouvernement, sur les 52 demandes d’enregistrement de syndicat présentées en 2020 au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, 28 ont donné lieu à une inscription, 16 ont été rejetées et 8 sont toujours en cours d’examen; et iii) sur les 39 demandes d’enregistrement reçues entre le 1er janvier et le 16 septembre 2021, 12 ont donné lieu à une inscription, 9 ont été rejetées et 18 sont encore en cours d’examen. Notant qu’il ressort des données communiquées par le gouvernement que plus d’un tiers des demandes d’enregistrement examinées au cours des deux dernières années ont été rejetées et qu’un nombre élevé de demandes d’enregistrement de syndicat sont toujours en cours d’examen plusieurs mois après leur présentation, la commission encourage une nouvelle fois le gouvernement, avec l’assistance technique du Bureau et dans le cadre du dialogue avec les organisations nationales représentatives, à progresser dans le processus d’enregistrement des syndicats.
Campagne de sensibilisation sur la liberté syndicale et la négociation collective. La commission rappelle que ladite campagne fait partie des engagements que le gouvernement a pris en adoptant la feuille de route en 2013. Dans ses commentaires précédents, elle avait prié instamment le gouvernement, en collaboration avec les partenaires sociaux et en s’appuyant sur le programme d’assistance technique préparé par le Bureau, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la campagne de sensibilisation bénéficie d’une grande visibilité dans les principaux médias du pays. La commission prend note que le gouvernement signale qu’il attend l’approbation du Programme opérationnel pluriannuel du Programme d’appui à l’emploi décent de l’Union européenne, qui comprend des mesures concrètes pour aborder les questions de liberté syndicale et de négociation collective dans le cadre des conventions de l’OIT concernées. Tout en notant que la réponse aux situations d’urgence dans le contexte de la pandémie de COVID-19 peut avoir compliqué l’adoption de mesures à ce propos, la commission prend note avec regret de l’absence d’initiatives concrètes relatives à la diffusion de la campagne de sensibilisation. La commission prie instamment une fois encore le gouvernement d’adopter des mesures pour que la campagne de sensibilisation à la liberté syndicale et à la négociation collective soit effectivement diffusée dans les principaux médias du pays.
Regrettant que, malgré l’existence de la commission nationale tripartite et de l’assistance technique fournie par le Bureau, aucun progrès concret n’ait été accompli ces trois dernières années, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai aux violations graves de la convention que la commission constate depuis de nombreuses années.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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