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La commission prend note des observations de la Confédération des associations allemandes d’employeurs (BDA) et de la Confédération allemande des syndicats (DGB), reçues le 31 août 2021 et se référant aux questions traitées ci après.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes. La commission rappelle que, depuis bon nombre d’années, elle demande l’adoption de mesures visant à reconnaître le droit d’avoir recours à la grève aux fonctionnaires qui n’exercent pas une autorité au nom de l’État. Elle avait précédemment noté avec intérêt que, dans une décision rendue le 27 février 2014, le Tribunal administratif fédéral avait statué que, étant donné que l’interdiction constitutionnelle de grève dépend du statut du groupe et s’applique à tous les fonctionnaires (Beamte) quelles que soient leurs tâches et responsabilités, cette interdiction est en opposition avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le cas des fonctionnaires (Beamte) qui n’exercent pas dans des domaines réellement souverains (hoheitliche Befugnisse), par exemple les enseignants des écoles publiques, et que cette opposition doit être réglée par le législateur fédéral. Il avait également été décidé que, dans le cas des fonctionnaires (Beamte) qui exercent une autorité souveraine, l’interdiction n’est pas en opposition avec la CEDH, si bien qu’aucune mesure n’est requise. La commission avait également noté que, dans une décision de 2015, le Tribunal administratif fédéral confirmait qu’il est du ressort du législateur fédéral de parvenir à un équilibre entre les positions juridiques incompatibles de l’article 33(5) de la loi fondamentale et l’article 11 de la CEDH et que, entre-temps, l’interdiction constitutionnelle de grève pour les fonctionnaires reste en vigueur en tant que règle disciplinaire.
Ayant noté dans son précédent commentaire qu’une plainte avait été déposée auprès du Tribunal administratif fédéral suite au jugement prononcé en 2014 par le Tribunal administratif fédéral, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de cette décision, ainsi que de toute autre décision en instance que doit rendre le Tribunal constitutionnel fédéral sur le sujet. Compte tenu de l’opposition confirmée par le Tribunal administratif fédéral entre l’article 33(5) de la loi fondamentale et l’article 11 de la CEDH, et à la lumière du besoin persistant, souligné par la commission depuis de nombreuses années, de mettre la législation en pleine conformité avec la convention en ce qui concerne cette même question, la commission priait de nouveau le gouvernement: i) de s’abstenir, en attendant la décision pertinente du Tribunal constitutionnel fédéral, d’imposer des sanctions disciplinaires à des fonctionnaires qui n’exercent pas une autorité au nom de l’État (tels que les enseignants, les employés des postes et les employés des chemins de fer) et qui participent à des grèves pacifiques; et ii) d’initier un dialogue national étendu avec les organisations représentatives dans la fonction publique afin de trouver les moyens qui permettraient d’aligner la législation sur la convention.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, dans sa décision du 12 juin 2018 (cas no 2 BvR 1738/12), le Tribunal constitutionnel fédéral a jugé, contrairement au jugement de 2014 du Tribunal administratif fédéral, que: i) pour les fonctionnaires, indépendamment de leurs fonctions, l’interdiction de grève équivaut à un principe traditionnel indépendant du système de la fonction publique de carrière (Berufsbeamtentum) au sens de l’article 33(5) de la loi fondamentale, qui justifie une dérogation à la liberté syndicale; ii) ce principe est étroitement lié au principe d’alimentation de la fonction publique (Alimentationsprinzip), selon lequel les fonctionnaires reçoivent un salaire correspondant au poste qu’ils occupent dans la fonction publique, ainsi qu’au devoir de loyauté, au principe de l’emploi à vie et au principe selon lequel la relation juridique relevant du droit de la fonction publique (y compris la rémunération) doit être réglementé par le législateur; iii) il n’est pas nécessaire de prévoir une disposition légale expresse au sujet de l’interdiction de grève des fonctionnaires; iv) l’interdiction de grève des fonctionnaires en Allemagne est conforme au principe selon lequel l’interprétation de la loi fondamentale doit être compatible avec celle du droit international, ainsi qu’avec les garanties de la CEDH, puisqu’il n’y a pas d’opposition identifiable entre le droit allemand et l’article 11 de la CEDH; et v) indépendamment de la question de savoir si l’interdiction de grève pour les fonctionnaires représente effectivement un empiètement sur l’article 11(1) de la CEDH, elle serait en tout état de cause justifiée soit par la première, soit par la deuxième phrase de l’article 11(2) étant donné les particularités du système allemand appliqué à la fonction publique de carrière. La commission observe en outre, d’après le texte de la décision, que le Tribunal constitutionnel fédéral a estimé que: i) l’octroi du droit de grève, même pour certains groupes de fonctionnaires seulement, déclencherait une réaction en chaîne en ce qui concerne la structuration de la fonction publique, modifierait fondamentalement le système du droit allemand régissant la fonction publique et interférerait avec le cœur même des principes structurels garantis par l’article 33(5), de la loi fondamentale; ii) la répartition des fonctionnaires en groupes bénéficiant ou non du droit de grève selon leurs différentes fonctions compliquerait la tâche de distinction en lien avec la notion d’autorité publique et créerait une catégorie spéciale de fonctionnaires bénéficiant du droit de grève ou de fonctionnaires soumis à des conventions collectives, qui auraient la possibilité de formuler des revendications sur leurs conditions de travail par le biais, le cas échéant, de mesures en lien avec les conflits du travail, tout en conservant leur statut de fonctionnaires – ce qui soulèverait la question de savoir dans quelle mesure cette catégorie de personnel peut encore être considérée comme ayant le statut juridique de fonctionnaire; et iii) pour compenser la non-possibilité pour les fonctionnaires d’avoir une influence sur leurs conditions de travail par le biais de mesures en lien avec les conflits du travail, l’article 33(5) de la loi fondamentale leur accorde, entre autres, le droit de faire contrôler, dans le cadre du droit public et à titre personnel, le caractère constitutionnel de leur alimentation par un tribunal, ce qui serait presque totalement dénué de sens si les fonctionnaires avaient le droit de grève. Le gouvernement ajoute qu’une procédure contre l’interdiction de grève des fonctionnaires est actuellement en cours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
La commission prend note des observations de la BDA à cet égard, en soulignant la décision de 2018 de la Cour constitutionnelle fédérale et en indiquant que, bien que le concept de liberté syndicale englobe également le droit à l’action revendicative (grève et lock-out), la présente convention, de même que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ne régissent ni ne prévoient expressément le droit de grève. Selon la BDA, la manière dont l’action syndicale est organisée dans la pratique est toujours réglementée conformément aux conventions s’y rapportant, mais au niveau national. La commission prend également note des observations de la DGB, qui affirme que les fonctionnaires ne devraient pas subir une exclusion absolue du droit de grève sans qu’il ne soit tenu compte de leurs fonctions et qu’une interdiction de grève fondée sur le statut, telle qu’établie par la Cour constitutionnelle fédérale, représente une entrave à toute concordance pratique entre les articles 9(3) et 33 de la loi fondamentale. La DGB fait valoir qu’un véritable équilibre signifierait que l’interdiction de grève ne peut être maintenue que pour les fonctionnaires qui exercent réellement la souveraineté de l’État, tandis que les autres devraient bénéficier du droit de grève pour préserver et promouvoir leurs conditions d’emploi.
La commission prend bonne note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale selon lequel, pour les fonctionnaires, indépendamment de leurs fonctions, l’interdiction de grève équivaut à un principe traditionnel indépendant du système de la fonction publique de carrière au sens de l’article 33, paragraphe 5, de la loi fondamentale, qui justifie une dérogation à la liberté syndicale. En outre, la commission tient à préciser que sa tâche n’est pas de juger de la validité de la décision de la Cour du 12 juin 2018 (affaire no 2 BvR 1738/12), qui repose sur des questions de droit national allemand et des précédents. La tâche de la commission est d’examiner le résultat de cette décision sur la reconnaissance et l’exercice du droit fondamental des travailleurs à la liberté syndicale. À cet égard, la commission observe avec regret que le résultat de la décision de la Cour n’est pas conforme à la convention, dans la mesure où il équivaut à une interdiction générale du droit de grève des fonctionnaires fondée sur leur statut, indépendamment de leurs fonctions et responsabilités, et en particulier à une interdiction du droit des fonctionnaires qui n’exercent pas d’autorité au nom de l’État (tels que les enseignants, les postiers et les employés des chemins de fer) de recourir à la grève. Compte tenu de ce qui précède, la commission encourage le gouvernement à continuer d’engager un dialogue national approfondi avec les organisations représentatives de la fonction publique en vue de trouver les moyens possibles de mieux aligner la législation sur la convention. Notant en outre qu’une procédure contre l’interdiction de grève pour les fonctionnaires est actuellement en cours devant la Cour européenne des droits de l’homme, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la décision qui en résultera et sur tout impact que celle-ci pourrait avoir au niveau national.
La commission avait précédemment noté avec intérêt que, s’agissant des observations de 2012 de la DGB dénonçant le manque d’interdiction générale d’utilisation, dans des services non essentiels, de travailleurs temporaires comme briseurs de grève, la législation nationale a été modifiée pour veiller à ce que l’entreprise qui accueille des travailleurs ne soit plus autorisée à recruter comme briseurs de grève des travailleurs envoyés par des agences (conformément à l’article 11(5) de la loi sur la fourniture de main-d’œuvre, en vigueur depuis le 1er avril 2017, l’entreprise qui accueille un travailleur n’a pas le droit d’accepter des travailleurs envoyés par une agence lorsqu’elle est directement impliquée dans un conflit du travail). La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement à cet égard, selon laquelle: i) le déploiement de travailleurs intérimaires dans les industries frappées par une action syndicale n’est possible que si l’on a l’assurance qu’ils ne reprendront pas, directement ou indirectement, les emplois des personnes en grève; ii) une plainte constitutionnelle contre cette disposition avait été déposée devant la Cour constitutionnelle fédérale, alléguant qu’il y avait violation de la liberté syndicale de l’employeur dans la mesure où ses moyens de défense (spécifiquement le recours à des travailleurs intérimaires pendant une action syndicale) étaient restreints de manière illégitime, ce qui équivaut à une ingérence indue dans la capacité à exercer une profession; et iii) dans sa décision du 19 juin 2020 (cas no 1 BvR 842/17), la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que la réglementation concernée était constitutionnelle et que les droits du requérant n’avaient pas été violés.
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