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Article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Discrimination fondée sur le sexe. La commission prend note avec intérêt de l’adoption en 2017 de la loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Elle note que cette loi vise à éliminer toutes formes de violence à l’égard des femmes à travers la mise en place de mesures de prévention, la poursuite et la répression des auteurs de ces violences, et la protection et la prise en charge des victimes (article1). Cette loi s’applique à toutes les formes de discrimination et de violence subies par les femmes, quels qu’en soit les auteurs ou le domaine (article2). La commission note que la loi définit et sanctionne plusieurs types de violence, c’est-à-dire les violences: 1) physiques (tout acte nuisible ou de sévices portant atteinte à l’intégrité ou à la sécurité physique de la femme ou à sa vie, tels que les coups, coups de pieds, blessures, poussées, défiguration, brûlures, mutilation de certaines parties du corps, séquestration, torture et homicide); 2) sexuelles (tout acte ou parole dont l’auteur vise à soumettre la femme à ses propres désirs sexuels ou aux désirs sexuels d’autrui, au moyen de la contrainte, du dol, de la pression ou autres moyens, de nature à affaiblir ou porter atteinte à la volonté, et ce, indépendamment de la relation de l’auteur avec la victime); 3) politiques (tout acte ou pratique fondé sur la discrimination entre les sexes dont l’auteur vise à priver la femme ou l’empêcher d’exercer toute activité politique, partisane, associative ou tout droit ou liberté fondamentale); et 4) économiques (tout acte ou abstention de nature à exploiter les femmes ou les priver des ressources économiques, quelle qu’en soit l’origine, tels que la privation des fonds, du salaire ou des revenus, le contrôle des salaires ou revenus et l’interdiction de travailler ou la contrainte à travailler) (article3). La commission note également que selon l’article 5 de la loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, l’État s’engage à élaborer des politiques nationales, plans stratégiques et programmes communs ou sectoriels et à prendre les règlements et mesures nécessaires à leur mise en œuvre dans le but d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes dans l’espace familial, l’environnement social, le milieu éducatif, de la formation professionnelle, sanitaire, culturel, sportif et médiatique. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de la loi de no 2017-58 dans le domaine du travail, en indiquant les mesures prises ou envisagées par les politiques nationales, plans stratégiques et programmes communs ou sectoriels susmentionnés pour réduire les violences sexistes dans l’emploi et la profession. La commission prie également le gouvernement de fournir notamment des informations sur les mesures prises pour informer et sensibiliser les employeurs, les travailleurs et leurs organisations, les inspecteurs du travail, les juges ainsi que le grand public sur le contenu de la loi organique n° 2017-58 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et plus généralement à la lutte contre les violences basées sur le sexe.
Harcèlement sexuel. La commission note que, selon l’article 15 de la loi susmentionnée, l’article 226ter du Code pénal sur le harcèlement sexuel a été amendé et prévoit désormais une peine aggravée d’emprisonnement de deux ans (contre un an précédemment) et une amende pouvant s’élever jusqu’à 5000 dinars tunisiens (TND) (2 000 dollars des États-Unis (USD). Selon le même article du Code pénal: «est considéré comme harcèlement sexuel toute agression d’autrui par des actes ou gestes ou paroles comportant des connotations sexuelles qui portent atteinte à sa dignité ou affectent sa pudeur, et ce, dans le but de l’amener à se soumettre aux désirs sexuels de l’agresseur ou ceux d’autrui, ou en exerçant sur lui une pression dangereuse susceptible d’affaiblir sa capacité à y résister». La commission rappelle que, en général, les poursuites pénales ne suffisent pas pour éliminer le harcèlement sexuel en raison du caractère sensible de cette question, de la charge de la preuve qui est difficile à apporter, notamment s’il n’y a pas de témoin (ce qui est souvent le cas) et du fait que le droit pénal met généralement l’accent sur l’agression sexuelle ou les «actes immoraux», et non sur l’ensemble des comportements constituant le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession. La commission note que la législation doit couvrir le harcèlement sexuel, en tant qu’agression d’autrui par des actes ou des paroles ainsi que l’ensemble des comportements constituant le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession, à savoir: 1) le harcèlement sexuel qui s’apparente à un chantage (quid pro quo) d’une part; et 2) le harcèlement dû à la création d’un environnement de travail hostile, intimidant, dégradant, offensant ou humiliant d’autre part. La commission note par ailleurs que le gouvernement ne fournit aucune information sur les mesures prises ou les mécanismes existants pour permettre aux victimes de harcèlement sexuels de réclamer réparations. La commission prie le gouvernement: i) d’envisager d’incorporer dans sa législation une disposition qui définisse et interdise de manière expresse, le harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession sous ses deux formes (chantage (quid pro quo) et environnement de travail hostile); et ii) de s’assurer que les victimes de harcèlement sexuel ont accès à des voies de recours efficaces. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les activités de sensibilisation et de formation relatives au harcèlement sexuel sur le lieu du travail menées auprès de l’opinion publique, des travailleurs, des employeurs et de leurs organisations, ainsi que des membres des forces de l’ordre, des inspecteurs du travail et des juges.
Article 2. Politique nationale d’égalité. Égalité d’accès à l’éducation, la formation et l’orientation professionnelles dans les zones rurales. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises afin de promouvoir l’égalité d’accès à l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelles des populations vivant dans les zones rurales par rapport aux populations des centres urbains, et sur les résultats obtenus, notamment en ce qui concerne la situation des filles et des femmes des zones rurales. À cet égard, la commission relève que le rapport au titre de l’examen à l’échelle national de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, 1995 (Rapport national Beijing + 25) , fait part de l’adoption de la «Stratégie nationale de l’autonomisation économique et sociale des femmes et des filles en milieu rural, 2017-2020». D’après les données sur lesquelles s’appuient la Stratégie: 32,4 pour cent des femmes et des filles en Tunisie vivent en milieu rural et elles représentent 50,4 pour cent de la population rurale totale. Ces femmes font face à des contraintes culturelles, sociales et économiques qui limitent leur accès au marché du travail et à des emplois décents et rémunérés. La Stratégie adoptée comporte cinq axes prioritaires: 1) l’autonomisation économique; 2) l’autonomisation sociale; 3) la participation à la vie publique et à la gouvernance locale; 4) l’amélioration de la qualité de vie; et 5) la production de données statistiques. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’impact de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de l’autonomisation économique et sociale des femmes et des filles en milieu rural, 2017-2020, sur la lutte contre l’inégalité d’accès à l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelles, dont souffre les filles et femmes vivant dans les zones rurales et des données statistiques actualisées et ventilées par sexe démontrant l’impact desdites mesures, et sur les difficultés rencontrées en la matière.
Population berbère. Depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernent de fournir des informations sur les mesures prises en faveur de la population berbère pour leur assurer une égalité de chances et de traitement sur le marché du travail. La commission veut croire que la nouvelle loi no 2018-50 sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, mentionnée dans son observation, contribuera à donner pleinement effet aux dispositions de la convention sur ce point. Elle rappelle que la collecte et l’analyse de statistiques et de données pertinentes sont indispensables pour déterminer la nature, l’ampleur et les causes de discrimination. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de fournir des informations statistiques actualisées ventilées par sexes sur la situation de la population berbère en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi et au marché du travail. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour assurer l’accès sans discrimination, des hommes et des femmes de cette minorité à l’emploi et à la formation professionnelle, ainsi que l’accès de leurs enfants à l’éducation et de communiquer des informations sur l’impact des mesures prises à cet égard.
Observation générale de 2018. En ce qui concerne les points susmentionnés et plus généralement, la commission souhaiterait appeler l’attention du gouvernement sur son observation générale sur la discrimination fondée sur la race, la couleur et l’ascendance nationale, adoptée en 2018. Dans cette observation générale, la commission note avec préoccupation que les attitudes discriminatoires et les stéréotypes fondés sur la race, la couleur ou l’ascendance nationale des travailleurs et travailleuses continuent d’entraver leur accès à l’enseignement, aux programmes de formation professionnelle et leur accès à un plus large éventail d’opportunités d’emplois, ce qui entraîne une ségrégation professionnelle persistante et des rémunérations inférieures pour un travail de valeur égale. La commission estime donc qu’il est nécessaire d’adopter une approche globale et coordonnée pour s’attaquer aux barrières et obstacles auxquels se heurtent les personnes dans l’emploi et la profession en raison de leur race, de leur couleur ou de leur ascendance nationale, et pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement pour tous. Une telle approche devrait comprendre l’adoption de mesures convergentes visant à combler les lacunes en matière d’éducation, de formation et de compétences, à assurer une orientation professionnelle impartiale, à reconnaître et à valider les qualifications obtenues à l’étranger, et à valoriser et reconnaître les connaissances et compétences traditionnelles qui peuvent être utiles pour accéder à un emploi et progresser dans la vie active et pour exercer une profession. La commission rappelle également que, pour être efficaces, ces mesures doivent comprendre des actions concrètes, telles que l’adoption de législations, de politiques, de programmes, de mécanismes, de processus participatifs et de procédures de recours et de réparation, visant à combattre les préjugés et les stéréotypes et à promouvoir la compréhension mutuelle et la tolérance entre toutes les composantes de la population.
La commission attire l’attention du gouvernement sur son observation générale de 2018 et le prie de fournir des informations en réponse aux questions posées dans ladite observation.
Handicap. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations actualisées sur l’impact des mesures d’action positive en faveur des personnes en situation de handicap prévues par la loi n°. 2005-83 relative à la promotion et à la protection des personnes en situation de handicap. La commission note que la loi de 2005 a été modifiée par la loi n° 2016-41 du 16 mai 2016. En vertu de l’article 29, un quota d’au moins 2 pour cent dans la fonction publique devra être attribué par priorité aux personnes en situation de handicap. Par ailleurs, toute entreprise ou établissement public ou privé employant habituellement entre 50 et 90 travailleurs, est tenu de réserver au moins un poste de travail à des personnes en situation de handicap (article30). Dans le cas où une entreprise ne pourrait pas remplir ce quota, elle peut recourir à des alternatives, tels que le travail à distance, la sous-traitance de main d’œuvre, l’acquisition de produits provenant de personnes en situation de handicap installées à leur propre compte ou d’associations œuvrant dans le domaine du handicap. Notant que le gouvernement n’a pas fourni d’information sur l’impact des mesures d’action positive mises en place par la loi n° 2005-83, telle qu’amendée en 2016, la commission prie à nouveau le gouvernement: i) de fournir des informations statistiques sur le nombre de travailleurs en situation de handicap ayant bénéficié de ces mesures dans les secteurs public et privé; et ii) d’indiquer les mesures positives prises ou envisagées pour permettre aux personnes en situation de handicap de bénéficier d’une réelle égalité de chance, par exemple en luttant contre les stéréotypes liés au handicap, en promouvant par exemple l’accessibilité par des dispositifs d’aménagement raisonnable ou en mettant en place des mécanismes de suivi des opportunités d’emploi pour les personnes en situation de handicap ayant participé à des cours de formation et programmes de placement.
Article 5. Travailleurs ayant des responsabilités familiales. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, si les hommes peuvent bénéficier au même titre que les femmes du régime de travail à temps partiel dans le secteur privé (art. 94-2 à 94-12 du Code du travail), il n’en va pas de même dans le secteur public où ce régime spécial est réservé aux femmes (loi n° 2006-58 du 28 juillet 2006 établissant un régime spécial de travail à temps partiel dans le secteur public). La commission avait donc prié le gouvernement de prendre des mesures pour harmoniser sa législation afin de s’assurer que cette option soit également offerte aux hommes travaillant dans le secteur public. La commission prie le gouvernement d’indiquer les progrès réalisés en la matière et également de fournir des statistiques actualisées sur le nombre de travailleurs et de travailleuses, des secteurs public et privé, ayant recours au travail à temps partiel.
Contrôle de l’application. La commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle au cours de la période écoulée, les inspecteurs du travail n’ont pas constaté de cas de discrimination entre les femmes et les hommes dans les entreprises visitées, tous secteurs confondus - que les travailleurs contrôlés soient syndiqués ou pas. Selon ces indications, les inspecteurs du travail n’ont pas non plus reçu de plaintes alléguant une discrimination fondée sur le sexe (en matière de salaire, de classement professionnel ou de promotion). Sachant qu’aucune société n’est exempte de discrimination, la commission souligne que l’absence ou le faible nombre de cas ou de plaintes ne signifie pas automatiquement qu’il n’existe pas de discrimination en matière d’emploi ou de profession fondée sur les critères énoncés par la convention mais que cela peut s’expliquer également par une absence de cadre juridique approprié, une méconnaissance des droits, un manque de confiance dans les voies de recours offertes, l’inexistence de telles voies ou la crainte de représailles. L’absence ou le faible nombre de plaintes ou de cas pourrait également signifier que le système de recensement des infractions n’est pas suffisamment développé (Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 870). Le gouvernement ayant indiqué qu’un projet de loi contre toutes les formes de discrimination est en discussion, la commission attire son attention sur la nécessité de saisir cette opportunité pour s’assurer de la mise en place d’un cadre législatif clair et global afin que le droit à l’égalité et à la non-discrimination soit connu de tous et appliqué dans la pratique. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour: i) sensibiliser les employeurs, les travailleurs et leurs organisations sur les lois et politiques relatives à la non-discrimination et à l’égalité et leur impact en matière d’emploi et de profession; et ii) renforcer les capacités de l’inspection du travail en vue de promouvoir et assurer de manière effective l’égalité dans l’emploi et la profession de tous les travailleurs employés dans l’ensemble des secteurs économiques, aussi bien dans l’économie formelle que dans l’économie informelle. Suite à l’adoption de la loi n°2018-50 de 2018, sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre et la nature des cas de discrimination fondée sur la race, la couleur et l’ascendance nationale examinés par l’inspection du travail, ainsi que par les tribunaux.
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