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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du Congrès des syndicats démocratiques du Belarus (BKDP), reçues respectivement les 16 et 30 septembre 2020, et examinées par la commission ci-après, en même temps que de la réponse du gouvernement à leur sujet.

Suivi des recommandations de la Commission d’enquête nommée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT

Libertés civiles et droits syndicaux. La commission prend note, d’après les allégations de la CSI et du BKDP, de l’extrême violence exercée pour réprimer des manifestations et des grèves pacifiques, ainsi que de la détention, de l’emprisonnement et de la torture de travailleurs pendant leur détention, à la suite de l’élection présidentielle d’août 2020. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que les élections qui se sont tenues en août 2020 avaient soulevé des rivalités, des passions et des réactions que le pays n’avait jamais connues auparavant. Le gouvernement indique en outre que, suite au comptage des voix, les tensions politiques alimentées par l’extérieur ont entraîné une série de protestations et de manifestations organisées en violation de la législation en vigueur et visant à déstabiliser le pays. Le gouvernement souligne que l’exercice des droits et libertés, notamment de la liberté de rassemblement, de réunion, de cortèges, de manifestations et de grève doit être pacifique, respecter la loi du pays et ne pas enfreindre la loi, les droits et intérêts légitimes des autres, ni menacer la sécurité publique et nationale. Le gouvernement souligne aussi que les actes de protestation menés par certains citoyens pour exprimer leur désaccord avec les résultats des élections présidentielles étaient de nature purement politique, qu’ils avaient été organisés sans tenir compte de la législation pertinente et qu’ils n’étaient pas toujours pacifiques. Au cours de ces actions, plusieurs infractions ont été relevées, telles que des actes de résistance aux demandes légitimes des fonctionnaires d’application des lois, associés à des agressions, à l’usage de la violence, à des dommages provoqués aux transports publics, à un blocage de la circulation, et à des dommages aux infrastructures. Le gouvernement indique que la majorité des personnes signalées par le BKDP avaient été responsables d’avoir organisé et /ou participé activement à des actes de protestation illégaux ou appelé à la participation à de tels actes. Le gouvernement estime que l’arrestation de personnes responsables d’actes illégaux ne peut être assimilé à une persécution des travailleurs et des syndicalistes pour exercice de leurs droits et libertés civils, y compris des droits de participer à des actes de protestation pacifiques et à des grèves légales. Le statut de travailleur ou de dirigeant syndical ne doit pas créer des avantages ou des immunités supplémentaires.
La commission prend note de la déclaration de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme au cours de la réunion intersession du Conseil des droits de l’homme sur la situation au Bélarus du 4 décembre 2020, dans laquelle elle souligne que le contrôle et l’analyse des manifestations depuis le 9 août 2020 étaient dans leur grande majorité pacifiques. La commission se déclare profondément préoccupée par les allégations graves soumises par la CSI et le BKDP et par la détérioration continue de la situation des droits de l’homme dans le pays, en particulier, à l’égard du droit de réunion pacifique, comme noté par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies lors de sa réunion la plus récente susvisée. La commission rappelle que la participation pacifique à des grèves ou à des manifestations ne doit pas donner lieu à des arrestations ou à des détentions. Nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève, des réunions publiques ou des cortèges pacifiques, ou d’y avoir participé. La commission rappelle la résolution de la Conférence internationale du Travail (CIT) de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui souligne que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs se fondent sur le respect des libertés civiles, et que l’absence des libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux. Parmi ces libertés essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux figurent la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, la protection contre toute arrestation et détention arbitraires, et le droit à un jugement équitable par un tribunal indépendant et impartial. La commission renvoie à la recommandation 8 de la Commission d’enquête sur le Bélarus, qui a estimé qu’une protection adéquate, voire l’immunité, contre toute mesure de détention administrative doit être garantie aux responsables syndicaux dans l’exercice de leurs fonctions ou de leurs libertés publiques (liberté d’expression, liberté de réunion, etc.). La commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite à cette recommandation de la Commission d’enquête, afin de prévenir les violations des droits de l’homme et pour assurer le plein respect des droits et libertés des travailleurs. La commission prie aussi instamment le gouvernement de prendre des mesures pour faire libérer tous les syndicalistes encore en détention et d’abandonner toutes les charges découlant de la participation à des manifestations pacifiques et à des actions revendicatives. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des copies des décisions pertinentes de justice qui se prononcent en faveur de la détention et de l’emprisonnement de travailleurs et de syndicalistes et de transmettre une liste des personnes concernées
Concernant les cas signalés de violences à l’endroit de travailleurs qui participaient à ces manifestations, la commission, regrettant profondément que le gouvernement ne fournisse aucune information à ce sujet, rappelle qu’il incombe au gouvernement de garantir un climat exempt de violence, de menace ou de pression à l’égard des travailleurs qui manifestent pacifiquement. La commission prie instamment le gouvernement d’enquêter sans délai sur tous les cas d’intimidation ou de violence physique présumés en ouvrant une enquête judiciaire indépendante, afin de faire la lumière sur les faits et les circonstances entourant ces actes, et d’identifier les responsables, de punir les coupables et d’empêcher ainsi que des événements similaires ne se reproduisent. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cette fin. Par ailleurs et en référence aux recommandations de la Commission d’enquête, la commission souligne la nécessité d’assurer un système judiciaire et une administration de la justice impartiaux et indépendants pour veiller à ce que les enquêtes sur ces graves allégations soient menées de manière véritablement indépendante, neutre, objective et impartiale.
La commission rappelle que dans son commentaire précédent, elle a noté que les activités visant à donner suite aux recommandations de la Commission d’enquête se sont poursuivies dans le pays, en collaboration avec l’OIT. À cet égard, la commission a pris note qu’un cours de formation sur les normes internationales du travail à l’intention des juges, avocats et enseignants du droit a eu lieu à Minsk en juin 2017 et qu’une conférence tripartite intitulée «Tripartisme et dialogue social dans le monde du travail» s’est tenue à Minsk le 27 février 2019. La commission rappelle qu’elle avait précédemment noté qu’une réunion tripartite sur le règlement des différends tenue en 2016 avait fait ressortir un consensus sur la nécessité de continuer à collaborer à la mise en place d’un système solide et efficace de règlement des différends, permettant de traiter les conflits du travail individuels, collectifs et syndicaux. La commission a pris note avec regret de l’indication du BKDP selon laquelle les activités de mise au point d’un tel mécanisme ont été complètement négligées. La commission prie à nouveau le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet et l’invite à continuer de profiter de l’assistance technique du BIT à cet égard.
Article 2 de la convention. Droit de constituer des organisations de travailleurs. La commission rappelle que dans ses observations précédentes, elle a prié instamment le gouvernement d’évaluer, dans le cadre du Conseil tripartite pour l’amélioration de la législation dans le domaine social et du travail (ci-après, le Conseil tripartite), les mesures nécessaires pour garantir que le problème de l’adresse légale ne soit plus un obstacle à l’enregistrement d’un syndicat dans la pratique. La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de communiquer ses commentaires au sujet des allégations du BKDP et de la CSI sur les cas de refus d’enregistrer les structures syndicales du syndicat libre de Bélarus (SPB) et du syndicat du Bélarus des travailleurs du secteur électronique et de la radio (syndicat REP) à Orsha et Bobruisk. La commission note que, d’après l’indication du gouvernement, l’obligation de fournir une confirmation de l’adresse légale ne constitue pas un obstacle à l’enregistrement des syndicats et qu’il n’y avait eu aucun cas de refus d’enregistrement de syndicats ou de confédérations en 2019 et durant les neuf premiers mois de 2020. En ce qui concerne le refus d’enregistrer un syndicat primaire REP à Bobruisk, le gouvernement confirme que le 5 juillet 2019, la commission exécutive de la ville de Bobruisk a décidé de refuser l’enregistrement du syndicat primaire, étant donné que ses membres n’étaient pas liés par des intérêts communs du fait de la nature de leur travail, comme requis par l’article 1 de la loi sur les syndicats. Le gouvernement souligne que la pertinence et la validité de cette condition a été confirmée au cours d’une réunion du 30 avril 2009 du conseil tripartite. Ainsi, selon le gouvernement, les mesures prises par le syndicat REP pour établir les prétendues organisations primaires de la ville, qui rassemblent des citoyens sans aucun lien avec une organisation, un secteur ou une profession quelconque, ne répondent pas aux prescriptions de la loi sur les syndicats. Parmi les autres motifs justifiant la décision de refuser l’enregistrement figuraient l’absence de décision de la part d’un organisme syndical autorisé de créer une structure organisationnelle et d’autres défauts dans les documents soumis à l’enregistrement. La décision du comité exécutif de la ville de Bobruisk n’avait pas été attaqué devant la justice. La commission note qu’une explication similaire a été fournie par le gouvernement concernant le refus d’enregistrer un syndicat primaire à Orsha. Le gouvernement souligne qu’un refus d’enregistrement n’équivalait pas à une interdiction de constituer un syndicat ou sa structure organisationnelle, une fois que les défauts étaient supprimés, et les documents nécessaires à l’enregistrement pouvaient à nouveau être soumis. La commission rappelle qu’elle avait précédemment pris note de la décision concernant la condition de l’article 1 de la loi sur les syndicats, acceptée par tous les membres de la réunion tripartite du 30 avril 2009.
En ce qui concerne la demande antérieure de la commission de soumettre la discussion de la question de l’enregistrement des syndicats par le Conseil tripartite, la commission note, d’après l’indication du gouvernement, que la possibilité d’appliquer la proposition de la commission peut être envisagée lorsque le Conseil tripartite reprendra ses travaux une fois que la situation épidémiologique dans le pays s’améliorera. Le gouvernement souligne, cependant, que les commentaires de la commission d’experts sont disponibles au grand public et que les membres du Conseil tripartite peuvent librement les consulter et, si nécessaire, inscrire les commentaires de la commission à l’ordre du jour du Conseil tripartite. Le gouvernement réitère que l’ordre du jour des réunions est fixé sur la base des propositions des parties et des organisations représentées au Conseil, compte tenu de la pertinence des questions soulevées, et avec l’accord des membres du Conseil. À cette fin, les informations devraient être soumises au secrétariat du Conseil (ministère du Travail et de la Protection sociale), en expliquant pourquoi cette question particulière est problématique et mérite d’être examinée par la Conseil. Le gouvernement indique qu’en 2016-2020, aucune soumission n’a été faite aux fins de discuter des questions relatives à la condition de l’adresse légale. La commission s’attend à ce que le gouvernement, en tant que membre du Conseil tripartite, soumette dans les meilleurs délais les commentaires de la commission sur la question de l’enregistrement pour examen par le Conseil à l’une de ses réunions. La commission prie le gouvernement de l’informer de l’issue des discussions à ce sujet.
La commission constate avec préoccupation que, lors de sa rencontre télévisée avec le Président de la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB), le Président Loukachenko a demandé instamment que des syndicats soient constitués dans toutes les entreprises privées d’ici à la fin 2020, sous peine de liquidation des entreprises privées qui n’auraient pas formé de syndicats comme le demandait la FSB. Dans ses remarques, le Président a souligné que l’État était en faveur des syndicats du FSB. La commission rappelle que l’objectif principal de la convention n° 87 est de protéger l’autonomie et l’indépendance des organisations de travailleurs et d’employeurs par rapport aux pouvoirs publics, tant dans leur constitution que dans leur fonctionnement et leur dissolution (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 55). La commission considère que l’esprit de la convention n° 87 exige que les autorités traitent tous les syndicats avec impartialité, qu’ils soient ou non critiques à l’égard des politiques sociales et économiques menées par le gouvernement national ou les autorités régionales, et s’abstiennent d’exercer des représailles contre des activités syndicales légitimes. Une déclaration par une haute autorité publique qui favoriserait un syndicat par rapport à un autre, voire profiterait de son pouvoir pour créer des syndicats au sein d’une fédération syndicale en particulier porte atteinte au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier.
La commission rappelle que, selon la résolution concernant l’indépendance du mouvement syndical, adoptée en 1952 par la Conférence internationale du Travail, l’existence d’un mouvement syndical stable, libre et indépendant est une condition indispensable à l’établissement de bonnes relations professionnelles et qu’il est indispensable de préserver, dans chaque pays, la liberté et l’indépendance du mouvement syndical afin de mettre ce dernier en mesure de remplir sa mission économique et sociale indépendamment des changements politiques qui peuvent survenir. Lorsqu’ils s’efforcent d’obtenir la collaboration des syndicats pour l’application de leur politique économique et sociale, les gouvernements devraient avoir conscience que la valeur de cette collaboration dépend dans une large mesure de la liberté et de l’indépendance du mouvement syndical, considéré comme facteur essentiel pour favoriser le progrès social, et ils ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu’ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques. Ils ne devraient pas non plus essayer de s’immiscer dans les fonctions normales d’un syndicat.
La commission prie instamment le gouvernement de s’abstenir de favoriser un syndicat en particulier et de cesser immédiatement de s’ingérer dans la constitution d’organisations syndicales. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cette fin.
Articles 3, 5 et 6. Droits des organisations de travailleurs, y compris les fédérations et les confédérations, d’organiser leurs activités. Législation. La commission rappelle que la Commission d’enquête avait demandé au gouvernement de modifier le décret présidentiel n° 24 du 28 novembre 2003 sur la réception et l’utilisation de l’aide gratuite de l’étranger. Elle rappelle en outre qu’elle avait estimé que les modifications devraient viser à abolir les sanctions imposées aux syndicats (dissolution d’une organisation) pour une violation unique du décret et à élargir le champ des activités pour lesquelles l’aide financière étrangère peut être utilisée afin d’y inclure les manifestations organisées par les syndicats. La commission rappelle que le décret n° 24 avait été remplacé par le décret présidentiel n° 5 du 31 août 2015 sur l’aide accordée à titre gracieux par des étrangers et par le règlement d’application qui en découle concernant les procédures de réception, d’enregistrement et d’utilisation de l’aide reçue, le contrôle de sa réception et de l’utilisation prévue, et l’enregistrement des programmes humanitaires auxquelles elle est destinée. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la législation nationale n’interdit pas aux syndicats de recevoir une aide accordée à titre gracieux par des entités étrangères, ce qui inclut les organisations syndicales internationales. En outre, la législation définit les objectifs et les conditions d’utilisation de l’aide accordée à titre gracieux par des entités étrangères et dispose que cette aide doit être enregistrée conformément à la procédure établie qui, selon le gouvernement, est simple et rapide. Le gouvernement indique que le décret no 5 a été remplacé par le décret no 3 du 25 mai 2020. La commission note avec  regret  que, comme par le passé, en vertu des décrets nos 24 et 5, l’aide accordée à titre gracieux ne peut être utilisée pour organiser ou tenir des assemblées, des rassemblements, des marches, des manifestations, des piquets de grève ou des grèves, ni pour produire ou distribuer du matériel électoral, organiser des séminaires ou mener d’autres activités visant à faire de la «propagande politique ou de la propagande de masse auprès de la population», et que toute violation du règlement est passible de dissolution de l’organisation. La commission prend note des précisions données par le gouvernement à ce sujet selon lesquelles l’interdiction de recevoir et d’utiliser des dons accordés par une entité étrangère pour mener des activités de propagande politique et de propagande de masse auprès de la population découle de la nécessité de préserver la sécurité nationale et d’exclure toute possibilité que des forces extérieures (d’autres États ou des organisations, des associations ou des fondations internationales, ou d’autres entités) exercent une influence néfaste et des pressions visant à déstabiliser la situation sociopolitique et socio-économique du pays. Le gouvernement souligne que cette procédure s’applique à toutes les personnes morales, y compris aux syndicats et que, par ailleurs, aucune affaire dans laquelle un syndicat se serait vu refuser le droit de recevoir une aide accordée à titre gracieux par une entité étrangère et aucun cas de dissolution de syndicat prononcée pour violation de la procédure régissant l’utilisation de ce type d’aide n’ont été recensés. Toujours à ce propos, le gouvernement considère injustifié le lien qui est fait entre la question de la procédure régissant la réception de l’aide accordée à titre gracieux par une entité étrangère avec les articles 5 et 6 de la convention.
Tout en prenant note de ce qui précède, la commission fait observer que, si elle est appliquée aux activités des syndicats, la formule vague «propagande politique et propagande de masse auprès de la population» risque d’entraver l’exercice des droits syndicaux étant donné qu’il est inévitable et parfois normal que les syndicats prennent position sur des questions dont les aspects politiques ont des incidences sur leurs intérêts socio-économiques, ainsi que sur des questions purement économique ou sociales. S’agissant du lien qui est établi avec les articles 5 et 6 de la convention, la commission attire l’attention du gouvernement sur le paragraphe 624 du rapport de la commission d’enquête, dans lequel on peut lire que le droit reconnu par ces articles «implique le droit de bénéficier des liens qui peuvent avoir été noués avec une organisation internationale de travailleurs ou d’employeurs. Une législation qui interdit à un syndicat national ou une organisation nationale d’employeurs d’accepter une aide financière venant d’une organisation internationale de travailleurs ou d’employeurs, à moins que cette aide n’ait été approuvée par le gouvernement, et qui permet d’interdire une organisation s’il est avéré qu’elle a reçu une telle aide sans l’autorisation prescrite n’est pas conforme à ce droit. Bien qu’il n’y ait pas eu d’allégations spécifiques concernant l’application pratique [du] décret, la commission rappelle les conclusions [des] organes de contrôle selon lesquelles l’autorisation préalable […] [qui doit être obtenue pour] pouvoir bénéficier d’une aide gratuite de l’étranger et les restrictions [imposées] à l’utilisation de cette aide sont incompatibles avec le droit des organisations d’employeurs et de travailleurs d’organiser leurs propres activités et de bénéficier de l’assistance que peuvent leur apporter des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs.»
En outre, à cet égard, la commission rappelle que la commission d’enquête avait demandé au gouvernement de modifier la loi sur les actions collectives. Elle rappelle qu’en vertu de cette loi, qui établit une procédure pour les manifestations collectives, la demande d’organisation d’une manifestation doit être présentée à l’organe exécutif et administratif local. Bien que la décision de cet organe puisse faire l’objet d’un recours en justice, la loi n’énonce pas clairement les motifs pour lesquels une demande peut être rejetée. Un syndicat qui enfreint la procédure d’organisation et de tenue de manifestations collectives peut, en cas de dommage grave ou de préjudice substantiel aux droits et intérêts légaux d’autres citoyens et organisations, être dissous pour cette seule infraction. Dans ce contexte, le terme «infraction» s’entend des éléments suivants: l’arrêt temporaire des activités de l’organisation ou la perturbation de la circulation, le décès ou les dommages corporels causés à une ou plusieurs personnes, ou les dégâts dépassant 10 000 fois une valeur à établir à la date du fait incriminé. La commission avait prié le gouvernement de modifier la législation, en particulier en abolissant les sanctions imposées aux syndicats ou aux syndicalistes pour une violation unique de la loi et en établissant des motifs clairs pour le refus des demandes de tenir des manifestations syndicales collectives, sans perdre de vue que cette restriction devrait être conforme aux principes de la liberté syndicale.
Dans ses observations précédentes, la commission a pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi sur les actions collectives a été modifiée le 26 janvier 2019. Le gouvernement a indiqué que la loi révisée énonce un certain nombre de mesures et de conditions supplémentaires qui doivent être respectées par les organisateurs afin d’assurer l’ordre public et la sécurité publique pendant les manifestations collectives. La commission a noté avec un profond regret que la loi sur les actions collectives n’a pas été modifiée dans le sens de ses précédentes demandes. Elle a également noté avec préoccupation l’allégation du BKDP selon laquelle les partenaires sociaux n’ont pas été consultés pour les modifications de la loi. La commission a pris également note de l’indication du BKDP selon laquelle parmi les nouveautés de la loi figure la procédure de notification des actions de rue, qui s’applique aux manifestations collectives devant être organisées dans des «lieux fixes» désignés comme tels par les autorités locales. Ainsi, selon le BKDP, le format d’un événement est imposé aux organisateurs, car les rassemblements et les piquets de grève sont possibles sur les places désignées comme «lieux fixes», ce qui n’est pas le cas des cortèges et manifestations. La commission a prié le gouvernement de lui faire part de ses commentaires à ce sujet.
La commission prend note de l’explication du gouvernement qui fait valoir qu’une violation de la procédure régissant l’organisation et la tenue d’une manifestation collective peut comporter un risque de grave menace pour l’ordre public, raison pour laquelle la législation nationale prévoit certaines sanctions, notamment la dissolution d’une organisation en cas de violation, lorsque la manifestation collective débouche sur des dommages graves ou des préjudices substantiels causés aux droits et intérêts légitimes d’autres citoyens et organisations. Le gouvernement souligne que ces dispositions ne doivent pas être interprétées comme ayant pour finalité de dissuader les citoyens et les syndicats d’exercer leur droit à liberté de réunion pacifique. Le gouvernement ajoute que la décision de mettre fin aux activités d’une organisation ne peut être prise que par la Cour suprême. Il précise qu’à ce jour, aucune décision prononçant la dissolution d’un syndicat pour violation de la procédure relative à l’organisation et à la tenue des manifestations collectives n’a encore été rendue.
Pour ce qui est des renseignements fournis par le BKDP selon lesquels l’introduction de procédures de notification de l’organisation et de la tenue de manifestations collectives dans des lieux fixes revient à imposer un certain format aux organisateurs de manifestations collectives, le gouvernement souligne que les organisateurs sont libres de déterminer eux-mêmes le format des manifestations qu’ils planifient. Ainsi, si le format prévu fait que la manifestation peut se tenir dans l’un des lieux fixes expressément désignés comme tels, les organisateurs peuvent recourir à la procédure de notification. Dans le cas contraire, les organisateurs doivent obtenir une autorisation pour organiser la manifestation collective. La disposition en question ne vise pas à limiter la liberté des organisateurs de choisir le format de la manifestation ; elle a pour objectif d’éliminer les ingérences excessives des organes publics dans ce processus et, partant, de mettre en place des garanties supplémentaires permettant aux citoyens d’exercer leur droit de réunion. En outre, certaines restrictions des libertés et droits individuels constituent une forme de protection juridique de la sécurité et de l’ordre publics, de la moralité, de la santé publique et des droits et libertés d’autrui. En conséquence, le gouvernement estime que la législation en vigueur est conforme aux principes de liberté syndicale et de liberté de réunion.
Tout en prenant note de ce qui précède, la commission rappelle qu’elle avait pris note avec regret de l’adoption par le Conseil des ministres (en application de la loi sur les actions collectives) du règlement relatif à la procédure de paiement des services fournis par les autorités du ministère de l’Intérieur pour la protection de l’ordre public et les dépenses liées aux soins médicaux et aux travaux de nettoyage après une manifestation collective (ordonnance n° 49, entrée en vigueur le 26 janvier 2019). La commission a noté que, en vertu du règlement, une fois qu’une manifestation collective est autorisée, l’organisateur doit conclure des contrats avec les instances locales compétentes des affaires intérieures, les services de santé et les services de nettoyage en ce qui concerne, respectivement, la protection de l’ordre public, les services médicaux et le nettoyage. Le règlement fixe les frais relatifs à la protection des services publics comme suit: trois unités de base – pour un événement auquel participent jusqu’à dix personnes; 25 unités de base – pour un événement auquel participent de 11 à 100 personnes; 150 unités de base – pour un événement auquel participent de 101 à 1 000 personnes; 250 unités de base – pour un événement auquel participent de plus de 1 000 personnes. La commission note que l’unité de base actuelle est fixée à 27 roubles biélorusses (11 dollars des États-Unis). Si l’événement doit avoir lieu dans une zone qui n’est pas un «lieu fixe», les frais ci-dessus seront multipliés par un coefficient de 1,5. En plus des frais susmentionnés, le règlement prévoit les frais des organismes spécialisés (services médicaux et de nettoyage) qui doivent être payés par l’organisateur de la manifestation, notamment: le salaire des employés engagés pour la prestation de services, compte étant tenu de leur catégorie, leur nombre et du temps consacré à la manifestation collective; les primes d’assurance obligatoire; le coût des fournitures et des matériaux, y compris les médicaments, les produits médicaux, les détergents; les dépenses indirectes des organismes spécialisés; les impôts, les redevances et autres versements obligatoires aux budgets républicain et local, prévus par la loi. La commission note avec un profond regret que le règlement a été modifié le 3 avril 2020 par l’ordonnance n° 196 du Conseil des ministres et prévoit que l’organisateur doit conclure ces différents contrats avant de déposer la demande d’autorisation d’organiser une manifestation. La commission note avec une profonde préoccupation que, selon les dernières observations du BKDP, le nouvel amendement prive les syndicats de la possibilité d’exercer leurs activités publiques.
À la lecture de ces dispositions et de celles qui interdisent l’utilisation de l’aide gratuite de l’étranger pour l’organisation de manifestations collectives, la commission estime que la capacité à réaliser des actions collectives semble extrêmement limitée sinon inexistante dans la pratique. La commission note avec regret qu’à ce stade, le gouvernement estime qu’il n’est pas souhaitable de modifier la procédure existante en ce qui concerne la réception et l’utilisation de l’aide gratuite de l’étranger. La commission prie donc de nouveau instamment le gouvernement de modifier, en consultation avec les partenaires sociaux, la loi sur les actions collectives et le règlement qui l’accompagne dans un avenir très proche, et de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cet égard dès que possible. Elle rappelle que les modifications devraient avoir pour but de supprimer les sanctions imposées aux syndicats ou aux syndicalistes pour une violation unique de la législation pertinente; de définir clairement les motifs valables de refus des demandes d’organiser des manifestations syndicales collectives, en gardant à l’esprit le fait que toute restriction de ce type devrait être conforme aux principes de la liberté syndicale; et d’élargir le champ des activités pour lesquelles une aide financière étrangère peut être utilisée. En outre, considérant que le droit d’organiser des réunions et manifestations publiques constitue un aspect important des droits syndicaux, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’ordonnance n° 49 du Conseil des ministres, telle que modifiée, qui rend l’exercice de ce droit pratiquement impossible dans la pratique. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cette fin et l’invite à solliciter l’assistance technique du BIT à cet égard.
Application pratique. La commission rappelle qu’elle prend note, depuis plusieurs années, des allégations de refus répétés d’autoriser le BKDP, le BNP et le REP à organiser des manifestations et des réunions publiques et qu’elle avait instamment prié le gouvernement de travailler de concert avec les organisations susmentionnées pour enquêter sur tous les cas présumés de refus d’autoriser la tenue de manifestations et de réunions, et de porter à l’attention des autorités compétentes le droit des travailleurs de participer à des manifestations et réunions pacifiques pour défendre leurs intérêts professionnels. À cet égard, la commission avait noté que, d’après le gouvernement, entre 2016 et 2019, les raisons les plus souvent invoquées pour refuser l’autorisation d’organiser une manifestation collective étaient les suivantes: la demande ne contenait pas les informations requises par la loi; une autre manifestation collective avait lieu au même endroit au même moment; la manifestation devait avoir lieu dans un lieu non autorisé à cette fin; les documents soumis ne précisaient pas l’endroit de la manifestation et la manifestation était annoncée par les médias avant que l’autorisation ne soit donnée. Le gouvernement a indiqué que, lorsqu’une autorisation d’organiser une manifestation collective n’était pas accordée, les organisateurs, après avoir corrigé les lacunes, pouvaient soumettre à nouveau leur demande. Enfin, une décision interdisant la tenue d’une manifestation collective peut faire l’objet d’un recours en justice. Le gouvernement a cité plusieurs exemples où l’autorisation d’organiser de telles actions a été accordée au BKDP. Tout en prenant note de ces informations, la commission a pris également note des allégations du BKDP de 2019 selon lesquelles les autorités exécutives de Minsk, Mogilev, Vitebsk, Zhlobin, Borisov, Gomel, Brest, Novopolotsk avaient refusé d’octroyer l’autorisation de tenir des manifestations collectives et prié le gouvernement de lui faire part de ses commentaires détaillés à ce sujet. La commission note que le gouvernement indique que la décision d’autoriser ou d’interdire une manifestation collective est prise en fonction de la date, du lieu, de l’heure, du nombre de participants, des conditions météorologiques et de plusieurs autres éléments qui ont des incidences directes sur l’ordre et la sécurité publics et que sont pris en compte tant les droits des citoyens à la liberté syndicale et à la liberté de réunion que le principe selon lequel l’intérêt général est prioritaire, principe qui veut que l’exercice des droits ne mette pas à mal l’intérêt de la société et la sécurité publique, ni nuise à l’environnement et aux valeurs historiques et culturelles ni aille à l’encontre des droits et intérêts d’autrui. La commission prend également note des informations détaillées fournies par le gouvernement en réponse aux allégations du BKDP de 2019. Elle note en particulier qu’à l’exception d’un cas dans lequel une autorisation de manifestation collective a été accordée, les autres demandes ont été refusées pour les motifs suivants: la manifestation était prévue dans un lieu qui n’était pas adapté à cette fin; aucune information n’avait été donnée quant à la source de son financement ni aux contrats relatifs aux services de santé et au nettoyage des lieux; la demande ne contenait pas les éléments requis par la loi; une autre manifestation collective était prévue au même endroit à la même heure. La commission observe que, d’après les informations fournies par le gouvernement, il semblerait que l’application de la législation dans la pratique entrave le droit des travailleurs de mener leurs activités sans ingérence. Compte tenu des difficultés que les syndicats du BKDP ne cessent de rencontrer, la commission prie instamment le gouvernement de se lancer dans une coopération avec les partenaires sociaux, y compris dans le cadre du Conseil tripartite, pour trouver des solutions concrètes aux préoccupations relatives à l’organisation et à la tenue de manifestations collectives que les syndicats ont soulevées. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard et sur l’issue de ces discussions. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations statistiques sur les demandes soumises et les autorisations accordées et refusées, ventilées par centrale syndicale.
La commission rappelle les allégations du BKDP et de la CSI de 2019 concernant les cas de MM. Fedynich et Komlik, dirigeants du syndicat REP, reconnus coupables, en 2018, d’évasion fiscale et d’utilisation de fonds étrangers sans les avoir officiellement enregistrés auprès des autorités comme l’exige la législation en vigueur. Ils ont été condamnés à quatre ans d’emprisonnement avec sursis, à des mesures de restriction des déplacements, à une interdiction d’occuper des postes de direction pendant cinq ans et à une amende de 47 560 roubles biélorusses (plus de 22 500 dollars É.-U. à l’époque). La commission a noté que le Comité de la liberté syndicale examine actuellement les circonstances de ces affaires dans le cadre de son examen des mesures prises par le gouvernement pour donner suite aux recommandations de la Commission d’enquête. À cet égard, la commission a également pris note de l’allégation du BKDP selon laquelle les équipements saisis lors des perquisitions dans les locaux du syndicat REP et du BNP n’avaient pas été restitués à ce jour et prié le gouvernement de fournir des informations sur ce point.
La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles, d’après la Commission d’enquête, le matériel informatique, les téléphones portables et le reste du matériel saisi au cours des perquisitions au siège administratif du syndicat REP et du BNP ont été restitués à leurs représentants officiels en octobre 2019, à l’exception des disques durs et des clés USB contenant des informations sur les transactions financières et économiques de ces organisations. Les dispositifs de stockage des données n’ont pas été restitués et sont conservés avec le matériel correspondant dans le dossier pénal pour évasion fiscale des dirigeants du syndicat REP, MM. Fedynich et Komlik. Le gouvernement indique que les informations qui y sont contenues seront utilisées pour mener d’autres enquêtes sur de possibles infractions similaires commises par ces individus entre 2012 et 2018, avec l’assistance d’employés du BNP. À cet égard, le bureau de Minsk de la Commission d’enquête de la République du Bélarus a décidé d’une nouvelle inspection fiscale du syndicat REP, inspection qui n’a pas encore eu lieu. À l’issue de cette inspection, l’autorité pénale compétente décidera du sort des dispositifs de stockage d’informations saisis. Tout en prenant note de ces informations, la commission observe que les données contenues dans les dispositifs de stockage auraient pu être copiées et rendues au syndicat, évitant ainsi une situation dans laquelle un syndicat est privé des informations administratives et financières nécessaires à la conduite de ses activités. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’issue d’une nouvelle enquête.
Droit de grève. La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle prie le gouvernement de modifier les articles 388(3) et 393 du Code du travail relatifs à l’exercice du droit de grève, et de faire en sorte qu’aucune limitation législative ne puisse être imposée à l’exercice pacifique du droit de grève dans l’intérêt des droits et des libertés d’autrui (sauf en cas de crise nationale aiguë ou pour les fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’État, ou pour les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire uniquement ceux dont l’interruption mettrait en péril la vie, la sécurité ou la santé personnelle de tout ou partie de la population); l’article 388(4), afin de faire en sorte que les organisations nationales de travailleurs puissent recevoir une aide, y compris financière, d’organisations internationales de travailleurs, même lorsque cette aide a pour but de faciliter l’exercice d’une action collective librement décidée; l’article 390, en abrogeant l’exigence de la notification de la durée de la grève; et l’article 392, pour que la détermination finale du service minimum à fournir en cas de désaccord entre les parties soit effectuée par un organisme indépendant et que les services minimums ne soient pas requis dans toutes les entreprises mais seulement dans les services essentiels, les services publics d’une importance fondamentale, les situations dans lesquelles des grèves d’une certaine ampleur et d’une certaine durée pourraient provoquer une crise aiguë menaçant les conditions normales d’existence de la population, ou pour assurer le fonctionnement et la sécurité des services indispensables.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le droit de grève n’est pas expressément énoncé dans l’Instrument de l’OIT. De fait, les organes de contrôle de l’OIT estiment que le droit de grève découle de l’article 3 de la convention n° 87, même si le groupe des employeurs a remis en question la légalité de cette interprétation, à plusieurs occasions, et que, conformément à l’Article 37 de la Constitution de l’OIT, toutes questions ou difficultés relatives à l’interprétation des conventions seront soumises à l’appréciation de la Cour internationale de Justice, seul organe compétent en matière d’interprétation des conventions. La commission note en outre que le gouvernement se réfère aux dispositions constitutionnelles et législatives nationales qui consacrent le droit de grève. Elle prend en outre note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’exercice du droit de grève se justifie par l’existence d’un conflit collectif du travail et que la législation nationale ne prévoit pas la possibilité d’organiser et de tenir des grèves politiques. La loi peut imposer des restrictions à l’exercice du droit de grève dans la mesure où cela est nécessaire, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé publique et des droits et libertés d’autrui. Le gouvernement souligne qu’en vertu de l’article 393 du Code du travail, en cas de menace réelle pour la sécurité nationale, l’ordre public, la santé publique, les droits et libertés d’autrui, ainsi que dans d’autres cas prévus par la loi, le Président de la République du Bélarus a le droit de reporter ou de suspendre une grève, pour une durée inférieure ou égale à trois mois. Le gouvernement souligne en outre que les dispositions législatives prévoyant certaines restrictions ou conditions à l’exercice du droit de grève tiennent à la nature même de ce droit. Selon le gouvernement, le droit de grève est fondamentalement différent des autres droits de l’homme en raison d’un certain nombre de caractéristiques spécifiques, notamment: il ne constitue pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre un but, un moyen de protéger les intérêts des travailleurs; il n’est ni intrinsèque ni inaliénable car il peut être limité; il doit être considéré en fonction des autres droits de l’homme lorsque la santé et la sécurité d’autrui sont affectées ou que les services essentiels sont touchés; et bien qu’il s’agisse d’un droit individuel, sa concrétisation éventuelle dépend de l’accord des autres parties. Pour les raisons exprimées ci-dessus, le gouvernement ne souscrit pas aux demandes de la commission préconisant la modification de la législation, en particulier en ce qui concerne l’article 388(4) du Code du travail.
Dans un premier temps, et en réponse aux remarques générales du gouvernement, la commission rappelle que ses avis et recommandations tirent leur force de conviction de la légitimité et de la rationalité des travaux de la commission, fondées sur son impartialité, son expérience et son expertise. La fonction technique et l’autorité morale de la commission sont bien établies, et ce, d’autant plus qu’elle exerce sa mission de contrôle depuis plus de 90 ans, du fait de sa composition, de son indépendance et de ses méthodes de travail fondées sur un dialogue permanent avec les gouvernements en tenant compte des informations fournies par les organisations d’employeurs et de travailleurs. Tout cela se reflète dans la transposition des avis et recommandations de la commission dans les législations nationales, les instruments internationaux et les décisions de justice. C’est dans le cadre de ce mandat que la commission traite les questions relatives au droit de grève.
La commission prie par conséquent le gouvernement de prendre des mesures en vue de réviser les dispositions législatives susmentionnées, qui ont une incidence néfaste sur le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités en toute liberté, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cette fin.
La commission rappelle qu’elle avait précédemment prié le gouvernement de faire part de sa réponse aux allégations du BKDP concernant la violation du droit de grève dans la pratique. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la grève est une mesure de dernier recours dont les travailleurs représentés par un syndicat peuvent se prévaloir si tous les autres moyens constructifs de résoudre un conflit collectif du travail (conciliation, médiation et arbitrage) ont été épuisés. Le gouvernement souligne que la nécessité de respecter la procédure de résolution des conflits collectifs du travail ne doit pas être considérée comme une pratique contraire aux dispositions de la convention relatives au droit des organisations de travailleurs d’exercer librement leurs activités. La commission note avec regret que, si le gouvernement confirme que la décision des membres du SPB d’une entreprise de Polotsk de déclencher une grève continue du 1er novembre au 31 décembre 2017 a été déclarée illégale par le tribunal, celui-ci ne motive pas sa décision.
La commission prend note avec préoccupation des allégations détaillées concernant de nombreux cas d’arrestations, de détentions et d’amendes infligées à des syndicalistes pour avoir organisé et participé à des grèves après les événements d’août 2020. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les tentatives d’organiser des grèves dans diverses entreprises n’étaient en aucune façon en rapport avec la résolution de conflits collectifs du travail, comme le prévoit le Code du travail, mais elles visaient plutôt à attirer l’attention de la population sur la position civile et les exigences politiques de certains travailleurs à l’endroit des dirigeants du pays, et ce, sans aucun égard pour les intérêts des autres membres du personnel qui ne partagent pas les mêmes opinions politiques, ni pour les intérêts économiques des entreprises et de l’État. La commission note que, conformément à la définition du terme « grève» énoncée à l’article 388(1), du Code du travail, auquel le gouvernement fait référence, les grèves ne sont autorisées que dans le cadre d’un conflit collectif du travail. La commission considère que les grèves visant la politique économique et sociale du gouvernement sont légitimes, y compris lorsqu’il s’agit de grèves générales, et qu’elles ne devraient donc pas être assimilées aux grèves purement politiques, lesquelles ne sont pas couvertes par les principes de la convention. Pour elle, les organisations syndicales et les organisations d’employeurs, ayant vocation à défendre des intérêts socio-économiques et professionnels, doivent pouvoir utiliser respectivement la grève ou des actions de protestation pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres. De plus, notant que le système démocratique est fondamental pour le libre exercice des droits syndicaux, la commission estime que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés et que de telles revendications pacifiques devraient être considérées comme entrant dans le cadre d’activités syndicales légitimes, y compris lorsque ces organisations ont recours à la grève (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 124). La commission prie donc le gouvernement de modifier l’article 388(1) du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que les travailleurs puissent exercer leur droit de grève pour défendre leurs intérêts professionnels et économiques, ceux-ci ne concernent pas seulement de meilleures conditions de travail ou des revendications collectives de nature professionnelle, mais aussi la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale. La commission prie le gouvernement d’indiquer toutes les mesures prises ou envisagées à cette fin.
Consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs. La commission rappelle que, dans son précédent commentaire, elle a noté que le BKDP avait affirmé que les partenaires sociaux n’avaient pas été consultés au sujet de l’adoption de nouveaux textes de loi ayant des incidences sur les droits et les intérêts des travailleurs. La commission note à cet égard que le gouvernement indique que l’élaboration de projets de loi régissant les questions sociales et du travail se fait avec la participation directe des partenaires sociaux. L’obligation de consulter les partenaires sociaux et la procédure y afférente sont reflétées dans l’accord tripartite général pour 2019-21. En outre, et dans le cadre de la suite donnée à la loi sur les textes juridiques normatifs, le 28 janvier 2019, le Conseil des ministres a approuvé un règlement relatif à la procédure de discussion publique sur les projets de textes juridiques normatifs dans lequel sont décrits les procédures et moyens employés pour consulter la population au sujet des projets de texte de loi. En outre, en vertu du décret no 193 du 14 février 2009 portant règlement intérieur du Conseil des ministres, les projets de loi ayant des incidences sur les droits et les intérêts des citoyens au travail et dans le domaine socioéconomique sont soumis à la FPB, en tant qu’organisation de travailleurs la plus représentative, aux fins de commentaires ou de propositions. En outre, la FPB et le BKDP sont représentés au Conseil national sur les questions du travail et les questions sociales (CNTS) et au Conseil tripartite. Ces deux organes consultatifs sont dotés de certaines fonctions en ce qui concerne la rédaction de textes de loi ayant des incidences sur les questions sociales et du travail. Le gouvernement indique qu’il a consulté les syndicats et les organisations d’employeurs sur les modifications au Code du travail et que des discussions sur ce sujet ont eu lieu aux réunions du CNTS tenues les 28 juin 2018 et 31 mai 2019.
Tout en prenant note de ces informations, la commission croit comprendre que la FPB, en tant qu’organisation comptant le plus grand nombre de membres, a la préférence dans les consultations sur les textes de loi ayant des incidences sur les droits et les intérêts des travailleurs. La commission considère que tant le nombre de membres que l'indépendance vis-à-vis des autorités et des organisations d'employeurs sont des éléments essentiels à prendre en considération pour déterminer la représentativité d'une organisation. Compte tenu de l’appui que les autorités au plus haut niveau de l’État ont publiquement affiché à l’égard de la FPB, comme indiqué ci-dessus, la commission ne peut que réitérer ses précédents commentaires de 2007, qui ont rappelé l'importance d’établir un climat permettant aux organisations syndicales de prospérer dans le pays, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la structure traditionnelle, avant d'établir la notion de représentativité. La commission prie donc le gouvernement de veiller à ce que le BKDP et la FPB, en tant que membres du NCLSI et du Conseil tripartite, jouissent des mêmes droits en matière de consultations lorsqu’il s’agit d’élaborer un texte de loi, et de prendre, à cette fin, les mesures nécessaires pour modifier le décret no 193 portant règlement intérieur du Conseil des ministres. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises à cet égard. Elle prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour renforcer le rôle du Conseil tripartite pour l’amélioration de la législation dans le domaine social et du travail qui devrait, comme son nom l’indique, servir de plateforme aux consultations sur les textes de loi qui ont une incidence sur les droits et les intérêts des partenaires sociaux.
En outre, la commission note que le gouvernement indique que le Conseil tripartite a été mis sur pied avec les conseils du BIT pour examiner les questions relatives à la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête ainsi que les difficultés pouvant surgir entre le gouvernement et ses partenaires sociaux, y compris l’examen des plaintes reçues des syndicats. La commission accueille favorablement le fait que le gouvernement se dit prêt à s’employer à améliorer la fonction du Conseil ou à créer une nouvelle structure. Elle note également que le gouvernement se dit préoccupé par la question de la représentation au Conseil et la volonté des parties d’accepter les décisions qui seront prises au sein de cet organe tripartite. Le gouvernement indique en particulier que, d’après son expérience, les représentants du BKDP ne sont pas prêts à soutenir les décisions du Conseil qui ne vont pas dans le même sens que la position prédéterminée du BKDP ou affirment qu’ils n’ont pas l’autorité nécessaire pour adopter une position du Conseil. Le gouvernement indique qu’il souhaiterait bénéficier des conseils du Bureau sur ce point une fois que le Conseil aura repris ses travaux, temporairement suspendus du fait de la situation épidémiologique liée à la propagation du COVID-19. Au vu de ce qui précède, la commission s’attend à ce que le gouvernement collabore pleinement avec les partenaires sociaux, le BIT et les institutions et organes nationaux compétents en vue d’améliorer le fonctionnement, les procédures et le travail du Conseil tripartite pour qu’il soit mieux à même de régler les problèmes figurant dans les recommandations de la Commission d’enquête et d’autres organes de contrôle de l’OIT.
La commission estime que la situation actuelle au Bélarus est loin de garantir le plein respect de la liberté syndicale et l’application des dispositions de la convention. La commission constate avec regret que les évènements récents susmentionnés semblent indiquer un recul dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête, par rapport aux progrès précédemment réalisés. La commission prie donc instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts et espère que, avec l’aide du BIT et en consultation avec les partenaires sociaux, il prendra les mesures nécessaires pour appliquer dans leur intégralité et sans délai toutes les recommandations en suspens.
À la lumière de la situation décrite, la commission est obligée de noter qu'il n'y a pas eu de progrès tangible vers la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission d'enquête de 2004, et note avec préoccupation que les récents développements mentionnés en détail ci-dessus semblent indiquer un recul du gouvernement par rapport à ses obligations en vertu de la convention.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 109e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2021.]
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