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Partie I. Migrations dans des conditions abusives. Articles 2 à 7 de la convention. Coopération multilatérale et bilatérale. Dans sa précédente observation, la commission avait noté la nature complexe et mondiale du phénomène des migrations en situation irrégulière ainsi que les efforts déployés par le gouvernement pour trouver des solutions au problème des migrations dans des conditions abusives. La commission l’avait prié de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher (en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs) une coopération aux niveaux national, bilatéral, multilatéral et régional propre à apporter une réponse au problème des migrations en situation irrégulière, dans le plein respect des droits humains des travailleurs migrants, afin que les personnes qui organisent ou favorisent les mouvements clandestins de migrants soient poursuivies en justice et sanctionnés. La commission avait également prié le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard, de même que sur toutes les mesures prises au niveau national pour assurer, en droit et dans la pratique, le respect des droits humains de tous les travailleurs migrants. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport, sur l’Agence italienne de coopération pour le développement (AICS) – instituée par la loi no 125 de 2014 – qui est chargée des actions axées sur les migrations et le développement, y compris des recherches visant à identifier les meilleures approches ainsi que des programmes et projets visant à assurer des migrations sûres, organisées et en situation régulière. Dans ce cadre, en 2017, l’AICS a publié un rapport sur «les migrations durables et les interventions dans le pays d’origine», qui définit un certain nombre d’interventions politiques (entre autres, politiques actives du travail, de l’éducation et de la formation professionnelle, investissements dans les pays d’origine, programmes «préparatoires» pour les travailleurs migrants, politiques de migration circulaire) pour lutter contre les migrations dans des conditions abusives. La commission note aussi l’indication du gouvernement selon laquelle l’AICS fait également intervenir des organisations et des associations de migrants en Italie. En outre, le gouvernement indique qu’il a contribué à la conception du Plan d’investissement extérieur (PEI) de l’Union européenne (UE) qui constitue le cadre des investissements en Afrique et dans les pays limitrophes de l’UE, en vue de promouvoir des interventions durables pour s’attaquer à certaines des causes profondes des migrations. À propos de la coopération internationale, la commission note également que le gouvernement fournit des informations détaillées sur les nombreux accords conclus, depuis avril 2017, pour traiter la question des migrations en situation irrégulière et réglementer les rapatriements, y compris les accords bilatéraux avec des pays européens et non européens, tels que l’Algérie, l’Égypte et le Nigéria, et les protocoles d’accord avec plusieurs pays, par exemple la Gambie, le Ghana, Malte, le Niger, le Sénégal et le Soudan. La commission note en outre, selon le site Internet du gouvernement, qu’en 2017 un protocole d’accord a été conclu avec le gouvernement libyen sur la coopération dans les domaines du développement, de la lutte contre l’immigration illégale et la traite des êtres humains et du trafic de migrants, et sur le renforcement de la sécurité des frontières entre l’État libyen et la République italienne. Divers acteurs ont critiqué ce protocole en raison de son impact sur les droits humains des migrants, dont plus récemment la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CdE) qui a demandé la suspension des activités de coopération en place avec les garde côtes libyens qui ont un impact, direct ou indirect, sur le retour en Libye des personnes interceptées en mer, tant que des garanties claires de respect des droits de l’homme n’auront pas été mises en place (déclaration du 30 janvier 2020). La Commissaire a aussi demandé à tous les États membres du Conseil de l’Europe de revoir d’urgence leurs activités de coopération (Recommandation «Sauver des vies. Protéger les droits. Combler le manque de protection des réfugiés et des migrants en Méditerranée», juin 2019).
En ce qui concerne les mesures prises au niveau national pour assurer le respect des droits humains de tous les travailleurs migrants, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur un certain nombre de mesures législatives adoptées, notamment l’augmentation de 20 pour cent des sanctions à l’encontre de l’employeur d’un travailleur migrant qui ne possède pas de permis de séjour ou dont le permis a expiré, en vertu du décret législatif no 151 de 2015 modifiant l’article 22 du décret législatif no 286 de 1998 (loi codifiée sur l’immigration); et les mesures visant à lutter contre l’exploitation au travail dans l’agriculture, prises en application de la loi no 199 de 2016. À cet égard, la commission prend note, en particulier, des protocoles signés entre différents ministères et autorités publiques pour lutter contre l’intermédiation illégale du travail et l’exploitation des travailleurs agricoles («caporalato»), en collaboration avec des syndicats, des organisations de la société civile et des organisations d’entreprises agricoles. Par ailleurs, la commission note que le gouvernement fait état des difficultés rencontrées dans la lutte contre le trafic de migrants, en particulier lorsque le trafic s’effectue par voie maritime, difficultés qui sont dues aux stratégies que suivent les organisations criminelles pour échapper à la juridiction des pays de destination. La commission note aussi que le gouvernement indique que les difficultés ont encore été exacerbées ces derniers temps puisque les passeurs choisissent maintenant, parmi les victimes de la traite, des jeunes ayant une expérience de la pêche ou parlant l’anglais, et leur confient la conduite des embarcations au-delà des eaux territoriales du pays d’origine.
Reconnaissant les efforts du gouvernement et soulignant la nécessité constante d’une coopération multilatérale et d’une action cohérente, en particulier au niveau européen, pour traiter de manière globale et efficace les migrations dans des conditions abusives, la commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour promouvoir la coopération à différents niveaux afin de traiter les migrations en situation irrégulière dans le plein respect des droits humains des travailleurs migrants. Le gouvernement est également prié de fournir des informations à cet égard, notamment sur les progrès réalisés pour surmonter les difficultés actuelles dans la lutte contre la traite des migrants et dans l’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises par l’AICS pour assurer des migrations sûres, organisées et en situation régulière, et de continuer à fournir des informations sur les mesures adoptées au niveau national pour assurer le respect, en droit et dans la pratique, des droits humains de tous les travailleurs migrants. Elle encourage en outre le gouvernement à revoir son protocole d’accord de 2017 avec la Libye afin de garantir le respect des droits humains de tous les travailleurs migrants.
Articles 1 et 9. Normes minimales de protection. Accès à la justice. La commission rappelle que, dans son observation précédente, elle avait souligné que l’accès à la justice, notamment un accès adéquat à l’assistance et au conseil, est un droit de l’homme fondamental qui doit être garanti à tous les travailleurs migrants en droit et dans la pratique, et avait souligné aussi l’importance qui s’attache à ce que des procédures efficaces et rapides soient accessibles. À ce sujet, la commission avait prié le gouvernement: 1) de préciser la portée de l’expression «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée», à l’article 1(1)(b) du décret législatif no 109/2012 – qui prévoit l’octroi d’un permis de séjour de six mois pour des motifs humanitaires, à l’initiative ou avec l’avis favorable des tribunaux, aux ressortissants de pays tiers qui, dans des situations de «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée», portent plainte ou coopèrent avec la justice dans les poursuites pénales engagées contre l’employeur; 2) d’indiquer comment il est assuré dans la pratique que tous les travailleurs migrants en situation irrégulière ont accès aux tribunaux dans les cas présumés de violation de leurs droits découlant d’un emploi antérieur, notamment en cas de non-paiement ou de paiement incomplet du salaire, des cotisations de sécurité sociale et d’autres prestations; 3) de fournir des données, ventilées par sexe et par origine, sur le nombre des travailleurs migrants en situation irrégulière qui ont introduit une action devant les juridictions administratives ou judiciaires pour des violations de leurs droits de l’homme fondamentaux ou de droits afférents à leur emploi antérieur; 4) de donner des informations sur la manière dont est assurée la défense juridique des travailleurs migrants en situation irrégulière, y compris dans les centres de détention; et 5) de continuer de fournir des informations sur les inspections menées dans la construction et l’agriculture ainsi que dans les autres secteurs pour déceler tout emploi illégal de migrants, et sur les résultats obtenus.
À propos de la portée spécifique de l’expression «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée», qui figure à l’article 1, paragraphe 1 b), du décret législatif no 109/2012, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 132 de 2018 a abrogé le permis de séjour temporaire pour raisons humanitaires, qui était prévu par ce décret. Le gouvernement indique toutefois que l’article 22 de la loi codifiée sur l’immigration, telle que modifiée par la loi no 132 de 2018, prévoit toujours que le travailleur étranger qui porte plainte contre son employeur en invoquant des «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée» et coopère à la procédure pénale y afférente, peut se voir délivrer un permis de séjour spécial d’une durée de six mois, sous réserve de l’avis favorable du procureur. Conformément à l’article 22, paragraphe 12 sexies de la loi codifiée sur l’immigration, ce permis spécial permet de prendre un emploi et peut être converti, après son expiration, en un permis de séjour autorisant l’exercice d’un emploi salarié ou d’un travail indépendant. Quant à la notion de «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée», le gouvernement renvoie à l’article 603 bis du Code pénal, tel que modifié par la loi no 199 de 2016, qui définit le délit d’intermédiation illégale du travail et d’exploitation au travail. La commission note que, selon cet article, l’existence d’une exploitation au travail est présumée dans l’une ou plusieurs des circonstances suivantes: 1) paiement réitéré de rémunérations qui ne correspondent pas à ce qui est établi dans les conventions collectives nationales ou territoriales signées par les organisations de travailleurs les plus représentatives au niveau national, ou qui ne sont pas proportionnelles au volume et à la qualité du travail effectué; 2) violation répétée des normes régissant la durée du travail, les périodes de repos et les congés annuels; 3) violation des normes relatives à la sécurité et à la santé au travail; et 4) soumission du travailleur à des conditions de travail, des méthodes de surveillance et des conditions de logement dégradantes. En ce qui concerne l’accès des travailleurs migrants à la justice dans la pratique, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les travailleurs migrants qui allèguent le non-paiement ou le paiement incomplet du salaire, des cotisations de sécurité sociale et d’autres prestations ont le droit de demander réparation aux tribunaux en vertu de l’article 2126 du Code civil, qui prévoit le paiement de la rémunération pour la période pendant laquelle le travail a été effectué ainsi que le paiement par l’employeur des cotisations de sécurité sociale. Le gouvernement indique que la plainte peut être déposée soit par le travailleur migrant concerné, soit par un syndicat ou une autre association, et précise que les travailleurs migrants en situation irrégulière peuvent également dénoncer la situation devant les inspecteurs du travail et les bureaux locaux du service national de sécurité sociale. En outre, le gouvernement indique que, le 10 février 2017, le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail et des Politiques sociales ont pris un décret conjoint définissant les conditions et les modalités applicables pour garantir que les travailleurs migrants occupés illégalement auront accès aux informations concernant leurs droits et la manière de les faire valoir, avant l’exécution de tout ordre d’expulsion, conformément à la directive européenne 2009/52/CE. Sur la base de ce décret, une «note d’information» a été élaborée, qui contient des informations sur le droit à une rémunération et à des prestations de sécurité sociale ainsi que sur les différentes possibilités de faire valoir ces droits. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les organisations d’employeurs et de travailleurs et les inspecteurs du travail communiquent cette note aux travailleurs. La commission note aussi, à la lecture de la «note d’information» jointe au rapport du gouvernement, qu’elle doit être signée par le travailleur, à qui un exemplaire est remis, et qu’un autre exemplaire est adressé au Bureau de l’immigration chargé des procédures de rapatriement. La commission constate toutefois qu’il n’y a pas d’indication sur les langues dans lesquelles cette note est disponible. Elle constate également que la note d’information ne contient pas d’informations sur la possibilité qu’ont les travailleurs migrants d’obtenir un permis de séjour spécial en cas de «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée» au regard de l’article 22 de la loi codifiée sur l’immigration. Quant aux résultats des inspections du travail, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement à partir des données recueillies en 2016 par l’Inspection nationale du travail. La commission note que les inspecteurs du travail ont constaté la présence de 1 357 travailleurs migrants non européens en situation irrégulière, en particulier dans l’industrie et la manufacture, puis dans le secteur tertiaire. La commission note également que le rapport de 2018 de l’inspection du travail, disponible sur son site Internet, contient des informations spécifiques concernant la constatation de cas d’intermédiation illégale du travail et d’exploitation de travailleurs, y compris des travailleurs migrants. En particulier, la commission note que, en 2018, 7 160 inspections ont été effectuées dans l’agriculture et qu’elles ont permis de constater des situations irrégulières dans plus de 50 pour cent des cas. Sur les 5 114 travailleurs en situation irrégulière qui ont été identifiés, 65,5 pour cent n’avaient pas de contrat et, parmi eux, 263 étaient des travailleurs migrants non ressortissants de l’Union européenne qui n’avaient pas de permis de séjour. La commission note que l’inspection du travail a identifié 478 travailleurs migrants victimes d’exploitation, dont 350 dans l’agriculture, et 157 travailleurs migrants sans permis de séjour qui étaient aussi victimes d’exploitation (130 dans l’agriculture). Enfin, la commission note que, dans ses observations finales de 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par l’absence de procédures claires et efficaces permettant aux travailleurs migrants de dénoncer des conditions de travail abusives, notamment en ce qui concerne les arriérés de salaire (CCPR/C/ITA/CO/6, 1er mai 2017, paragr. 28 d)). Compte tenu de tout ce qui précède, la commission prie le gouvernement: i) d’indiquer comment on garantit dans la pratique que tous les travailleurs migrants en situation irrégulière ont accès à des informations complètes sur leurs droits au travail et les moyens de recours disponibles, y compris sur la possibilité d’obtenir un «permis de séjour spécial», dans une langue qu’ils comprennent et avec des garanties de confidentialité appropriées, ainsi qu’à une aide juridique, également dans les centres de détention, en précisant les mesures prises en collaboration avec les partenaires sociaux; ii) de fournir des données ventilées par sexe et par origine sur le nombre de travailleurs migrants en situation irrégulière qui ont introduit une action devant les juridictions administratives ou judiciaires pour des violations de leurs droits de l’homme fondamentaux ou de droits afférents à leur emploi antérieur; iii) de fournir des informations sur le nombre de plaintes déposées par des travailleurs migrants auprès de l’inspection du travail alléguant des «conditions de travail relevant d’une exploitation caractérisée» (telles que, par exemple, le non-paiement ou le sous-paiement des salaires et des prestations de sécurité sociale ou autres) et leurs résultats (violations constatées, sanctions imposées, remboursements ordonnés); et iv) de fournir des informations sur le nombre de permis spéciaux délivrés en vertu de l’article 22(12) sexies de la loi codifiée sur l’immigration.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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