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La commission prend note des observations formulées par la Confédération syndicale de commissions ouvrières (CCOO) et l’Union générale des travailleurs (UGT), reçues respectivement les 2 et 7 août 2018. La commission prend également note des observations de la Confédération espagnole des organisations d’employeurs (CEOE), qui sont jointes au rapport du gouvernement, ainsi que des réponses du gouvernement à ces observations.
Parties I et II de la convention. Amélioration du niveau de vie. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour améliorer le niveau d’emploi de l’ensemble de la population, en particulier des groupes qui ont plus de difficultés à trouver un emploi, et pour améliorer ainsi leurs conditions de vie. Toutefois, la commission note que la plupart de ces informations concernent des mesures de promotion de l’emploi et de la formation professionnelle, lesquelles seront examinées dans le cadre de ses commentaires sur l’application de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, et de la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975. La commission note que, dans ses observations finales du 25 avril 2018, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESC) a noté avec préoccupation que «pour un pays avec son niveau de développement, l’Etat partie compte parmi sa population une proportion élevée de personnes qui risquent de connaître la pauvreté et l’exclusion sociale, notamment dans certains groupes tels que les jeunes, les femmes, les personnes avec un faible niveau d’éducation et les migrants» (document E/C.12/ESP/CO/6, paragr. 33). Le CESC a constaté aussi avec préoccupation que la part de la population concernée est plus importante dans certaines communautés autonomes et que les enfants courent un risque plus élevé de tomber dans la pauvreté. A ce sujet, la commission note que, dans le cadre de la Stratégie Europe 2020, l’Espagne s’est engagée à réduire entre 1 400 000 et 1 500 000 (sur la période 2009-2019) le nombre de personnes, dont des enfants, exposées à la pauvreté et à l’exclusion sociale, en utilisant l’indicateur AROPE, qui porte sur le nombre de personnes exposées au risque de la pauvreté ou de l’exclusion. La commission note que, selon le rapport intitulé «Seguimiento del indicador de pobreza y exclusión social en España 2008-2018» publié en 2019 par le Réseau européen des associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, cet objectif est loin d’être atteint. Ce rapport indique qu’en 2018, sur la base des données de l’Enquête sur les conditions de vie de l’Institut national de statistique (INE), 26,1 pour cent de la population espagnole (12 188 288 personnes) étaient menacés par la pauvreté et l’exclusion sociale. De plus, le rapport indique que l’indice d’AROPE varie considérablement en fonction de divers facteurs, comme l’âge et le sexe. La commission note également que, selon le rapport, en 2018 une personne atteinte d’un handicap sur trois risquait d’être pauvre ou d’être exclue. En ce qui concerne le taux de pauvreté des enfants, le rapport indique que, en 2018, 26,8 pour cent d’entre eux vivaient en situation de risque de pauvreté et 7,7 pour cent dans une extrême pauvreté. Le rapport souligne aussi qu’il existe de grandes différences entre les régions : les communautés au nord de Madrid enregistrent les taux les plus bas de pauvreté et/ou d’exclusion sociale, et celles au sud de Madrid des taux beaucoup plus élevés (entre 4 et 18 points de pourcentage au-dessus de la moyenne nationale). Enfin, la commission note que l’UGT dénonce le fait que les partenaires sociaux ne participent pas à la formulation et à la mise en œuvre des mesures prises par le gouvernement pour améliorer les niveaux de vie de certains groupes de la population. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour améliorer le niveau de vie de la population espagnole (article 2), en particulier en ce qui concerne les groupes vulnérables tels que les enfants, les femmes, les jeunes, les travailleurs migrants, les personnes handicapées, les personnes ayant un faible niveau d’instruction et les personnes âgées. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces mesures tiennent compte des besoins familiaux essentiels des travailleurs, y compris l’alimentation et sa valeur nutritive, le logement, l’habillement, les soins médicaux et l’éducation (article 5, paragraphe 2). La commission prie également le gouvernement d’adresser des informations détaillées et actualisées (ventilées par sexe, par âge et par communauté autonome) sur les résultats de ces mesures. Elle encourage aussi le gouvernement à réaliser, en accord avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, une étude sur les conditions de vie des travailleurs indépendants et des travailleurs salariés (article 5, paragraphe 1).
Indicateur public de revenu à effets multiples (IPREM). Dans ses observations, la CCOO mentionne les montants minima des allocations de chômage, qui représentent 80 pour cent de l’Indicateur public de revenu à effets multiples (IPREM) établi chaque année dans la loi sur le budget général de l’Etat. A cet égard, la CCOO dénonce le fait que l’IPREM a été systématiquement gelé ces dernières années, de sorte qu’il ne garantit pas le maintien d’un niveau de vie minimum. En particulier, la CCOO indique que, de 2010 à 2018, l’IPREM a été réévalué de 6,3 points de pourcentage de moins que l’inflation moyenne en Espagne. De même, la CCOO signale qu’en 2018 l’IPREM était de 430 euros par mois (5 160 euros par an), soit un montant inférieur au seuil du risque de pauvreté relative (8 522 euros par an en 2017). La CCOO soutient que l’une des causes de la baisse des allocations minima de chômage est l’absence d’une formule prévue par la loi pour calculer l’IPREM et garantir ainsi le maintien du pouvoir d’achat. A cet égard, le gouvernement indique que, conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 2, du décret-loi royal no 3/2004 du 25 juin 2004, les partenaires sociaux sont consultés au sujet du montant de l’IPREM avant son adoption. Tout en notant que, depuis son adoption en 2004, le montant de l’Indicateur public de revenu à effets multiples (IPREM) est resté stable malgré l’amélioration de la situation économique du pays ces dernières années, la commission encourage le gouvernement à réaliser, en coopération avec les partenaires sociaux, une étude sur le montant de l’IPREM qui doit être fixé afin d’assurer un niveau de vie minimum aux bénéficiaires des allocations de chômage (article 5, paragraphe 1). La commission prie également le gouvernement d’envoyer copie du rapport une fois qu’il aura été finalisé.
Travailleurs à temps partiel et avec des contrats de durée déterminée. La commission note que la CCOO dénonce les graves lacunes du système juridique en ce qui concerne la garantie d’un revenu minimum pour les travailleurs à temps partiel. La CCOO souligne que, d’après les données publiées par l’INE, le recours aux contrats de travail à temps partiel est passé de 4,9 pour cent en 2009 à 7,3 pour cent pour les hommes en 2017, et de 22,4 pour cent à 24,2 pour cent pour les femmes. Elle souligne également qu’en 2017 la proportion du travail à temps partiel subi était de 75,7 pour cent parmi les hommes et de 57,7 pour cent parmi les femmes, alors que la moyenne de l’Union européenne (UE) était de 47 pour cent pour les hommes et de 24,1 pour cent pour les femmes. La CCOO affirme que la majorité des travailleurs à temps partiel ont des contrats de travail de courte durée pour une durée de travail très courte, et que ces contrats ne garantissent pas un revenu salarial suffisant et ont de graves conséquences sur la protection sociale de ces travailleurs, en violation de l’article 5 de la convention. La CCOO dénonce le fait que, par conséquent, le pourcentage de «travailleurs pauvres» en Espagne dépasse la moyenne européenne. En particulier, la CCOO indique que la population active exposée au risque de pauvreté relative en Espagne est de 12,3 pour cent pour les femmes et de 13,7 pour cent pour les hommes, alors que dans l’UE ces chiffres sont respectivement 9,1 pour cent et 10,1 pour cent. La commission note également que la CCOO dénonce une utilisation abusive du contrat à temps partiel, utilisation qui a parfois pour objectif principal de réduire les coûts des entreprises, principalement en réduisant les salaires des travailleurs et les charges sociales liées à ces salaires. En outre, elle signale qu’en 2015 les taux des cotisations de sécurité sociale pour les contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel ont été réduits, ce qui a contribué à encourager leur utilisation. En effet, cette mesure a permis de supprimer le surcoût que ces contrats représentaient, dans la législation précédente, par rapport aux autres formes plus stables d’embauche. Dans ce contexte, la CCOO indique qu’entre 2015 et 2016 l’inspection du travail a effectué 20 039 inspections qui portaient sur le recours abusif aux contrats de travail à temps partiel ; au cours de ces inspections, 3 025 infractions ont été constatées et 10 520 contrats de travail à temps partiel irréguliers identifiés. A cet égard, la CCOO indique que, compte tenu de la proportion élevée de contrats à temps partiel, ces inspections ne sont pas suffisantes. La CCOO souligne l’absence d’un plan d’action efficace pour lutter contre l’utilisation frauduleuse de contrats à temps partiel. Dans sa réponse, le gouvernement mentionne un certain nombre de dispositions juridiques visant à ce que les travailleurs à temps partiel aient les mêmes droits que les travailleurs à temps plein (par exemple l’article 12, paragraphe 4 d), du Statut des travailleurs) et indique que la transformation d’un contrat à temps plein en contrat à temps partiel est faite seulement avec l’accord du travailleur (article 12, paragraphe 4 e), du Statut des travailleurs). Le gouvernement fait état de l’adoption du Plan directeur pour un travail digne 2018 2020, qui prévoit notamment un plan de lutte contre la fraude dans le cadre de recrutements temporaires, et un autre contre les abus dans le cadre de recrutements à temps partiel. Enfin, la CCOO affirme qu’avant 2012 tous les travailleurs sans distinction avaient droit à une allocation de chômage représentant au moins 80 pour cent de l’IPREM. Toutefois, la CCOO dénonce le fait que depuis 2012 le montant minimal garanti de ces prestations pour les travailleurs à temps partiel a été abaissé en proportion de la durée du travail, ce qui a réduit encore plus le revenu de ces travailleurs. Notant le nombre important de travailleurs temporaires et à temps partiel et le taux élevé de pauvreté parmi ces travailleurs, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour leur assurer le maintien d’un niveau de vie minimum. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations détaillées et actualisées sur l’impact des mesures prises ou envisagées pour éliminer le recours abusif aux contrats temporaires et/ou à temps partiel, y compris les mesures prises par l’inspection du travail dans le cadre des plans de lutte contre la fraude dans le cadre de recrutements temporaires et contre les abus dans le cadre de recrutements à temps partiel.
Travailleurs migrants. Dans ses observations, l’UGT dénonce le fait que le niveau de vie des ressortissants étrangers n’a pas fait l’objet des normes, plans et mesures adoptés par le gouvernement entre 2013 et 2018. Entre autres, l’UGT indique que ces personnes n’ont pas été visées par les mesures mises en œuvre dans le cadre de la Stratégie espagnole d’activation de l’emploi (EEAE) et des différents plans annuels de politique de l’emploi (PAPE) adoptés pendant cette période. A ce sujet, l’UGT souligne que, selon l’enquête de l’INE sur les conditions de vie, en 2017 le taux de risque de pauvreté était de 18 pour cent parmi les nationaux, de 39,2 pour cent pour les ressortissants de pays membres de l’UE et de 52,1 pour cent pour les ressortissants d’autres pays. De son côté, le gouvernement indique dans sa réponse que les étrangers en situation régulière qui ont un permis de travail peuvent accéder aux mêmes programmes et mesures que les nationaux. Le gouvernement mentionne également la réalisation d’inspections du travail dans le cadre de la campagne sur les conditions de travail discriminatoires des travailleurs migrants afin d’identifier d’éventuels traitements discriminatoires à l’encontre des travailleurs étrangers dans les entreprises. Enfin, la commission note que l’UGT se dit à nouveau préoccupée par l’impact, sur l’application de l’article 2 de la convention, des mesures prises par le gouvernement depuis mars 2012 dans le domaine des soins de santé pour la population étrangère. Dans ses observations finales du 25 avril 2018, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESC) a constaté avec préoccupation que le décret-loi royal no 16/2012 du 20 avril 2012 sur les mesures urgentes pour garantir la viabilité du système national de santé a fait reculer l’exercice du droit à la santé, notamment en limitant l’accès aux services de santé pour les migrants en situation irrégulière, en entraînant une baisse de la qualité des prestations de santé et en creusant les inégalités entre les communautés autonomes. Le comité a constaté aussi avec préoccupation que ces effets n’ont pas été pleinement évalués et que les dispositions adoptées ne sont pas considérées comme provisoires (document E/C.12/ESP/CO/6, paragr. 41). La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées et actualisées sur les mesures prises ou envisagées pour améliorer le niveau de vie des travailleurs migrants, et sur l’impact de ces mesures. A ce sujet, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces mesures tiennent compte des besoins familiaux essentiels des travailleurs, y compris l’alimentation et sa valeur nutritive, le logement, l’habillement, les soins médicaux et l’éducation (article 5, paragraphe 2).
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