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La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay (CNCS), reçues les 31 août 2016 et 31 août 2018, relatives aux questions traitées dans la présente observation. La commission prend note des observations conjointes additionnelles de l’OIE, de la CIU et de la CNCS reçues le 28 novembre 2018. Elle prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard.
Article 3 de la convention. Occupation du lieu de travail et droit de la direction de l’entreprise d’y pénétrer dans des contextes de conflits du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission avait accueilli favorablement la signature, en mars 2015, d’un accord tripartite engageant le gouvernement et les partenaires sociaux à entamer un dialogue constructif sur les questions identifiées dans le rapport du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2699. La commission avait exprimé le ferme espoir que l’accord faciliterait l’amorce d’un processus de dialogue tripartite fructueux à l’occasion duquel seraient prises, en tenant compte des commentaires du Comité de la liberté syndicale et de la présente commission sur la question de l’occupation du lieu de travail, des mesures concrètes permettant de mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention.
La commission note que, dans leurs observations conjointes, l’OIE, la CIU et la CNCS affirment que: i) dans le cadre du dialogue tripartite qui a suivi l’accord de 2015, le gouvernement, en 2016 et 2017, a soumis à la discussion tripartite deux propositions normatives dont le contenu en matière d’occupation du lieu de travail n’est pas conforme aux observations et recommandations des organes de contrôle de l’OIT; ii) l’adoption en mars 2017 du décret 76/017 sur la libre circulation dans les rues, sur les routes et sur les chemins éloigne encore davantage le gouvernement de ses engagements, puisque ce décret exclut les grèves de son champ d’application; iii) il n’existe pas dans le pays de piquets de grève ou d’occupations d’entreprises qui se déroulent de manière pacifique puisque, dans l’immense majorité des cas, ces actes donnent lieu à des menaces et/ou des violences physiques et que, dans tous les cas, ils s’accompagnent à tout le moins de violences morales; iv) tous les tribunaux civils qui ont examiné les recours en amparo (action protectrice) interjetés par les travailleurs pour défendre leur liberté de travail ont statué en leur faveur; v) en revanche, dans le cadre du décret 165/2006 qui régit les démarches que les syndicats doivent entreprendre pour occuper un poste de travail, il n’y a eu aucun cas où un employeur ait réussi à faire libérer son entreprise par l’autorité du travail; c’est pourquoi ce décret qui considère l’occupation de l’entreprise comme une modalité de droit de grève devrait être abrogé. La commission note que les organisations d’employeurs ont en outre déclaré que le gouvernement manque depuis plus de huit ans à son obligation de soumettre au Parlement un projet de loi sur les observations des organes de contrôle en matière d’occupation des lieux de travail et que, devant l’impossibilité de parvenir à un accord tripartite sur cette question, il incombe au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à cette situation de non-conformité. La commission note par ailleurs que le gouvernement déclare qu’en cas d’occupation d’un lieu de travail, c’est le système de justice civile qui est compétent pour connaître des recours en amparo formés par des travailleurs qui estiment que leur liberté de travail a été violée et que, à cet égard, il existe une jurisprudence constante protégeant la liberté du travail.
La commission note en outre que, dans le cadre des discussions tripartites qui ont suivi l’accord de mars 2015, le gouvernement a soumis aux partenaires sociaux deux propositions de modifications normatives en septembre 2016 et mars 2017. Elle note en particulier que la proposition de mars 2017 porte sur un mécanisme pour une procédure de prévention et de résolution des conflits qui prévoit spécifiquement: i) dans les cas où les piquets de grève ou les occupations des entreprises ne respecteraient pas la procédure prévue de prévention et de règlement des conflits, le pouvoir du ministère du Travail, des Migrations et de la Sécurité sociale (MTSS) et/ou du ministère de l’Intérieur d’intimer, dans un délai impératif de vingt-quatre heures, la levée des piquets de grève et de l’occupation, avec recours éventuel à la force publique; et ii) l’obligation que les piquets de grève mis en place en tant que mesure syndicale aient un comportement pacifique, ne troublent pas l’ordre public, et permettent la libre circulation et le libre accès, étant entendu que l’intervention du ministère de l’Intérieur et de la force publique peut être possible si cette obligation n’est pas respectée. La commission constate toutefois que la proposition gouvernementale de mars 2017: i) ne semble pas envisager de modification concernant les occupations d’entreprise qui se dérouleraient après la finalisation de la procédure de prévention et de résolution des conflits ; ii) ne prévoit pas explicitement l’assujettissement de ces occupations à l’obligation de respecter la liberté de travail des non-grévistes. A ce sujet, la commission réitère que «tant que la grève reste pacifique, les piquets de grève et l’occupation des locaux devraient être permis. Les limitations aux piquets de grève et à l’occupation des locaux ne peuvent être acceptées que si les actions perdent leur caractère pacifique. Il est cependant nécessaire, dans tous les cas, de garantir le respect de la liberté de travail des non-grévistes et le droit de la direction de pénétrer dans les locaux.» (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 149).
La commission observe finalement que: i) Assemblée intersyndicale des travailleurs - Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT), tout en étant d’accord avec l’initiative visant à convenir d’une procédure générique de prévention des conflits dans les contextes où il n’en existe pas, ne soutient pas la modification de la législation en matière d’occupation des entreprises proposée par le gouvernement, car elle considère que cette question relève de la négociation collective; et ii) comme indiqué dans leurs observations adressées à la commission, les organisations patronales qui ont soumis un projet alternatif de modifications législatives ne soutiennent pas le projet du gouvernement, considérant en particulier que les occupations du lieu de travail ne constituent pas une forme de droit de grève et que le décret qui les réglemente devrait être dérogé.
Compte tenu de ce qui précède, la commission note que, dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord tripartite de mars 2015, des consultations approfondies ont eu lieu sur la réforme de la législation relative aux relations collectives du travail, avec un échange de vues sur un certain nombre de projets de textes. La commission note toutefois que ces efforts n’ont pas débouché sur un consensus tripartite quant à la question spécifique de l’occupation des entreprises et que, à ce jour, aucun projet de loi n’a été présenté pour répondre à toutes ses demandes. Soulignant à nouveau la pertinence des lignes directrices établies par la jurisprudence nationale à cet égard, la commission prie le gouvernement, après avoir soumis le texte à la consultation des partenaires sociaux, de soumettre au Parlement un projet de réglementation des occupations d’entreprises dans le plein respect de l’accord. Rappelant que le gouvernement peut continuer à compter sur l’assistance technique du Bureau, la commission exprime le ferme espoir qu’il pourra faire état de progrès concrets à cet égard dès que possible.
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