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Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Turkmenistan (RATIFICATION: 1997)

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Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 105e session, mai-juin 2016)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2016, concernant l’application de la convention par le Turkménistan. Elle prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2016, et des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 31 août 2016, ainsi que des rapports du gouvernement reçus le 5 septembre 2016 et le 10 novembre 2016. Enfin, elle prend note du rapport de la mission consultative technique du BIT qui s’est rendue au Turkménistan du 26 au 29 septembre 2016.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, suivant l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent réquisitionner des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. La commission a considéré que la notion de «fins de développement économique» ne semble pas satisfaire aux critères de la «force majeure» définie dans la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105. La commission a également noté que le gouvernement a déclaré que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et de produire des biens et services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. En outre, l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
La commission a également noté les allégations de la CSI selon lesquelles des dizaines de milliers d’adultes des secteurs public et privé sont forcés de récolter le coton et des fermiers sont forcés de remplir des quotas de production de coton fixés par l’Etat, tout cela sous la menace de sanctions. D’après la CSI, le Président promulgue chaque année des ordonnances sur la production de coton à l’intention des gouverneurs des régions qui risquent d’être démis de leur fonction s’ils n’atteignent pas ces quotas. Les gouverneurs assignent des responsabilités aux fonctionnaires de district ou municipaux qui, à leur tour, donnent des consignes à des directeurs d’écoles, à d’autres administrations publiques et à des entreprises. De par la législation en vigueur, le gouvernement ordonne l’utilisation qui doit être faite des terres par l’intermédiaire des associations de fermiers, qui peuvent déchoir un fermier de ses droits pour «utilisation irrationnelle et inappropriée» de la terre. Responsables devant le Président, les gouverneurs des régions supervisent les associations de fermiers, qui gèrent les exploitations, et les fonctionnaires locaux qui mobilisent d’autres citoyens pour la récolte du coton. La CSI allègue de surcroît que des entreprises d’Etat conservent aussi des monopoles sur la production de coton. Selon la CSI, le gouvernement force des travailleurs du secteur public, dont des enseignants, des médecins, des infirmiers et des fonctionnaires, à récolter le coton, payer une amende ou embaucher un remplaçant, sous peine de perdre leur emploi, de voir leurs horaires de travail réduits ou leur salaire amputé. La commission a noté par ailleurs que, d’après la CSI, pour la récolte de coton de 2014, le gouvernement a également forcé des entreprises du secteur privé à mettre des travailleurs à disposition pour la récolte du coton. Les autorités locales ont décidé de limiter les horaires d’ouverture de tous les marchés et de toutes les épiceries, obligeant les petits exploitants à fermer leur commerce pour participer à la récolte du coton et à produire une attestation signée par le fermier prouvant qu’ils ont bien travaillé dans les champs de coton. Des propriétaires d’autobus privés auraient également été obligés de participer en transportant des travailleurs forcés vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leur licence par la police.
La commission note que, dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2016, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanction si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique»; ii) d’abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence; et iii) de solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission note que, dans ses observations, l’OIE exprime sa profonde préoccupation face aux pratiques de travail forcé signalées dans la production de coton, qui affectent les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints. L’OIE déclare que le gouvernement du Turkménistan devrait solliciter l’assistance technique du BIT et, en accord avec ses partenaires sociaux, élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission prend également note que, dans ses observations, la CSI souligne les récentes pratiques de mobilisation forcée par le gouvernement des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé pour la récolte du coton, notamment ceux d’instituts d’enseignement et de soins de santé, d’antennes locales de l’administration, de bibliothèques, de musées, d’instituts météorologiques, de centres culturels, d’organisations sportives, d’entreprises de service public, et d’entreprises manufacturières et des secteurs de la construction, des télécommunications et de la pêche. En outre, le travail forcé de parents tenus de remplir des quotas de production fixés par le gouvernement a aussi pour conséquence que des enfants récoltent le coton aux côtés de leurs parents. La CSI allègue que le gouvernement assimile le refus de contribuer à la récolte de coton à de l’insubordination, de l’incitation au sabotage, de l’absence de patriotisme, voire à un outrage à la patrie. Ceux qui ont refusé se sont exposés à des sanctions administratives, telles que la censure publique, le blocage de leur salaire et la résiliation de l’emploi.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, dans certaines régions du pays, l’administration locale et les producteurs agricoles, secondés par les services locaux de l’emploi, organisent des campagnes de recrutement volontaire parmi les personnes inscrites à l’agence pour l’emploi pendant la saison de la récolte du coton. Le gouvernement déclare qu’un emploi saisonnier est ainsi offert à ce segment de la population. La commission note aussi que le gouvernement indique qu’il porte plus d’attention au développement et à l’amélioration des conditions de recrutement dans le secteur agricole par l’introduction d’innovations technologiques modernes et en soutenant les fermes et les petites et moyennes entreprises. Se référant par ailleurs aux inspections effectuées par les instances syndicales en 2015 et 2016, le gouvernement indique qu’aucune plainte n’a été déposée par des citoyens pour imposition de travail forcé pendant la récolte du coton. La commission note enfin l’information du gouvernement selon laquelle un nouveau projet de loi fondamentale (Constitution) a été adopté le 14 septembre 2016 qui reconnaît le droit au travail, au libre choix des lieu et type de travail, et à des conditions de travail respectueuses de la santé et la sécurité (article 49). En outre, elle interdit le travail forcé et les pires formes de travail des enfants et crée une institution des droits de l’homme (ombudsman).
La commission note par ailleurs dans le rapport de mission du BIT que, bien que les représentants des organisations internationales et des ambassades étrangères rencontrés par la mission ont indiqué l’existence de la pratique du travail forcé, dans la plupart des cas, ils ne disposaient pas de preuve directe du fait de la difficulté de se rendre dans les champs de coton. Ce rapport relate aussi les déclarations des mêmes parties intéressées selon lesquelles la présence d’enfants travaillant dans les champs de coton n’a pas été signalée. Le rapport de mission du BIT fait apparaître une réelle volonté politique du gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton et d’y remédier. A cet égard, le rapport de mission du BIT a noté les multiples stratégies nationales et plans d’action mis en place par le gouvernement, comme le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2016-2020), le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2016-2018), l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies pour le développement signé en avril 2016 et les objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2016. Le rapport de mission considère que, tant l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies, dont la recommandation 7 porte sur l’emploi, que l’objectif 8.7 de l’ODD 8, qui vise directement l’élimination du travail forcé et du travail des enfants, offrent un angle d’attaque précis pour une assistance technique du BIT, d’autant plus que ces instruments récemment adoptés nécessiteraient l’adoption par le gouvernement de mesures concrètes pour leur mise en application.
La commission se félicite des mesures législatives et politiques prises par le gouvernement, notamment l’adoption de stratégies nationales, de plans d’action ainsi que des ODD. Elle prend aussi dûment note de la volonté politique affichée par le gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton dans le pays, notamment en ayant accepté d’accueillir une mission consultative technique du BIT pour examiner les points soulevés par la commission et par la Commission de l’application des normes. En outre, la commission relève dans le rapport de mission du BIT que, bien que les représentants de tous les ministères et les partenaires sociaux nient qu’une coercition soit exercée sur les personnes qui participent à la récolte du coton, ils jugent que des mesures devraient être prises pour empêcher ce phénomène de se produire. A cet égard, notant que le gouvernement a signifié aux membres de la mission consultative technique son souhait de se prévaloir de l’assistance technique du BIT, la commission prie instamment le gouvernement d’élargir sa collaboration avec l’OIT en sollicitant l’assistance technique du BIT afin d’éliminer, en droit comme en fait, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat dans le cadre d’un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé et l’amélioration du recrutement et des conditions de travail dans le secteur du coton. La commission prie le gouvernement de fournir des informations actualisées sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur toute autre mesure prise afin d’assurer l’élimination complète du recours au travail forcé de la part de fermiers, de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton, et sur les résultats concrets obtenus, en indiquant les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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