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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Qatar (RATIFICATION: 1998)

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Plainte déposée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT concernant l’inexécution de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947

La commission note que, à la 103e session de la Conférence internationale du Travail (CIT), en juin 2014, 12 délégués à la CIT ont déposé une plainte en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT contre le gouvernement du Qatar pour violation des conventions nos 29 et 81.
A sa 322e session (novembre 2014), le Conseil d’administration était saisi d’un rapport de son bureau au sujet de la plainte. Les plaignants allèguent que le problème du travail forcé affecte une population de travailleurs migrants d’environ 1 500 000 personnes. Dès que les travailleurs migrants s’engagent dans le processus de recherche d’un travail au Qatar, ils se retrouvent entraînés dans un système caractérisé par une exploitation extrême qui facilite l’exaction de travail forcé par les employeurs. Cela inclut des pratiques telles que la substitution de contrats, des frais de recrutement (pour les payer, de nombreux travailleurs migrants empruntent des sommes importantes à des taux d’intérêt élevés) et la confiscation des passeports. Le gouvernement du Qatar ne met pas en place un cadre juridique suffisant pour protéger les droits des travailleurs migrants en conformité avec le droit international et pour assurer l’application des garanties légales en vigueur. Un des problèmes qui se posent en particulier est celui de la loi sur le parrainage, qui est l’une des plus restrictives de la région du Golfe et qui facilite l’imposition de travail forcé, entre autres en rendant très difficile, pour le travailleur migrant, de quitter un employeur dont le comportement est abusif.
A sa 323e session (mars 2015), le Conseil d’administration a décidé de demander au gouvernement du Qatar de lui soumettre pour examen à sa 325e session (novembre 2015) des informations sur les mesures prises pour traiter toutes les questions soulevées dans la plainte.
La commission note que le Conseil d’administration, à sa 325e session (novembre 2015), a décidé de demander au gouvernement d’accueillir une délégation tripartite de haut niveau, avant la 326e session (mars 2016), pour évaluer toutes les mesures prises pour traiter toutes les questions soulevées dans la plainte, y compris les mesures prises aux fins de l’application effective de la loi récemment adoptée qui réglemente l’entrée, la sortie et le séjour des expatriés. Il a également demandé au gouvernement de recourir à l’assistance technique du BIT pour favoriser une approche intégrée de la suppression du système de parrainage et de l’amélioration des systèmes d’inspection du travail et de la sécurité et santé au travail et pour donner aux travailleurs les moyens de se faire entendre.
La commission note que, dans une communication du 4 février 2016, le ministre du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales, au nom du gouvernement du Qatar, a invité l’OIT à effectuer une visite tripartite de haut niveau dans le pays du 1er au 5 mars 2016. La visite de haut niveau a été menée par la Présidente et les Vice présidents du Conseil d’administration  1
A sa 326e session (mars 2016), rappelant sa décision de novembre 2015 et tenant compte de l’évaluation figurant dans le rapport de la délégation tripartite de haut niveau, le Conseil d’administration a décidé: a) de prier le gouvernement du Qatar de donner suite à l’évaluation de la délégation tripartite de haut niveau, particulièrement en ce qui concerne les travailleurs migrants les plus vulnérables; b) de prier le gouvernement du Qatar de lui rendre compte, à sa 328e session (novembre 2016), de la suite donnée à l’évaluation de la délégation tripartite de haut niveau et de lui faire rapport, à sa 329e session (mars 2017), sur l’application de la loi no 21 de 2015, dès son entrée en vigueur.
La commission note que, à sa 328e session (novembre 2016), le Conseil d’administration, rappelant les décisions adoptées à sa 325e session (novembre 2015) et à sa 326e session (mars 2016) et compte tenu des rapports présentés par le gouvernement sur les mesures prises pour donner suite à l’évaluation de la délégation tripartite de haut niveau, a décidé: a) de demander au gouvernement du Qatar de lui fournir, à sa 329e session (mars 2017), des informations sur les mesures prises aux fins de l’application effective de la loi no 21 de 2015 régissant l’entrée, la sortie et le séjour des travailleurs migrants, dès son entrée en vigueur; b) à la lumière des discussions qui ont eu lieu à sa 328e session (novembre 2016), de demander au gouvernement du Qatar de lui faire rapport, à sa 329e session (mars 2017), sur les autres mesures prises pour donner suite à l’évaluation de la délégation tripartite de haut niveau; c) de demander au gouvernement du Qatar d’avoir recours à l’assistance technique du BIT pour favoriser une approche intégrée de la suppression du système de parrainage et de l’amélioration des systèmes d’inspection du travail et de la sécurité et santé au travail et pour donner aux travailleurs les moyens de se faire entendre; et d) de reporter à sa 329e session (mars 2017) tout nouvel examen relatif à la constitution d’une commission d’enquête, eu égard aux informations visées aux alinéas a), b) et c) ci dessus.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

La commission a noté précédemment que, à sa 320e session (mars 2014), le Conseil d’administration a approuvé le rapport du comité tripartite établi pour examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) alléguant l’inexécution de la convention no 29 par le Qatar. Ce comité a conclu que certains travailleurs migrants présents dans le pays pouvaient se trouver dans des situations de travail forcé en raison de la présence de certaines pratiques, dont en particulier la substitution de contrats, les restrictions à la liberté de mettre un terme à la relation de travail et à la liberté de quitter le pays, le non-paiement des salaires et la menace de représailles. Le Conseil d’administration a adopté les conclusions du comité tripartite et a prié le gouvernement de:
  • -revoir sans délai le fonctionnement du système de parrainage;
  • -veiller sans délai à ce que les travailleurs migrants puissent accéder à la justice et ainsi faire effectivement valoir leurs droits;
  • -veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux auteurs d’infractions.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 104e session, juin 2015)

La commission prend note de la discussion détaillée qui a eu lieu en juin 2015 lors de la 104e session de la Commission de l’application des normes de la Conférence au sujet de l’application de la convention par le Qatar.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Cadre législatif national pour les travailleurs migrants. La commission prend note du rapport du gouvernement en date du 23 septembre 2016. Elle prend note aussi des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2016.

i) Fonctionnement du système de parrainage (kafala)

Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que le recrutement des travailleurs migrants et leur emploi sont régis par la loi no 4 de 2009 sur le système de parrainage. Dans le cadre de ce système, les travailleurs migrants ayant obtenu un visa doivent avoir un parrain. La loi interdit aux travailleurs de changer d’employeur, un transfert provisoire de parrainage n’étant possible que si une action en justice est pendante concernant le travailleur et le parrain. La Commission de la Conférence a pris dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi a été préparé, qui abroge le système de parrainage et le remplace par des contrats de travail, et a exprimé l’espoir que la nouvelle législation applicable aux travailleurs migrants serait rédigée de manière à les protéger contre toute forme d’exploitation. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2015, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de supprimer le système de kafala et de le remplacer par un permis de travail autorisant le travailleur à changer d’employeur.
La commission prend note de la déclaration de la CSI selon laquelle l’article 21 de la nouvelle loi (loi no 21 du 27 octobre 2015) permet aux travailleurs migrants, avec l’autorisation du ministère de l’Intérieur et du ministère du Travail, de changer d’employeur au terme de leur contrat de travail à durée déterminée; par conséquent, les travailleurs resteront liés à l’employeur pendant la durée du contrat. En outre, il semble ne pas y avoir de limite à la durée d’un contrat à durée déterminée. Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée, le travailleur ne peut pas changer d’emploi pendant les cinq premières années du contrat. Il restera impossible pendant la durée du contrat de changer d’emploi sans l’autorisation de l’employeur (et du ministère de l’Intérieur). L’article 22 de la loi dispose que le ministère de l’Intérieur peut autoriser un travailleur à changer d’emploi provisoirement lorsque une action en justice et concernant le travailleur et le recruteur est en cours, et si le ministère du Travail l’approuve également. Par ailleurs, on ne précise toujours pas le motif pour lequel l’un ou l’autre ministère peut ne pas donner suite à une demande. Il ressort de la loi qu’ils ont toute latitude à ce sujet.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle la loi de 2015, qui entrera en vigueur en décembre 2016, portera abrogation du système kafala qui sera remplacé par un système dans lequel le contrat de travail régira la relation de travail entre les parties. Ainsi, les travailleurs pourront changer d’employeur au terme d’un contrat de travail à durée déterminée. En ce qui concerne les contrats à durée indéterminée, la loi de 2015 autorise un travailleur migrant à changer d’employeur au bout de cinq années d’emploi dans l’emploi précédent.
La commission note que la loi no 21 de 2015 régit les conditions d’entrée, de sortie et de séjour des travailleurs migrants et entrera en vigueur en décembre 2016. La commission note que l’article 22 autorise le transfert provisoire d’un travailleur expatrié vers un autre employeur si une action en justice opposant le travailleur et l’employeur est en cours (art. 22(1)) ou si des éléments démontrent des abus de l’employeur (art. 22(2)). La commission note aussi qu’en application de l’article 21(1) un travailleur expatrié peut changer d’employeur avant la fin de son contrat, avec l’autorisation de l’employeur, de l’autorité compétente et du ministère du Travail et des Affaires sociales. La commission note qu’il existait déjà des dispositions similaires dans la loi no 4 de 2009 régissant le système de parrainage. La commission note aussi que la principale nouvelle caractéristique introduite par la loi de 2015 est le fait qu’un travailleur peut changer d’emploi sans le consentement de l’employeur au terme d’un contrat à durée déterminée, ou au bout de cinq ans lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée (art. 21(2)), sans le consentement de l’employeur, alors qu’en vertu de la loi de 2009 une personne ne pouvait pas revenir travailler au Qatar pendant deux ans si le parrain refusait le transfert d’employeur. Toutefois, la commission note que la loi de 2015 ne semble pas prévoir la possibilité pour un travailleur expatrié de résilier avant son terme le contrat initial (par exemple en donnant un préavis) sans le consentement de l’employeur et n’indique pas les motifs et les conditions d’ordre général de résiliation du contrat, à l’exception de quelques cas très spécifiques. Enfin, la commission note que, conformément à l’article 48 de la loi de 2015, le ministre de l’Intérieur prendra un règlement d’application de la loi.
La commission exprime le ferme espoir que la nouvelle législation éliminera toutes les restrictions empêchant les travailleurs migrants de mettre un terme à leur relation de travail en cas d’abus et qu’elle permettra aux travailleurs migrants de quitter leur emploi à certains intervalles, ou après avoir donné un préavis dans des délais raisonnables au cours du contrat, sans l’autorisation de l’employeur. La commission prie le gouvernement de s’assurer que le règlement d’application de la loi no 21 de 2015 contiendra des critères clairs et objectifs pour les motifs et les raisons de la cessation de la relation de travail. Prière aussi de fournir des informations sur l’application dans la pratique de la loi no 21 de 2015, y compris des données sur le nombre de transferts d’emploi qui ont eu lieu à la suite de l’entrée en vigueur en décembre 2016 de la loi, ventilées par sexe et en fonction de la durée des contrats (limitée ou illimitée).

ii) Procédure pour délivrer des visas de sortie

La commission a noté précédemment que les travailleurs ne peuvent pas quitter le pays, provisoirement ou définitivement, sans être en possession d’un visa de sortie délivré par leur parrain.
La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2015, la Commission de la Conférence a demandé instamment au gouvernement d’œuvrer en faveur de la suppression du système de visas de sortie dans les plus brefs délais et, dans l’intervalle, d’octroyer les visas de plein droit.
La commission prend note de la déclaration de la CSI selon laquelle, en vertu de l’article 7 de la loi no 21 de 2015, le travailleur ne demande plus directement le visa de sortie à l’employeur mais à l’autorité gouvernementale compétente (72 heures à l’avance). Néanmoins, la loi dispose que l’employeur peut encore contester la délivrance d’un visa de sortie au travailleur. Si l’employeur refuse de donner son autorisation, le travailleur peut recourir à une commission, qui a l’aval du gouvernement, chargée d’examiner les réclamations de ressortissants étrangers souhaitant quitter le pays. La loi ne contient aucun principe directeur sur ce qui peut justifier légitimement qu’un employeur s’oppose au visa de sortie. Elle n’indique pas non plus comment et sur quelle base le travailleur peut contester la décision de l’employeur. La loi prévoit que ces questions importantes feront l’objet d’un arrêté ministériel qui sera élaboré à un stade ultérieur.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi de 2015 permet aux travailleurs de demander directement au gouvernement un visa de sortie sans avoir à s’adresser à l’employeur. Si l’employeur s’oppose à ce que le travailleur expatrié quitte le pays, ce dernier a le droit de s’adresser à une commission d’appel, à savoir la Commission permanente sur les plaintes qui a été instituée en février 2016 par arrêté ministériel. Cette commission sera présidée par le ministère de l’Intérieur et sera composée, entre autres, du ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales, du ministère de la Justice et de la Commission nationale des droits de l’homme. En application de l’article 48 de la loi, le ministre de l’Intérieur a chargé une commission d’élaborer le règlement d’application de cette loi.
La commission note qu’en vertu de la loi no 21 de 2015 il n’est plus obligatoire d’être en possession d’un visa de sortie signé par le parrain pour quitter le pays, ce qu’exigeait la loi no 4 de 2009. La loi de 2015 oblige les travailleurs migrants à avertir de la date de leur départ l’autorité compétente au moins trois jours à l’avance (art. 7(1)). Néanmoins, la commission note que, même dans la nouvelle loi, l’employeur peut s’opposer à ce que le travailleur expatrié quitte le pays. Dans ce cas, ce dernier a le droit de saisir une commission d’appel (art. 7(2) et (3)). La commission note en outre que la loi n’énumère pas les motifs spécifiques permettant à l’employeur de s’opposer à ce que le travailleur migrant quitte le pays. La commission s’attend à ce que la nouvelle législation supprime les obstacles qui limitent la liberté de circulation des travailleurs migrants et prie le gouvernement de s’assurer que le règlement d’application de la loi no 21 de 2015 contiendra des critères clairs sur les motifs permettant à un employeur de s’opposer au départ du pays d’un travailleur. De plus, ces motifs ne devraient pas constituer des restrictions susceptibles d’empêcher la sortie du pays des travailleurs qui pourraient être victimes de pratiques abusives.

iii) Frais de recrutement et substitution de contrats

La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a demandé instamment au gouvernement de collaborer avec les pays d’origine des travailleurs pour s’assurer que des frais de recrutement ne sont pas imputés aux travailleurs, et de s’assurer que les contrats signés dans les pays d’origine ne sont pas modifiés au Qatar.
La commission prend note de l’information du gouvernement dans son rapport selon laquelle, bien que la question des frais de recrutement ne relève pas de sa juridiction, il a pris quelques mesures pour réglementer la procédure de recrutement de travailleurs étrangers en signant des accords et des protocoles d’accord avec les pays d’origine de ces travailleurs. Au cours des réunions des comités conjoints institués par ces accords bilatéraux et les protocoles d’accord (35 accords et cinq protocoles d’accord), le gouvernement a également encouragé ces pays à recourir aux services d’agences de recrutement agréées tant dans les pays d’origine que dans les pays d’accueil. Le ministère a communiqué la liste des agences de recrutement agréées et opérationnelles aux ambassades des pays d’origine afin de garantir la protection des droits des travailleurs. Le gouvernement a également encouragé ces pays à s’inspirer des contrats types de travail annexés à ces accords. De plus, afin de s’assurer que les contrats ne sont pas modifiés après l’arrivée des travailleurs au Qatar, le Code du travail oblige l’autorité compétente au sein du ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales à certifier l’ensemble des contrats de travail. En 2015, le ministère en a certifié 467 639. De plus, le ministère utilisera prochainement un système de gestion électronique des contrats, ce qui facilitera l’approbation des contrats et permettra aux travailleurs d’en obtenir copie et de connaître leurs droits. De plus, un travailleur migrant ne se verra pas délivrer un visa d’entrée à des fins de travail si un contrat n’a pas été signé directement par la partie qui engage le travailleur et le nouveau travailleur expatrié, en application de l’article 4 de la loi no 21 de 2015.
Le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales supervise les activités des agences de recrutement et réalise des visites d’inspection périodiques ou inopinées. A cette fin, le département compétent du ministère a effectué 1 815 visites d’inspection en 2015, lesquelles ont abouti à l’imposition des sanctions suivantes:
  • -182 avertissements;
  • -quatre procès-verbaux signalant des infractions à des agences de recrutement;
  • -retrait de la licence de 15 agences de recrutement qui avaient enfreint la loi;
  • -annulation de la licence de 80 agences de recrutement à la demande des propriétaires de ces agences. On rappellera que, fin 2015, il y avait 286 agences de recrutement de main-d’œuvre étrangère, et 302 en 2016.
Le gouvernement indique également qu’il a passé un accord avec VFS Global. Cette entreprise fournit partout dans le monde des services technologiques à des gouvernements et à des missions diplomatiques, par le biais de ses 2 251 centres qui s’occupent de l’obtention de visas d’entrée et de ses centres opérationnels dans 125 pays. VFS Global fournit des services à une cinquantaine de gouvernements contractants. Cette société travaillera avec le ministère de l’Intérieur et, dans le pays de destination, fournira aussi dans des centres spécifiques ces services, notamment les suivants: obtention d’un visa général; soumission de demandes par voie électronique; réception des visas dans les centres de délivrance de visas; saisie de données; perception d’honoraires; enregistrement de données biométriques, conformément aux spécifications du ministère de l’Intérieur; et vérification du statut des visas. Tous ces services faciliteront la délivrance de visas d’entrée.
De plus, le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales mettra en œuvre le projet de communication par voie électronique avec plusieurs pays d’origine de travailleurs par le biais de VSF Global. Ce projet vise à renforcer la protection des travailleurs avant leur recrutement à l’étranger et à améliorer le contrôle des pratiques de recrutement dans les pays d’origine. VSF Global s’assurera aussi que les documents relatifs aux certificats et aux qualifications des travailleurs sont les documents requis. Par conséquent, le projet permettra de veiller à ce que le contrat de travail signé par un travailleur dans son pays d’origine ne soit pas altéré, mais aussi à empêcher que des contrats de travail fictifs ne soient établis.
La commission note, d’après le rapport de mars 2016 établi par la délégation tripartite de haut niveau à l’issue de sa visite au Qatar, que, tout en reconnaissant les mesures prises récemment par le gouvernement, la délégation tripartite a été informée à plusieurs reprises que, avant d’arriver au Qatar, des travailleurs migrants avaient dû payer d’importants frais à des agences de recrutement basées dans leur pays d’origine, ce qui contribue à leur vulnérabilité. En outre, la délégation tripartite a observé que la substitution de contrats est une pratique courante au Qatar et qu’elle touche en particulier les travailleurs employés par de petites entreprises et des agences de placement (paragr. 59 et 62 du rapport).
Prenant dûment note des initiatives prises récemment par le gouvernement, la commission l’encourage fermement à étendre la portée de ces mesures afin de s’assurer que des frais de recrutement ne sont pas imposés aux travailleurs migrants, en particulier les travailleurs les plus vulnérables, et que les contrats signés dans les pays d’origine ne sont pas modifiés au Qatar, en particulier en ce qui concerne les travailleurs les plus vulnérables. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard, y compris sur les résultats obtenus grâce à l’application dans la pratique du système de gestion électronique des contrats.

iv) Confiscation des passeports

La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a demandé instamment au gouvernement de veiller à l’application rigoureuse des dispositions législatives relatives à la confiscation des passeports.
La commission prend note de la déclaration du gouvernement dans son rapport selon laquelle, outre la loi no 21 de 2015 qui interdit la confiscation des passeports et prévoit des sanctions pénales contre cette pratique, le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales et le ministère de l’Intérieur coordonnent leur action pour éviter la confiscation des passeports de travailleurs. Ainsi, en 2015, le Département des droits de l’homme du ministère de l’Intérieur a reçu 168 plaintes portant sur la confiscation de passeports. Toutes les plaintes ont été transmises au ministère public qui en a examiné la majorité. Suite aux enquêtes, les employeurs en infraction ont dû rendre les passeports confisqués, et des jugements ont été rendus qui ont permis d’arrêter les auteurs d’infractions et d’en incarcérer un certain nombre. En 2015, 40 condamnations ont été prononcées, contre 67 en 2014. Le gouvernement indique qu’il y a eu moins de condamnations en 2015 en raison de l’impact positif des mesures de dissuasion prises en 2014.
Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l’homme a reçu également 338 plaintes pour confiscation de passeports entre janvier 2016 et avril 2016 (91 plaintes en janvier, 84 en février, 83 plaintes en mars et 80 plaintes en avril). De l’avis du gouvernement, le nombre mensuel de plaintes a diminué car la Commission des droits de l’homme saisit le ministère public lorsqu’un employeur commet une infraction.
La commission note aussi à la lecture du rapport de mars 2016 de la délégation tripartite de haut niveau qu’elle a établi à l’issue de sa visite au Qatar que, tout en prenant note des mesures prises pour sanctionner les employeurs qui confisquent les passeports de travailleurs migrants, ainsi que des peines plus sévères prévues dans la nouvelle loi de 2015, la délégation tripartite a relevé que le nombre de plaintes traitées est bien inférieur au nombre de cas de confiscation de passeports qui se produisent dans le pays. En effet, la délégation tripartite a eu l’occasion de rencontrer un grand nombre d’employés de petites entreprises, qui ont déclaré que l’employeur confisquait systématiquement les passeports des travailleurs à leur arrivée au Qatar. Beaucoup ont indiqué que, outre la confiscation de leur passeport, il était fréquent que l’employeur ne renouvelle pas leur carte d’identité, faisant d’eux des travailleurs en situation irrégulière et exposés au risque d’expulsion. Tout en prenant acte des mesures législatives mises en œuvre par le gouvernement pour protéger les travailleurs migrants contre ces pratiques abusives, la délégation tripartite a estimé que les efforts consentis pour les faire appliquer devaient être considérablement intensifiés afin de garantir une protection efficace (paragr. 60 du rapport).
La commission rappelle que la pratique de la rétention de passeports est un problème grave susceptible de rendre les travailleurs migrants plus vulnérables aux abus. Le fait de les priver de leurs papiers d’identité réduit leur liberté de circulation, les empêchant de mettre un terme à une relation de travail. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’intensifier ses efforts pour s’assurer que l’application de la législation est régulièrement contrôlée, pour enquêter sur ces abus et pour sanctionner les employeurs qui enfreignent la législation. Prière aussi de continuer à fournir des informations sur le nombre des plaintes pour confiscation de passeport, et sur le nombre de sanctions qui ont été imposées dans la pratique.

v) Paiement tardif ou non-paiement des salaires

En ce qui concerne la question de la protection des salaires, la commission prend note de l’information du gouvernement dans son rapport selon laquelle la loi no 1 de 2015, qui porte modification de plusieurs articles du Code du travail adopté en vertu de la loi no 14 de 2014, a été adoptée. Cette loi prévoit des sanctions dissuasives aux employeurs qui enfreignent le code. L’arrêté no 4 de 2015 pris par le ministre du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales, qui porte sur les règles du système de protection des salaires qui sont prévues par le Code du travail, a également été adopté. Une unité chargée de la protection des salaires a été instituée en application de l’arrêté no 19 de 2014 du ministre du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales. Cette unité contrôle la mise en œuvre du système de protection des salaires (WPS) pour les travailleurs protégés par le Code du travail. Le WPS oblige les employeurs à transférer les salaires des travailleurs à l’entité financière voulue dans un délai de sept jours à compter du jour où le travailleur a le droit de percevoir son salaire. En cas d’infraction, le ministre a la faculté de refuser un nouveau permis de travail ou toutes les transactions entre le ministère et l’employeur qui ne respectent pas cet arrêté. Ce système permet de contrôler pleinement le virement à leur compte en banque des salaires des travailleurs couverts par le Code du travail, et d’identifier les personnes en infraction. Le gouvernement explique comment le WPS a évolué et fournit des statistiques sur la progression du nombre d’entreprises qui ont adhéré au WPS entre avril 2016 (24 323) et le 30 juillet 2016 (34 940), et sur celle du nombre de travailleurs enregistrés dans le WPS entre avril 2016 (1 271 730) et le 30 juillet 2016 (1 675 097).
La commission note également, à la lecture du rapport de mars 2016 de la délégation tripartite de haut niveau qui s’est rendue au Qatar, que ce sont principalement les grandes entreprises qui appliquent le WPS et qu’il ne semble pas que ce système soit appliqué aux travailleurs employés par de petites entreprises sous-traitantes ou par des agences de placement (qui parrainent un grand nombre de travailleurs pour ensuite offrir leurs services à d’autres entreprises). Tout en reconnaissant que le WPS a été mis en place récemment et qu’il faudra du temps pour qu’il puisse fonctionner efficacement, la délégation tripartite a considéré qu’il était essentiel que le WPS soit appliqué par toutes les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, les coentreprises et les entreprises sous contrôle étranger, de sorte que tous les travailleurs migrants au Qatar puissent en bénéficier (paragr. 55 du rapport).
Considérant que la mise en place du WPS est une mesure positive qui, si elle est mise en œuvre effectivement, pourrait contribuer à répondre au problème récurrent du non-paiement ou du paiement tardif de salaires, la commission prie le gouvernement de s’assurer que la loi no 1 de 2015, l’arrêté no 4 de 2015, l’arrêté no 19 de 2014 et le WPS sont appliqués effectivement afin que tous les salaires soient versés sans retard et dans leur intégralité et pour que les employeurs soient passibles de sanctions appropriées en cas de non-paiement des salaires. Prière aussi de fournir des informations sur les sanctions imposées en cas de non paiement des salaires.

vi) Travailleurs domestiques migrants

La commission a prié précédemment le gouvernement d’indiquer les mesures prises, en droit et en pratique, pour protéger efficacement les travailleurs domestiques. La commission a noté que, dans ses conclusions adoptées en juin 2015, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de s’assurer que les travailleurs domestiques bénéficient des mêmes droits au travail que les autres travailleurs. La commission a pris note des observations de la CSI de 2015 selon lesquelles plus de la moitié de toutes les travailleuses migrantes au Qatar sont employées à des domiciles privés. Les travailleurs domestiques migrants sont exclus du champ d’application de la législation, si bien qu’ils ne bénéficient pas de la protection à laquelle ont droit les autres travailleurs en application de la législation du travail du Qatar, et qu’ils ne peuvent pas porter plainte devant les juridictions du travail ou auprès du ministère du Travail s’ils se trouvent dans une situation d’abus ou d’exploitation. La CSI a souligné que les abus dont sont victimes les travailleurs domestiques peuvent être d’ordre physique et sexuel. De plus, de multiples enquêtes ont révélé que les travailleurs domestiques migrants sont soumis à des conditions de travail forcé et que bon nombre d’entre eux se voient confisquer leur passeport et dénier leurs droits à leur salaire, à des périodes de repos, à des congés annuels, à des congés maladie et à leur liberté de circulation.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport, selon laquelle le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales certifie les contrats de travail des travailleurs domestiques, alors qu’ils sont exclus du champ d’application des dispositions du Code du travail du Qatar, afin de protéger leurs droits tels que stipulés dans ces contrats. Le ministère contrôle également l’activité des agences qui recrutent des travailleurs domestiques, et les inspecte périodiquement lors de visites inopinées afin de s’assurer que ces travailleurs ne sont pas exploités et de protéger leurs droits. Quelques agences de recrutement de travailleurs domestiques ont été fermées parce qu’elles enfreignaient les dispositions du Code du travail et l’arrêté ministériel qui régissent leurs activités. De plus, étant donné qu’ils ne relèvent pas du champ d’application de la loi sur le travail, les travailleurs domestiques migrants relèvent des dispositions de la législation civile nationale. Toutefois, un projet de loi sur les travailleurs domestiques est en cours de préparation et est examiné à la lumière des dispositions de la convention (nº 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.
A cet égard, la commission rappelle l’importance de prendre des mesures efficaces pour assurer que le système d’emploi des travailleurs domestiques migrants ne place pas ceux-ci dans une situation de vulnérabilité accrue, en particulier lorsqu’ils font l’objet de pratiques abusives de la part de leur employeur, telles que la rétention du passeport, le non-paiement des salaires, la privation de liberté ainsi que les violences physiques et sexuelles. De telles pratiques comportent le risque que leur emploi se transforme en une situation pouvant relever du travail forcé. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour s’assurer que les travailleurs domestiques migrants sont pleinement protégés contre des pratiques et des conditions abusives qui pourraient relever du travail forcé. A ce sujet, la commission exprime le ferme espoir que le projet de loi sur les travailleurs domestiques sera pleinement conforme aux dispositions de la convention, et qu’il sera adopté très prochainement. Dans l’attente de son adoption, la commission prie le gouvernement de communiquer au Bureau copie du projet de loi sur les travailleurs domestiques.
2. Accès à la justice et application de la loi.

i) Accès au mécanisme de présentation de plaintes

La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2015, la Commission de la Conférence a invité instamment le gouvernement a faciliter l’accès à la justice des travailleurs migrants, y compris en leur apportant une assistance en matière linguistique et l’aide de traducteurs, en supprimant les honoraires et les frais liés au dépôt des plaintes et en diffusant des informations sur le ministère du Travail et des Affaires sociales. La Commission de la Conférence a également demandé que ces affaires soient traitées avec diligence.
La commission note que, dans ses observations de 2015, la CSI se réfère au rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, qui souligne les obstacles que les travailleurs migrants rencontrent dans l’accès à la justice, en particulier dans les secteurs du bâtiment et du travail domestique. Parmi ces obstacles, la barrière de la langue rend difficile l’obtention d’informations ou le dépôt d’une plainte. Les travailleurs migrants ont par ailleurs très souvent peur de la police, des institutions et des représailles de la part de leurs employeurs.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales a joué un rôle important de sensibilisation. Par exemple, le ministère se rend dans de grandes entreprises où il rencontre des travailleurs sur leur lieu de travail et à leur domicile pour les informer de leurs droits et obligations et pour recevoir des plaintes ou entendre des observations de leur part afin d’y donner suite sans délai. En outre, le ministère a organisé des colloques d’information à l’intention des employeurs et des travailleurs pour les sensibiliser à leurs droits et à leurs obligations. Il a également assuré la traduction en cinq langues, l’impression et la distribution de bulletins d’information, ainsi que la diffusion du «Manuel des travailleurs migrants» parmi les travailleurs et dans les ambassades de leurs pays d’origine. Le ministère a aussi lancé en 2014 un programme intitulé «Pour une meilleure communication», en collaboration avec le ministère des Transports et des Communications, afin de mener à bien une stratégie numérique intégrale. La première phase du programme s’est achevée avec succès, en partenariat avec des entités gouvernementales et la société civile. Plus de 100 centres sont désormais opérationnels dans le pays. Le programme vise à permettre aux employeurs de fournir des outils technologiques de l’information et de la communication ainsi que l’Internet là où les travailleurs séjournent provisoirement et où des bénévoles les forment aux technologies informatiques afin qu’ils puissent accéder à des informations de base sur leurs droits au travail et à d’autres informations dans différentes langues, et pour qu’ils se familiarisent à l’utilisation de guichets automatiques de banque et aux différentes possibilités pour virer de l’argent, le but étant de garantir le retrait et la gestion de leur salaire dans des conditions de sécurité.
En outre, la Commission nationale des droits de l’homme, le Département des droits de l’homme et le Département de recherches et de suivi du ministère de l’Intérieur, et le Département des relations professionnelles du ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales aident les travailleurs expatriés à soumettre leurs réclamations et à porter plainte. A ce sujet, le gouvernement fournit des statistiques sur le nombre des plaintes présentées, sur le type des plaintes et sur la suite qui y a été donnée en 2014, en 2015 et au cours du premier semestre de 2016:
  • -Nombre de plaintes en 2014: 9 401 plaintes ont été présentées par des travailleurs contre des employeurs au Département des relations professionnelles du ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales, 6 787 ont été réglées (72,19 pour cent des plaintes) à la suite d’accords entre les travailleurs et les employeurs, 1 822 ont été classées  2 (19,38 pour cent) et 782 ont été transmises aux tribunaux (8,32 pour cent).
  • -Nombre de plaintes en 2015: 6 111 plaintes ont été présentées au Département des relations professionnelles, 4 176 ont été réglées, (68,3 pour cent) à la suite d’accords entre les travailleurs et les employeurs, 1 313 ont été classées (21,5 pour cent) et 614 ont été transmises aux tribunaux (10 pour cent).
  • -Nombre de plaintes du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2016: 2 407 plaintes ont été présentées au Département des relations professionnelles, 1 312 ont été réglées (54,5 pour cent) à la suite d’accords entre les travailleurs et les employeurs, 731 ont été classées (30,4 pour cent) et 362 ont été transmises aux tribunaux (15 pour cent).
Tout en prenant note de ces informations, la commission note également que, dans son rapport de mars 2016, la délégation tripartite de haut niveau qui s’est rendue au Qatar a reconnu que les initiatives prises par le gouvernement peuvent faciliter l’accès des travailleurs migrants aux mécanismes de présentation de plaintes. Cependant, la délégation a appris qu’un grand nombre de travailleurs migrants, en particulier ceux employés par de petites entreprises sous-traitantes ou par des agences de placement, n’ont pas accès à ces mécanismes dans la pratique et que certains ignorent même leur existence. La délégation tripartite a donc considéré que ces initiatives devraient être complétées par une série de mesures, notamment des mesures de sensibilisation à l’intention des travailleurs migrants les plus vulnérables, conçues et mises en œuvre en collaboration avec les représentants des communautés de migrants, afin de pallier les lacunes sur le plan opérationnel qui empêchent l’utilisation de ces mécanismes par les personnes qui en auraient besoin (paragr. 58 du rapport).
La commission encourage fermement le gouvernement à continuer à prendre des mesures pour améliorer le fonctionnement des mécanismes de présentation de plaintes disponibles afin que les travailleurs migrants, en particulier les plus vulnérables, puissent accéder rapidement et effectivement à ces mécanismes afin de pouvoir, dans la pratique, s’adresser aux autorités compétentes et demander réparation en cas de violation de leurs droits ou d’abus, sans crainte de représailles. La commission prie également le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser la population et les autorités compétentes à la question des travailleurs migrants soumis au travail forcé et pour dispenser une formation aux employeurs sur leurs responsabilités et leurs obligations afin que toutes les parties intéressées soient en mesure d’identifier des cas d’exploitation au travail, de les dénoncer et de protéger les victimes. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les victimes reçoivent une aide psychologique, médicale et juridique, et d’indiquer le nombre de personnes recevant cette aide dans des centres d’hébergement ou dans d’autres institutions, ainsi que le nombre de centres d’hébergement créés à cette fin.

ii) Mécanismes de contrôle des infractions à la législation du travail

La commission note que dans ses conclusions la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de continuer de recruter des inspecteurs du travail supplémentaires et d’augmenter les ressources matérielles nécessaires pour qu’ils mènent à bien leurs fonctions et, en particulier, procèdent aux visites d’inspection sur les lieux de travail où sont employés des travailleurs migrants.
La commission prend note des informations détaillées figurant dans le rapport du gouvernement sur les mesures prises pour renforcer les services d’inspection du travail et pour accroître le nombre d’inspecteurs du travail, sur le nombre total de visites d’inspection du travail réalisées et sur le nombre de procédures et de décisions judiciaires concernant des arriérés de salaires et le paiement des congés payés et des heures supplémentaires. La commission souligne l’importance du rôle de l’inspection du travail dans le contrôle du respect des droits au travail des travailleurs migrants et encourage fermement le gouvernement à continuer sur la voie du renforcement du contrôle des conditions de travail des travailleurs migrants et à assurer l’application effective de sanctions aux auteurs des violations qui ont été constatées. A ce sujet, la commission prie le gouvernement de se référer à ses commentaires au sujet de l’application de la convention (nº 81) sur l’inspection du travail, 1947.

iii) Imposition de sanctions

La commission a prié précédemment le gouvernement de communiquer des informations sur les procédures judiciaires engagées et sur les sanctions imposées aux employeurs qui imposent du travail forcé. La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de s’assurer que les sanctions applicables en vertu de la législation en cas de grave exploitation de travailleurs, y compris pour le crime de travail forcé tel que défini dans le Code pénal, et les sanctions pour infraction à la législation du travail sont adéquates, et que la législation est effectivement appliquée. La commission note que, dans ses observations de 2015, la CSI se réfère au rapport de 2014 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, selon lequel le ministère public est influencé par des personnalités de haut niveau et des entreprises puissantes et jouit d’un total pouvoir de discrétion quant à l’engagement ou non de poursuites judiciaires. Le Rapporteur spécial a également noté d’importantes allégations de partialité et de préjugés chez les juges, y compris des allégations de discrimination contre les migrants en faveur des Qataris. Selon la CSI, une réforme judiciaire du type de celle recommandée par le Rapporteur spécial permettrait de garantir l’application effective de sanctions dans les cas de travail forcé.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’en vertu de l’article 130 de la Constitution le pouvoir judiciaire est indépendant et son autorité est dévolue aux tribunaux, qui rendent leurs jugements conformément au droit. De plus, le ministère public est une autorité judiciaire indépendante et impartiale à laquelle il incombe d’instruire la plupart des plaintes et de veiller à la bonne application de la loi. Le gouvernement souligne que l’Etat a mis en place, au sein du Département des relations professionnelles, des mécanismes spécialisés dans le traitement des actions en justice concernant des travailleurs. Quatre mécanismes viendront s’ajouter aux mécanismes existants. Ils seront rattachés au ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales et auront pour objet d’aider les travailleurs à intenter des actions en justice, ce qui devrait permettre d’accélérer les procédures et d’aboutir à des décisions rapides. En outre, deux autres mécanismes spécialisés dans la mise en œuvre des dispositions relatives aux problèmes que rencontrent les travailleurs seront institués pour que ceux-ci puissent jouir de leurs droits sans délai une fois les jugements rendus. Des bureaux dépendant du ministère ont par ailleurs été mis en place dans les tribunaux d’Etat pour fournir gratuitement une aide juridictionnelle aux travailleurs qui souhaitent engager une action en justice afin de faire valoir leurs droits. Les travailleurs qui intentent alors une telle action n’ont pas à payer d’honoraires ni de frais d’aucune sorte. En outre, ces bureaux emploient des collaborateurs qualifiés et des traducteurs qui maîtrisent les langues les plus fréquemment parlées par les travailleurs et sont donc à même de communiquer avec eux, quelle que soit leur nationalité ou leur langue.
A cet égard, le gouvernement fournit des données statistiques sur les actions en justice intentées par des travailleurs ainsi que sur les jugements rendus. En 2014, le mécanisme spécialisé siégeant en formation plénière au tribunal a rendu 603 jugements dans des affaires concernant des travailleurs, et 231 actions en justice ont été annulées. Le nombre d’affaires pendantes devant le tribunal était alors de 1 478. Le mécanisme spécialisé siégeant en formation restreinte a aussi rendu 1 513 jugements, et 2 364 actions en justice ont été annulées  3 Le nombre d’affaires pendantes devant le tribunal était alors de 5 400. En 2015, le mécanisme spécialisé siégeant en formation plénière au tribunal a rendu 793 jugements, et 222 actions en justice ont été annulées. Le nombre d’affaires pendantes devant le tribunal était de 1 607. Le mécanisme spécialisé siégeant en formation restreinte a aussi rendu 1 219 jugements. En outre, 3 556 actions en justice ont été annulées. Actuellement, le nombre d’affaires pendantes devant le tribunal est de 6 772.
La commission note qu’un certain nombre de jugements ont été rendus en 2014, en 2015 et au cours du premier trimestre de 2016 à la suite d’actions en justice intentées par des travailleurs. Toutefois, la commission note qu’il n’y a pas d’informations sur la suite donnée à ces décisions judiciaires et sur la question de savoir si des amendes et/ou des peines d’emprisonnement ont été imposées.
La commission note également d’après son rapport de mars 2016 que la délégation tripartite de haut niveau qui s’est rendue au Qatar a pu rencontrer plusieurs groupes de travailleurs migrants, essentiellement originaires des Philippines et du Népal, y compris des travailleurs vivant dans le complexe de Sailiya où sont hébergés des milliers de travailleurs de petites entreprises sous-traitantes pour le compte de grandes entreprises, ainsi que des travailleurs employés par des agences de placement (entreprises qui parrainent un grand nombre de travailleurs pour offrir ensuite leurs services à d’autres entreprises). Les préoccupations exprimées par les travailleurs migrants concernent le paiement des salaires (non paiement, retard de paiement et/ou réduction du salaire convenu), la confiscation des passeports, les longues heures de travail, le refus de la part des employeurs de leur délivrer un certificat de non objection (même après expiration de leur contrat), le non-renouvellement de leur carte d’identité par l’employeur et les difficultés rencontrées pour le transfert de parrainage. Les travailleurs migrants ont indiqué que les mécanismes de plainte ne sont pas facilement accessibles et que les procédures judiciaires sont longues. Certains travailleurs ont fait l’objet de représailles de la part de leur employeur après avoir déposé plainte, notamment une travailleuse qui a été transférée dans un centre d’expulsion à la suite d’une procédure pénale engagée contre elle par son employeur. La délégation tripartite s’est entretenue avec plusieurs travailleurs qui ont déposé plainte auprès des tribunaux du travail ou de la Haute Cour dont les décisions restent en suspens des mois durant, souvent parce que les employeurs ne se présentent pas aux audiences. Ces travailleurs attendent une décision pendant plusieurs mois pour le versement de leur salaire et la restitution de leur passeport afin de pouvoir rentrer dans leur foyer grâce à la solidarité communautaire, car ils partent sans aucun revenu.
Tout en notant que les victimes de travail forcé ont accès à la justice, la commission estime que les représailles exercées au motif d’une action en justice doivent être sévèrement sanctionnées, et que les travailleurs doivent obtenir une réparation pleine et effective. De plus, soulignant l’importance de l’application dans la pratique de sanctions effectives et dissuasives aux personnes qui imposent du travail forcé, la commission prie instamment le gouvernement de veiller à ce que des enquêtes approfondies et des poursuites énergiques soient menées à l’encontre des personnes soupçonnées d’exploitation et à ce que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions efficaces et dissuasives soient effectivement appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé à des travailleurs migrants, en particulier les travailleurs migrants les plus vulnérables. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les procédures judiciaires intentées et sur le nombre de jugements rendus à cet égard. Enfin, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations concrètes sur les sanctions appliquées dans les faits, en indiquant le nombre de cas dans lesquels des amendes ont été imposées, le nombre de cas dans lesquels des peines d’emprisonnement ont été imposées, ainsi que leur durée.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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