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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Mauritania (RATIFICATION: 1961)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Mauritania (RATIFICATION: 2016)

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Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 104e session, mai-juin 2015)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Esclavage et séquelles de l’esclavage. Dans ses précédents commentaires, la commission a instamment prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour continuer de lutter contre l’esclavage et ses séquelles et pour s’assurer que les victimes d’esclavage sont effectivement en mesure de faire valoir leurs droits. La commission s’est référée à cet égard à la création de l’Agence Tadamoun (Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage) et à l’adoption de la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage adoptée en mars 2014. La commission prend note de la discussion qui a eu lieu en juin 2015 au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, des observations formulées par la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM) reçues le 28 août 2015; des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues les 1er et 29 septembre 2015; ainsi que du rapport du gouvernement et de sa réponse aux observations de la CGTM et de la CSI, reçus respectivement les 9, 12 et 31 octobre 2015.
a) Application effective de la législation. La commission a précédemment souligné que, malgré l’adoption de la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, les victimes continuaient à rencontrer des difficultés pour faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités administratives que des autorités judiciaires, une seule décision de justice ayant été prononcée sur la base de cette loi. Dans son rapport, le gouvernement indique que la loi de 2007 a été abrogée par la loi no 2015-031 du 10 septembre 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. La commission relève que cette nouvelle loi reprend les grandes lignes de la précédente en définissant de manière plus détaillée les éléments constitutifs de l’esclavage, du placement, du servage et de la servitude pour dettes et en alourdissant les peines y afférentes. En plus d’habiliter les associations de défense des droits de l’homme à dénoncer les infractions et à assister les victimes, la loi prévoit désormais la possibilité pour celles jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans d’ester en justice et de se constituer partie civile (art. 23). L’article 20 prévoit l’institution de juridictions de formation collégiale pour connaître des infractions relatives à l’esclavage et aux pratiques esclavagistes. Enfin, l’article 25 prévoit que le juge est tenu de préserver les droits à réparation des victimes. La commission note également l’adoption le même jour de la loi no 2015-032 portant aide judiciaire qui institue un système d’aide judiciaire permettant de couvrir les frais normalement mis à la charge des parties pour les personnes indigentes ou à faible revenu.
S’agissant des affaires judiciaires, le gouvernement précise que 31 cas de pratiques assimilées à l’esclavage ont été traités par les juridictions qui ont conduit à un emprisonnement (deux ans de prison), à des contrôles judiciaires, à des amendes, à des réparations civiles pour les victimes et à des acquittements. En outre, l’Agence Tadamoun s’est constituée partie civile dans un certain nombre d’affaires relevant de l’exploitation esclavagiste. Dans ses observations, la CSI se réfère aux réticences des autorités administratives et policières à enquêter sur les cas d’esclavage qui sont portés à leur connaissance par les associations. De même, les autorités de poursuite ont tendance à classer les affaires sans suite, et les autorités judiciaires à requalifier les faits pour éviter l’application des dispositions incriminant l’esclavage.
La commission observe que, si davantage d’affaires sont portées devant les juridictions, des difficultés persistent pour obtenir la condamnation des auteurs à des sanctions pénales réellement dissuasives. La commission rappelle que, en vertu de l’article 25 de la convention, les Etats ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle souligne à cet égard que les victimes de l’esclavage se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité économique et psychologique qui requiert une action spécifique de l’Etat. Par conséquent, la commission veut croire que l’adoption de la loi no 2015-031 sera accompagnée de mesures concrètes démontrant la volonté du gouvernement d’assurer son application effective et qu’à cette fin les forces de l’ordre, le ministère public et les juges seront formés, sensibilisés et dotés des moyens adéquats pour diligenter les enquêtes, rassembler les preuves et initier les procédures judiciaires de manière rapide, efficace et impartiale sur l’ensemble du territoire. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises en vue de l’institution des juridictions de formation collégiale spécialisées pour connaître des infractions relatives à l’esclavage. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de cas d’esclavage qui ont été dénoncés auprès des autorités, le nombre de ceux pour lesquels une enquête a été menée, le nombre de ceux qui ont abouti à une action en justice et le nombre et la nature des condamnations prononcées. Prière également d’indiquer comment, dans la pratique, les victimes d’esclavage sont indemnisées du préjudice qu’elles ont subi, conformément à l’article 25 de la loi.
b) Cadre stratégique et institutionnel de lutte contre l’esclavage. La commission a précédemment salué l’adoption en mars 2014 de la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage contenant 29 recommandations qui couvrent les domaines juridique, économique et social, et de la sensibilisation et a demandé au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour les mettre en œuvre. Dans son rapport, le gouvernement se réfère à la création d’un comité technique interministériel chargé du suivi de la mise en œuvre de la feuille de route, sous la supervision directe du Premier ministre, ainsi qu’une commission technique de suivi. Ce comité a adopté un plan d’action pour la mise en œuvre des recommandations. A cet égard, le gouvernement fournit des informations sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de certaines recommandations et en particulier sur les campagnes de sensibilisation menées auprès des personnes cibles, de la société civile, des leaders religieux. Enfin, le gouvernement se réfère à un certain nombre de programmes sociaux et économiques développés par l’Agence Tadamoun visant à la construction d’infrastructures scolaires dans les localités reculées, la fourniture d’eau potable, la construction d’infrastructures sanitaires ou la construction de logements sociaux. Selon le gouvernement, ces programmes qui bénéficient aux franges de la population les plus défavorisées sont générateurs d’emploi et permettent aux familles d’envoyer leurs enfants à l’école. A cet égard, la commission note que la CSI regrette que l’Agence Tadamoun se centralise sur la réduction de la pauvreté au détriment d’autres aspects de son mandat et que les syndicats et les associations qui luttent contre l’esclavage soient tenues à l’écart des activités de l’agence.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et encourage le gouvernement à continuer à mettre en œuvre les recommandations de la feuille de route et à fournir des informations détaillées sur les activités menées à cet égard par le Comité technique interministériel. La commission espère également que le gouvernement veillera à doter l’Agence Tadamoun des moyens appropriés afin non seulement d’adopter les mesures nécessaires dans l’immédiat pour lutter contre le travail forcé, telles que la sensibilisation, mais également pour lutter contre les causes profondes et les facteurs qui maintiennent des personnes dans une situation de dépendance telle qu’il leur est impossible de donner un consentement libre et éclairé au travail qui leur est imposé.
c) Etat des lieux de la réalité de l’esclavage et sensibilisation de l’ensemble de la société. La commission note que, dans leurs observations, tant la CGTM que la CSI soulignent qu’il subsiste encore des pratiques importantes et durables d’esclavage qui demeurent ancrées dans les traditions et la culture. Pour la CGTM, il est temps que des transformations sociales égalitaires et justes soient opérées au sein de toutes les couches de la société et d’engager les partenaires sociaux et la société en général dans de véritables campagnes de promotion, de sensibilisation et d’éducation des citoyens pour combattre de manière systématique toute forme de travail forcé. La CSI considère quant à elle que le refus de certaines autorités de reconnaître pleinement l’existence de l’esclavage en ne se référant qu’à ses séquelles constitue un obstacle à l’éradication de l’esclavage en Mauritanie. Elle évoque également les entraves que le gouvernement place à l’action des syndicats ou des associations qui militent contre l’esclavage en évoquant l’intervention des autorités pour empêcher l’organisation par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) d’une campagne de sensibilisation ou encore l’arrestation de militants à l’occasion d’une autre campagne de sensibilisation.
La commission rappelle que, face à la complexité du phénomène de l’esclavage et de ses séquelles, le gouvernement devrait agir dans le cadre d’une stratégie globale couvrant les domaines de la sensibilisation et de la prévention, la coopération avec la société civile, la protection et la réinsertion des victimes, notamment à travers des programmes spécifiques leur permettant de sortir de la situation de dépendance économique et psychologique dans laquelle elles se trouvent, ainsi que le renforcement des capacités des autorités de poursuite et judiciaires en vue d’une application effective et dissuasive de la loi. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour mobiliser l’ensemble des autorités compétentes et l’ensemble de la société dans cette lutte et de fournir des informations à cet égard. Elle encourage également le gouvernement à mener des travaux de recherche permettant de disposer d’un état des lieux de la nature et de la prévalence de l’esclavage en Mauritanie afin de mieux planifier les interventions publiques.
Enfin, la commission espère que, comme le Premier ministre en a manifesté l’intérêt dans une communication au Directeur général du BIT en février 2015 et comme le représentant gouvernemental l’a réitéré à l’occasion de la Conférence, le gouvernement pourra bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
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