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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Qatar (RATIFICATION: 1998)

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Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail forcé des travailleurs migrants. La commission note que, à sa 320e session (mars 2014), le Conseil d’administration a approuvé le rapport du comité tripartite établi pour examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) alléguant l’inexécution de la convention no 29 par le Qatar. Ce comité a conclu que certains travailleurs migrants présents dans le pays pouvaient se trouver dans des situations de travail forcé en raison de la présence de certaines pratiques, dont en particulier la substitution de contrats, les restrictions à la liberté de mettre un terme à la relation de travail et à la liberté de quitter le pays, le non-paiement des salaires et la menace de représailles. Le comité a considéré que le gouvernement devait prendre d’autres mesures pour respecter son obligation de supprimer le recours au travail forcé sous toutes ses formes, conformément à l’article 1 de la convention. Le Conseil d’administration a adopté les conclusions du comité tripartite et a prié le gouvernement de:
  • -revoir sans délai le fonctionnement du système de parrainage;
  • -veiller sans délai à ce que les travailleurs migrants puissent accéder à la justice et ainsi faire effectivement valoir leurs droits;
  • -veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux auteurs d’infractions.
a) Fonctionnement du système de parrainage (Kafala). La commission note que le recrutement des travailleurs migrants et leur emploi sont régis par la loi no 4 de 2009 sur le système de parrainage. Dans le cadre de ce système, les travailleurs migrants ayant obtenu un visa doivent avoir un parrain. Ce parrain doit s’acquitter des formalités pour obtenir le permis de séjour du travailleur et, lorsque la procédure d’obtention du permis de séjour arrive à son terme, l’employeur a l’obligation de rendre au travailleur son passeport (art. 19). La loi interdit aux travailleurs de changer d’employeur, un transfert temporaire de parrainage n’étant possible que si une action en justice est pendante concernant l’employeur et le travailleur. En outre, les travailleurs ne peuvent quitter le pays à titre provisoire ou définitif sans être en possession d’un visa de sortie délivré par leur parrain (art. 18). Si le parrain refuse d’accorder un visa de sortie à un employé, une procédure spéciale est prévue par la loi (art. 12). La commission note que le comité tripartite a constaté que, si certaines dispositions de la loi no 4 de 2009 offrent une certaine protection aux travailleurs, leur application pratique soulève des difficultés, notamment la procédure d’enregistrement des travailleurs, qui se traduisent par la confiscation de passeports ou le nombre très limité des transferts de parrainage. Le comité a également souligné que certaines dispositions de la loi, en limitant la possibilité pour les travailleurs migrants de quitter le pays ou de changer d’employeur, empêchent les travailleurs qui seraient victimes de pratiques abusives de se libérer de ces situations. Il en est de même de la pratique de rétention des passeports qui prive les travailleurs de leur liberté de mouvement.
La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi a été préparé, qui abroge le système de parrainage et le remplace par des contrats de travail. Le projet autoriserait les travailleurs à changer d’employeur lorsque leur contrat à durée limitée expire ou après cinq ans pour les contrats à durée illimitée. Le gouvernement indique que des amendements sont également prévus pour permettre aux travailleurs de quitter leur employeur après avoir obtenu une autorisation de l’autorité gouvernementale compétente. Il ajoute que les efforts seront renforcés pour veiller à ce que les passeports des travailleurs ne soient pas retenus et à ce que les employeurs qui violent cette obligation soient sanctionnés comme le prévoit la loi.
La commission veut croire que la nouvelle législation applicable aux travailleurs migrants sera adoptée prochainement et qu’elle sera rédigée de manière à leur assurer la pleine jouissance de leurs droits au travail et à les protéger contre toute forme d’exploitation relevant du travail forcé. La commission espère que, pour atteindre cet objectif, la législation permettra de:
  • -supprimer les restrictions et les obstacles qui limitent la liberté de mouvement de ces travailleurs et les empêchent de mettre fin à leur relation de travail en cas d’abus;
  • -autoriser les travailleurs à quitter leur emploi à certains intervalles ou après avoir respecté un préavis raisonnable;
  • -revoir la procédure de délivrance des visas de sortie;
  • -garantir l’accès à des mécanismes de plaintes rapides et efficaces pour permettre aux travailleurs migrants de faire valoir leurs droits sur tout le territoire;
  • -garantir des mécanismes de protection et d’assistance quand leurs droits sont violés.
b) Accès à la justice. La commission relève que le comité tripartite a observé que, si la législation prévoit la mise en place de différents mécanismes de traitement des plaintes, les travailleurs semblent rencontrer certaines difficultés à en faire usage. Le comité a estimé que des mesures devraient être prises pour lever ces obstacles, par exemple en sensibilisant les travailleurs à leurs droits, en protégeant les victimes présumées de travail forcé et en renforçant la coopération avec les pays fournisseurs de main-d’œuvre. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi prévoit que les travailleurs migrants devront soumettre leur plainte au Département des relations de travail du ministère du Travail qui les examinera sans délai et qu’aucuns frais de justice ne seront à la charge du travailleur. Ce département a été équipé de tablettes pour recevoir les plaintes, disponibles dans plusieurs langues, et l’effectif d’interprètes a été renforcé. En outre, une ligne téléphonique gratuite et une adresse électronique ont été mises à la disposition des travailleurs pour pouvoir déposer des plaintes qui sont traitées par une équipe spécialement formée à cette fin. Enfin, un bureau a été établi au sein de la cour pour aider les travailleurs à initier les procédures auprès des tribunaux et les assister tout au long de la procédure judiciaire.
Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission rappelle que la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les travailleurs migrants nécessite des mesures spécifiques qui leur permettent de faire valoir leurs droits sans crainte de représailles. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour renforcer la capacité de ces travailleurs afin que, dans la pratique, ils puissent s’adresser aux autorités compétentes et obtenir réparation en cas de violation de leurs droits ou d’abus sans crainte de représailles. La commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser le public à la problématique du travail forcé des migrants, ainsi que les autorités compétentes, de manière à ce que tous les acteurs concernés soient à même d’identifier les cas d’exploitation au travail, les dénoncer et protéger les victimes. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer une assistance psychologique, médicale et juridique aux victimes et de fournir des informations sur le nombre de centres d’hébergement existants, le nombre de personnes bénéficiant de cette assistance, et sur les accords bilatéraux signés avec les pays fournisseurs de main-d’œuvre. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises sur le plan législatif et pratique pour assurer une protection effective des travailleurs domestiques.
c) Application de sanctions. Sanctions des violations de la législation du travail. La commission note que le comité tripartite a constaté l’absence d’informations sur les sanctions infligées pour violation de la législation du travail et de la loi sur le système de parrainage. Il a souligné que la détection et la sanction effective de ces violations contribuent à la prévention des pratiques de travail forcé. La commission note que le gouvernement fournit des statistiques sur le nombre de poursuites judiciaires et de condamnations concernant les questions d’arriérés de salaires, de rémunérations de congés ou d’heures supplémentaires. De janvier à juin 2014, 448 procédures ont été engagées et 379 condamnations prononcées. S’agissant de la question des arriérés de salaires, le gouvernement se réfère à un projet législatif visant à créer une unité spéciale de protection des salaires au sein du Département de l’inspection du travail et prévoyant l’obligation des employeurs de verser les salaires directement par virement bancaire. Le gouvernement fournit également des informations sur les mesures prises pour renforcer l’inspection du travail, notamment à travers l’extension de sa couverture géographique, l’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail et l’amélioration de leur statut et la dotation en matériel informatique moderne. Ainsi, le nombre de visites d’inspection est passé de 46 624 en 2012 à 50 538 en 2013. La commission encourage vivement le gouvernement à continuer sur la voie du renforcement du contrôle des conditions de travail des travailleurs migrants et de l’application effective de sanctions pour les violations constatées. A cet égard, elle prie le gouvernement de continuer de sensibiliser et former l’inspection du travail afin qu’elle puisse identifier et faire cesser les pratiques qui renforcent la vulnérabilité des travailleurs migrants et les exposent au travail forcé, à savoir la confiscation des passeports, les arriérés de salaires, les pratiques abusives des agences de placement et, en particulier, la question des frais de recrutement et les substitutions de contrats de travail. La commission prie également le gouvernement d’indiquer comment l’inspection du travail coopère avec le ministère public pour que les infractions constatées donnent lieu à des poursuites pénales. Enfin, la commission renvoie aux commentaires qu’elle formule sous la convention (nº 81) sur l’inspection du travail, 1947.
Impositions de sanctions pénales. La commission note que le comité tripartite a appelé le gouvernement à prendre des mesures efficaces afin que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions appropriées soient appliquées aux employeurs qui recourent à des pratiques de travail forcé. La commission constate avec préoccupation que, si le gouvernement se réfère aux dispositions de la législation nationale qui garantissent la liberté du travail et sanctionnent l’imposition de travail forcé (art. 322 du Code pénal et loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite de personnes), il ne fournit toujours pas d’informations sur des poursuites judiciaires engagées sur la base de ces dispositions. La commission observe à ce sujet que la situation des travailleurs migrants au Qatar a été examinée par de nombreux organes des Nations Unies qui ont tous exprimé leur grande préoccupation face aux abus dont sont victimes un grand nombre de travailleurs migrants (documents A/HRC/26/35/Add.1 du 23 avril 2014 et CEDAW/C/QAT/CO/1 du 10 mars 2014). Rappelant que l’absence de sanctions infligées aux personnes qui imposent du travail forcé crée un climat d’impunité propice à la perpétuation de ces pratiques, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions efficaces et dissuasives sont effectivement appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé. La commission prie le gouvernement de s’assurer que, compte tenu de la gravité de ce crime, les autorités de police et de poursuite agissent «d’office», indépendamment de toute action des victimes. Elle le prie également de fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées et sur les sanctions prononcées.
La commission note également que, lors de sa 322e session (nov. 2014), le Conseil d’administration a déclaré recevable la plainte déposée par des délégués de la Conférence internationale du Travail, en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, alléguant l’inexécution par le Qatar des conventions nos 29 et 81, et a demandé au gouvernement et aux organisations d’employeurs et de travailleurs du Qatar de fournir des informations pertinentes qui seront examinées à sa prochaine session (mars 2015).
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.]
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