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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Eritrea (RATIFICATION: 2000)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Service national obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère à l’article 3(17) de la Proclamation relative au travail de l’Erythrée (no 118/2001), selon lequel l’expression «travail forcé» n’inclut pas le service national obligatoire. Elle a noté que, en vertu de l’article 25(3) de la Constitution, les citoyens doivent accomplir leur devoir de service national. Elle a par ailleurs noté que, bien que la durée du service national obligatoire ait initialement été fixée à dix-huit mois (aux termes de la Proclamation no 82 de 1995 relative au service national), la conscription de tous les citoyens âgés de 18 à 40 ans pour une période indéterminée a été institutionnalisée avec le lancement de la «Campagne de développement Warsai Yakaalo», qui a été approuvée par l’Assemblée nationale en 2002. A cet égard, la commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’obligation d’accomplir le service national obligatoire fait partie des obligations civiques normales de tout citoyen, et par conséquent relève du domaine des exceptions prévues dans la convention, en particulier: le travail ou service exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire ainsi que le travail ou service exigé dans les cas de force majeure.
S’agissant du lien entre service national et travail exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle tout travail ou service exigé en vertu de l’article 5 de la Proclamation de 1995 relative au service national constitue un travail à caractère purement militaire. Le gouvernement indique, toutefois, que les conscrits peuvent aussi être appelés à s’acquitter d’autres tâches, comme la construction de routes et de ponts. Selon le gouvernement, des conscrits du service national ont participé à de nombreux programmes, notamment de reforestation, de préservation des sols et de l’eau, de reconstruction, ainsi qu’à des activités visant à améliorer la sécurité alimentaire. La commission note par ailleurs que, aux termes de l’article 5 de la proclamation susmentionné, les objectifs du service national visent, entre autres buts, à créer une nouvelle génération, caractérisée par l’amour du travail et la discipline et qui soit prête à servir et à participer à la reconstruction de la nation; ainsi qu’à développer et à renforcer l’économie en «investissant dans la valorisation du travail de la population en tant que richesse potentielle».
A cet égard, la commission note que, dans son rapport, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Erythrée (mai 2014) indique que le service national érythréen englobe tous les domaines de la vie civile et est en cela bien plus large que le service militaire. La rapporteuse spéciale souligne que le service national ne revêt pas de caractère volontaire, est d’une durée indéterminée et relève du travail forcé. Elle fait état en outre de rafles régulièrement menées par la police militaire chez les particuliers, sur les lieux de travail, dans les lieux publics et dans la rue, à la recherche de déserteurs et de conscrits insoumis, ainsi que pour enrôler des personnes qu’elle juge aptes au service national (A/HRC/26/45, paragr. 34, 38, 71 et 73).
La commission rappelle que, aux termes de l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention, les travaux ou services exigés en vertu des lois sur le service militaire obligatoire ne sont exclus du champ d’application de la convention qu’à la condition qu’ils revêtent un caractère purement militaire. Cette condition vise expressément à empêcher la réquisition de conscrits pour la réalisation de travaux publics, et a son corollaire à l’article 1 b) de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, qui interdit le recours au travail forcé ou obligatoire «en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique». La commission attire par conséquent l’attention du gouvernement sur le fait que les travaux imposés aux conscrits dans le cadre du service national qui comportent des activités relatives au développement national ne sont pas à caractère purement militaire. La commission rappelle en outre que, dans des circonstances particulières, telles que les cas de force majeure, les conscrits peuvent être appelés à exécuter des activités non militaires. Toutefois, afin de respecter les limites de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention, le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre devrait être restreint aux véritables situations d’urgence ou cas de force majeure survenant de manière abrupte et imprévisible et qui appellent des contre-mesures immédiates. En outre, la durée et l’étendue du service obligatoire, ainsi que les fins auxquelles les autorités y recourent devraient être limitées au strict nécessaire eu égard à la situation.
Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement, ainsi que de sa description factuelle de la situation du pays, qu’il considère être sous la «menace d’une guerre et d’une famine», la commission observe que la pratique généralisée et systématique d’imposer du travail obligatoire à la population pour une période indéfinie, dans le cadre du programme du service national, sort largement du cadre des exceptions prévues par la convention. Les obligations étendues imposées à la population – ainsi que le fait pour les conscrits de ne pas avoir la liberté de quitter le service national, comme indiqué par le gouvernement – sont incompatibles tant avec la convention no 29 qu’avec la convention no 105, qui interdisent toutes deux le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. A la lumière des considérations qui précèdent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ou abroger la Proclamation no 82 de 1995 relative au service national, ainsi que la déclaration de 2002 intitulée «Campagne de développement Warsai Yakaalo», afin de supprimer la base légale sur laquelle se fonde le recours au travail obligatoire dans le contexte du service national, et de mettre ces textes en conformité avec les conventions nos 29 et 105. Dans l’attente de l’adoption de telles mesures, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures concrètes en vue de limiter l’imposition de travaux ou de services obligatoires à la population aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, et de veiller à ce que la durée et l’étendue de ce travail ou de ces services obligatoires, ainsi que les fins auxquelles ils sont destinés, soient limitées à ce qui est strictement nécessaire eu égard à la situation.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 104e session, et de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.]
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