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Suivi donné aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 102e session, juin 2013)

La commission prend note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes, en juin 2013, concernant l’application de la convention.
Elle prend note, en outre, des commentaires adressés par le Syndicat des employés des municipalités et administrations privées (BEM BIR-SEN) des salariés des communes, du privé et de l’Etat (communication datée du 23 novembre 2012), la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), la Confédération des syndicats (HAK-IS) et la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) (communications datées respectivement des 10 décembre 2012 et 29 mars et 3 avril 2013), de la réponse du gouvernement à ces commentaires et, enfin, des commentaires adressés par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), conjointement à la TİSK, dans une communication en date du 30 août 2013, et par la Confédération syndicale internationale (CSI), dans une communication en date du 30 août 2013.
La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de faire part de ses observations sur les allégations faites par la CSI, dans une communication datée du 31 juillet 2012, à propos de violations des droits relatifs à la négociation collective et de nombreux cas de licenciements antisyndicaux. La commission note que la communication plus récente de la CSI contient des allégations similaires. Aucune réponse à ce sujet n’étant parvenue du gouvernement, la commission prie celui-ci de fournir ses observations sur les commentaires de la CSI restés sans réponse.
La commission prend note de l’adoption, le 11 juillet 2012, de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356), qui abroge la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.
Champ d’application de la convention. La commission note que, selon la définition du syndicat qui est donnée aux articles 2(1)(ğ) et 3 de la loi no 6356), il semble que tous les syndicats doivent être des organisations de secteur. La loi prévoit ainsi 20 secteurs. La commission prie le gouvernement d’indiquer si les travailleurs domestiques, qui semblent ne rentrer dans aucun des secteurs ainsi prévus, sont couverts par la nouvelle législation.
La commission note que les articles 17(5) et 19 de la loi no 6356 relative à l’appartenance syndicale introduisent une règle imposant la publication des formulaires de demande ou d’annulation de l’affiliation syndicale sur le portail électronique de l’Etat, ce qui semblerait avoir une incidence sur le droit des travailleurs de se syndiquer dans le cas où ce moyen ne leur est pas accessible, et susciter des difficultés aux travailleurs de l’économie informelle. La commission prie le gouvernement de donner des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que cet usage du portail électronique de l’Etat ne constitue pas un obstacle à l’exercice des droits garantis par la convention.
S’agissant du personnel civil des institutions militaires et des gardiens de prison, qui n’avaient pas le droit jusque-là de se syndiquer ni, par conséquent, celui d’être représentés dans les négociations, la commission note avec intérêt que le gouvernement indique que, par décision de la Cour constitutionnelle no 28705, les obstacles qui empêchaient jusque-là des fonctionnaires travaillant au ministère de la Défense et dans les forces armées turques d’être membres d’un syndicat ont été levés. La commission prie le gouvernement d’indiquer si les droits prévus par la convention sont reconnus aux gardiens de prison par effet de cette décision.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission note qu'en juin 2013 la Commission de la Conférence avait demandé que le gouvernement mette en place un système de collecte d’informations sur les actes de discrimination antisyndicale dans le secteur privé et fournisse des informations sur les mécanismes de plainte prévus au niveau national ainsi que toutes statistiques sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. La commission note que le gouvernement se réfère à des opérations programmées ou non programmées de l’inspection du travail (déclenchées sur plainte d’un travailleur, d’un syndicat, etc.). Si le nombre total de ces opérations d’inspection est établi, le gouvernement indique cependant que l’on ne dispose pas de statistiques détaillées sur l’objet des différentes plaintes. Compte tenu des allégations de la CSI mentionnées précédemment, la commission demande, comme l’a fait la Commission de la Conférence, que le gouvernement mette en place un système de collecte de données sur les actes de discrimination antisyndicale (dans les secteurs privé et public) et donne des informations sur les mesures concrètes prises à cet effet. Elle rappelle au gouvernement qu’il peut recourir à cette fin à l’assistance technique du Bureau.
S’agissant des procédures de plainte, le gouvernement se réfère à l’article 25 de la loi no 6356, qui décrit la protection assurée aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Elle prend note des préoccupations exprimées à propos de l’article 25(5) de la loi no 6356, par référence aux procédures prévues par la loi sur le travail no 4857, en ce que cette seconde loi, sous son article 18, semble ne protéger contre les licenciements antisyndicaux que les travailleurs employés par contrats à durée indéterminée par un établissement employant 30 travailleurs ou plus et, au surplus, seulement si les intéressés ont au moins six mois d’ancienneté. Le gouvernement indique dans son rapport que la nouvelle législation ne subordonne pas la réparation des actes de discrimination antisyndicale au nombre de travailleurs employés par l’entreprise. Il indique également que cette question est actuellement devant la Cour constitutionnelle, dont la décision aura un caractère contraignant. Voulant croire que tous les travailleurs seront effectivement couverts par cette nouvelle disposition, la commission prie le gouvernement de donner des informations sur cette décision lorsqu’elle aura été rendue.
S’agissant du portail électronique de l’Etat, la commission considère que des informations sur l’affiliation syndicale qui seraient accessibles à tous, y compris aux employeurs, pourraient poser un risque grave d’exposition à des représailles ou à une discrimination antisyndicale pour les membres du syndicat ou pour les travailleurs demandant leur adhésion, ce qui serait contraire à la convention. La commission prie le gouvernement d’étudier la possibilité de laisser la question de la publication de formulaires à la libre décision des travailleurs syndiqués concernés ou de prendre des mesures propres à garantir que les informations de cet ordre accessibles par le portail électronique de l’Etat ne soient pas publiques. Elle prie le gouvernement de faire rapport de manière détaillée sur la manière dont le système fonctionne et d’assurer que les noms des travailleurs syndiqués ne soient pas publiquement accessibles.
Article 4. Négociation collective. La commission note que l’article 34 de la loi no 6356 dispose qu’une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, ce qui s’avère limiter le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer librement comment et à quel niveau mener la négociation collective. La commission rappelle à cet égard qu’en vertu du principe de négociation collective libre et volontaire établi à l’article 4 de la convention la détermination du niveau de négociation est par essence une question qui doit être laissée à la discrétion des parties et, par voie de conséquence, le niveau de négociation ne saurait être imposé par la loi. De fait, des circonstances peuvent se présenter dans lesquelles les parties souhaitent négocier pour une multiplicité de secteurs par des accords régionaux ou nationaux. La commission prie en conséquence le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la portée de cette disposition soit réexaminée et d’étudier, en concertation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi de telle sorte que cet article cesse de restreindre les choix s’offrant aux parties. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
La commission note que l’article 35(2) de la loi dispose que la durée d’effet de la convention collective ne peut être ni prolongée ni raccourcie par les parties une fois que celles-ci l’ont conclue et qu’elles ne peuvent pas non plus y mettre fin avant cette échéance. La commission souligne que si les conventions collectives ne doivent pas être sujettes à une rupture ou, inversement, à une prolongation unilatérale les parties doivent cependant être libres de décider, d’un commun accord, d’en prolonger la durée d’effet ou, inversement, d’y mettre fin et d’en négocier une nouvelle. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette disposition soit révisée en consultation avec les partenaires sociaux et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que l’article 41(1) impose à un syndicat la règle suivante pour pouvoir être partenaire à la négociation collective: ce syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis progressivement 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail, et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise devant être couverts par la convention collective. La commission réitère sa remarque déjà ancienne selon laquelle une telle double condition peut susciter des obstacles à la négociation collective au niveau de l’entreprise, où un syndicat représentatif devrait pouvoir négocier une convention collective sans considération de sa représentativité au niveau sectoriel d’une manière générale. De plus, d’après les statistiques du taux de syndicalisation dans le pays (8,8 pour cent) communiquées par le gouvernement, la commission croit comprendre que le seuil ainsi fixé par la législation ne favorise pas la négociation collective, mais risque plutôt d’entraîner à la baisse le nombre des travailleurs couverts par des conventions collectives dans le pays. Elle note à ce propos les préoccupations exprimées par les syndicats dans leurs communications susmentionnées, qui déclarent que l’imposition stricte de seuils au niveau sectoriel aura pour effet d’écarter des processus de négociation collective un certain nombre de syndicats qui, jusque-là, pouvaient y participer au nom de leurs membres. La commission note que le gouvernement déclare que les seuils fixés résultent de négociations avec les partenaires sociaux, mais signale toutefois qu’il serait possible d’abaisser ces seuils en réévaluant les mécanismes de dialogue social si les partenaires sociaux en exprimaient la demande. La commission exprime le ferme espoir que les seuils prévus à l’article 41(1) de la loi seront révisés et abaissés, en consultation avec les partenaires sociaux. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Par ailleurs, la commission note qu’en vertu de l’article 42(3) lorsqu’il s’avère qu’aucun syndicat de travailleurs ne répond aux conditions d’habilitation à la négociation collective, ce fait est notifié à toute partie ayant fait une demande d’attribution de telles compétences. On ne peut ainsi déterminer clairement quel syndicat, s’il en est, serait habilité à négocier collectivement si les conditions d’attribution de compétences n’étaient pas satisfaites, considérant que l’article 45(1) dispose qu’une convention collective conclue sans un document d’autorisation est nulle et non avenue. La commission rappelle à cet égard que, lorsqu'aucun syndicat ne satisfait aux seuils fixés, le droit de négocier collectivement, du moins au nom de leurs propres membres, devrait être reconnu à tous les syndicats. A la lumière de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces articles soient modifiés, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que les articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) disposent comme précisé ci-après pour les cas dans lesquels le certificat de compétences pour négocier peut être retiré par les autorités: l’autre partie n’a pas été invitée à engager les négociations dans un délai de quinze jours à compter de la réception du certificat de compétences; non-participation à la première réunion de négociation collective ou absence d’ouverture de négociation collective dans les trente jours qui suivent la date de l’appel à la négociation; défaut de notification d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; absence de saisine du haut conseil d’arbitrage; omission de toute décision relative à la grève et/ou de déclenchement de la grève conformément aux prescriptions légales; inexistence d’un accord à l’échéance du report de la grève. En outre, conformément à l’article 60, une décision relative à la grève peut être prise dans les soixante jours qui suivent la date de la notification du différent et peut être mise en œuvre dans ce délai. Si aucune décision n’a été prise quant à la grève, le certificat de compétences devient nul. A propos de ces articles, d’une manière générale, la commission considère qu’une telle intervention (le retrait de l’habilitation à négocier) des autorités est de nature à entraver plutôt que promouvoir la négociation collective et est ainsi contraire à la convention. Elle considère en outre que, plutôt que de décider de faire grève ou non, les parties devraient être à même de poursuivre les négociations après la notification du différent. La commission prie le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour que ces dispositions soient modifiées afin d’être conformes à la convention et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que, conformément à l’article 50(1) de la loi, un médiateur est choisi sur une liste officielle, avec la participation d’au moins une des parties, ou par l’autorité compétente. La commission rappelle que, pour donner pleinement effet au principe d’une négociation libre et volontaire, il faut que les instances désignées par les parties pour le règlement du différent soient indépendantes et jouissent de la confiance de toutes les parties concernées. La commission prie en conséquence le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette disposition soit modifiée, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à assurer le respect de ce principe. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Négociation collective dans la fonction publique. La commission rappelle que, à propos de la loi no 4688 dans sa teneur modifiée, elle a demandé au gouvernement de veiller à ce que: i) l’employeur direct participe, aux côtés des autorités financières, à des négociations authentiques avec les syndicats représentant ceux des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat; ii) la négociation collective entre les parties ait un rôle significatif. Elle avait en outre rappelé qu’une autre difficulté à surmonter afin qu’une négociation collective libre et volontaire puisse avoir cours dans le secteur public était la reconnaissance du droit de se syndiquer à un large éventail de catégories de salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cette fin.
La commission prie une fois de plus le gouvernement de communiquer copie de la loi de février 2011 prévoyant une prime de convention collective pour les membres des syndicats de fonctionnaires ainsi que le texte ayant abrogé une disposition critiquée concernant le personnel contractuel dans le secteur public.
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