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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Peru (RATIFICATION: 1960)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Peru (RATIFICATION: 2021)

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La commission prend note du rapport du gouvernement qui contient des informations et des réponses très détaillées à ses précédents commentaires, ainsi que des observations communiquées par la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) sur l’application de la convention, qui ont été transmises au gouvernement en septembre 2011.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Remarques préliminaires. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté les différentes mesures prises par le gouvernement pour renforcer son cadre institutionnel et législatif de lutte contre différentes formes de travail forcé existant au Pérou: pratiques analogues à l’esclavage et servitude pour dettes des populations indigènes, traite des personnes et exploitation des travailleuses domestiques. Elle a noté en particulier l’approbation du Plan national de lutte contre le travail forcé et la création de la Commission nationale pour la lutte contre le travail forcé (CNLTF) ainsi que de différentes institutions spécialisées dans le travail forcé au sein notamment de l’inspection du travail et de la police. Elle a demandé au gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre des différents volets du plan d’action.
La commission relève que, dans ses observations, la CUT souligne que le Pérou a fait des progrès dans la lutte contre le travail forcé en renforçant son cadre légal et institutionnel mais il reste beaucoup à faire pour éradiquer du territoire toutes les formes de travail forcé. Le pays ne dispose pas d’estimations statistiques sur le phénomène si ce n’est les chiffres émanant des autorités qui reçoivent les plaintes qui ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. A titre d’illustration, la CUT décrit en détail le processus qui conduit à l’imposition de travail forcé dans deux situations concrètes dans la région de Madre de Dios: la première concerne les paysans provenant de régions très pauvres des Andes qui se retrouvent victimes de traite et de servitude pour dettes dans les mines aurifères et la seconde concerne les communautés indigènes dans le secteur de la coupe du bois. La CUT se réfère également à la récolte de châtaignes et souligne que le dénominateur commun de l’imposition de ces pratiques est la pauvreté et la présence limitée de l’Etat.
1. Lutte contre le travail forcé, en particulier des communautés indigènes. a) Plan national de lutte contre le travail forcé (PNLCTF). La commission note que le PNLCTF a été actualisé suite à l’adoption d’un plan opérationnel pour la période 2012-13 qui couvre six volets d’actions prioritaires. Elle relève également que la CNLTF a élaboré un projet de nouveau plan national qui fait actuellement l’objet d’un processus de consultations aux niveaux national et régional. Ce plan, qui couvre la période 2013-2017 et fixe des objectifs concrets et des indicateurs de la mise en œuvre de ses différents volets, offrira un cadre global et interinstitutionnel de lutte contre le travail forcé. La commission espère que le nouveau plan national (2013-2017) pourra être adopté très prochainement et que, dans le cadre du processus de consultation, il sera dûment tenu compte des obstacles ayant empêché la mise en œuvre effective de certaines mesures prévues dans le PNLCTF actuellement en vigueur. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout rapport d’évaluation de la mise en œuvre du plan opérationnel 2012-13. La commission prie également le gouvernement de s’assurer que ce plan sera accompagné du financement nécessaire à sa mise en œuvre tant au niveau national que régional. Dans ce contexte, la commission relève, d’après le plan opérationnel 2012-13 que l’une des priorités est d’impulser la mise en place de commissions régionales de lutte contre le travail forcé et de leur apporter un appui technique sur les plans conceptuel, normatif et opérationnel afin de leur permettre de diagnostiquer le travail forcé et d’élaborer des plans de lutte régionaux. Elle se félicite à cet égard de la création d’une commission régionale pour la région d’Ucayali. Considérant qu’il est essentiel de renforcer la présence de l’Etat dans les régions ou la prévalence du travail forcé est forte, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour permettre la création et le bon fonctionnement des commissions régionales pour la lutte contre le travail forcé.
b) Mesures législatives. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné la nécessité de compléter la législation nationale en adoptant une disposition pénale qui incrimine spécifiquement le travail forcé et en définit les éléments constitutifs de manière à couvrir l’ensemble des pratiques de travail forcé qui existent dans le pays. Elle note, d’après les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, que la proposition de modification du Code pénal élaborée par le ministère du Travail, qui visait à incriminer le travail forcé, n’a pas aboutie compte tenu du fait que le bureau général du conseil juridique du ministère de la Justice considère que le thème du travail forcé est déjà couvert par les dispositions de l’article 153 du Code pénal qui incriminent la traite des personnes. La commission relève que la Direction générale des droits fondamentaux et de la sécurité et santé du ministère du Travail ne partage pas cet avis et a élaboré un nouveau projet qui doit être soumis directement au ministère de la Justice. La commission note par ailleurs que, dans ses observations, la CUT insiste pour que la législation interdise le travail forcé et notamment tout type de relation de travail qui implique le paiement d’une dette par le travail et conduit à la servitude pour dettes. Le syndicat souligne également que certains éléments qui entrent dans le processus d’imposition de travail forcé des communautés indigènes dans la coupe du bois doivent faire l’objet de réglementation.
La commission rappelle à cet égard que le travail forcé, tel que défini par la convention, est une notion plus vaste que la traite des personnes et il importe, compte tenu notamment du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, que les juridictions nationales disposent de normes précises. Par ailleurs, les spécificités du mode opératoire de la traite des personnes ne se retrouvent pas automatiquement dans les autres formes de travail forcé, et notamment la servitude pour dettes ou certaines formes d’exploitation au travail des communautés indigènes. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la proposition législative du ministère du Travail d’inclure dans le Code pénal l’infraction de travail forcé en tant que délit autonome permettant de réprimer toutes les formes de travail forcé et prévoir les sanctions adaptées à la gravité des faits, puisse être adoptée dans les plus brefs délais, comme cela est prévu dans le plan opérationnel 2012-13 du PNLCTF.
Se référant à sa précédente observation, la commission note qu’un projet de modification de la réglementation concernant l’enregistrement des agences privées de placement a été élaboré qui prévoit notamment d’annuler l’inscription au Registre national des entreprises qui auraient participé, permis, ou seraient intervenues dans la réalisation des délits de traite des personnes ou travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’état d’avancement de ce projet.
c) Diagnostic. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement se réfère à différentes initiatives de la Direction générale des droits fondamentaux et de la sécurité et santé du ministère du Travail demandant à certains ministères, autorités chargées de recevoir les plaintes et autorités régionales des informations sur les zones et lieux où sévissent des pratiques de travail forcé en vue de leur compilation et analyse. Certaines de ces données ont déjà été transmises à l’inspection du travail afin qu’elle définisse une campagne d’inspection. La commission relève que le plan opérationnel 2012-13 consacre un volet à l’obtention d’informations sur le travail forcé et la réalisation d’un diagnostic de la situation. La commission considère que l’obtention de données fiables sur l’ampleur et les caractéristiques des différentes pratiques de travail forcé existantes est essentielle et constitue un préalable indispensable à la planification des interventions publiques et à leur réussite. La commission encourage vivement le gouvernement à mener une étude qualitative et quantitative qui complétera les informations déjà disponibles sur les différentes pratiques de travail forcé de manière à pouvoir s’assurer que les mesures prévues dans le cadre du plan national ciblent l’ensemble des populations et des régions concernées et, le cas échéant, pouvoir les réorienter.
d) Inspection du travail. Se référant à la création du Groupe spécial de l’inspection du travail contre le travail forcé (GEIT), la commission a considéré que la spécialisation d’un groupe d’inspecteurs dans la lutte contre le travail forcé constituait un élément positif. Elle a toutefois relevé avec préoccupation que le GEIT ne semblait pas disposer des ressources financières pour mener à bien ses missions et a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à cet égard. La commission note que le gouvernement se réfère au renforcement de l’inspection du travail par l’intégration de 46 nouveaux inspecteurs auxiliaires et au transfert d’inspecteurs du travail vers les régions pour renforcer les moyens d’action des gouvernements régionaux à cet égard. La commission note les statistiques fournies sur les visites d’inspection menées dans le domaine du travail forcé et observe que ces visites se sont concentrées sur deux régions, Lima et Madre de Dios, et que sur 64 visites menées entre 2007 et 2010 aucune n’a débouché sur l’identification de travailleurs en situation de travail forcé. Le gouvernement confirme à cet égard qu’aucune amende n’a été imposée sur la base de l’article 25 du règlement d’application de la loi générale de l’inspection du travail (décret suprême no 019-2006-TR), en vertu duquel le travail forcé, rétribué ou non, ainsi que la traite ou la captation de personnes à cette fin constituent des infractions très graves en matière de relations de travail et sont passibles d’une sanction administrative (amende).
La commission exprime sa préoccupation par l’absence d’informations sur les activités menées par le GEIT et sur les mesures prises par le gouvernement pour renforcer sa capacité d’action ainsi que par le fait qu’aucune infraction n’a pu être constatée. Ceci compte tenu du fait que des études ont permis d’identifier certaines régions où prévalent les pratiques de travail forcé ainsi que les processus d’imposition de ces pratiques. La commission relève que le plan opérationnel 2012-13 prévoit de «réactiver et renforcer le GEIT» en soulignant qu’il est nécessaire d’évaluer «les problèmes actuels du GEIT», de promouvoir des actions visant à renforcer sa capacité de mobilité sur le territoire en ciblant les régions de prévalence et en le dotant des ressources suffisantes. La commission rappelle le rôle essentiel que joue l’inspection du travail dans la lutte contre le travail forcé. Les visites d’inspection menées par le GEIT devraient non seulement permettre d’identifier les travailleurs victimes de travail forcé et les libérer de ces situations, mais également de disposer des éléments de preuve qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures pour mettre à la disposition du GEIT du personnel et des ressources matérielles adéquates pour mener à bien ses missions sur l’ensemble du territoire national. Prière de préciser le nombre d’inspections menées, les situations de travail forcé identifiées et les suites judiciaires données aux infractions constatées.
e) Sensibilisation et prévention. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement au sujet des nombreuses activités de sensibilisation et de formation sur la problématique du travail forcé, menées tant par le ministère du Travail que par les autres ministères compétents dans la lutte contre le travail forcé. La commission relève en particulier qu’une grande partie de ces activités a ciblé les communautés indigènes ainsi que les autorités directement en charge de l’identification et de la répression des pratiques de travail forcé telles que l’inspection du travail ou la police. La commission encourage le gouvernement à continuer de développer les actions de sensibilisation de la population dans son ensemble et des catégories à risques ainsi que des activités de formation des autorités publiques en charge de la lutte contre le travail forcé.
2. Travail domestique dans des conditions de travail forcé. Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend bonne note des mesures prises pour renforcer la protection des travailleuses domestiques et en particulier les activités destinées à sensibiliser ces travailleuses à leurs droits. La commission note également que le ministère de la Femme et du Développement social élabore un projet de loi visant à modifier la loi sur les travailleuses domestiques en vue de renforcer leurs droits et notamment leur garantir le droit à un contrat écrit, un temps de travail limité et une rémunération correspondant au salaire minimum vital. La commission espère que ce projet de loi pourra être adopté prochainement de manière à renforcer le régime juridique applicable aux travailleurs domestiques. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises, dans le cadre du plan national de lutte contre le travail forcé, pour protéger cette catégorie de travailleurs contre l’imposition de pratiques qui relèvent du travail forcé, leur apporter une assistance et leur permettre de faire valoir leurs droits et de dénoncer tout abus dont elles seraient victimes auprès des autorités compétentes.
3. Traite des personnes. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes dans le cadre des activités menées et coordonnées par le Groupe de travail multisectoriel permanent contre la traitre des personnes (GTMPTP) en ce qui concerne en particulier la prévention, la formation et la protection des victimes ainsi que celles menées par la division de la lutte contre la traite des personnes établie au sein de la Direction de l’investigation criminelle de la police nationale. La commission note en particulier que la ligne téléphonique concernant la traite des personnes accessible, 24 heures sur 24, reçoit un nombre important d’appels (1 268 en 2010 et 1 024 en 2011) et que, dans le cadre de ces appels, les professionnels qui prodiguent assistance et conseil aux victimes ont pu transmettre un certain nombre de plaintes aux autorités compétentes, qui ont fait l’objet d’enquêtes et de procédures judiciaires (31 en 2010 et 36 en 2011). En outre, grâce au système d’enregistrement des statistiques du délit de traite des personnes et délits assimilés (RETA), qui compile les données sur les plaintes, enquêtes policières, lieux, faits et victimes de la traite, des contrôles et des activités de formation ont pu être menés de manière ciblée. Enfin, il ressort des chiffres de l’Observatoire de la criminalité au sujet des 228 plaintes déposées pour le délit de traite des personnes que, sur les 396 victimes concernées, la majorité sont des mineurs (65,3 pour cent), de sexe féminin (81,6 pour cent) et de nationalité péruvienne (92,4 pour cent).
Notant que les informations détaillées et complètes communiquées par le gouvernement sur les mesures qu’il prend pour lutter contre la traite des personnes témoignent de son engagement à combattre ce fléau, la commission l’encourage à poursuivre sur cette voie et le prie de continuer à fournir des informations à cet égard. La commission souhaiterait que le gouvernement indique la manière dont les activités menées pour lutter contre la traite des personnes se coordonnent avec celles menées dans le cadre du plan national de lutte contre le travail forcé, ainsi que les mesures prises pour renforcer la collaboration entre les différentes institutions chargées de lutter contre les différentes pratiques de travail forcé au sein notamment de l’inspection du travail et des autorités de police et de poursuite.
Article 25. Sanctions pénales efficaces et strictement appliquées. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné que les pratiques de travail forcé au Pérou prennent différentes formes (pratiques analogues à l’esclavage ou servitude pour dettes des populations indigènes, traite des personnes, exploitation des travailleurs domestiques) et que l’absence de dispositions pénales spécifiques réprimant et sanctionnant le travail forcé semblait faire obstacle à l’initiation de poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de ces pratiques. Ceci à l’exception de la traite des personnes dont les éléments constitutifs sont précisément définis aux articles 153 et 153A du Code pénal. A cet égard, la commission relève avec intérêt, d’après les informations communiquées par le gouvernement, qu’un nombre important de procédures judiciaires ont été engagées dans les affaires de traite des personnes et des sanctions pénales ont pu être prononcées à l’encontre des auteurs. Tel n’est pas le cas des autres formes de travail forcé dont les auteurs ne semblent pas être sanctionnés. Dans ces circonstances, la commission se réfère à ses commentaires ci-dessus sur la nécessité de compléter la législation pénale de manière à incriminer spécifiquement le travail forcé et à en définir les éléments constitutifs de telle sorte que les autorités de police et de poursuite puissent disposer d’une base légale qui leur permette de mener les enquêtes adéquates et initier des procédures judiciaires contre les auteurs des différentes formes de travail forcé existant au Pérou. A cet égard, la commission rappelle que, pour faire reculer le travail forcé, il est indispensable que les auteurs de ces pratiques se voient infliger des sanctions pénales suffisamment dissuasives, conformément à l’article 25 de la convention. S’agissant de la traite des personnes, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application pratique des articles 153 et 153A du Code pénal.
La commission encourage le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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