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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Argentina (RATIFICATION: 1950)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Argentina (RATIFICATION: 2016)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné que la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle appelle une action énergique, efficace et proportionnelle à la gravité et à l’ampleur de ce phénomène et a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éradiquer cette pratique, qui constitue une grave violation de la convention. Elle s’est référée à cet égard aux observations reçues de la part de plusieurs organisations syndicales nationales et de la Confédération syndicale internationale (CSI), ainsi qu’à un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), faisant état de situations concrètes de traite des personnes desquelles il ressort que l’Argentine est un pays de destination, de transit et de départ; des femmes et des jeunes filles originaires de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil sont victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle; des femmes et des jeunes filles argentines, pour la plupart originaires des provinces de Misiones, Tucumán, La Rioja, Chaco et Buenos Aires, sont également soumises à une exploitation sexuelle à l’étranger, principalement en Espagne et au Brésil, y compris à travers des enlèvements perpétrés par des gangs; et, enfin, des travailleurs migrants venant majoritairement de l’Etat plurinational de Bolivie sont victimes de traite dans le secteur du textile et de l’habillement.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport et ses annexes, des observations formulées par la Confédération générale des travailleurs (CGT-RA) sur l’application de la convention, reçues en novembre 2010, ainsi que du rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, de mai 2011, suite à sa visite en Argentine en septembre 2010 (A/HRC/17/35/Add.4). La commission se propose d’analyser l’ensemble de ces informations en examinant le cadre juridique et institutionnel, les sanctions imposées et la protection accordée aux victimes.
a) Cadre juridique et institutionnel. La commission rappelle que la loi no 26.364 du 9 avril 2008 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et l’assistance aux victimes définit de manière détaillée les éléments constitutifs de la traite des personnes, tant à des fins d’exploitation de leur travail que d’exploitation sexuelle, et prévoit des peines de prison pour les auteurs de ce crime allant de trois à six ans (peines alourdies lorsque les victimes sont mineures). La commission a eu connaissance à cet égard qu’un projet de loi visant à modifier la loi de 2008 est en discussion. Ce projet viserait entre autres à augmenter les peines, rendre inopérant le consentement de la victime pour la qualification du crime de traite, étendre la protection des victimes et améliorer la coopération entre les différents acteurs de la lutte contre la traite. La commission espère que le projet visant à modifier la loi sur la prévention et la répression de la traite des personnes pourra être prochainement adopté et prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur la manière dont il contribuera à renforcer la lutte contre la traite des personnes.
Action du ministère public. La commission observe que, dans la mesure où le crime de traite des personnes relève de la compétence des juridictions fédérales, le ministère public de la Nation joue un rôle fondamental dans la répression de cette infraction. Elle note à cet égard les informations communiquées par le gouvernement sur l’action menée par le ministère public de la Nation comme, par exemple, la rédaction d’une publication en collaboration avec l’OIM contenant des outils pour réprimer le délit et protéger les victimes et, en particulier, des documents répertoriant les interprétations juridiques de la notion de «traite des personnes» et des infractions connexes. La commission note également les actions menées par l’Unité du ministère public de la Nation chargée de l’assistance aux victimes d’enlèvement à des fins de rançon et de traite des personnes (UFASE) dont le rôle est d’assister les différents ministères publics du pays. Cette assistance se fait à la demande des procureurs et couvre les stades de l’instruction, de la préparation du procès ou des audiences. L’UFASE coordonne également les activités de formation et a en charge la création d’une base de données sur les enlèvements et la traite des personnes. La commission relève que cette unité publie un rapport annuel qui sert notamment de base au Procureur général de la Nation pour adopter des résolutions visant à surmonter les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités chargées des poursuites. Par exemple, ont été adoptées la résolution PGN-39-10 qui contient des recommandations aux ministères publics afin qu’ils initient et mènent des enquêtes approfondies dans les affaires de proxénétisme pour s’assurer qu’il n’y a pas de traite des personnes, ainsi que la résolution PGN-46-11 établissant un guide des procédures et critères pour identifier et instruire les affaires de traite aux fins d’exploitation du travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises en vue de surmonter les difficultés soulignées par l’UFASE dans ses rapports annuels en ce qui concerne l’identification des situations de traite des personnes, tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation de leur travail et l’initiation de poursuites judiciaires au niveau fédéral.
Action des forces de police et allégations de corruption. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les enquêtes menées et les mesures prises suite aux allégations de corruption au sein des forces de police et de participation directe de fonctionnaires de ce corps à des activités criminelles liées à la traite des personnes. Le gouvernement s’était référé à la création d’unités spécifiques au sein des quatre corps de sécurité nationale, qui ont pour fonction de mener les actions visant à prévenir et à enquêter sur le crime de traite des personnes, et de développer un service de renseignements (résolution no 1679/2008). La commission a souhaité savoir dans quelle mesure la création de ces unités spécifiques a permis de combattre le phénomène de la corruption des forces de police et de la participation des fonctionnaires aux activités liées à la traite des personnes.
La commission relève à cet égard que ce problème a également été souligné par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies qui, dans son rapport cité ci-dessus, évoque la question sensible de la corruption de la police et de certains membres des autres forces de sécurité directement impliqués dans la mise en œuvre des mesures de lutte contre la traite prises par le gouvernement, surtout au niveau provincial. Selon ce rapport, ces agents reçoivent des pots-de-vin et sont complices avec les trafiquants, qui sont ainsi en mesure d’échapper à une arrestation et à des poursuites judiciaires. La rapporteuse recommande au gouvernement d’adopter une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la corruption et de s’assurer que les fonctionnaires impliqués dans le crime de la traite sont poursuivis et sévèrement punis.
La commission rappelle que les victimes de la traite se trouvent dans une situation de vulnérabilité dans laquelle il leur est particulièrement difficile de faire valoir leurs droits. Il est, par conséquent, indispensable que les forces de l’ordre soient adéquatement formées à la problématique de la traite des personnes afin de pouvoir identifier les victimes, d’une part, et que les victimes se sentent en confiance quand elles font appel aux autorités de police et de poursuite, d’autre part. La commission demande donc au gouvernement de s’assurer que des enquêtes sont dûment diligentées dans les cas de corruption et de complicité des agents de la force publique, et que des sanctions appropriées leur sont infligées. Prière également de continuer de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer les capacités de ces autorités dans le domaine de l’identification du crime de traite des personnes et de ses victimes.
Action de l’inspection du travail. S’agissant du travail forcé imposé aux travailleurs migrants boliviens victimes de traite dans le secteur du textile et de l’habillement, la commission avait souligné le nombre élevé d’ateliers clandestins et demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, et en particulier pour renforcer l’inspection du travail. Dans son dernier rapport, le gouvernement communique des données de l’inspection du travail relatives aux nombres d’inspections menées dans les ateliers clandestins de confection textile pour les années 2005-2010, en précisant le pourcentage de travailleurs non déclarés (chiffre qui varie de 17,6 pour cent à 37,27 pour cent). L’inspection du travail précise que, suite à ces inspections, un certain nombre d’ateliers ou d’établissements ont été fermés et des plaintes judiciaires ont été déposées. La commission prend dûment note de ces informations. Rappelant que l’inspection du travail constitue un maillon essentiel de la lutte contre la traite des personnes aux fins de l’exploitation de leur travail, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les activités menées par l’inspection du travail, ainsi que sur les mesures prises pour s’assurer que l’inspection du travail dispose des capacités humaines et matérielles adéquates pour mener ses actions de manière efficace sur l’ensemble du territoire. La commission prie en outre le gouvernement d’indiquer la manière dont les cas de travail forcé des travailleurs migrants sont traités par l’inspection du travail et comment l’inspection coopère avec le ministère public de la Nation afin que les infractions constatées donnent lieu à des poursuites judiciaires.
b) Article 25. Application de sanctions pénales efficaces. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que, entre avril 2008 (date d’entrée en vigueur de la loi) et fin juillet 2010, 590 perquisitions ont été effectuées, 583 personnes ont été arrêtées et 921 victimes ont été secourues. Dix procédures judiciaires ont ainsi pu être menées à leur terme avec la condamnation de 15 personnes à des peines de prison allant de 4 à 15 ans pour traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle. A cet égard, la commission prend note des deux décisions de justice communiquées par le gouvernement et relève avec intérêt les éléments pris en compte par les juges pour qualifier la «situation de vulnérabilité» dans laquelle se trouvent les victimes et ainsi invalider le consentement donné. Par ailleurs, la commission observe que, pendant la période 2008-2010, aucun cas de traite des personnes en vue de l’exploitation du travail n’a été jugé. D’après le site de l’UFASE, la première condamnation pour traite des personnes aux fins d’exploitation du travail a été prononcée en août 2011 par le tribunal pénal fédéral de San Martín. Il semble donc que la réunion des preuves pour traduire en justice des auteurs de ce crime est encore plus difficile lorsque la traite des personnes a pour finalité l’exploitation du travail. En outre, d’après les statistiques du gouvernement, le nombre total de condamnations pour le crime de traite des personnes reste assez limité si on le compare au nombre de victimes secourues et de personnes arrêtées. La commission attire l’attention du gouvernement sur l’importance d’infliger aux personnes qui exploitent le travail d’autrui des peines de prison revêtant un caractère suffisamment dissuasif, et elle espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement pourra faire état de nouvelles procédures judiciaires ayant abouti à des condamnations adéquates.
c) Assistance aux victimes. La commission relève qu’en 2008 le Bureau de secours et d’accompagnement des victimes de la traite des personnes a été créé. Le gouvernement indique que ce bureau centralise les activités liées à la prévention, la répression et l’accompagnement et l’assistance psychologique, médicale et juridique des victimes, et qu’une antenne a été établie dans la province de Salta. La commission souhaiterait que le gouvernement communique davantage d’informations sur les activités menées par ce bureau en ce qui concerne l’identification et la protection des victimes (nombre de centres d’accueil, accompagnement et réinsertion des victimes) et sur les mesures prises pour continuer d’étendre la capacité d’intervention de ce bureau à l’ensemble du territoire national. Prière également d’indiquer les mesures prises pour assister juridiquement les victimes de manière à ce qu’elles puissent faire valoir leurs droits et être indemnisées du préjudice matériel et moral subi.
Il ressort des développements qui précèdent que les nombreuses mesures prises par le gouvernement en vue de renforcer son cadre juridique et institutionnel pour combattre la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle témoignent de son engagement dans ce domaine. La commission invite le gouvernement à poursuivre sur cette voie et souhaiterait qu’il indique les mesures prises pour renforcer la coordination entre l’action des différents acteurs, qui participent à la lutte contre la traite des personnes – notamment l’inspection du travail et le ministère public de la Nation –, ainsi que la coordination entre l’Etat, les provinces et les municipalités, compte tenu notamment du fait que le crime de traite relève de la compétence des juridictions fédérales.
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