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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission note avec satisfaction l’adoption de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants. Elle note que l’article 4 interdit les pires formes de travail des enfants, lesquelles sont définies en conformité avec cette disposition de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010, en communiquant, notamment des statistiques sur le nombre et la nature des infractions signalées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées.
Alinéa a). Vente et traite d’enfants. La commission a précédemment noté que les articles 370 et 371 du Code pénal incriminent l’enlèvement des mineurs. Elle a cependant relevé que, selon une étude de l’OIT/IPEC/LUTRENA de 2005 intitulée «La traite des enfants aux fins d’exploitation de leur travail dans le secteur informel à Abidjan – Côte d’Ivoire», ces dispositions sont inadéquates pour lutter contre la traite des enfants aux fins d’exploitation économique, dans la mesure où elles ne visent que les cas d’enlèvement de mineurs alors que la traite interne ou transfrontalière d’enfants en Côte d’Ivoire s’appuie sur les réseaux traditionnels de placement d’enfants et s’effectue par conséquent avec l’accord des parents ou des personnes ayant la garde des enfants.
A cet égard, la commission note que les articles 21 et 22 de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010 prévoient des peines pouvant aller de dix à vingt ans d’emprisonnement. Elle observe également que, conformément aux articles 2 et 3, cette loi s’applique à l’égard de tous les enfants de moins de 18 ans résidant ou séjournant sur le territoire de la Côte d’Ivoire.
Elle note que, d’après le rapport intitulé «Rapport 2010 sur la traite des personnes – Côte d’Ivoire» (rapport sur la traite des personnes) publié sur le site Internet du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (www.unhcr.org), la Côte d’Ivoire est principalement un pays de destination de la traite des femmes et des enfants. La traite à l’intérieur du pays est davantage répandue et s’exerce principalement de la région nord du pays à la région plus prospère du sud. La grande majorité des garçons victimes de la traite sont originaires du Ghana, du Mali, du Burkina Faso, du Bénin et du Togo et sont exploités dans le secteur agricole, notamment dans les plantations de cacao. Des filles originaires du Ghana et du Nigéria sont également exploitées comme domestiques ainsi qu’à des fins de prostitution. Tout en prenant bonne note des nouvelles dispositions législatives qui interdisent et sanctionnent la vente et la traite des enfants, la commission constate que cette pire forme de travail est un problème dans la pratique. Rappelant que, en vertu de l’article 3 a) de la convention, la vente et la traite d’enfants de moins de 18 ans à des fins d’exploitation économique ou sexuelle constituent l’une des pires formes de travail des enfants et que, en vertu de l’article 1, des mesures immédiates et efficaces doivent être prises de toute urgence pour assurer l’interdiction et l’élimination de cette pire forme de travail des enfants, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer, dans la pratique, la protection des enfants de moins de 18 ans contre la vente et la traite, conformément à la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010.
Article 3 d) et article 4, paragraphe 1. Travaux dangereux. Mines d’or. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le travail des enfants dans les mines est l’un des 20 types de travail dangereux compris à l’article 1 de l’arrêté no 2250 du 14 mars 2005 et est interdit aux enfants de moins de 18 ans. Elle a constaté que, bien que la législation soit conforme à la convention sur ce point, le travail des enfants dans les mines est un problème dans la pratique.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle de nombreuses sociétés multinationales s’installent dans ce secteur d’activité et sont titulaires d’un cahier des charges rédigé par le ministère en charge des questions des mines et de l’énergie qui interdit l’utilisation de la main-d’œuvre infantile. D’après le gouvernement, ces sociétés n’emploient pas d’enfants. Le rapport du gouvernement indique cependant que l’exploitation du travail des enfants a été constatée sur des sites miniers concédés à des particuliers. Elle note également que le gouvernement et ses partenaires au développement ont mené des campagnes de sensibilisation en attendant l’application de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010. A cet égard, la commission observe que, en vertu de l’article 19 de ladite loi, les personnes qui ont l’autorité ou la charge d’un enfant et qui le font ou le laissent sciemment exécuter des travaux dangereux peuvent encourir une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour mettre fin à la pratique du travail des enfants dans les mines, conformément à l’interdiction portée dans sa législation.
Articles 5 et 7, paragraphe 1, de la convention. Mécanismes de surveillance et sanctions. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que 14 trafiquants d’enfants ont été arrêtés et incarcérés en 2008, et avait par conséquent prié le gouvernement de communiquer les décisions de justice prononcées à leur égard.
La commission note les indications du gouvernement selon lesquelles les condamnations des 14 trafiquants d’enfants arrêtés et incarcérés en 2008 n’ont pas encore été prononcées. Elle note également les informations du gouvernement selon lesquelles la Sous-direction de la lutte contre le trafic d’enfants et de la délinquance juvénile de la police nationale a organisé plusieurs ateliers et séminaires de formation entre 2006 et 2009 dans le but de renforcer les capacités techniques des agents et officiers des forces de défense et de sécurité en matière de lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants. D’après le rapport du gouvernement, l’objectif majeur visé par ces actions est de leur permettre d’être plus efficaces dans l’identification des enfants victimes de la traite et des pires formes de travail. La commission note ainsi que, entre juin 2006 et juin 2009, les services de la police nationale ont identifié et intercepté 321 enfants victimes de la traite, dont 124 cas de traite transfrontalière.
Toutefois, la commission note que, d’après le rapport sur la traite des personnes, la police ivoirienne démontre une faible compréhension devant le phénomène de la traite des enfants. Lors de contrôle dans des maisons closes, les agents tendent à considérer les enfants qui y travaillent comme des prostitués volontaires plutôt que comme des victimes potentielles de la traite. En outre, aucune formation visant à renforcer les capacités des agents et officiers des forces de l’ordre et de l’immigration pour l’identification et le traitement des victimes de la traite n’aurait été constatée sur la période concernée par le rapport. Par ailleurs, le rapport indique également que seule une personne aurait été condamnée pour s’être livrée à la traite d’enfants. Il s’agit d’une femme d’origine nigériane, condamnée en mai 2009 à une peine de trois ans d’emprisonnement par la cour de Daloa pour avoir exploité deux jeunes filles à des fins de prostitution. En outre, le rapport indique également qu’à deux reprises, en février et en juin 2009, des trafiquants d’enfants interceptés par les forces de police ont réussi à prendre la fuite en échappant ainsi à toute condamnation. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts afin de s’assurer que les personnes qui se livrent à la vente et à la traite d’enfants de moins de 18 ans sont poursuivies, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées, en application de la loi no 2010-272 du 30 septembre 2010. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des contrevenants soient menées à leur terme, notamment en renforçant les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi. Elle prie le gouvernement de communiquer les décisions de justice qui seront prononcées contre les trafiquants incarcérés en 2008, de même que la décision prononcée en mai 2009 par la cour de Daloa.
Article 6, paragraphe 1. Programmes d’action en vue d’éliminer les pires formes de travail des enfants. Plan national d’action contre la traite et les pires formes de travail des enfants. La commission note les informations du gouvernement communiquées dans son rapport au titre de la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, selon lesquelles un Plan national d’action (2007-2009) contre la traite et les pires formes de travail des enfants (plan national d’action) a été adopté en 2007. Ce plan national d’action a pour but la réduction de l’incidence et, à terme, l’éradication de la traite et autres pires formes de travail des enfants en Côte d’Ivoire. Il s’articule autour de cinq axes d’intervention stratégiques qui visent notamment le renforcement des activités de prévention et le retrait, la réinsertion ou le rapatriement des enfants victimes de la traite et autres pires formes de travail, ainsi que le renforcement des capacités humaines, matérielles et structurelles des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de ce plan d’action. La commission note cependant l’indication du gouvernement selon laquelle très peu d’actions ont été menées en lien direct avec le plan national d’action jusqu’à présent en raison d’un manque de financement. De plus, la majorité des actions mises en œuvre adressant la question de la traite et du travail des enfants se sont focalisées sur le secteur cacaoyer, avec notamment la mise en place d’un système de suivi du travail des enfants dans les plantations de cacao (SSTE), qui couvre plusieurs départements administratifs de la zone de production. La commission observe enfin que, d’après le document stratégique du plan national d’action, la phase I du plan qui devait initialement durer dix-huit mois n’a toujours pas abouti et que l’échéancier des actions prévues n’a pas été respecté. La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces afin d’assurer la mise en œuvre effective du plan national d’action. Elle prie le gouvernement de continuer de communiquer des informations sur sa mise en œuvre, en indiquant les actions entreprises ainsi que les résultats obtenus, notamment en ce qui concerne le nombre d’enfants travaillant dans le secteur cacaoyer effectivement retirés des plantations de cacao, ainsi que sur les mesures de réadaptation et d’intégration sociale prises à l’égard de ces enfants.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa b). Soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Vente et traite d’enfants. Se référant à ses précédents commentaires, la commission note avec intérêt les informations du gouvernement selon lesquelles, dans le cadre de la mise en œuvre du projet LUTRENA de l’OIT/IPEC, les mesures prises ont permis le retrait et la scolarisation de 840 enfants âgés de 5 à 17 ans, dont 44 étaient victimes de la traite, sur la période couverte par le rapport. En outre, environ 200 personnes actives dans la lutte contre la traite des enfants ont été formées, dont notamment 30 membres de familles d’accueil volontaires sensibilisés sur l’écoute et la prise en charge des enfants victimes de la traite. Par ailleurs, le projet LUTRENA a apporté un appui à l’élaboration du plan national d’action contre la traite et les pires formes de travail des enfants. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle, 145 enfants victimes de la traite ont été pris en charge par le Comité national de lutte contre la traite et l’exploitation des enfants (CNLTEE) en 2007, 46 en 2008 et 9 en 2009. Notant que le projet LUTRENA s’est achevé le 31 mars 2010, la commission encourage vivement le gouvernement de continuer à prendre des mesures immédiates et efficaces pour soustraire les enfants victimes de la vente et de la traite, et le prie de continuer à communiquer des informations sur le nombre d’enfants qui auront été effectivement retirés de cette pire forme de travail. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures spécifiques de réadaptation et de réinsertion sociale prises pour assurer l’accès à l’éducation de base gratuite et la formation professionnelle des enfants victimes de la vente et de la traite.
Article 8. Coopération internationale. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que la Côte d’Ivoire a signé l’Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l’Ouest du 27 juillet 2005, ainsi que l’Accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre en juillet 2006. La commission a demandé des informations complémentaires sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces accords multilatéraux.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, la coopération issue de ces accords ne fonctionne qu’en ce qui concerne les opérations de rapatriement des enfants victimes de la traite. Elle note également que cette coopération ne comprend pas d’échange d’informations visant à découvrir des réseaux de traite d’enfants et à arrêter les personnes travaillant dans ces réseaux. Elle note en outre que d’après le rapport sur la traite 2010, le ministère de la Famille, de la Femme et des Affaires sociales a mené des opérations de rapatriement pour 20 enfants victimes de la traite originaires du Burkina Faso, du Bénin, du Ghana et du Togo au cours de la période couverte par le rapport. La commission observe qu’une troisième rencontre de suivi de l’accord multilatéral de 2005 a eu lieu en juillet 2008 à Niamey, Niger. Compte tenu de l’importance de la traite transfrontalière dans le pays, la commission encourage vivement le gouvernement à prendre des mesures concrètes et efficaces pour mettre en œuvre les accords multilatéraux signés en 2005 et 2006, notamment par la mise en place d’un système d’échange d’informations facilitant la découverte de réseaux de traite d’enfants ainsi que l’arrestation des personnes travaillant dans ces réseaux. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les résultats de la troisième rencontre de suivi qui s’est tenue à Niamey en juillet 2008.
Point V du formulaire de rapport. Application de la convention dans la pratique. La commission a précédemment noté que, d’après une enquête nationale sur le travail des enfants réalisée en 2005 dans le pays, on estime que 1,1 pour cent des enfants de 5 à 17 ans sont victimes de traite interne dans le pays, alors que 10,4 pour cent des enfants identifiés comme victimes de la traite sont victimes de traite transfrontalière, dont 52 pour cent proviennent du Burkina Faso et 31 pour cent du Ghana. Les villes les plus touchées par la traite sont Bas Sassandra, Nzi Comoé et Abidjan. Elle a en outre noté que 17 pour cent des enfants économiquement actifs sont impliqués dans des travaux dangereux.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles, d’après l’enquête nationale réalisée en 2002 sur la situation du travail des enfants dans le secteur de la production de cacao, plus de 600 000 enfants de 6 à 17 ans sont impliqués dans ce type de production, parmi lesquels 127 000 exercent des tâches jugées dangereuses. Elle note également les indications du gouvernement selon lesquelles une enquête sur le niveau de vie des ménages a été conduite en 2008 (ENV 2008). Les résultats de cette enquête n’ont pas encore été validés. Cependant, la commission observe que, d’après les informations communiquées dans le rapport du gouvernement au titre de la convention no 138, les résultats de l’ENV 2008 révèlent que deux enfants sur 1 000 sont victimes de traite, et que 97,1 pour cent des enfants économiquement actifs exercent des activités dommageables pour leur santé. Tout en prenant bonne note de l’adoption de nouvelles dispositions législatives interdisant et sanctionnant les pires formes de travail des enfants, la commission observe qu’un grand nombre d’enfants sont victimes de la traite et sont engagés dans des activités dangereuses et, par conséquent, prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour assurer la protection des enfants contre ces pires formes de travail dans la pratique. Elle le prie également de communiquer les statistiques recueillies dans le cadre de l’ENV 2008 dès que les résultats auront été validés. Dans la mesure du possible, toutes ces informations devraient être ventilées par sexe et âge.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.