National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 24 août 2010, par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) dans une communication datée du 28 août 2010, par l’Internationale de l’éducation (IE) dans une communication datée du 30 août 2010 et par la Confédération des syndicats des fonctionnaires (BASK) dans une communication du 11 octobre 2010. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations sur ces commentaires dans son prochain rapport.
La commission note qu’une discussion a eu lieu à la Commission de la Conférence sur l’application des normes de 2010. Elle note également qu’une mission bipartite de haut niveau s’est déroulée en Turquie en mars 2010, conformément à la demande de la Commission de la Conférence en 2009.
Libertés publiques
La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires précédemment formulés par la CSI dénonçant la répression violente de manifestations par les forces de police. Le gouvernement indique en particulier que des mesures ont été mises en place en 2009 pour prévenir la violence excessive exercée par la police. Les officiers de police chargés de la sécurité pendant les marches et manifestations publiques ont commencé à recevoir une formation concernant l’usage proportionné de la force. Dans ce cadre, 17 000 policiers recevront cette formation chaque année. Le gouvernement indique également que, après la promulgation du 1er mai comme Jour du travail et de la solidarité en 2008 et comme jour férié en 2009, une célébration a eu lieu le 1er mai 2010 sur la place Taksim à Istanbul, trente ans après l’interdiction de toute manifestation sur cette place. D’après le gouvernement, la manifestation a été pacifique grâce à la collaboration entre les syndicats et les forces de sécurité dans le cadre de cet événement.
En ce qui concerne l’allégation de la CSI en 2007 selon laquelle les syndicats doivent accepter que la police participe à leurs réunions et enregistre le déroulement de celles-ci, le gouvernement indique que, en vertu de la loi sur les associations, les forces de sécurité ne sont pas autorisées à entrer dans les locaux des syndicats, à moins qu’une décision judiciaire ne prévoie la nécessité de maintenir l’ordre public et de prévenir l’occurrence d’incidents délictueux. Il indique en outre qu’il convient d’établir une distinction entre les réunions publiques et les réunions dans les locaux des syndicats, et que toute participation de la police aux réunions publiques des syndicats ne vise qu’à la nécessité de maintenir l’ordre public.
En ce qui concerne l’allégation selon laquelle un incendie aurait été mis dans les locaux du syndicat Egitim-Sen, le gouvernement indique que les forces de sécurité et les sapeurs-pompiers sont intervenus à temps, que trois suspects ont été arrêtés et que l’un d’entre eux a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Aucun membre du syndicat n’a été blessé.
Prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour éviter les violences policières et les interventions indues de la police, la commission note avec préoccupation les allégations selon lesquelles des restrictions importantes ont été imposées à la liberté de parole et de rassemblement des syndicalistes, contenues dans les communications susmentionnées de la CSI, de la KESK et de l’IE. La commission, comme la Commission de l’application des normes de la Conférence, prie instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les conditions favorables à un climat exempt de toute forme de violence, de pression ou de menaces afin que les travailleurs et les employeurs puissent pleinement et librement exercer leurs droits prévus par la convention. La commission prie également instamment le gouvernement de réviser, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, toute législation susceptible d’avoir été appliquée dans la pratique de façon contraire à ce principe fondamental, et d’envisager d’y apporter les modifications nécessaires ou de l’abroger. Elle prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport toutes les mesures prises à cet égard. La commission prie également le gouvernement d’ouvrir une enquête sur les allégations concernant tous les cas de violence exercée par la police ou les forces de sécurité, et de communiquer des informations sur les résultats obtenus dans son prochain rapport.
Législation
La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle formule des commentaires sur certains projets de loi tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock‑out, et la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public.
La commission note que, selon l’indication du gouvernement, la loi no 5982 portant modification de la Constitution de la République de Turquie, promulguée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2010, est entrée en vigueur après avoir été approuvée par référendum électoral le 12 septembre 2010. La commission note avec intérêt que, en vertu de ladite loi, les dispositions suivantes de la Constitution ont été abrogées:
– article 51, paragraphe 4, interdisant l’affiliation à plusieurs syndicats;
– article 54, paragraphe 3, imputant aux syndicats la responsabilité de tout dommage matériel causé pendant les grèves; et
– article 54, paragraphe 7, interdisant «les grèves et les lock-out à caractère politique, les grèves et les lock-out de solidarité, l’occupation de locaux professionnels, le ralentissement du travail et toute autre forme d’obstruction».
En ce qui concerne la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public, la commission prend également note des explications communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence, selon lesquelles l’amendement constitutionnel sera suivi des amendements législatifs pertinents.
En ce qui concerne les lois nos 2821 et 2822, la commission note, d’après les indications du gouvernement, qu’un projet de loi sur les syndicats, portant modification des lois susmentionnées, a été élaboré par un «comité scientifique» nommé par le ministère en 2009. Elle note également que ce projet de loi a été communiqué à la mission bipartite de haut niveau du BIT, ainsi qu’aux partenaires sociaux en mars 2010, dans le cadre du Conseil tripartite de consultation. La commission note que les dispositions du projet de loi semblent tenir compte de plusieurs préoccupations précédemment exprimées par la commission. La commission note qu’en général le projet de dispositions relatives au fonctionnement interne des syndicats et de leurs activités semble être moins détaillé que les dispositions correspondantes des lois nos 2821 et 2822, lesquelles avaient donné lieu à des actes répétés d’ingérence de la part des autorités. La commission prend note des améliorations, en particulier des suivantes:
– la procédure d’établissement d’un syndicat semble avoir été simplifiée (art. 7);
– la disposition notariale pour devenir membre d’un syndicat a été supprimée (art. 16);
– la formation de syndicats par emploi sur le lieu de travail est permise (art. 3);
– le système de prélèvement automatique est mis à la disposition de tous les syndicats, et le montant des cotisations syndicales doit être déterminé par les organisations elles-mêmes (art. 17);
– la condition de nationalité, ainsi que la condition d’être employé dans la branche d’activité correspondante, précédemment imposée aux fondateurs d’un syndicat est supprimée (art. 6);
– la disposition prévoyant que le gouverneur peut désigner un observateur à l’assemblée générale d’un syndicat a été supprimée;
– le projet de loi ne prévoit plus de peine d’emprisonnement pour la violation à la législation (art. 35); et
– la responsabilité de suspendre une grève incombe au tribunal et non au Conseil des ministres (art. 42).
La commission note toutefois que le projet de loi ne tient pas compte de toutes les questions précédemment soulevées par la commission et qu’aucun amendement à la loi no 4688 n’a été proposé autre que ceux qui ont déjà été considérés par la commission lors de sa dernière session. Elle attire donc une fois encore l’attention du gouvernement sur la nécessité de modifier sa législation afin d’assurer le respect des articles suivants de la convention.
Article 2 de la convention
– La nécessité de garantir que les travailleurs indépendants, les travailleurs domestiques et les apprentis jouissent du droit de s’organiser. A cet égard, la commission note que l’article 2 du projet de loi fait référence à la définition de «travailleur» prévue par la législation du travail no 4857, selon laquelle, un «employé est une personne physique travaillant dans le cadre d’un contrat de travail», et rappelle que l’article 18 de la loi no 3308 (Apprentissage et formation professionnelle) a pour effet d’exclure du droit de se syndiquer, explicitement ou en pratique, ces catégories de travailleurs.
– La nécessité de garantir le droit de s’organiser à un certain nombre d’employés du secteur public, comme les fonctionnaires, les magistrats, le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prison (art. 15 de la loi no 4688).
– La nécessité de garantir que les personnes au chômage depuis plus d’un an ou les personnes à la retraite peuvent suspendre leur affiliation, sous réserve uniquement des statuts du syndicat concerné (art. 18 du projet de loi sur les syndicats).
Article 3. Election de représentants
– La nécessité de garantir que la décision relative à la suspension du mandat d’un responsable syndical dans le cas où celui-ci serait candidat à des élections locales ou générales et la cessation de son affiliation dans le cas où les élections relèveraient du syndicat concerné (art. 22, paragr. 3, et art. 27, paragr. 3, du projet de loi sur les syndicats).
– La nécessité d’abroger l’article 10, paragraphe 8, de la loi no 4688, qui prévoit la suppression des organes exécutifs des syndicats en cas de non‑respect des dispositions concernant les réunions et les décisions de l’Assemblée générale prévues par la législation.
– La nécessité d’abroger l’article 16 de la loi no 4688 qui prévoit la cessation de charge de délégué syndical par le simple fait du transfert de son titulaire dans une autre branche d’activité, le licenciement de son titulaire ou simplement le fait que ce titulaire quitte son emploi, afin de garantir le droit des organisations d’élire librement leurs représentants.
– La nécessité de garantir que les procédures et les principes relatifs à l’acquisition et à la cessation du statut de membre sont réglementés par les règlements ou les statuts internes des syndicats et non par les autorités (art. 18, paragr. 10, du projet de loi sur les syndicats).
Limitation au droit à la grève
– La nécessité de garantir que les cas dans lesquels la grève peut être limitée ou interdite ne concernent que: i) les fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat; et ii) les services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l’interruption desquels mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé personnelle d’une partie ou de l’ensemble de la population. En ce qui concerne le service public, la commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688, qui prévoit le règlement des conflits par le Conseil de conciliation, ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles la grève peut être exercée dans le service public. En ce qui concerne les autres services, la commission note que, d’une part, le projet de loi sur les syndicats propose d’abroger les articles 29 à 34 de la loi no 2822 qui imposent des limites importantes au droit à la grève, y compris l’interdiction de la grève dans des catégories de services spécifiées, et, d’autre part, propose d’ajouter l’article 29, en vertu duquel la grève peut être totalement ou partiellement, et de façon permanente ou temporaire, interdite par une décision du tribunal compétent dans le cas où la grève serait jugée contraire à l’ordre public ou à la santé publique (art. 42 du projet de loi sur les syndicats). La commission considère que l’expression «ordre public» est trop large et n’entre pas dans le champ de la définition stricte de ce qui peut constituer un service essentiel.
– La nécessité de modifier l’article 52 de la loi no 2822, qui impose l’arbitrage obligatoire par la Haute Cour d’arbitrage à la demande de l’une des parties au conflit concernant les activités et les établissements dans lesquels la grève est interdite, et lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord. La commission rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève ne peut se justifier qu’à la demande des deux parties au conflit, ou si la grève en question est susceptible d’être limitée, voire interdite, c’est-à-dire les cas de conflits dans les services essentiels au sens strict du terme.
– La nécessité de réduire la période d’attente excessivement longue nécessaire avant l’appel à la grève (art. 27 – se référant à l’article 23 – et art. 35 de la loi no 2822).
– La nécessité de garantir la participation des organisations de travailleurs et d’employeurs à la définition des services minimums et, en cas de désaccord, de régler la question au sein d’un organe indépendant (art. 40 de la loi no 2822).
– La nécessité d’abroger les limitations importantes relatives aux piquets de grève (art. 48 de la loi no 2822).
– La nécessité de garantir qu’aucune sanction pénale ne peut être imposée à l’encontre d’un travailleur pour avoir observé une grève pacifique, et qu’aucune mesure d’emprisonnement ne peut être imposée, à l’exception des cas dans lesquels, pendant une grève, des violences contre des personnes ou des biens ou autres graves infractions aux droits ont été commises (art. 70, 71, 72, 73 (sauf pour le paragraphe 3 abrogé par la Cour constitutionnelle), 77 et 79 de la loi no 2822, imposant de lourdes sanctions, y compris la peine d’emprisonnement pour avoir participé à des grèves illégales).
Contrôle de la comptabilité des organisations (loi sur les associations no 5253)
La commission avait précédemment observé que l’article 35 de la loi sur les associations du 4 novembre 2004 prévoit que certains articles spécifiques de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs ainsi qu’aux fédérations et confédérations, dans le cas où il n’y aurait pas de dispositions spécifiques dans la législation pertinente concernant ces organisations. A cet égard, l’article 19 permet au ministre des Affaires internes ou l’autorité de l’administration civile d’examiner les registres et autres documents d’une organisation, de conduire une enquête ou de demander des informations à tout moment, en envoyant une notification vingt-quatre heures à l’avance. Une fois encore, la commission rappelle que le contrôle de la comptabilité devrait se limiter à l’obligation de présenter des rapports financiers périodiques ou au cas où il existe de sérieux motifs de croire que les actes d’une organisation sont contraires aux règlements ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention), ou en cas de nécessité d’enquêter à propos d’une plainte présentée par un certain nombre de membres d’organisations d’employeurs ou de travailleurs; dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que de procédures (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 125). La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles 19 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs du champ d’application de cette disposition ou de garantir que la vérification de la comptabilité des syndicats se borne à une obligation de soumettre des rapports financiers périodiques, ou si elle est effectuée parce qu’il existe de sérieuses raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la législation (qui devraient être conformes à la convention) ou pour faire une enquête sur une plainte présentée par un certain nombre de membres.
Tout en notant l’indication du gouvernement selon laquelle les consultations avec les partenaires sociaux en ce qui concerne la modification de la législation sur les syndicats continueront jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint, la commission note avec regret que le gouvernement n’a pas communiqué d’informations concernant l’élaboration du plan d’action présentant des objectifs clairs (demandés par la Commission de l’application des normes de la Conférence) qui permettrait à la commission de noter les progrès importants dans la mise en conformité de la loi et de la pratique avec les dispositions de la convention. La commission prie le gouvernement d’accepter l’assistance du BIT dans l’objectif d’adopter rapidement les modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822, 4688 et 5253, et exprime l’espoir que les textes définitifs tiendront pleinement compte des commentaires susmentionnés.