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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Peru (RATIFICATION: 1960)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Peru (RATIFICATION: 2021)

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La commission prend note du rapport du gouvernement, des observations de la Confédération nationale des institutions d’entreprises privées (CONFIEP) transmises par le gouvernement avec son rapport ainsi que des observations formulées sur l’application de la convention par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) qui ont été communiquées au gouvernement le 16 novembre 2009.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. Travail forcé des communautés indigènes. Depuis de nombreuses années, la commission examine la situation des membres des communautés indigènes victimes de pratiques de travail forcé (esclavage, servitude pour dettes ou servitude proprement dite), en particulier dans des secteurs comme l’agriculture, l’élevage et l’exploitation forestière. Elle s’est notamment référée à la région de l’Atalaya, à la cueillette de châtaignes à Madre de Dios ou au travail forcé sévissant dans les activités illégales de taille du bois dans la région d’Ucayali. La commission a noté la création en 2007 de la Commission nationale pour la lutte contre le travail forcé et l’approbation du Plan national de lutte contre le travail forcé, dont l’objectif est de traiter des questions structurelles (conditions de vulnérabilité des victimes) et de prendre les mesures coordonnées pour résoudre les situations concrètes de travail forcé. La commission a pris note des différentes composantes de ce plan d’action et a demandé au gouvernement de fournir des informations sur leur mise en œuvre et sur les résultats obtenus. La commission relève à cet égard que la CGTP considère que les mesures prises pour mettre en œuvre ce plan sont insuffisantes. La CONFIEP, quant à elle, formule une appréciation favorable sur la manière dont le gouvernement lutte contre le travail forcé.

Mesures législatives. L’un des objectifs du plan national est de disposer d’une législation conforme aux normes internationales en matière de liberté du travail et donnant une base légale à la lutte contre le travail forcé. Le gouvernement a précédemment reconnu que la législation ne contient pas de dispositions spécifiques qui englobent intégralement la question du travail forcé, et qu’une actualisation et une harmonisation de la législation pénale, civile et du travail sur cette question étaient nécessaires. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu’il n’existe pas encore de norme qui incrimine spécifiquement le travail forcé et en définit les éléments constitutifs mais une proposition législative est à l’étude qui devrait être prochainement examinée par le congrès. Le gouvernement précise cependant que d’autres dispositions de la législation nationale protègent le droit à la liberté du travail, comme par exemple l’article 168 du Code pénal, qui punit d’une peine de prison toute personne qui oblige ou menace une personne à réaliser un travail sans percevoir la rémunération correspondante, ou l’article 153, qui incrimine et définit les éléments constitutifs de la traite des personnes. Le gouvernement considère que, compte tenu du fait que cet article définit les éléments constitutifs du délit de traite des personnes en se référant à la finalité de celle-ci, à savoir l’exploitation, les victimes de travail forcé pourraient bénéficier de la protection et de l’assistance garanties sur la base de cet article. Le gouvernement conclut en espérant que le dispositif normatif pourra être prochainement complété par une proposition de loi qui permettra d’obtenir l’adéquation de la législation nationale avec la convention.

La commission prend note de ces informations. Elle rappelle à cet égard que le travail forcé, tel qu’il résulte de la convention, est une notion plus vaste que la traite des personnes, et qu’il importe que les juridictions nationales disposent de normes précises, compte tenu notamment du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la proposition législative à laquelle il se réfère aboutisse à l’adoption d’une disposition pénale incriminant spécifiquement le travail forcé et définissant les éléments constitutifs du travail forcé de manière à couvrir l’ensemble des pratiques de travail forcé qui existent dans le pays. Enfin, se référant à sa précédente observation, la commission souhaiterait que le gouvernement indique s’il a été donné suite à la proposition du plan national d’élaborer un projet de loi destinée à réglementer les agences privées de placement et les systèmes de recrutement de main-d’œuvre, en mettant l’accent sur la prévention du travail forcé et en les incluant dans le champ de compétence de l’inspection du travail.

Inspection du travail. La commission a noté que le plan national prévoit de renforcer l’inspection du travail, notamment par la création d’unités d’inspection mobiles dans des zones géographiques d’accès difficile et par l’établissement de mécanismes pour recevoir les plaintes et les transmettre aux entités correspondantes. Le gouvernement indique qu’un groupe spécial de l’inspection du travail contre le travail forcé (GEIT) a été constitué en août 2008. Ce groupe, composé de cinq inspecteurs du travail et dirigé par un superviseur, a réalisé sa première mission entre septembre et décembre 2008. Cette mission visait à contrôler l’activité de la taille du bois dans le département de Loreto, d’une part, et à développer les capacités d’investigation du GEIT, d’autre part. Le groupe a conclu que, dans ce département, le système de l’«habilitación» demeure un mode largement généralisé de recrutement de la main-d’œuvre métisse et indigène dans l’activité extractive du bois. La seconde mission consistait en un plan opérationnel d’inspection des entreprises exportatrices de la filière bois et, en particulier, auprès des concessions forestières éloignées des villes. Le gouvernement précise que les difficultés financières ont empêché le GEIT de se déplacer dans ces zones et communautés éloignées. Il indique également que le GEIT a mené des enquêtes préliminaires sur des situations de travail forcé dans les activités agro-industrielle et minière.

La commission prend note de ces informations. Elle note également que, dans ses commentaires, la CGTP souligne que le GEIT est établi à Lima, la capitale, et non dans la zone où l’occurrence du travail forcé est importante, à savoir dans la forêt amazonienne; ceci rend difficilement réalisables les objectifs fixés par le plan d’action. La commission considère que la spécialisation d’un groupe d’inspecteurs dans la lutte contre le travail forcé constitue un élément positif. Elle relève toutefois avec préoccupation que le GEIT ne semble pas disposer des ressources financières pour mener à bien ses missions. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que le GEIT dispose des ressources humaines et matérielles adéquates pour se déplacer de manière rapide, efficace et sûre sur l’ensemble du territoire national. Prière de préciser le nombre d’inspections menées, les situations de travail forcé constatées et les suites judiciaires données aux infractions constatées.

Sensibilisation et prévention. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement au sujet des mesures prises pour informer et sensibiliser à la problématique du travail forcé. Elle relève en particulier le projet de stratégie de communication qui, en l’absence de financement, n’a pas encore été mis en œuvre. Elle note également la page Web du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi consacrée au travail forcé; les actions décentralisées menées par le ministère de l’Education pour diffuser le plan d’action et mener des actions de sensibilisation et de prévention auprès des enseignants, des étudiants et des pères de famille en privilégiant les zones rurales où la population est plus vulnérable; la diffusion de reportages télévisés consacrés au travail forcé sur la chaîne de l’Etat; les actions de sensibilisation et de formation menées auprès des écoles de police et les fonctionnaires des institutions liées à la problématique du travail forcé. La commission encourage le gouvernement à continuer de développer ce type d’actions de sensibilisation et le prie de communiquer des informations à cet égard. Elle souhaiterait également que le gouvernement indique les mesures prises pour mieux identifier les victimes et connaître leur nombre et s’il a mis en œuvre les propositions du plan national visant à mener des études sur le travail forcé dans certains secteurs et à établir périodiquement des diagnostics sur la situation du travail forcé.

2. Travail domestique dans des conditions de travail forcé. La commission avait pris note des allégations de pratiques de travail forcé dont seraient victimes certaines travailleuses domestiques. Elle note les informations fournies par le gouvernement sur les nombreuses activités menées pour que les travailleuses domestiques connaissent leurs droits, que ce soit à travers des ateliers de formation ou des campagnes d’information (distribution de dépliants, affichages, programmes télévisés). La commission relève que, dans ses observations, la CGTP confirme que de nombreuses travailleuses domestiques subissent des violations de leurs droits qui relèvent du travail forcé. Le syndicat se réfère à des travailleuses exploitées, obligées de travailler plus de dix-huit heures par jour, sans percevoir de rémunération, ou alors une rémunération en nature, et privées de leur liberté de mouvement ou de leurs papiers d’identité. La CGTP souligne qu’il est nécessaire d’adopter des modifications à la législation et de disposer d’un diagnostic quantitatif et qualitatif du travail forcé dans ce secteur car, en l’absence d’une telle évaluation, il est difficile de lutter contre cette forme de travail forcé. En outre, l’Etat devrait mettre à disposition des travailleuses domestiques des outils leur permettant de faire valoir leurs droits. La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des travailleuses domestiques contre l’imposition de pratiques qui relèvent du travail forcé, tant sur le plan législatif que dans la pratique, en prévoyant des mesures destinées à leur apporter une assistance et leur permettre de faire valoir leurs droits et dénoncer tout abus dont elles seraient victimes.

3. Traite des personnes. En plus de l’adoption des dispositions du Code pénal qui incriminent et définissent les éléments constitutifs de la traite des personnes auxquelles elle s’est référée ci-dessus, la commission prend note de la création de la Division de la lutte contre la traite des personnes au sein de la Direction de l’investigation criminelle de la police nationale. Le gouvernement indique que cette division travaille avec le GEIT sur les plaintes de traite des personnes, aux fins de l’exploitation de leur travail, déposées sur la ligne téléphonique créée à cette fin par le ministère de l’Intérieur. Le gouvernement se réfère également au système d’enregistrement et de statistiques du délit de traite des personnes et délits assimilés qui établit des indicateurs sur les plaintes, enquêtes, lieux, faits, identification des personnes et typologie de la traite. En outre a été mise en place une ligne téléphonique accessible vingt-quatre heures sur vingt‑quatre et sept jours sur sept avec des professionnels qui prodiguent assistance et conseil aux victimes de la traite et, le cas échéant, peuvent transmettre des plaintes aux services de police. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes et, en particulier, pour protéger et assister les victimes. Prière de fournir des informations sur les résultats obtenus par la Division de la lutte contre la traite des personnes de la police nationale, sur les difficultés rencontrées et sur les mesures prises pour les surmonter.

Article 25. Sanctions pénales efficaces et strictement appliquées. La commission avait noté que l’absence de dispositions pénales spécifiques réprimant et sanctionnant le travail forcé empêchait de donner effet à l’article 25 de la convention aux termes duquel le fait d’exiger illégalement du travail forcé doit être passible de sanctions pénales, et ces sanctions doivent être réellement efficaces et strictement appliquées. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement fournit des informations sur certains mécanismes mis en place pour permettre aux victimes de dénoncer leur situation (ligne téléphonique gratuite pour la traite des personnes ou dénonciation en ligne sur la page Web du ministère du Travail consacrée au travail forcé). La commission relève que le gouvernement ne fournit aucune information sur l’initiation de poursuites judiciaires à l’encontre de personnes qui auraient été inculpées d’avoir imposé du travail forcé.

La commission souligne que, comme le montre les développements qui précèdent, les pratiques de travail forcé au Pérou prennent différentes formes (y compris les pratiques analogues à l’esclavage ou la servitude pour dettes des populations indigènes, l’exploitation des travailleuses domestiques), et il semble que la législation actuellement en vigueur ne permette pas de sanctionner les auteurs de ces pratiques. La commission relève que la CGTP souligne que, lorsque des situations de travail forcé sont identifiées, l’absence d’incrimination pénale sur la base de laquelle effectuer les plaintes empêche de sanctionner les coupables. Dans ces circonstances, la commission se réfère à ses commentaires ci-dessus sur la nécessité d’adopter une disposition pénale incriminant spécifiquement le travail forcé et définissant les éléments constitutifs, sur la base de laquelle les autorités de police et de poursuite pourront initier les procédures judiciaires contre les auteurs des différentes formes de travail forcé existant au Pérou. S’agissant de la traite des personnes, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique des articles 153 et 153A du Code pénal et de communiquer copie des décisions de justice pertinentes. Prière d’indiquer également si les juridictions pénales ont prononcé des décisions sur la base de l’article 168 du Code pénal susmentionné.

Enfin, la commission note que, selon l’article 25 du règlement d’application de la loi générale de l’inspection du travail (décret suprême no 019-2006-TR), le travail forcé, rétribué ou non, ainsi que la traite ou la captation de personnes à cette fin constituent une infraction très grave en matière de relations de travail et sont passibles d’une sanction administrative (amende). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les sanctions infligées sur la base de cette disposition en précisant leur nombre et leur montant.

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