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La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle observe que ce rapport ne contient pas d’information ayant trait spécifiquement aux questions soulevées dans ses précédents commentaires, mais se réfère plutôt, une fois de plus, au processus constitutionnel par lequel les lois sur le travail sont élaborées.

La commission prend note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans son rapport intérimaire concernant le cas no 2268 (340e rapport, paragr. 1064-1112) et observe en particulier que le comité demande au gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante sur le meurtre présumé d’un syndicaliste, Saw Mya Than, et de libérer de prison Myo Aung Thant.

La commission prend également note des commentaires de la Confédération des syndicats libres (CISL) en date du 12 juillet 2006, qui se réfèrent à de nombreuses questions graves que la commission a soulevées depuis des années, notamment à: la situation actuelle d’un obscur «cadre législatif»; un système de syndicat unique; des ordonnances et des décrets du régime militaire limitant encore la liberté syndicale; l’interdiction des syndicats; la mise en place par les autorités de «comités de travailleurs»; le fait que la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) soit réduite à la clandestinité et accusée de terrorisme; la répression qui sévit à l’égard des gens de mer, y compris à l’étranger, et le déni de leur droit d’être représentés par l’Union des gens de mer de Birmanie (SUB). La commission note que les observations du gouvernement quant aux questions soulevées par la CISL se réfèrent principalement à ses communications précédentes. La CISL se réfère en outre aux faits allégués suivants:

1.     Le 17 avril 2005, la police arrête quatre travailleurs (Hlae Hlae Khaing, Zin Min Khing, Moe Thi et Mar Mar), suite à une grève survenue dans une fabrique de vêtements de la zone industrielle de Hlaingthayar, et les emprisonne à Rangoon au motif d’avoir enfreint la loi à travers les activités menées dans ce cadre. Le 18 avril, les travailleurs de la fabrique se mettent en grève pour exiger leur libération immédiate. Le 19 avril, la police et l’armée, sous la direction du Major Tin San, convergent sur la fabrique dont ils déclarent unilatéralement la fermeture jusqu’à nouvel avis. Les ouvriers sont menacés d’arrestation s’ils ne cessent pas leur grève. Enfin, le Major général Myint Swe, commandant des forces armées de Rangoon, arrive sur les lieux avec neuf fourgons cellulaires et lance un ultimatum: évacuation immédiate du périmètre ou arrestation de toutes les personnes présentes par l’armée. Les travailleurs cessent immédiatement leur grève et quittent la fabrique. Le 2 mai, les quatre ouvriers arrêtés sont libérés de prison.

2.     Saw Thoo Di, également connu sous le nom de Saw Ther Paw, membre du Comité du syndicat des travailleurs agricoles de Karen (KAWU), venant de l’agglomération de Kya-Inn, dans l’Etat de Karen, est arrêté par une section en armes du bataillon d’infanterie no 83 à l’extérieur de son village le 28 avril, torturé, puis tué d’un coup d’arme à feu.

3.     Les militaires du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC) viennent à apprendre, le 30 avril, que la FTUB et la Fédération des syndicats – Kawthoolei (FTUK) – s’apprêtent à commémorer les droits des travailleurs le 1er mai dans le village de Pha et ils y envoient le bataillon d’infanterie légère no 308, qui bombarde le village au mortier et à la grenade d’artillerie, dans le but de tuer les organisateurs et mettre un terme à leurs préparatifs.

4.     Au début de juin 2005, le SPDC découvre dans la région de Pegu un réseau clandestin de dix militants de la FTUB qui s’emploient à fournir un soutien et une éducation aux travailleurs, à constituer un maillage et à servir de lien d’information avec les structures de la FTUB à l’étranger. Sept hommes et trois femmes sont ainsi arrêtés. Lors d’une conférence de presse tenue le 28 août, les dirigeants du SPDC accusent ces militants d’avoir utilisé des téléphones portables pour transmettre des informations de l’intérieur du Myanmar à la FTUB, laquelle les a relayées à l’OIT ainsi qu’au Mouvement syndical international. Les membres de la FTUB ainsi arrêtés ont été transférés au centre d’interrogation de sinistre réputation d’Aug Tha Pay de Mayangone, district de Rangoon, où ils ont été soumis à des investigations et à des tortures par le personnel de la police spéciale et du Bureau des opérations spéciales (renseignement militaire) pendant les mois de juin et juillet. Le 29 juillet, ils ont été transférés à la prison d’Insein et leur dossier a été remis à un tribunal spécial qui mène ses audiences à l’intérieur de la prison. Dans le cadre de ce procès, qui était donc secret, tout accès à un conseil ou à des témoins de l’extérieur a été refusé aux militants et, de toute évidence, la conduite de la procédure était loin de satisfaire aux normes judiciaires internationales. Le 10 octobre, ils ont été déclarés coupables et condamnés. Ainsi, Wai Lin et Win Myint ont été condamnés respectivement, en tant que leaders du réseau, à 25 ans et à 18 ans; les cinq autres hommes et deux des femmes (Hla Myint Than, Major Win Myint, Ye Myint, Thein Lwin Oo, Aung Myint Thein, Aye Chan, Kin Kyi) ont tous été condamnés à sept ans de prison et Ma Aye Thin Khine, employée de banque, a été condamnée à trois ans de prison.

5.     Le 3 novembre 2005, le militant de la FTUB Aung Myint (voir ci-dessus) décède dans des circonstances non élucidées dans sa cellule de la prison d’Insein. Au moment de son arrestation, le 2 juillet, en même temps que les autres membres du réseau de la FTUB de Pegu, il était en bonne forme et condition physique. Les autorités ont dit à la famille qu’il était mort de dysenterie mais ont refusé de rendre le corps pour les funérailles, empêchant ainsi de déterminer s’il était mort de mauvais traitements, de maladie ou d’une autre cause. Ce sont les fonctionnaires de la police qui ont procédé à la crémation du corps.

6.     Myo Aung Thant, membre du Syndicat de la All Burma Petro-Chemical Corporation, a été arrêté en 1997 et accusé à l’époque de haute trahison pour avoir entretenu des contacts avec la FTUB. Aujourd’hui, le SPDC explique que l’intéressé a été emprisonné pendant dix ans pour haute trahison sur le fondement de l’article 122(1) du Code pénal, plus sept ans pour infractions à la loi sur les dispositions d’urgence, plus trois ans pour infraction à la loi sur les associations illégales. Myo Aung Thant est détenu dans une région éloignée du pays, dans la prison de Myitkyina, dans l’Etat de Kachin et, selon sa famille, a été mis au secret dans une petite cellule sans fenêtre dans le courant de l’année 2005.

7.     Thet Naing, autre dirigeant clandestin de la FTUB, a été libéré de la prison de Myitkyina en novembre 2004, au terme d’une peine de sept années imposée après sa réarrestation pour son rôle dans l’organisation d’une manifestation de protestation des travailleurs de la fabrique de vêtements de Yam Ze Kyang. Il reste affecté par une altération du système nerveux consécutive aux tortures auxquelles il a été soumis pendant son interrogatoire et aux mauvais traitements subis ensuite pendant sa détention. Il a aujourd’hui quitté le pays et rejoint la FTUB à l’étranger.

La commission regrette que le gouvernement n’ait pas fourni d’observations détaillées sur les faits particulièrement graves allégués par la CISL, en 2005 et 2006, et elle le prie instamment d’y apporter une réponse détaillée dans son prochain rapport.

La commission déplore le plus vivement ces allégations graves plus récentes détaillant l’arrestation, l’emprisonnement, la torture et la condamnation à de longues années de prison pour l’exercice d’activités syndicales, y compris pour le simple fait d’avoir envoyé des informations à la FTUB, de syndicalistes dont la liste est particulièrement longue. La commission rappelle une fois de plus que le respect des libertés civiles est une condition essentielle de l’exercice de la liberté syndicale et que travailleurs et employeurs doivent être en mesure d’exercer leurs droits de libre association dans un climat d’entière liberté et de sécurité, loin de toute violence ou de menaces. Elle rappelle qu’un climat de violence, dans lequel le meurtre ou la disparition de dirigeants syndicaux restent impunis, constitue un obstacle extrêmement grave à l’exercice des droits syndicaux et que de tels actes exigent que des mesures strictes soient prises par les autorités. Enfin, elle souligne que les autorités ne doivent pas invoquer des activités syndicales légitimes comme prétexte d’arrestation ou de mise en détention arbitraire. S’agissant plus particulièrement de la torture, des actes de cruauté et des mauvais traitements, la commission fait valoir que les syndicalistes, comme tous les autres individus, doivent bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que les gouvernements doivent donner les instructions nécessaires pour qu’aucun détenu ne fasse l’objet de tels traitements (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 29 et 30). En conséquence, la commission prie instamment, une fois de plus, le gouvernement de donner des informations sur les mesures prises et les instructions données sans délai pour assurer le respect des libertés civiles fondamentales à l’égard des syndicalistes et des dirigeants syndicaux, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour la libération immédiate de toutes les personnes ayant été emprisonnées pour l’exercice d’activités syndicales et de veiller à ce que plus aucun travailleur ne soit sanctionné à raison de l’exercice de telles activités, notamment pour avoir eu des contacts avec des organisations de travailleurs de son choix. La commission veut fermement croire que le gouvernement sera en mesure de faire rapidement état de progrès sur ce plan.

Articles 2, 3, 5 et 6 de la convention. S’agissant du cadre législatif, la commission rappelle avoir pris acte, dans sa précédente observation, d’une absence totale de progrès dans le sens de l’instauration d’un cadre législatif qui serait propre à admettre la constitution d’organisations de travailleurs libres et indépendantes. Elle rappelle en outre que, depuis plusieurs années, elle fait valoir qu’il existe certains éléments de législation qui font peser des restrictions importantes sur la liberté d’association ou qui, bien que ne visant pas directement la liberté syndicale, peuvent être appliqués dans un sens de nature à altérer gravement l’exercice du droit de se syndiquer. Il s’agit concrètement des instruments suivants: 1) l’ordonnance no 6/88 du 30 septembre 1988, qui dispose que «les organisations demanderont l’autorisation de se constituer au ministre de l’Intérieur et des Affaires religieuses» (art. 3(a)), et prévoit que toute personne reconnue coupable d’être membre, d’aider, d’instrumenter ou d’utiliser les qualités d’organisations non autorisées sera punie d’une peine d’emprisonnement d’une durée pouvant atteindre trois ans (art. 7); 2) l’ordonnance no 2/88, qui interdit les réunions, marches ou cortèges de groupes de cinq personnes ou plus, sans considération de ce que cette réunion ait ou non pour but de fomenter des troubles ou de commettre un crime; et 3) la loi de 1908 sur les associations illégales, aux termes de laquelle toute personne qui est membre d’une association illégale, qui participe aux réunions d’une telle association, qui contribue, reçoit ou sollicite une contribution pour les fins d’une telle association, ou encore qui aide d’une manière quelconque ses activités, sera punie de deux ans au moins ou de trois ans au plus d’emprisonnement et encourra en outre un peine d’amende (art. 17.1).

Notant que le gouvernement déclare qu’il lancera les projets de loi du travail relatifs aux mesures de protection des travailleurs dès que la nouvelle Constitution de l’Etat aura été finalisée, la commission ne peut que regretter, une fois de plus, la longueur des délais écoulés dans l’attente de l’adoption de la Constitution et le fait que, entre-temps, aucun progrès n’ait été accompli par rapport aux problèmes particulièrement graves et pressants qu’elle met en relief depuis maintenant vingt ans. La commission incite une fois de plus le gouvernement à fournir un rapport détaillé sur les mesures concrètes prises en vue de l’adoption d’une législation qui garantisse à tous les travailleurs et à tous les employeurs le droit de constituer les organisations de leur choix et celui de s’affilier à de telles organisations, de même que le droit de ces organisations d’organiser leurs activités, de formuler leurs programmes d’action et de s’affilier à toutes organisations, fédérations ou confédérations internationales de leur choix, sans intervention aucune des autorités publiques. De plus, elle appelle le gouvernement dans les termes les plus forts à abroger les ordonnances nos 2/88 et 6/88, ainsi que la loi sur les associations illégales, afin que ces instruments ne puissent plus être invoqués d’une manière qui porte atteinte aux droits des organisations d’employeurs et de travailleurs. Elle prie le gouvernement de communiquer tout projet de loi, d’ordonnance ou d’instruction élaboré dans cet objectif, de manière à pouvoir en examiner la conformité par rapport aux dispositions de la convention.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2007.]

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