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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Myanmar (RATIFICATION: 1955)

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I.         Rappel chronologique

1. Comme signalé dans sa précédente observation, la commission formule des commentaires sur ce cas particulièrement grave depuis sa première observation qui remonte à plus de trente ans. La situation au Myanmar a également fait l’objet de critiques et de condamnations massives dans le cadre de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail à dix reprises entre 1992 et 2006, dans le cadre plus général de la Conférence internationale du Travail à sa 88e session, en juin 2000, et de nouveau à sa 95e session, en 2006, et enfin au sein du Conseil d’administration du BIT, de la part aussi bien des gouvernements que des partenaires sociaux. Les observations formulées précédemment par la présente commission ces dernières années, en particulier depuis 1999, retracent l’historique détaillé de ce cas.

2. L’objet central des critiques émanant des différents organes de l’OIT est lié aux conclusions d’une commission d’enquête constituée en mars 1997 par le Conseil d’administration suite à une plainte déposée en juin 1996 sur la base de l’article 26 de la Constitution de l’OIT. La commission d’enquête avait conclu que la convention était violée dans le droit national et dans la pratique et ce, d’une manière généralisée et systématique, et elle avait formulé les recommandations suivantes:

1)         que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;

2)         que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités et, en particulier, par les militaires; et

3)         que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées.

La commission d’enquête avait souligné que, outre les modifications de la législation, des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, notamment par l’armée.

3. Dans ses observations précédentes, la commission d’experts avait identifié quatre domaines dans lesquels des mesures devaient être prises par le gouvernement pour parvenir à un tel résultat:

–           émettre des instructions spécifiques et concrètes à l’adresse des autorités civiles et militaires;

–           assurer que l’interdiction du travail forcé soit largement rendue publique;

–           prévoir les inscriptions budgétaires adéquates pour le remplacement de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et

–           assurer le respect de l’interdiction du travail forcé.

4. La persistance flagrante des violations de la convention par le gouvernement et le fait que celui-ci a ignoré les recommandations de la commission d’enquête et les observations de la commission d’experts ainsi que les autres questions soulevées par les autres organes de l’OIT ont abouti, fait sans précédent, à ce que le Conseil d’administration décide à sa 277e session, en mars 2000, de mettre en œuvre l’article 33 de la Constitution de l’OIT et que la Conférence adopte une résolution en juin 2000.

II.        Faits nouveaux depuis la dernière observation de la commission

5. La commission prend note des documents dont le Conseil d’administration a été saisi à ses 295e et 297e sessions (mars et novembre 2006) sur les faits nouveaux concernant la question de l’exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, des débats consacrés à cette question par le Conseil d’administration lors de ces sessions et des conclusions auxquelles il est parvenu, et enfin des débats et conclusions de la Commission de l’application des normes et de la Commission de proposition de la Conférence, lors de la 95e session de la Conférence internationale du Travail en juin 2006.

6. La commission prend note du rapport du gouvernement, reçu par des communications des 29 septembre et 23 octobre 2006, ainsi que des commentaires de l’ex-Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (devenue entre-temps la Confédération syndicale internationale (CSI)) contenus dans une communication datée du 31 août 2006, reçue le 5 septembre 2006, à laquelle étaient joints un certain nombre de rapports faisant état de la persistance en 2006 du recours au travail forcé au Myanmar. Dans sa synthèse des documents envoyés, la CISL explique qu’en 2006:

la situation dans son ensemble reste particulièrement consternante. Les éléments recueillis démontrent la persistance d’un travail forcé imposé par le gouvernement dans pratiquement chacun des Etats et chacune des divisions du pays, qu’il s’agisse de portage, de «projets de développement», de la construction ou de l’entretien d’infrastructures ou de camps militaires, de patrouilles et de tours de garde comme sentinelle, de débroussaillage ou d’embellissement de certains sites, de travail forcé d’enfants, y compris à travers leur conscription en tant que soldat, d’esclavage sexuel ou encore d’opérations de déminage par des civils, ou encore de confiscation de terres, récoltes, bétail et/ou argent.

La communication de la CISL a été transmise au gouvernement par lettre datée du 31 août 2006, avec cette précision que, conformément à la pratique établie, elle serait portée à l’attention de la commission en même temps que tout commentaire que le gouvernement souhaiterait faire à ce propos. Le gouvernement n’a pas répondu à ces informations très préoccupantes dans son dernier rapport, par conséquent, la commission demande au gouvernement d’y répondre dans son prochain rapport.

7. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note d’une communication de la CISL datée du 31 août 2005, reçue le 12 septembre 2005, à laquelle étaient jointes non moins de 1 100 pages de documents provenant de sources diverses et faisant état de la persistance en 2005 du recours au travail forcé au Myanmar. La commission avait demandé au gouvernement de répondre à ces informations dans le rapport qu’il devait soumettre en 2006. La commission note que le dernier rapport reçu du gouvernement ne contient pas les réponses attendues, et la commission est donc conduite une fois de plus à demander au gouvernement de répondre dans son prochain rapport aux informations communiquées antérieurement, de même qu’à celles qui ont été communiquées par la CISL en 2006.

III.       Faire suite aux recommandations de la commission d’enquête

8. Comme mentionné plus haut, la commission a exposé dans sa précédente observation les problèmes que le gouvernement devait résoudre, suite aux constatations et recommandations de la commission d’enquête. La commission note que ces problèmes n’ont toujours pas été traités et elle est donc conduite à les rappeler de manière détaillée.

1)     Assurer le respect de l’interdiction du travail forcé
– mécanisme de contrôle et d’examen des plaintes

9. La commission avait noté précédemment que les mesures prises par le gouvernement pour assurer le respect de l’interdiction du travail forcé incluaient le déploiement sur le terrain de sept équipes d’observation, habilitées à enquêter sur toute allégation de recours au travail forcé et à saisir de leurs conclusions un organe appelé le Comité de l’application de la convention no 29. Elle avait également noté que le 1er mars 2005 le bureau du Commandant en chef des armées a mis en place un «point focal militaire», sous la direction d’un «vice-adjudant général» assisté de sept officiers d’état-major de grade 1, point focal que le gouvernement a présenté au chargé de liaison par intérim comme étant destiné «à faciliter la coopération avec l’OIT pour les affaires de travail forcé concernant l’armée» (document GB.292/7/2(Add.), paragr. 3). Dans sa précédente observation, au vu des rapports du chargé de liaison par intérim et d’autres informations, la commission s’était déclarée extrêmement préoccupée de constater que les évaluations faites par les organes désignés ci-dessus manquaient visiblement d’indépendance et de crédibilité.

10. Dans sa précédente observation, la commission avait également noté avec préoccupation que, d’après le rapport soumis pour discussion au Conseil d’administration à sa 294e session, en novembre 2005 (document GB.294/6/2), les événements récents «ont gravement compromis la faculté du chargé de liaison par intérim de s’acquitter de ses fonctions» (paragr. 7) et, bien qu’il continue de recevoir des plaintes de la part des victimes ou de leurs représentants, dénonçant la persistance du travail forcé ou du recrutement forcé, le chargé de liaison se trouve dans l’impossibilité de soumettre ces cas aux autorités compétentes pour examen comme il le faisait par le passé, en partie parce que le gouvernement a désormais pour politique d’ordonner des poursuites contre toute personne qui dépose ce que les autorités qualifient de «plainte infondée» pour travail forcé (paragr. 8).

11. La commission prend note des éléments suivants:

–           d’après un récent rapport des activités du chargé de liaison par intérim, soumis «pour discussion et orientation» au Conseil d’administration à sa 295e session, en mars 2006, le chargé de liaison a écrit le 7 décembre 2005 au «point focal militaire» désigné pour l’OIT pour lui demander un entretien, et cette demande est restée sans réponse (document GB.295/7, paragr. 8);

–           en novembre 2005, le gouvernement, par l’entremise du ministre du Travail à Yangon et du Représentant permanent à Genève, a rejeté la proposition du Bureau international du Travail (ci-après dénommé le «Bureau») tendant à la mise en place d’un mécanisme de traitement des plaintes faisant intervenir un facilitateur (document GB.295/7, paragr. 15), et il a depuis lors réaffirmé son rejet d’une telle proposition;

–           le Bureau a ensuite élaboré deux options possibles: l’une, désignée Option-I, consisterait à renforcer la capacité du bureau du chargé de liaison de l’OIT par intérim et à prévoir des garanties légales suffisantes pour un traitement crédible des plaintes enregistrées, ainsi que des moyens et des ressources en personnel suffisants pour faire face au surcroît de responsabilités (document GB.297/8/1, paragr. 16, et annexe III). La deuxième, désignée Option-II, consiste en un «groupe paritaire», qui serait un organe composé de deux membres devant être accrédités par les deux parties, et d’une troisième personne désignée par une institution irrécusable, pour arbitrer dans les cas éventuels de désaccord, et ce groupe paritaire examinerait confidentiellement les plaintes dont il serait saisi par les présumées victimes, en tranchant préalablement sur leur recevabilité;

–           le gouvernement a rejeté la proposition du Bureau consistant en un groupe paritaire – proposition dite Option-II – lors de discussions entre les représentants du Bureau et du ministère du Travail, à Yangon, en mars 2006 (document GB.295/7, paragr. 22), et il a réaffirmé son rejet de cette proposition devant la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2006;

–           le représentant gouvernemental a annoncé, lors de la séance spéciale de la Commission de la Conférence, en juin 2006, que les autorités du Myanmar étaient disposées à instaurer «à titre expérimental» un moratoire de six mois sur sa politique consistant à exercer des poursuites contre les personnes qui soutiennent des «allégations fausses» de travail forcé. En outre, au cours de cette période moratoire, le gouvernement coopérera avec le Bureau en vue de mettre en place le mécanisme dit Option-I, qui consisterait en un système construit à partir du cadre actuel du bureau du chargé de liaison par intérim;

–           toujours en juin 2006, la Commission de la Conférence a déclaré dans ses conclusions que cette proposition de moratoire «venait tardivement et restait de portée limitée» et que «les paroles doivent être confirmées et complétées de toute urgence par des actions concrètes», notamment par la cessation des poursuites en cours et que «les autorités doivent à présent entamer immédiatement des discussions avec l’OIT afin d’établir aussitôt que possible un mécanisme crédible pour traiter des questions de plaintes sur le travail forcé»;

–           la Commission de proposition, que la Conférence avait saisie de la question pour un examen séparé, a indiqué que le gouvernement apporterait la preuve tangible de sa volonté de coopérer en prenant les mesures suivantes: engagement immédiat de discussions avec l’OIT en vue de convenir aussi rapidement que possible de la mise en place d’un mécanisme crédible pour traiter les plaintes relatives au travail forcé. En outre, s’agissant du moratoire sur les poursuites contre les plaignants, le gouvernement devrait donner de plus amples informations sur la manière dont ce moratoire sera appliqué, annoncer clairement que toute personne déposant une plainte pendant le moratoire sera prémunie contre toute poursuite ultérieure et démontrer que ce moratoire sera considéré comme absolument contraignant (document GB.297/8/1, annexe I);

–           trois affaires particulièrement marquantes de poursuites exercées par les autorités ont connu certaines suites: Su Su Nway a été libéré le 6 juin 2006; Aye Myint a été libéré de prison le 8 juillet 2006 après suspension de sa sentence sous condition; et trois personnes originaires de la localité de Aunglan (division de Magway) ont été acquittées le 20 septembre 2006 des charges de plaintes mensongères pour travail forcé, suite à l’abandon des poursuites engagées par les autorités. Comme signalé dans le rapport soumis par le Bureau «pour discussion et orientation» au Conseil d’administration à sa 297e session, en novembre 2006 (document GB.297/8/1, paragr. 5), le chargé de liaison par intérim a signalé qu’à sa connaissance ces faits nouveaux mettent un terme à toutes les affaires de poursuites ou de mesures d’emprisonnement de personnes ayant eu un rapport avec l’OIT (document GB.297/8/1, paragr. 5);

–           au cours de discussions ayant eu lieu à Yangon en octobre 2006 entre, d’une part, le ministre du Travail et un groupe de travail spécialement désigné et, d’autre part, des représentants du BIT, il est apparu clairement que le gouvernement n’était pas prêt à accepter la formule dite Option-I, à travers laquelle le Bureau proposait un mécanisme de traitement des plaintes qui impliquerait un renforcement du bureau du chargé de liaison de l’OIT par intérim par des moyens adéquats en matériels et en personnel. Ensuite, contrairement à la volonté précédemment exprimée d’étudier l’Option-I et malgré la proposition de compromis avancée par le Bureau lors des discussions d’octobre, le gouvernement a signalé qu’il était prêt à accepter guère plus que la continuation du fonctionnement actuel du bureau du chargé de liaison de l’OIT par intérim, tel que ce mécanisme a été initialement conçu et structuré.

12. La commission se rallie pleinement au point de vue exprimé par le Conseil d’administration puis par la Commission de l’application des normes de la Conférence et par la Commission de proposition de la Conférence, selon lequel il est impératif que le gouvernement mette en place un mécanisme efficace de traitement des plaintes, tel que l’un quelconque des trois mécanismes déjà proposés par le Bureau, en tant que moyen de traitement des plaintes qui assure la protection des victimes et, simultanément, aboutisse à des poursuites et des sanctions contre ceux qui sont responsables de l’imposition de travail forcé, de manière à assurer pleinement le respect de l’article 25 de la convention. Cela suppose en outre que le gouvernement renonce à sa politique consistant à exercer des poursuites contre des personnes qui portent plainte pour avoir été victimes de travail forcé, politique qui a purement et simplement pour effet de réduire à néant l’objectif même du mécanisme de plainte, dont l’efficacité dépend en partie de la faculté pour les victimes d’un travail forcé de porter plainte sans crainte de représailles, et cela suppose qu’à la place le gouvernement agisse davantage dans un sens propre à ce que les auteurs du travail forcé soient poursuivis. A cet égard, la commission prie également le gouvernement de coopérer plus étroitement et de bonne foi avec le chargé de liaison par intérim et le Bureau. Elle estime qu’en s’orientant dans cette voie le gouvernement démontrera par là même qu’il a la volonté d’aborder sérieusement les autres problèmes exposés de manière détaillée ci-dessous, qui restent à résoudre conformément aux recommandations de la commission d’enquête.

2)     Mettre en conformité avec la convention les textes législatifs
pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes

13. Ceci reste la position de la commission. Dans le même temps, la commission a pris note d’une «ordonnance prescrivant de ne pas faire usage des pouvoirs conférés par certaines dispositions des lois de 1907 sur les villes et de 1908 sur les villages» (ordonnance no 1/99 telle que modifiée par l’ordonnance du 27 octobre 2000 complétant l’ordonnance no 1/99), et elle a accepté que ces dispositions pourraient constituer une base juridique suffisante pour assurer le respect de la convention dans la pratique. Elle a néanmoins fait valoir clairement qu’il faudrait pour cela que les autorités locales et les fonctionnaires civils et militaires habilités par lesdites lois à requérir le concours des autorités locales appliquent l’une et l’autre ordonnances de bonne foi.

14. La commission avait indiqué que cela présupposait deux choses:

–           d’adresser des instructions précises et concrètes aux autorités civiles et militaires; et

–           d’assurer que l’interdiction du travail forcé soit largement portée à la connaissance du public.

3)     Adresser des instructions précises et concrètes
aux autorités civiles et militaires

15. Sur ce plan, la commission a pris note, dans ses précédents commentaires, d’une série de textes, d’instructions et de lettres auxquels le gouvernement se référait dans son rapport de cette année-là. Elle avait reconnu que ces communications apparaissaient comme constituant en partie une réponse à ses demandes précédentes tendant à ce que des instructions soient adressées aux autorités militaires pour faire savoir que le travail forcé a été déclaré illégal au Myanmar. La commission avait cependant noté qu’elle n’avait été mise en possession que de bien peu d’informations, voire aucune, quant au contenu de ces communications. Elle avait jugé cet aspect particulièrement préoccupant, considérant qu’elle avait fait valoir que des instructions claires, transmises de manière effective, étaient nécessaires pour faire connaître les types de pratiques qui constituent du travail forcé et pour lesquels la réquisition de main-d’œuvre est interdite, et pour faire connaître de quelle manière les tâches en question peuvent être accomplies sans recourir au travail forcé. La commission avait énuméré un certain nombre de tâches et de pratiques qui devaient être reconnues officiellement comme étant étroitement liées à l’imposition de travail forcé. Elle les rappelle ici:

–           les opérations de portage pour l’armée (ou d’autres groupes militaires ou paramilitaires, pour des opérations ou pour des patrouilles de routine);

–           la construction ou la remise en état de camps et autres installations militaires;

–           les autres fonctions de soutien logistique fournies à l’armée (guides, messagers, cuisiniers, nettoyeurs, etc.);

–           les activités génératrices de revenus exercées par des personnes ou des groupes de personnes (notamment le travail effectué dans des établissements agricoles ou industriels appartenant à l’armée);

–           la réalisation de projets d’infrastructures nationales ou locales (routes, voies ferrées, barrages, etc.);

–           les travaux de nettoyage et d’embellissement de zones rurales ou urbaines;

–           la réquisition de matières ou provisions de toutes sortes, qui doit être interdite au même titre que les collectes de fonds, à l’exception des sommes dues à l’Etat ou à une collectivité territoriale conformément à la législation pertinente, étant donné que, dans la pratique, les réquisitions de services imposés par l’armée sont souvent interchangeables avec le versement d’une somme d’argent.

16. Dans sa précédente observation, la commission avait considéré que le point de départ de l’éradication du travail forcé serait de donner des instructions concrètes et très claires aux autorités quant aux types de pratiques qui constituent du travail forcé. Or l’absence d’informations, à la seule exception du contenu d’une communication, donne à entendre qu’il n’en a rien été. La commission considère pourtant qu’il ne devrait pas être difficile de déterminer le contenu des instructions écrites qui prendraient ces préoccupations en compte et incluraient tous les éléments susmentionnés.

17. Attendu que le gouvernement s’était montré disposé à poursuivre la coopération avec l’OIT, la commission avait suggéré que l’élaboration de telles instructions pourrait être une question à suivre dans le cadre de cette coopération, et cela pourrait se faire par exemple par le canal du chargé de liaison par intérim ou de tout autre mécanisme de liaison de l’OIT similaire. La commission avait demandé au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à ce sujet, et de communiquer copie du texte exact des lettres et autres instructions auxquelles il s’était référé, avec une traduction pour chacune d’elles.

18. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement n’a communiqué aucune des informations demandées et qu’il n’a pas non plus répondu aux préoccupations exprimées par la commission à ce sujet. Elle note que, d’après le procès-verbal des discussions ayant eu lieu lors de la 95e session de la Conférence, en juin 2006, et aussi d’après les discussions de la Commission de l’application des normes de la Conférence, le représentant gouvernemental a répondu brièvement aux préoccupations soulevées par la commission, indiquant à propos de la communication d’instructions aux autorités civiles et militaires:

Dans la mesure du possible, une traduction en anglais du texte de ces instructions a été communiquée à la commission d’experts. S’agissant des instructions et de la correspondance émanant du ministère de la Défense, le représentant gouvernemental a souligné que celles-ci n’ont pas toutes été portées à la connaissance des autres ministères et départements du gouvernement pour une question de principe, parce qu’elles touchent aux intérêts de la sécurité nationale du pays. C’est pour cette raison qu’il a été impossible de communiquer à un organe d’une organisation internationale le texte original ou la traduction en anglais de cette correspondance et de ces instructions.

La commission demande une fois de plus au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures qu’il a prises à ce sujet et de communiquer copies des textes exacts des lettres et instructions auxquelles il se réfère, avec la traduction de chacune d’elles.

4)     Assurer que l’interdiction du travail forcé soit largement
portée à la connaissance du public

19. Sur cette question, la commission avait noté dans sa précédente observation que le gouvernement faisait état dans son rapport de toute une série de lettres, de briefings et de séminaires de «sensibilisation de l’opinion publique» pour illustrer les efforts déployés par les autorités publiques afin de faire connaître les interdictions relatives au travail forcé. La commission, accueillant telles qu’elles étaient présentées les informations données par le gouvernement, avait admis que des efforts semblaient avoir été accomplis par celui-ci pour diffuser l’information selon laquelle le travail forcé a été déclaré illégal au Myanmar. Néanmoins, comme pour les communications mentionnées plus haut, la commission n’a disposé d’aucune information sur le contenu des briefings et ateliers en question. Cela a suscité à nouveau de réelles préoccupations, étant donné que la commission n’a pas eu la certitude que les briefings et ateliers en question aient vraiment été un instrument efficace de diffusion de l’information. Comme dit précédemment, de tels briefings et ateliers doivent servir à diffuser clairement et de manière effective des instructions sur les types de pratiques qui constituent du travail forcé et pour lesquels la réquisition de main-d’œuvre est interdite, de même que sur la manière dont les tâches envisagées peuvent être accomplies sans recourir au travail forcé. La commission avait considéré que, dans la mesure où l’on prend la peine d’organiser de telles activités, il ne semble pas, là encore, qu’il soit difficile de développer leur contenu pour prendre en compte ces préoccupations.

20. La commission a à nouveau suggéré que l’élaboration de telles communications en vue de répondre à ses préoccupations et d’éviter ainsi qu’elle n’ait à répéter ce point pourrait être une question à suivre dans le cadre de la coopération avec l’OIT. De plus, puisque le chargé de liaison par intérim a eu l’opportunité d’assister à l’une de ces manifestations par le passé, la commission demande que celui-ci soit informé par avance de la tenue de ces briefings et ateliers et qu’il ait l’opportunité d’y assister. La commission estime qu’en lui permettant de faire cela le gouvernement démontrerait réellement son engagement par rapport à l’objectif général d’éradication du travail forcé au Myanmar.

21. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement n’a pas communiqué les informations demandées ni abordé autrement les préoccupations soulevées par la commission sur ce point. Elle note que, devant la Commission de la Conférence en juin 2006, le représentant gouvernemental a déclaré:

Quant à la large publicité qui doit être faite à l’interdiction du travail forcé, il y a quelque temps le chargé de liaison par intérim de l’OIT a été autorisé à participer à deux ateliers, l’un dans la localité de Myeik (division de Tanintharyi), l’autre dans la localité de Kawhmu (division de Yangon). Le gouvernement fera son possible pour permettre au chargé de liaison d’assister, le cas échéant, à toute réunion qui pourrait avoir lieu.

La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations décrivant la teneur des communications faites dans le cadre des briefings, ateliers et séminaires sur l’interdiction du travail forcé, de même qu’un exemplaire de tout document établi en vue de ces briefings et ateliers. En outre, elle le prie à nouveau de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer que le chargé de liaison par intérim soit informé par avance de la tenue de ces briefings et ateliers et qu’il ait l’opportunité d’y assister.

5)     Prévoir les crédits budgétaires adéquats pour le remplacement
de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée

22. Dans ses recommandations, la commission d’enquête a souligné qu’il était nécessaire d’inscrire au budget les sommes nécessaires pour pouvoir engager de la main-d’œuvre rémunérée pour poursuivre les projets publics dont la réalisation était jusque-là fondée sur le recours à une main-d’œuvre forcée et non rémunérée. Dans ses précédentes observations, la commission avait suivi cette question, cherchant à obtenir des éléments prouvant concrètement que les crédits nécessaires pour engager une main-d’œuvre rémunérée et libre avaient été prévus au budget. Le gouvernement a toujours traité cette question en déclarant constamment qu’à tout projet correspond toujours une allocation budgétaire, laquelle recouvre le coût des matériaux et du travail. La commission avait cependant observé que, dans la pratique, le travail forcé continuait d’être imposé dans de nombreuses parties du pays, en particulier dans celles où il y a une forte présence de l’armée, et que les allocations budgétaires qui peuvent exister ne sont pas d’un montant suffisant pour ne plus avoir à recourir au travail forcé.

23. La commission rappelle que, dans son rapport précédent, le gouvernement a déclaré qu’il avait donné instruction aux différents ministères de fournir une estimation des coûts en main-d’œuvre des projets relevant de leur compétence. Dans sa précédente observation, la commission a noté qu’il était fait mention d’une «allocation budgétaire» prévue par la police du Myanmar pour le paiement des salaires des travailleurs «appelés à fournir leur travail en fonction des besoins». Tout en prenant note de ces éléments, la commission avait demandé au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour que soient inscrites au budget des ressources suffisantes pour remplacer le travail forcé ou non rémunéré, estimant qu’un tel élément d’information prouverait réellement l’engagement du gouvernement pour l’élimination du travail forcé au Myanmar.

24. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement n’a pas donné les informations attendues à ce sujet. Elle note qu’en juin 2006, devant la Commission de la Conférence, le représentant du gouvernement a déclaré: «S’agissant des inscriptions budgétaires adéquates pour le remplacement de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée, les crédits nécessaires ont été prévus dans le budget de l’Etat. Le gouvernement transmettra en temps voulu à la commission d’experts les informations utiles sur les allocations budgétaires.» La commission est donc conduite à demander à nouveau que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour que soient inscrits au budget des crédits suffisants pour remplacer le travail forcé ou non rémunéré.

IV.       Remarques finales

25. Outre la communication de la CISL datée du 31 août 2006 et des rapports joints à cette communication, auxquels elle s’est référée plus haut, la commission prend note de l’appréciation générale donnée par le chargé de liaison par intérim sur la situation concernant le travail forcé, telle que reproduite sous la rubrique intitulée «Faits nouveaux depuis mars 2006» dans le rapport de la Commission de la Conférence pour la 95e session, en juin 2006:

Le chargé de liaison par intérim continue de recevoir des allégations de travail forcé. Bien qu’il ne soit pas en position de vérifier lui-même ces allégations, il est particulièrement préoccupé par les dénonciations récurrentes et détaillées – provenant de sources établies au Myanmar ou de l’autre côté de la frontière, en Thaïlande – de l’imposition de travail forcé par l’armée, ces derniers mois, dans le cadre d’opérations militaires menées dans le nord de l’Etat de Kayin (Karen). Dans ce cadre, non seulement des villageois (de même que des condamnés de droit commun choisis dans les prisons) ont été forcés d’accompagner des unités militaires pour leur servir de porteurs, et des paysans ayant des charrettes auraient été réquisitionnés pour transporter les vivres et d’autres fournitures pour les troupes de première ligne. (C.App./D.5, paragr. 10)

26. La commission note également qu’à sa 297e session, en novembre 2006, dans ses conclusions, le Conseil d’administration s’est déclaré profondément déçu de constater que les autorités n’aient pas été en mesure de convenir d’un mécanisme propre à traiter les plaintes pour travail forcé, dans le cadre du mandat sans équivoque exposé dans les conclusions de la Conférence; qu’elles n’aient pas saisi l’occasion unique qui leur était offerte (lors des discussions d’octobre 2006) de démontrer leur engagement réel à coopérer avec l’OIT pour résoudre le problème du travail forcé; et enfin de constater que, dans le même temps, demeure la préoccupation profonde et généralisée que le travail forcé a toujours cours au Myanmar. Le Conseil d’administration a conclu notamment que les autorités du Myanmar devraient s’efforcer de conclure, de toute urgence et de bonne foi, un accord avec le Bureau sur un mécanisme crédible de traitement des plaintes pour travail forcé, sur les bases spécifiques du texte de compromis proposé par l’OIT en octobre 2006, et que, quel que soit le degré d’application du moratoire sur les poursuites à l’égard des plaignants annoncé par le gouvernement, toute nouvelle initiative consistant en poursuites à l’égard de plaignants ouvrirait la voie à des mesures légales d’ampleur internationale, sur les bases de l’article 37, paragraphe 1, de la Constitution de l’OIT, conformément aux conclusions de la Commission de proposition de la Conférence en juin 2006. Le Conseil d’administration a ajouté qu’un point spécial serait inscrit à l’ordre du jour de sa session de mars 2007, en vue d’étudier les options légales, y compris la possibilité de demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice sur certaines questions légales, et aussi qu’il reverrait (en mars 2007) la question de l’inscription d’un point spécifique à l’ordre du jour de la session de 2007 de la Conférence, afin que cette dernière puisse examiner quelles autres mesures pourraient être prises.

27. La commission se rallie pleinement à la position du Conseil d’administration, et elle veut croire qu’en donnant suite aux demandes pratiques très explicites qu’elle lui a adressées le gouvernement saura démontrer son attachement véritable à mettre un terme aux violations de la convention identifiées par la commission d’enquête et à résoudre ce problème très ancien de travail forcé, pour lequel il existe une solution.

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