National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission a pris note de la réponse du gouvernement à ses précédents commentaires, ainsi que des observations de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (TÜRKIYE KAMU-SEN) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK) communiquées par le gouvernement avec son rapport.
Article 1 a) de la convention. Coercition politique et sanction pour l’expression de certaines opinions opposées à l’ordre établi. 1. La commission avait précédemment noté que des peines d’emprisonnement (comportant un travail pénitentiaire obligatoire, en vertu de l’article 198 du règlement relatif à l’administration des centres pénitentiaires et à l’exécution des jugements, adopté par décision du Conseil des ministres du 5 juillet 1967, no 6/8517, dans sa teneur modifiée) peuvent être infligées en vertu de diverses dispositions de la législation nationale dans des circonstances relevant de l’article 1 a) de la convention, à savoir:
a) l’article 143 du Code pénal (participation à des associations et institutions étrangères sans l’autorisation du gouvernement);
b) l’article 159 du Code pénal (insultes ou offenses proférées notamment à l’encontre du «turquisme», de diverses autorités de l’Etat, de lois de l’Etat ou de décisions de la Grande assemblée nationale);
c) l’article 241 du Code pénal (censure publique par les ministres de la religion, de l’administration gouvernementale, des lois de l’Etat ou des activités du gouvernement);
d) les articles 266 à 268 du Code pénal (insultes à l’égard des représentants de l’Etat);
e) l’article 312, paragraphes 2 et 3, du Code pénal (incitation publique à la haine de la population sur la base de distinctions de classe, de race, de religion ou de région);
f) l’article 526, paragraphe 2, du Code pénal (agissements contraires aux interdictions ou obligations découlant de la loi no 671 concernant le port d’un couvre-chef et de la loi no 1353 concernant l’adoption et l’utilisation de l’alphabet turc);
g) l’article 536, paragraphe 2 du Code pénal (affichage public de feuilles ou d’affiches manuscrites ou imprimées, etc., notamment sur un moyen de transport ou un panneau d’affichage privé, sans l’autorisation des pouvoirs publics);
h) l’article 8 de la loi contre le terrorisme, no 3713 du 12 avril 1991, tel que modifié le 13 novembre 1996 (propagande écrite ou orale, assemblées, manifestations et rassemblements contre l’indivisibilité de l’Etat);
La commission avait relevé que, si certaines des dispositions visées ci-dessus, notamment aux alinéas e) et h), semblent dirigées contre les actes de violence ou d’incitation à l’usage de la violence, la résistance armée ou le soulèvement, leur portée, telle qu’elle ressort de l’application qui en est faite en pratique, ne se trouve pas limitée à de tels actes, mais se prête à la coercition politique et à la répression de l’expression pacifique d’opinions non violentes, mais critiques à l’égard de la politique du gouvernement et de l’ordre politique établi, avec des peines comportant l’obligation de travailler.
2. La commission note avec intérêt que l’article 159 du Code pénal susmentionné a été modifié par la loi no 4771 du 3 août 2002, qui a inséré une nouvelle disposition aux termes de laquelle l’expression écrite, orale ou visuelle d’idées ayant pour seul objet de critiquer les autorités publiques sans viser à les insulter, ne doit pas être punie. Toutefois, s’agissant de l’amendement introduit par la loi no 4744 du 6 février 2002 à l’article 312 du Code pénal susmentionné, qui vise à punir d’une peine d’emprisonnement l’incitation à la haine de la population si elle représente une menace pour l’ordre public, ce dernier requiert de plus amples clarifications à la lumière des considérations qui précèdent. La commission espère que le gouvernement transmettra des copies de décisions judiciaires qui permettraient de définir ou d’éclairer la portée de cette disposition, afin qu’elle puisse apprécier si elle s’applique d’une manière compatible avec la convention. S’agissant de la révision de l’article 8 de la loi contre le terrorisme, la commission relève avec intérêt qu’en vertu de la loi no 4744 du 6 février 2002, cet article ne prévoit plus des peines d’emprisonnement, mais des amendes; elle demande toutefois au gouvernement de donner des explications à propos des termes «sauf si ces actes nécessitent une peine plus lourde», et de transmettre des copies de décisions de justice définissant ou éclairant la portée de cette disposition. La commission accueille également favorablement la décision de mettre fin aux poursuites engagées en vertu de l’ancien article 8 de la «loi contre le terrorisme», et de relâcher les personnes accusées, en application d’un article 10 (provisoire) introduit par la loi no 4928 du 15 juillet 2003. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de ces mesures en pratique.
3. La commission note avec intérêt que, dans le rapport, le gouvernement fait part de son intention de rendre le Code pénal conforme aux normes internationales; elle prend également note de son indication selon laquelle un projet de loi sur le nouveau Code pénal turc a étéélaboré et soumis au bureau du Premier ministre. Le gouvernement indique aussi qu’un projet de loi concernant l’exécution des jugements est en cours d’élaboration, et qu’il sera bientôt soumis au bureau du Premier ministre. La commission espère que, suite aux réformes législatives susmentionnées, la législation nationale sera mise en conformité avec l’article 1 a) de la convention, de sorte qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être infligée en cas d’expression pacifique d’opinions non violentes mais critiques à l’égard de la politique du gouvernement et de l’ordre politique établi, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de signaler les progrès accomplis en la matière.
4. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée à certaines dispositions de la loi de 1965 concernant les partis politiques, laquelle interdit aux partis politiques d’affirmer l’existence, en Turquie, de minorités nationales, culturelles, religieuses ou linguistiques, ou de chercher à perturber la sécurité nationale à travers la préservation, le développement ou la propagation de langues et de cultures autres que la langue et la culture turques. Elle avait noté que des peines de prison (comportant du travail obligatoire) peuvent être infligées aux termes des dispositions suivantes de la loi sur les partis politiques (no 2820 du 22 avril 1983) et de la loi sur les associations (no 2908 du 6 octobre 1983):
- articles 80, 81 et 82, lus conjointement avec l’article 117 de la loi sur les partis politiques (chercher à porter atteinte au principe de l’unité de l’Etat; revendiquer l’existence de minorités fondées sur la culture nationale ou religieuse ou sur les différences raciales ou linguistiques; chercher à former des minorités par la protection et la promotion de langues et de cultures autres que la langue et la culture turques en utilisant toute langue autre que le turc dans l’élaboration et la publication des statuts et programmes de partis; préconiser le régionalisme);
- articles 5 et 76 de la loi sur les associations (attaquer le principe de l’unité de l’Etat; entreprendre des activités basées sur les principes de régionalisme, de classe sociale, de religion ou de secte; revendiquer l’existence de minorités fondées sur la culture nationale ou religieuse ou sur les différences raciales ou linguistiques, etc.).
La commission avait souligné, se référant aux explications contenues dans les paragraphes 133 à 140 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, que les interdictions assorties de peines comportant du travail obligatoire et frappant la constitution et le fonctionnement d’associations ou de partis politiques, soit généralement, soit lorsqu’ils visent la propagation de certaines vues politiques ou idéologiques, sont incompatibles avec l’article 1 a) de la convention.
5. La commission relève avec intérêt que dans son rapport, le gouvernement indique que des modifications doivent être apportées à la loi sur les partis politiques (no 2820), conformément au Plan d’action d’urgence publié le 3 janvier 2003, afin de garantir que l’ensemble de la population puisse participer aux activités des partis politiques et qu’il soit possible d’assurer une représentation juste et équitable. La commission exprime à nouveau l’espoir que les mesures voulues seront prises afin de rendre la loi sur les partis politiques et la loi sur les associations conformes à la convention, et que le gouvernement fera bientôt rapport sur les mesures prises à cette fin.
6. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’une série d’autres dispositions de la législation nationale prévoient des sanctions comportant du travail obligatoire dans des circonstances définies en des termes assez larges pour susciter des questions quant à leur application en pratique. Elle examine à nouveau ces dispositions dans une demande adressée directement au gouvernement en vue d’apprécier leur conformité avec la convention.
Article 1 b). Utilisation des conscrits à des fins de développement économique. 7. La commission avait noté précédemment que, aux termes de certaines dispositions de la résolution du Conseil des ministres no 87/11945 du 12 juillet 1987, les conscrits dont l’effectif excède les besoins de l’armée peuvent être tenus sans leur consentement, en lieu et place du service militaire, de travailler dans des entreprises publiques sous le régime de la discipline militaire. La commission avait également pris note des dispositions de l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire tel que modifié par la loi no 3358, ainsi que de l’article 5 de la résolution no 87/11945 du Conseil des ministres du 12 juillet 1987, adoptée en application de l’article 10 de la loi no 1111, énonçant les procédures concernant les réservistes excédentaires, y compris les personnes non dispensées du service militaire qui sont affectées à certaines fonctions dans des organes et institutions publics. Elle avait pris note de la résolution no 86/10266 du Conseil des ministres du 17 janvier 1986 au sujet des principes régissant l’accomplissement des obligations au titre du service militaire par les réservistes excédentaires des forces armées turques. La commission avait relevé qu’aux termes de la législation susmentionnée, les personnes tenues d’accomplir leurs obligations au titre du service militaire en travaillant dans des organes et institutions publics sont déterminées par tirage au sort parmi les personnes restantes, déduction faite de celles qui acceptent de payer la somme qui les affranchit de cette obligation.
8. Dans son rapport de 2003, le gouvernement confirme sa précédente indication selon laquelle la loi no 3358 qui a révisé l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, ne s’est plus appliquée après 1991, même si aucune mesure n’a encore été prise en vue d’abroger ses dispositions. Prenant note de ces informations et se référant à nouveau aux explications données aux paragraphes 49 à 54 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, où elle soulignait que «la conférence a rejeté, comme incompatible avec les conventions sur le travail forcé, la proposition de faire participer les jeunes gens à des travaux de développement dans le cadre du service militaire obligatoire ou en lieu et place de celui-ci», la commission exprime à nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront enfin prises afin d’abroger les dispositions susmentionnées et de rendre la législation conforme à la convention et à la pratique indiquée, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de fournir des informations sur les progrès réalisés en la matière.
Article 1 c) et d). Mesures disciplinaires applicables aux gens de mer. 9. Dans ses précédents commentaires, la commission avait relevé que:
a) aux termes de l’article 1467 du Code du commerce (loi no 6762 du 29 juin 1956), les marins peuvent être ramenés de force à bord pour y accomplir leurs obligations;
b) aux termes de l’article 1469 du même code, diverses infractions à la discipline du travail par les gens de mer sont passibles d’une peine d’emprisonnement (comportant, comme noté précédemment, l’obligation de travailler).
La commission avait également noté que le gouvernement avait saisi le Parlement d’un projet de loi tendant à modifier l’article 1467 du Code du commerce et comportant une disposition limitant les pouvoirs conférés par l’article 1467 au capitaine aux seules circonstances dans lesquelles la sécurité du navire ou la vie des passagers et de l’équipage serait mise en danger. La commission avait exprimé l’espoir que l’article 1469 du Code du commerce serait modifié de telle sorte que son champ se limite aux actes mettant en danger la sécurité du navire ou la vie ou la santé de personnes.
10. Dans son rapport de 2003, le gouvernement indique que la Commission turque sur le Code du commerce et la Sous-commission sur le droit maritime procèdent à des études concernant la révision des dispositions susmentionnées, et que le ministère de la Justice joue un rôle de coordinateur en la matière. La commission prie le gouvernement de tenir le BIT informé de l’état d’avancement de ces études, et de transmettre des informations sur l’issue de la procédure de soumission du projet de loi susmentionné au Parlement. Elle espère que les articles 1467 et 1469 du Code du commerce seront mis en conformité avec la convention, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de signaler des progrès accomplis en la matière.
Article 1 d). Sanction pour participation à des grèves. 11. La commission avait précédemment noté que la loi no 2822 du 5 mai 1983 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, prévoit dans ses articles 70 à 73, 75, 77 et 79 des peines de prison (comportant du travail obligatoire) comme sanction pour participation à des grèves illégales, mépris de l’interdiction de l’appel à la grève, grèves illégales tendant à influencer des décisions et non-respect d’un ordre de suspension de la grève ou de restrictions concernant le nombre de piquets de grève et le droit de rassemblement pacifique devant les établissements de l’employeur. La commission avait rappelé que l’article 1 d) de la convention interdit expressément le recours à des sanctions comportant toute forme de travail obligatoire «en tant que punition pour avoir participéà des grèves». La commission s’était également référée aux explications contenues dans les paragraphes 120 à 132 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, où elle estimait que l’article 1 d) de la convention n’empêchait pas la répression d’actes collectifs tendant à paralyser des services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes, ni le non-respect des procédures normales à suivre pour appeler à la grève ou organiser un tel mouvement, sous réserve que les dispositions régissant ces questions ne fassent pas peser de restrictions sur le droit de grève lui-même. La commission avait toutefois fait observer que les dispositions susmentionnées de la loi no 2822 ne sont pas limitées, dans leur portée, à de telles circonstances.
12. Dans son rapport de 2003, le gouvernement indique que le Comité scientifique tripartite mis sur pied en vue de rendre la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out conformes aux conventions internationales du travail, a achevé ses travaux et soumis son rapport à l’examen des partenaires sociaux. La commission apprécierait que le gouvernement transmette une copie de ce rapport; elle le prie d’indiquer les mesures prises ou envisagées en vue de rendre les dispositions susmentionnées conformes à la convention. Se référant également aux commentaires adressés au gouvernement à propos de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission exprime le ferme espoir que la loi no 2822 de 1983 sera bientôt mise en conformité avec l’article 1 d) de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, et que le gouvernement signalera tout progrès réalisé en la matière.