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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Mauritania (RATIFICATION: 1961)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Mauritania (RATIFICATION: 2016)

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La commission note le rapport soumis par le gouvernement sur l’application de la convention en réponse à son observation précédente et aux commentaires communiqués par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM). En outre, la commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2003 ainsi que des débats qui s’en sont suivis.

1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les allégations répétées de la CISL et de la Confédération mondiale du travail (CMT) selon lesquelles des pratiques analogues à l’esclavage persistaient en Mauritanie malgré l’abolition légale de l’esclavage en 1981 (ordonnance no 81-234). Selon ces organisations syndicales et certaines organisations non gouvernementales, la naissance continue à imposer un statut inférieur aux descendants d’esclaves. Ces personnes travaillent généralement comme paysans, bergers de troupeaux ou serviteurs et dépendent entièrement de leur maître à qui elles donnent l’argent qu’elles gagnent ou pour lequel elles travaillent directement en échange de nourriture et d’un logement.

Les commentaires de la CISL, reçus au Bureau au mois de septembre 2002 et communiqués au gouvernement le 31 octobre 2002, indiquent que si l’incidence de l’esclavage a fortement diminué depuis le début des années quatre-vingt ses conséquences ont toutefois laissé de nombreux Mauritaniens dans le dénuement et dans des conditions proches de l’esclavage. L’interdiction légale de l’esclavage n’a pas permis de libérer beaucoup de personnes de la domination qui caractérise l’esclavage. La CISL considère qu’il n’y a eu aucune mesure afin de permettre à ces personnes de s’intégrer.

La CLTM indique, dans ses commentaires reçus en février 2003 et communiqués au gouvernement en mars 2003, que l’Etat protège par son système féodal les pratiques esclavagistes. Une importante frange de la société est ainsi confinée au servage, à la pauvreté et à l’exclusion et privée de tous les droits économiques, sociaux et humains. Le syndicat dénonce le refus du gouvernement de prendre les mesures qui permettraient de libérer les esclaves et de les intégrer dans la vie active, telles que la mise en place de programmes économiques et sociaux spécifiques et l’élaboration d’instruments juridiques destinés à protéger les esclaves et à réprimer les contrevenants. Le syndicat illustre ces allégations par quelques exemples concrets.

En réponse à ces commentaires, le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’il a entrepris des réformes juridiques et développé des programmes économiques, sociaux et culturels au cours de ces vingt dernières années qui ont largement contribuéàéliminer les séquelles de l’ancienne stratification sociale et à améliorer le statut des groupes sociaux jadis défavorisés. Le gouvernement déclare que l’accession au poste de Premier ministre, en juillet 2002, d’une personne issue des descendants des anciens esclaves montre que la société mauritanienne a définitivement rompu avec l’ancienne stratification sociale. Ceci témoigne, selon le gouvernement, du manque de crédibilité des allégations de la CLTM. Il souligne en outre que, dans les exemples qu’elle présente, la CLTM ne se réfère qu’à des prénoms de personnes sans donner d’éléments pertinents qui permettraient de mener une enquête. Le gouvernement s’interroge sur les raisons pour lesquelles le syndicat n’a pas porté ces cas devant les juridictions compétentes.

Au cours de la discussion au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2003, le représentant gouvernemental a indiqué que: «Jamais le gouvernement n’a reconnu la persistance de pratiques esclavagistes dans le pays. Il est vrai que la Mauritanie a connu des castes mais les descendants d’esclaves ne sont plus aujourd’hui considérés comme des esclaves et l’attachement d’une personne à telle ou telle ancienne catégorie sociale n’a aujourd’hui aucune répercussion sur ses droits.»

La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle doit une nouvelle fois s’assurer de l’application de la convention dans la pratique avec, d’une part, des allégations graves et concordantes des organisations syndicales qui font état de la persistance de pratiques de travail forcé héritées de l’esclavage et, d’autre part, la négation de ces pratiques par le gouvernement. A cet égard, la commission regrette que la mission technique que le gouvernement avait précédemment acceptée n’ait pu avoir lieu. Elle note en outre que, lors de la discussion de l’application de la convention au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence (juin 2003), cette dernière a exprimé sa profonde préoccupation quant à la persistance des situations qui traduisent de graves violations de l’interdiction de travail forcé et a insisté auprès du gouvernement pour qu’il accepte une mission de contacts directs afin d’aider le gouvernement et les partenaires sociaux dans l’application de la convention. La commission note qu’en août 2003 le Bureau a envoyéà cette fin une communication au gouvernement à laquelle il n’a pas encore donné suite. La commission espère que la mission de contacts directs pourra être menée dans les plus brefs délais et qu’elle permettra effectivement d’évaluer la situation dans la pratique et de favoriser la pleine application de la convention.

2. Article 25 de la convention. La commission note que le Code du travail interdit le travail forcé ou obligatoire, défini comme tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré (art. 3 du Livre I). En outre, en vertu de l’article 56 du Livre V du Code du travail, les auteurs d’infractions aux dispositions de l’article 3 précité sont punis d’une peine d’emprisonnement et/ou d’une amende. La commission observe qu’en vertu de cette disposition l’exaction du travail forcé peut n’être sanctionnée que par une amende. La commission attire l’attention du gouvernement sur la nature pénale des sanctions exigées par l’article 25 de la convention.

La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que le Code du travail ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs. Le gouvernement avait indiquéà cet égard que l’article 5 du projet de Code du travail en voie d’adoption étendrait l’interdiction du travail forcéà toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat, et que toute infraction à cette disposition serait passible des sanctions prévues par la réglementation en vigueur. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que le projet de Code du travail a été approuvé par le gouvernement, le 29 mai 2003, après des modifications de pure forme, et qu’il sera formellement adopté, en priorité, après les élections présidentielles. La commission prend note de ces informations. Elle espère que le nouveau Code du travail sera adopté très prochainement et prie une nouvelle fois le gouvernement d’indiquer quelles sanctions seront applicables en cas d’infraction aux dispositions de l’article 5 du projet de Code du travail.

Enfin, se référant à l’article 25 de la convention, la commission note avec intérêt l’adoption de la loi no 025/2003 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. Elle note qu’en vertu de son article 5 cette loi sanctionne les auteurs des crimes de la traite des personnes d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir, le cas échéant, des informations sur l’application de cette législation dans la pratique.

3. Article 2, paragraphe 2 d). La commission avait noté que la loi no 71-059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre à certaines circonstances exceptionnelles qui correspondent à la définition des cas de force majeure donnée à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Toutefois, l’ordonnance de 1962 qui confère aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisition de personnes demeure en vigueur. Faisant suite à la demande de la commission d’abroger ladite ordonnance, le gouvernement indique dans son dernier rapport que le retard pris dans l’abrogation de ce texte est dûà une charge de travail importante du gouvernement et du Parlement - charge de travail résultant de la nécessité de réformer, voire d’élaborer de nouveaux textes législatifs. La commission note que le représentant gouvernemental a réitéré l’intention du gouvernement d’abroger formellement cette ordonnance, lors de la discussion de l’application de la convention à la Conférence en juin 2003. Elle espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires à cet effet.

Un autre point concerne les dispositions des articles 1 et 2 de la loi no 70-029 du 23 janvier 1970, selon lesquelles diverses catégories de personnes, aussi bien publiques que privées, peuvent être requises d’assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l’exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d’un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population. En vertu de l’article 5 de cette loi, quiconque n’aura pas déféréà un ordre de réquisition pris par l’autorité publique sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an ainsi que d’une amende. Le gouvernement a indiqué que les formes de réquisition prévues par la loi susmentionnée sont conformes à la convention et que les termes «un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population» correspondent aux cas de force majeure prévus par l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Ces dispositions concernent des établissements publics, dont les fonctionnaires pourraient notamment être réquisitionnés en cas de grève. La commission avait prié le gouvernement de communiquer la liste complète des établissements considérés comme des services essentiels pour la population qui pourraient être concernés par la réquisition prévue dans la loi no 70-029. Dans la mesure où le gouvernement n’a communiqué aucun élément de réponse, la commission veut croire qu’il fournira les informations demandées dans son prochain rapport.

4. Article 4, paragraphe 2 c). Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires dont certaines dispositions permettraient de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. Dans son rapport fourni en 2001, le gouvernement a indiqué son intention de modifier ce décret. Notant que depuis lors aucune information n’a été fournie à ce sujet, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec la convention.

5. Enfin, la commission note les commentaires de la Confédération mondiale du travail (CMT), reçus au Bureau le 5 septembre 2003 et transmis au gouvernement le 3 novembre 2003, contenant des observations sur l’application de la convention no 29 en Mauritanie. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur la communication de la CMT.

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