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Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Türkiye (RATIFICATION: 1998)

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La commission a pris note avec intérêt des informations transmises par le gouvernement dans ses premier et deuxième rapports à propos de l’application de la convention ainsi que des observations communiquées par la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie (TÜRK-IŞ) et la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK), annexées à ces rapports. Elle prie le gouvernement de lui communiquer, dans son prochain rapport, des renseignements supplémentaires sur les points suivants.

Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphes 1 et 2 a), de la convention. 1. La commission se réfère aux observations qu’elle a formulées à propos de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, également ratifiée par la Turquie, dans laquelle elle prenait note de l’observation de la TÜRK-IŞ selon laquelle la résolution no 87/11945 du 12 juillet 1987 prévoit que les conscrits dont l’effectif excède les besoins de l’armée peuvent être tenus de travailler dans des entreprises publiques sans leur consentement, en lieu et place du service militaire et sous le régime de la discipline militaire. La commission prenait également note des dispositions de l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, tel que modifié par la loi no 3358, ainsi que des résolutions du Conseil des ministres no 86/10266 du 17 janvier 1986 et no 87/11945 du 12 juillet 1987, qui énoncent les principes et procédures applicables aux réservistes excédentaires. La commission avait appelé l’attention du gouvernement sur les paragraphes 49 à 54 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, dans lesquels elle fait valoir que «la Conférence a rejeté, comme incompatible avec les conventions sur le travail forcé, la proposition de faire participer des jeunes gens à des travaux de développement dans le cadre du service militaire obligatoire ou en lieu et place de celui-ci».

La commission espère que les mesures nécessaires pour abroger les dispositions susmentionnées, afin de mettre la législation en conformité tant avec la convention no 105 qu’avec la présente convention, seront prises dans un proche avenir et que le gouvernement lui transmettra des informations à ce propos.

2. Prière d’indiquer toutes dispositions applicables aux officiers et autres personnels militaires de carrière en ce qui concerne leur droit de quitter le service en temps de paix, à leur demande et à des périodes déterminées, soit à des intervalles raisonnables soit moyennant un préavis d’une durée raisonnable.

Article 2, paragraphe 2 b). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’incluait pas le travail physique ou intellectuel nécessaire pour répondre aux besoins du pays et constituant une obligation civique. Prière d’indiquer en quoi consiste ce «travail physique ou intellectuel» qui peut être imposé comme «une obligation civique» et de transmettre des copies des dispositions correspondantes.

Article 2, paragraphe 2 c). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» ne comprend pas tout travail exigé d’un individu accomplissant une peine prononcée par un tribunal ou se trouvant en détention. Elle a également noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi sur l’application des peines (no 647 du 13 juillet 1965) et de l’article 198 du règlement no 6/8517 tel que modifié, relatif à l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention ainsi qu’à l’exécution des peines, adopté le 5 juillet 1967 par décision du Conseil des ministres, le travail carcéral est obligatoire pour les condamnés et les détenus provisoires. La commission rappelle que le travail carcéral obligatoire est exclu du champ d’application de la convention seulement si ce travail est exigé comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire. Elle attire l’attention du gouvernement sur les explications figurant aux paragraphes 35 et 89 à 96 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, à savoir:

… les personnes qui sont détenues mais qui n’ont pas été condamnées - telles que les prisonniers attendant de passer en jugement ou les personnes détenues sans jugement - ne devraient pas être obligées au travail (ce qui n’exclut pas l’obligation d’assurer l’entretien de la cellule). Mais il va de soi que la convention n’empêche pas d’offrir à de tels prisonniers, s’ils en font la demande, des possibilités de travailler d’une façon purement volontaire. Il résulte également de l’utilisation du terme «condamnation» que l’intéressé doit avoir été reconnu coupable d’un délit. En l’absence d’une décision reconnaissant cette culpabilité, il ne devrait pas être imposé de travail obligatoire, même en vertu d’une décision judiciaire.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour modifier les dispositions susmentionnées, de façon à garantir aux prisonniers attendant de passer en jugement ou détenus sans jugement (tels que les détenus provisoires ou les personnes placées sous mandat de dépôt par une décision de justice, dont il est question à l’article 198) qu’ils ne soient pas obligés de travailler, afin de mettre la législation en conformité avec la convention sur ce point. Elle prie le gouvernement de lui transmettre, dans son prochain rapport, des informations sur ces mesures.

2. La commission a noté qu’en vertu de l’article 17 de la loi susmentionnée sur l’application des peines et des articles 198 et 200 du règlement no 6/8517 certaines catégories de condamnés (par exemple, ceux qui sont détenus dans des établissements carcéraux à sécurité minimale et moyenne ou dans des pénitenciers de haute sécurité qui n’ont plus que deux années à accomplir avant leur libération, etc.) peuvent être employés dans les secteurs public et privé.

La commission rappelle qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail au service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire est exclu du champ d’application de la convention si deux conditions sont remplies, à savoir: «… que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

La commission a toujours souligné que les deux conditions doivent s’appliquer de manière cumulative et indépendante; cela signifie que le fait que le prisonnier demeure constamment sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques ne dispense pas en soi le gouvernement de respecter la seconde condition, à savoir que la personne ne doit pas être concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées (voir paragr. 119 du rapport général de la commission à la 89e session de la Conférence internationale du Travail, 2001). La commission a, à maintes reprises, souligné que le travail des prisonniers pour des entreprises privées ne pouvait être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite énoncée dans la convention que si le travail ou le service est accompli dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre (ibid., paragr. 128 à 143).

La commission prie donc le gouvernement de décrire l’organisation du travail des prisonniers au service d’employeurs privés, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des locaux de la prison, et de lui transmettre des exemplaires d’accords conclus entre les autorités carcérales et des utilisateurs privés de travail pénitentiaire en vertu des articles 6, et 10 à 14 du règlement no 83/7041 du 26 août 1983 relatif à l’emploi, à l’extérieur de la prison, de condamnés détenus dans des établissements pénitentiaires, qui fixent les conditions dans lesquelles des prisonniers peuvent travailler en dehors de l’enceinte de la prison. Le gouvernement est également prié d’indiquer toute mesure prise pour garantir que tout travail au service accompli par des prisonniers pour le compte d’opérateurs privés soit exécuté dans des conditions proches de celles d’une relation de travail libre; de telles mesures devraient inclure le consentement formel de l’intéressé ainsi que -étant donné l’absence d’autres possibilités d’accès au marché du travail libre - des garanties complémentaires couvrant les éléments essentiels d’une relation de travail libre, en matière de salaire et de sécurité sociale.

Article 2, paragraphe 2 d). La commission a noté qu’en vertu de l’article 18 de la Constitution de la Turquie l’expression «travail forcé» n’incluait pas les services exigés de citoyens dans les cas de force majeure, ceux-ci pouvant être proclamés, en vertu de l’article 119 de la Constitution, lors de catastrophes naturelles, d’épidémies, de maladies dangereuses ou de crises économiques graves. Elle note également qu’en vertu de l’article 10 de la loi sur l’état d’urgence (no 2935 du 25 octobre 1983) le Conseil des ministres peut déterminer par décret les obligations et les mesures qui peuvent être imposées, entre autres, dans le domaine du travail, en cas de crise économique grave.

La commission rappelle que la notion de force majeure - comme l’indiquent les exemples énumérés à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention - implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. La notion «de crise économique grave», dont il est question dans les dispositions susmentionnées, ne semble pas satisfaire ces critères. La commission attire l’attention du gouvernement sur les explications fournies aux paragraphes 36 et 63 à 66 de l’étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, dans lequel elle indique que:

Il y a lieu d’observer certaines conditions pour assurer que la réquisition de main-d’œuvre en vertu des pouvoirs d’exception reste dans les limites fixées par la convention sur le travail forcé et ne se transforme pas en mobilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique. Afin d’éviter toute incertitude quant à la compatibilité des dispositions nationales avec les normes internationales applicables, il devrait ressortir clairement de la législation elle-même que le pouvoir d’imposer du travail ne pourra être invoqué que dans la mesure où cela est strictement nécessaire pour faire face à des conditions qui mettent en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour restreindre les dispositions susmentionnées concernant l’imposition de travail ou de services obligatoires en cas d’urgence au strict minimum autorisé par la convention, et que le gouvernement lui transmettra des informations sur ces mesures.

Article 2, paragraphe 2 e). La commission a pris note des dispositions de la loi no  442 du 18 mars 1924 sur les affaires villageoises, selon lesquelles les affaires villageoises se répartissent en deux catégories: celles qui sont de nature obligatoire et celles qui relèvent des villageois, la non-exécution de mesures obligatoires étant passible de sanctions (art. 12). La commission se réfère au paragraphe 37 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé et rappelle que l’exemption des «menus travaux de village», prévue àl’article 2, paragraphe 2 e), de la convention, doit satisfaire certains critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de services obligatoires, qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local). Ces critères sont les suivants:

-  il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement des travaux d’entretien et, exceptionnellement, des travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même (petites écoles, salles de consultation et de soins médicaux, etc.);

-  il doit s’agir de travaux «de villages» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas des travaux destinés à une communauté plus large;

-  la population «elle-même», c'est-à-dire celle qui doit effectuer les travaux, ou ses représentants «directs», c'est-à-dire, par exemple, le conseil du village, doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux».

La commission constate que certaines formes de travail mentionnées à l’article 13 de la loi susmentionnée comme «obligatoires pour les villageois» (telles que la construction et la réparation des routes reliant le village au centre gouvernemental ou à des villages avoisinants, ou la construction de ponts sur ces routes, etc.) ne semblent pas satisfaire le critères de «menus travaux» ou «travaux de villages» définis ci-dessus. En outre, aucune disposition ne prévoit des consultations concernant le bien-fondé des travaux ou services imposés en vertu de l’article 13.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises en vue de modifier les dispositions susmentionnées de la loi sur les affaires villageoises afin de la mettre en conformité avec la convention, et que le gouvernement l’informera de ces mesures.

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