National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission a pris connaissance de la communication de la Confédération démocratique du travail (CDT) du Maroc, datée du 29 février 2000, alléguant la violation des conventions (nº 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949; (nº 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; (no111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; (nº 131) sur la fixation des salaires minima, 1970; et (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981. Le gouvernement a communiqué au Bureau sa réponse à cette communication ainsi que son rapport au titre de l’application de la présente convention. Dans le présent commentaire, la commission limitera son examen aux allégations relatives à l’application de la convention no97 et renvoie à ses commentaires au titre de l’application des autres conventions susmentionnées.
2. La communication de la CDT concerne les événements qui se sont produits au mois de février 2000 dans la localité d’El Ejido (province d’Almería, région autonome d’Andalousie) au cours desquels les travailleurs marocains de cette localité, ainsi que les membres de leur famille, ont été violemment pris à partie, attaqués et agressés (maisons incendiées, magasins saccagés, mosquées détruites) par les habitants de cette localité. Selon la CDT, ces événements se sont déroulés en présence des forces de l’ordre et des autorités locales qui, pendant 24 heures, ont été les témoins muets et passifs de ce drame. Elle rappelle que des événements semblables se sont déroulés en été 1999 à Terrassa (Catalogne) sans que les agresseurs n’aient été poursuivis, et exprime la crainte qu’en l’espèce-ci également les agresseurs ne soient jamais poursuivis. La CDT attire également l’attention sur les conditions de vie et de travail des travailleurs marocains dans cette localité. La plupart de ces travailleurs migrants sont employés dans le secteur agricole, plus particulièrement dans des plantations sous serres où la température atteint les 50 degrés celsius et où l’emploi de pesticides entraîne chez les travailleurs des maladies pulmonaires et des maladies de peau; leurs salaires sont inférieurs à ceux perçus par les nationaux et ne garantissent pas le minimum vital par jour; ils ne sont généralement pas assurés ou même déclarés, d’où il résulte qu’ils ne bénéficient d’aucune couverture médicale et sociale; et, enfin, ils sont logés dans des ghettos, des abris de fortune en carton ou plastique qui ne résistent pas à la pluie ou au soleil. La CDT affirme que les conditions de travail, décrites ci-dessus, constituent une discrimination et un traitement qui contreviennent aux articles 3 et 6 de la convention.
3. Selon la CDT, suite aux événements survenus à El Ejido, les travailleurs marocains se sont mis en grève, provoquant ainsi la conclusion d’un accord le 12 février 2000 aux termes duquel les différents protagonistes- gouvernement central, gouvernement autonome d’Andalousie, organisations d’employeurs et de travailleurs - se sont engagés à: a) reloger et indemniser les immigrés ayant souffert de dégâts et de pertes lors des incidents; b) mettre en place un programme de construction de logements sociaux; c) régulariser les sans-papiers, dans le cadre du processus de régularisation à venir; d) procéder à une enquête approfondie sur les événements; e) installer dans les différentes mairies de la province des bureaux d’accueil des immigrés; f) sensibiliser leurs affiliés au respect de la convention agricole et créer un comité de liaison entre les représentants des travailleurs migrants signataires de l’accord et les organisations syndicales signataires de la convention agricole susmentionnée; g) développer des programmes interculturels tendant à une meilleure intégration des immigrés; et h) créer une commission permanente, composée des signataires de cet accord, qui se réunira au moins deux fois par mois.
4. La commission note que la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.) dans son commentaire sur l’application de la présente convention, annexé au rapport du gouvernement, estime que les faits qui se sont déroulés à El Ejido démontrent amplement la différence de traitement dont sont victimes les travailleurs étrangers et invite la commission d’experts à suivre de près l’application effective des dispositions de la présente convention.
5. Dans sa réponse, en date du 22 septembre 2000, le gouvernement déclare que, contrairement à ce qui est allégué par la CDT, les forces de l’ordre ont tenté dès le début de maintenir le calme et d’empêcher les affrontements entre les membres des différentes communautés, cela dans un contexte très tendu, et que 82 personnes ont été arrêtées dans les heures qui ont suivi le déclenchement des émeutes. Il affirme que les Marocains d’El Ejido, tout comme les autres travailleurs étrangers, jouissent des mêmes droits que les travailleurs nationaux en matière d’emploi, puisqu’il leur est appliqué le même droit du travail et le même droit de la sécurité sociale ou encore les mêmes conventions collectives. Le gouvernement rappelle qu’il existe, en outre, un accord bilatéral entre les autorités espagnoles et marocaines (daté du 8 novembre 1979) qui réaffirme, entre autres, le principe de l’égalité de traitement entre les nationaux des deux pays. Le gouvernement reconnaît que les conditions de travail dans les serres et l’exposition aux pesticides rendent ce travail particulièrement difficile mais signale: premièrement, que les travailleurs espagnols et tous les travailleurs étrangers sont également soumis à ces mêmes conditions de travail; et, deuxièmement, que tous les travailleurs étrangers et les travailleurs espagnols sont également protégés par la législation pertinente sur la sécurité et l’hygiène au travail et que la non-utilisation des moyens de protection personnelle peut être dénoncée auprès de l’inspection du travail de la province ou devant le tribunal du travail.
6. En ce qui concerne l’application de l’accord signé le 12 février 2000 entre les travailleurs concernés et les organisations de travailleurs et d’employeurs de la province d’Almería, il indique que, lors de sa réunion du 10 avril 2000, la commission permanente créée par cet accord a reconnu que d’une manière générale cet accord était mis en œuvre même si certains points restaient pendants et a décidé de se dissoudre et de charger le Bureau pour l’intégration sociale de l’immigration dans la province d’Almería de suivre de près ces questions. Le gouvernement détaille ensuite les mesures prises pour appliquer cet accord en ce qui concerne le relogement des travailleurs ayant vu leurs habitations détruites (42 modules habitables ont été installés avec une capacité de logement de 300 personnes), la construction de logements neufs ou la réhabilitation de logements décents pour les travailleurs migrants, l’indemnisation des pertes matérielles (100 millions de pesetas débloquées et 232 demandes traitées à ce jour), la régularisation de la majeure partie des travailleurs migrants en situation irrégulière (Marocains ou non), l’application effective de la convention collective des travailleurs agricoles, le rôle de l’inspection du travail et l’enquête judiciaire sur les faits qui se sont déroulés à El Ejido. Le gouvernement conclut en soulignant que les mesures urgentes nécessaires ont été mises en œuvre et que le financement des mesures de moyen ou long terme, comme par exemple celles relatives au logement ou au regroupement familial des travailleurs migrants, est en train d’être examiné.
7. Articles 3 et 6 de la convention. Selon la CDT, les autorités espagnoles ont manquéà leur devoir en ne luttant pas contre la propagande trompeuse concernant l’émigration et l’immigration, notamment en laissant passer les déclarations xénophobes du maire d’El Ejido et diffuser de fausses informations visant les étrangers. Elle fait également état d’une montée de la xénophobie, du racisme et de l’intolérance. La commission rappelle qu’aux termes de l’article 3 de la convention tout Etat pour lequel la convention est en vigueur s’engage à prendre toutes mesures appropriées contre la propagande trompeuse concernant l’émigration et l’immigration. L’article 6 prône, d’une part, la non-discrimination basée entre autres sur la nationalité et la race et, d’autre part, interdit les inégalités de traitement entre les travailleurs migrants qui se trouvent légalement sur le territoire de cet Etat et les travailleurs nationaux, qui pourraient résulter de la législation et de la pratique des autorités administratives dans quatre principaux domaines: les conditions de vie et de travail, la sécurité sociale, les impôts liés au travail et l’accès à la justice.
8. La commission tient tout d’abord à souligner que, si la lutte contre la propagande trompeuse vise principalement à protéger les travailleurs contre tout recrutement basé sur une représentation erronée de la réalité, elle doit également viser la population nationale et donc la lutte contre la propagation de stéréotypes sur les étrangers (voir à cet égard le paragraphe 217 de son étude d’ensemble de 1999 sur les travailleurs migrants). Selon le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), élaboré en 1998, il existe en Espagne des signes d’un racisme naissant à l’égard de certains groupes d’immigrés du tiers monde, ceux en provenance du Maghreb particulièrement (représentant le groupe d’immigrés non européens le plus important qui augmente rapidement), qui se traduit par des actes de violence à caractère raciste et par le fait que les Nord-Africains sont victimes de discrimination sur le marché du travail. La commission note que dans son rapport au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/338/Add.6, paragr. 6-9), le gouvernement ne nie pas l’existence d’un certain racisme dans la société espagnole. Il y explique que le racisme et la xénophobie ont deux grands terrains d’élection: la mouvance organisée des skinheads qui s’observe dans les grandes villes et les contestations ouvrières sur fond de problèmes sociaux. Dans ce dernier cas, le gouvernement est confrontéà des manifestations plus spontanées, qui prennent une coloration raciste dans la mesure où intervient presque toujours la question de la situation des immigrés; les problèmes soulevés étant souvent liés plus ou moins directement à l’emploi.
9. A cet égard, la commission note que la loi no7/1985 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne a été abrogée et est remplacée par la loi no 4/2000 (du 11 janvier 2000) sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale dont l’objet principal est de garantir l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers en situation régulière sur le territoire espagnol en vue d’une meilleure intégration sociale de cette catégorie de la population. Notant toutefois que le décret d’application de cette loi n’a pas encore été pris et que des discussions sont actuellement en cours au sein du gouvernement, sur la nécessité de l’amender, la commission saurait gré au gouvernement de la tenir informée de toute révision législative à cet égard. Elle prend note, également, des nombreuses initiatives prises par le gouvernement pour sensibiliser l’opinion publique par le biais des médias (télévision, clips vidéo, brochures); par l’insertion de cours sur le respect des droits de l’homme et de la diversité dans les programmes scolaires; de cours sur l’éducation à la tolérance et à la solidarité dans la formation des professeurs; de cours sur les droits de l’homme dans les programmes de formation de la police; par le soutien aux initiatives des organisations non gouvernementales et associations diverses; etc. Elle saurait gré au gouvernement d’indiquer s’il procède à des évaluations périodiques de l’impact de ces mesures ce qui lui permettrait d’adapter sa politique au fur et à mesure de sa mise en œuvre pour la rendre plus efficace. En tout état de cause, elle prie le gouvernement de continuer à l’informer des mesures prises pour lutter contre la propagation de stéréotypes sur les étrangers et sur les résultats obtenus.
10. Selon la CDT, l’article 6 de la convention n’est pas appliqué dans la mesure où l’égalité de traitement prônée par la convention dans certaines des matières énumérées par cet article n’est pas appliquée dans la pratique en ce qui concerne la rémunération, le logement et la sécurité sociale (voir paragr. 2 ci-dessus). La commission note que le gouvernement réfute ces allégations en ce qui concerne la rémunération et la sécurité sociale, invoquant le fait que les travailleurs étrangers en situation régulière sont assujettis aux mêmes dispositions légales que les travailleurs nationaux, sauf exceptions. La commission est d’avis que la question soulevée par la CDT dans sa communication concerne plus l’application effective de ces dispositions que l’existence de normes discriminatoires. Elle prend note des statistiques communiquées par le gouvernement concernant le nombre d’infractions constatées par l’inspection du travail et de la sécurité sociale relatives aux travailleurs étrangers entre 1994 et 1999, ces infractions passant de 1 990 à 2 952. Toutefois, ces statistiques restent générales et ne permettent pas de connaître le type d’infractions le plus fréquemment relevées. C’est pourquoi elle prie le gouvernement de bien vouloir indiquer dans quelle mesure les autorités nationales et locales chargées de l’application de la législation sociale contrôlent l’application de cette législation aux travailleurs étrangers - dans des conditions d’égalité avec les travailleurs nationaux - notamment pour ce qui concerne la rémunération et la sécurité sociale. Elle saurait gréà celui-ci de communiquer copie de décisions judiciaires intéressant l’application de la convention sur ce point. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les incidents de discrimination raciale soient effectivement qualifiés comme tels de même que pour établir des statistiques fiables sur le nombre de plaintes pour délits à motivation raciste et délits connexes, sur le nombre d’enquêtes auxquelles ces plaintes donnent lieu et les peines effectivement infligées aux personnes reconnues coupables.
11. Il ressort de la lecture de l’accord signé le 12 février 2000 entre les travailleurs migrants, victimes d’exactions, et les gouvernements central et autonome et les organisations de travailleurs et d’employeurs qu’il existe un problème structurel de logement des travailleurs migrants dans cette localité- en dehors du problème conjoncturel auquel les autorités se sont retrouvées confrontées lorsqu’il leur a fallu reloger dans la précipitation les étrangers dont le logement avait été détruit, suite aux événements d’El Ejido. Elle relève, en effet, qu’aussi bien le gouvernement central que le gouvernement autonome d’Andalousie se sont engagés à mettre en place un programme de logement social pour les travailleurs étrangers et de construction d’auberges pour les migrants temporaires et célibataires. C’est pourquoi elle note avec une certaine préoccupation la déclaration du gouvernement selon laquelle la construction ou la réhabilitation de logements pour les étrangers, résidents ou temporaires, est subordonnée au fait que les autorités concernées trouvent les financements nécessaires. La commission est consciente du fait que, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le financement de tels programmes s’avère difficile car, si les économies ainsi réalisées sont immédiatement perceptibles, le coût social à moyen ou long terme de la non construction de ces logements est lui plus difficile àévaluer. L’expérience montre, cependant, que l’exclusion sociale d’une partie de la population active se révèle toujours coûteuse à moyen et long terme. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de l’état d’avancement dudit programme.
12. La commission note qu’une enquête judiciaire est en cours sur le déroulement des faits qui se sont produits à El Ejido et veut croire que le gouvernement la tiendra informée des conclusions auxquelles les autorités judiciaires auront abouti au terme de cette procédure. Elle note toutefois que, dans son rapport au Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/338/Add.6, paragr. 5-10), le gouvernement signale qu’en ce qui concerne les poursuites judiciaires engagées contre les auteurs d’actes de violence contre les étrangers les poursuites judiciaires sont le plus souvent engagées pour coups et blessures, détention illégale et dommages matériels, et que la connotation raciste de tels actes n’est pas suffisamment prise en considération. Cela expliquerait le nombre remarquablement limité d’incidents de discrimination basée sur la race relevés, en dépit d’une augmentation notoire des actes de violence commis à l’encontre des étrangers constatée par le Défenseur du peuple (ombudsman).
13. La commission note que le rapport du gouvernement, une fois de plus, est silencieux sur les mesures prises pour éviter le renouvellement d’incidents du genre de celui qui a entraîné la disparition de trois migrants marocains lors de l’opération de police du 18 juillet 1993 qui visait à rapatrier des immigrants munis de faux papiers. Elle réitère donc sa demande d’information sur les mesures prises pour faciliter le départ, le voyage et l’accueil des travailleurs migrants, conformément à l’article 4 de la convention.
14. Le gouvernement est priéégalement de se référer aux commentaires formulés sous les conventions nos102, 111, 131 et 155.
15. La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2001.]