National Legislation on Labour and Social Rights
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1. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note des commentaires de la Fédération des enseignants hongrois de Roumanie (FEHR) concernant la loi (no 84 de 1995) sur l'enseignement. Comme la réponse du gouvernement à ces commentaires n'était parvenue qu'au cours de sa session, la commission avait décidé de ne faire que certains commentaires préliminaires et d'examiner cette réponse à la présente session. Elle note aujourd'hui que le gouvernement a envoyé entre-temps certaines informations complémentaires demandées dans la précédente observation (sur la situation de l'emploi des minorités, sur les compensations pour les pratiques discriminatoires subies dans le passé et sur l'examen médical de certaines personnes ayant participé aux grèves de 1987).
2. La FEHR avait allégué que la loi sur l'enseignement introduit de nouvelles restrictions sur l'enseignement et la formation professionnelle des minorités dans leur langue maternelle, restrictions ayant une incidence sur l'égalité d'accès à l'emploi. Elle mentionne en particulier les articles 8.1 ("l'enseignement à tous les niveaux est dispensé en langue roumaine. Des classes en roumain sont organisées et fonctionnent dans chaque localité"), 120.2 ("Dans les établissements scolaires des premier et deuxième cycles, l'histoire des Roumains et la géographie de la Roumanie sont enseignées en roumain sur la base du même programme d'enseignement et à partir des mêmes manuels que pour les classes où l'enseignement est en roumain. (...) A l'école primaire, ces matières sont enseignées dans la langue maternelle"), 122.1 ("Dans l'enseignement public secondaire à vocation professionnelle ou technique ou portant sur l'économie, l'administration, l'agriculture, la foresterie et l'agriculture de montagne, (...) la formation spécialisée est assurée en roumain, en veillant, autant que possible, à l'apprentissage de la terminologie technique également dans la langue maternelle"), 123 ("Dans l'enseignement universitaire public, des sections et des groupes où l'enseignement est dispensé dans la langue maternelle peuvent être constitués, sur demande et conformément à la présente loi, pour pouvoir former le personnel nécessaire à l'enseignement et aux activités de caractère culturel et artistique") et 124 ("A tous les niveaux de l'enseignement, les examens d'admission et les examens sanctionnant les études se passent en roumain. Les examens d'admission et les examens sanctionnant les études peuvent être passés dans la langue maternelle pour les écoles, classes et cours de spécialisation dans lesquels l'enseignement est assuré dans les langues maternelles respectives, conformément à la présente loi").
3. La commission avait précédemment noté que l'article 8 de la loi garantit le droit des personnes appartenant à des minorités nationales d'apprendre la langue et de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle, que l'article 119 autorise la création, en fonction des besoins locaux, de classes, sections ou écoles où l'enseignement s'effectue dans la langue des minorités nationales, sans préjudice de l'apprentissage de la langue officielle et de l'enseignement dans cette langue (le roumain), et que l'article 120.3 dispose que les programmes d'enseignement et les manuels d'histoire universelle et d'histoire des Roumains reflètent l'histoire et les traditions des minorités nationales de Roumanie. Elle se déclarait néanmoins préoccupée par le fait que le droit de dispenser et recevoir un enseignement dans les langues minoritaires soit perçu comme étant en recul et par des dispositions apparemment contradictoires de la loi.
4. Le gouvernement explique que la loi constitue l'aboutissement d'un processus prélégislatif et législatif de quatre années, qu'elle a été adoptée par une large majorité au Parlement et qu'elle a été élaborée en tenant compte des prescriptions d'un certain nombre d'instruments régionaux européens et de la convention. Il considère en fait que cette loi constitue un élément clé de la politique nationale de promotion de l'égalité en application de l'article 2 de la convention et qu'elle ne comporte pas de lacunes. Il invoque à cet égard - comme noté dans la précédente observation de la commission - la déclaration du Haut Commissaire aux minorités nationales de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), selon laquelle cet instrument autorise une grande souplesse dans son application. Etant donné que la FEHR ne cite pas d'exemples spécifiques de discrimination contre les langues minoritaires, le gouvernement se borne à répondre point par point à ses allégations. Il explique que la mention, à l'article 8.4 des "documents scolaires officiels" qui doivent être en roumain, reflète purement et simplement le fait que tous les documents officiels ou administratifs (comme les certificats de scolarité ou d'obtention d'un diplôme professionnel) sont établis dans la langue officielle de l'Etat, qui est le roumain. Le gouvernement ajoute que l'article 8 n'instaure aucune discrimination sur la base de l'ascendance nationale et concorde avec les recommandations nos 10 et 11 du rapport 1991 de la commission d'enquête constituée en application de l'article 26 de la Constitution de l'OIT pour examiner une plainte pour discrimination en matière d'emploi sur ce chef. Il s'appuie sur les paragraphes de conclusion de ce rapport, qui concernent l'équilibre à ménager dans l'enseignement des langues officielles et minoritaires, en soulignant que la Constitution du pays garantit un tel équilibre.
5. Le gouvernement explique que l'article 120.2 constitue la seule exception au droit, prévue à l'article 124, de passer les examens d'admission et les examens de sanction d'études dans la langue maternelle. En ce qui concerne l'article 122.1, le gouvernement fait valoir que, dans les établissements, la formation professionnelle en langue maternelle n'est pas menacée étant donné que cette formation ne constitue qu'une partie des programmes d'enseignement, tandis que toute la gamme des matières pertinentes est couverte dans la langue maternelle. Il déclare en outre que l'acceptation d'un système séparé d'enseignement technique dans les langues maternelles des minorités nationales irait à l'encontre de l'objectif d'intégration économique; que la société pourrait se heurter à des "incapacités sociolinguistiques" de la part de ces personnes lors de leur entrée sur le marché du travail. Quant à l'article 123, le gouvernement déclare qu'il est conçu pour préserver les langues minoritaires, comme en attestent les articles suivants: 125 (le ministère de l'Enseignement doit former les membres du corps enseignant dans leur langue d'enseignement) et 126 (une représentation proportionnelle des membres du corps enseignant appartenant aux minorités nationales est garantie dans les conseils d'administration des établissements d'enseignement). L'article 118 de la loi est également pertinent puisqu'il garantit le droit des minorités nationales d'étudier et de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle à tous les niveaux et pour tous les types d'enseignement, conformément à la loi. Le gouvernement déclare que l'article 124 est conforme à la disposition de la Constitution nationale concernant l'égalité, et à la recommandation no 9 du rapport 1991 de la commission d'enquête (nécessité d'adopter une politique linguistique qui, sans porter atteinte au statut du roumain comme langue officielle de l'Etat, réponde aux besoins culturels et économiques des minorités). Le gouvernement joint la copie de la décision de la Cour constitutionnelle du 18 juillet 1995 attestant la constitutionnalité de cette loi.
6. Le gouvernement déclare qu'au niveau pré-universitaire 2 820 des 29 241 unités d'enseignement (soit 9,6 pour cent) fonctionnent en tant qu'unités ou sections dont l'enseignement est assuré dans la langue de ces minorités; qu'au niveau de l'enseignement primaire, 73,5 pour cent des matières comprises dans le programme d'enseignement sont enseignées dans la langue maternelle et que cette proportion atteint 75,4 pour cent au niveau des collèges et se situe entre 60,2 et 82,8 pour cent au niveau des lycées, en fonction du profil de l'établissement. Selon la brochure du gouvernement intitulée Romanian democracy and ethnic minorities, au niveau universitaire, certains cours sont assurés, à leur demande, dans les langues des étudiants de langue hongroise et allemande. Tous les étudiants fréquentant des établissements scolaires à enseignement dans la langue maternelle ont des manuels sur les matières au programme en langue maternelle. Le corps enseignant est formé dans des instituts pédagogiques où l'enseignement est en hongrois et en allemand et, "pour les autres minorités, il existe dans les écoles supérieures des classes ayant un profil pédagogique" (sic). En ce qui concerne la formation professionnelle, le gouvernement cite le règlement portant organisation et fonctionnement de la formation professionnelle et de l'apprentissage, qui garantit l'enseignement de la terminologie dans la langue maternelle. Il souligne également que, aux termes de l'article 115 du règlement relatif à la nomination des directeurs et sous-directeurs des établissements de niveau pré-universitaire, dans les écoles à enseignement dans une langue minoritaire, au moins un des postes de direction doit être occupé par des personnes appartenant à cette minorité et ayant une bonne connaissance du roumain ou par des personnes ayant une bonne connaissance de la langue minoritaire en question.
7. La commission n'est pas indifférente aux explications du gouvernement selon lesquelles la loi sur l'enseignement s'efforce de ménager un difficile équilibre entre la préservation de la langue officielle et le respect du droit des minorités ethniques du pays d'apprendre et d'enseigner dans leur langue maternelle. Elle se félicite des statistiques et de la documentation que le gouvernement a réunies (dans l'ouvrage du Conseil pour les minorités nationales intitulé l'Enseignement dispensé dans les langues des minorités nationales de Roumanie - année scolaire 1995-96). Toutefois, la commission est également consciente du fait que la FEHR estime que cette loi, par le biais de restrictions subtiles stipulées par divers articles, risque de compromettre l'enseignement dans ces langues et a donc, pour les membres des minorités nationales, une incidence défavorable sur l'égalité de chances en matière d'emploi. Dans l'esprit des conclusions du rapport 1991 de la commission d'enquête, la commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les modalités d'application dans la pratique de la loi sur l'enseignement, afin de pouvoir apprécier si la politique linguistique actuelle répond aux besoins culturels et économiques des membres des minorités, en permettant à ces derniers, lorsqu'ils s'engagent dans des emplois et des professions, d'utiliser leur propre langue s'ils le désirent.
8. Faisant suite aux points soulevés dans sa précédente observation quant à l'égalité de chances de certaines minorités en matière d'emploi, en particulier les Roms et les Hongrois de souche, la commission prend note des statistiques communiquées (qui sont basées sur le recensement de 1992) concernant l'origine ethnique, l'âge et le sexe de la population économiquement active. Elle note en particulier la comparaison entre la situation actuelle des minorités nationales et leur situation en 1977: le nombre des personnes économiquement actives s'est accru chez des groupes ethniques enregistrant une progression démographique (les Roms, les Russes, les Tatars et les Turcs) tout en décroissant chez les groupes dont la population active vieillit (les Juifs, les Allemands, les Serbes, les Slovaques et les Bulgares). Le recensement montre que la population active roumaine est constituée essentiellement de Roumains de souche (90,8 pour cent), le 9,2 pour cent étant constitué par les autres nationalités, dont 6,7 pour cent pour le seul groupe de langue hongroise. Les minorités hongroise, rom et allemande sont les plus représentées dans le secteur secondaire, ce qui dénote un changement marqué pour les Roms en particulier, qui n'étaient présents antérieurement que dans l'agriculture et la foresterie. Si tous ces groupes minoritaires sont représentés plus ou moins également dans les secteurs du BTP et de l'industrie, certains groupes sont fortement représentés dans d'autres secteurs (par exemple les Arméniens et les Juifs ne sont pratiquement pas présents dans l'agriculture et la foresterie mais sont fortement représentés dans les autres secteurs de l'économie; les Hongrois de souche sont fortement représentés chez les travailleurs du bâtiment et chez les opérateurs spécialisés, mais 11 pour cent seulement sont dans l'agriculture).
9. La commission prend note du Traité d'entente, de coopération et de bon voisinage conclu entre la Roumanie et la République de Hongrie, le 16 septembre 1996; l'article 15 de ce traité a trait aux droits et obligations de personnes appartenant à des minorités. La commission note, en outre, qu'il y a eu de légères améliorations de la situation des diverses minorités au regard de l'emploi. Elle souhaiterait disposer de statistiques plus récentes que celles de 1992 afin de pouvoir évaluer les tendances, en particulier en ce qui concerne les Roms et les minorités hongroises.
10. Article 2 de la convention. Dans sa précédente observation, la commission avait demandé des informations sur l'adoption du projet de loi relatif aux minorités nationales, qui pourrait constituer un élément clé de la politique nationale tendant à l'application de la convention et des recommandations de la commission d'enquête de 1991. Elle avait demandé également un complément d'information sur les buts et les activités des commissions mixtes aux minorités (comme les commissions roumaines-allemandes mentionnées dans les précédents rapports du gouvernement) exerçant leur action sous l'égide du Conseil pour les minorités nationales. Le gouvernement n'ayant pas fourni de telles informations, la commission ne peut que réitérer sa demande.
11. Mesures de réparation. Depuis un certain nombre d'années, la commission effectue un suivi de l'application de la recommandation no 6 du rapport 1991 de la commission d'enquête précitée (garantie qu'une suite sera donnée aux demandes d'examens médicaux formulées par les personnes qui ont pris part aux mouvements de grève de 1987 et qui ont ensuite été réhabilitées par les tribunaux). La commission note avec intérêt que le gouvernement fournit de nouvelles précisions concernant au total 31 personnes ayant subi un tel examen médical. Elle veut croire que le gouvernement continuera de fournir des informations sur ce point dans son prochain rapport.
12. De même, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des précisions sur les personnes ayant formulé des demandes de réparation en application de la loi no 118/1990 et de la loi no 18/1991 pour les pratiques discriminatoires subies en raison de leur opinion politique, de leur origine sociale et de leur ascendance nationale. Elle note que, selon le gouvernement, il a été fait droit à 88 autres recours en réparation formulés par des personnes ayant participé à la grève de 1987. Tout en accueillant favorablement cette information, la commission se doit à nouveau de prier le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour donner effet à la recommandation no 18 du rapport 1991 (reconstruction des maisons détruites dans le cadre de la politique de systématisation dirigée contre certaines minorités).
13. Discrimination fondée sur le sexe. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note de certaines informations sur les possibilités offertes aux femmes en matière d'emploi, contenues dans le Rapport national sur la condition féminine en Roumanie présenté par le gouvernement lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995). Elle avait prié le gouvernement de l'informer de la mise en oeuvre des divers programmes mentionnés dans le rapport national, tendant à favoriser la participation des femmes dans la vie économique et la prise de décisions. La commission a reçu copie du plan national d'action de la Roumanie pour la mise en oeuvre des principaux objectifs énoncés dans les documents de conclusion de la Conférence de Beijing, ce plan ayant notamment pour objectifs: a) le développement des mécanismes nationaux de coordination des politiques de promotion de la femme; et b) l'amélioration de la situation économique des femmes (par exemple grâce à une orientation spéciale des femmes au chômage souhaitant entrer dans la vie active ou y revenir; une meilleure corrélation entre les programmes de formation et la demande réelle d'emploi; l'encouragement des femmes à la tête de petites et moyennes entreprises; l'amélioration des services sociaux utiles aux travailleuses; la conciliation de l'activité professionnelle et des responsabilités familiales grâce à la possibilité, pour l'un ou l'autre parent, d'interrompre son activité pour s'occuper des enfants). La commission espère recevoir, avec le prochain rapport du gouvernement au titre de cette convention, d'autres informations sur l'application pratique de ce plan national.
14. Discrimination fondée sur l'opinion politique. Dans sa précédente observation, la commission avait demandé des informations sur la mise en oeuvre, dans la pratique, de la politique nationale visant à éliminer cette forme de discrimination, notamment lorsque sont exprimées des opinions politiques divergentes. Elle exprime l'espoir que le gouvernement communiquera, dans son prochain rapport, les informations demandées.