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La commission a pris note du rapport du gouvernement sur l'application de la convention.

1. La commission rappelle que la décision présidentielle no 214 de 1978 concernant les principes de la protection du front intérieur et de la paix sociale contient, en particulier, une disposition selon laquelle "quiconque est convaincu de soutenir des principes contraires ou portant atteinte aux lois divines ne peut occuper un poste supérieur dans l'administration publique ou dans le secteur public, ni publier d'articles dans les journaux ou exercer un travail dans un moyen d'information quelconque ou un travail de nature à influencer l'opinion publique". Deux lois adoptées en application de ce texte, à savoir la loi no 33 de 1978 sur la protection du front intérieur et de la paix sociale et la loi no 95 de 1980 sur la protection des valeurs, contiennent des dispositions similaires. Aux termes de l'article 2 de la loi no 33 "quiconque est convaincu, après instruction menée par le Procureur général socialiste ... d'avoir appelé ou participé à des appels en faveur de doctrines comportant un rejet des lois divines ou s'opposant à leur enseignement, ne peut occuper un poste supérieur de l'Etat ou du secteur public impliquant un pouvoir d'orientation ou de commandement, ou un poste ayant de l'influence sur l'opinion publique, ainsi que tout poste de membre délégué au sein des conseils d'administration des sociétés et organismes publics ou des établissements de presse". Aux termes de l'article 4 de la loi no 95, tout individu dont la responsabilité est établie comme ayant porté atteinte aux valeurs fondamentales du peuple, dont notamment les droits et valeurs religieuses du peuple, sera condamné, pour une période allant de six mois à cinq ans, à "l'interdiction d'être candidat ou d'être nommé aux postes de président ou de membre des comités directeurs ou des conseils d'administration des sociétés ou des organismes publics" et "d'occuper des postes ou de remplir des fonctions pouvant influencer l'opinion publique ou être liées à l'éducation des nouvelles générations". Selon le même article, les personnes en question sont transférées à un autre poste en conservant leur salaire et leurs droits à l'ancienneté à moins "qu'elles n'en soient privées pour un motif d'ordre juridique".

La commission constate que le gouvernement réitère sa position selon laquelle ces textes législatifs ne sont pas contraires à la convention puisqu'ils n'appellent pas à faire des discriminations dans l'emploi sur la base de la religion, et que de telles discriminations sont interdites par la loi. Elle constate également que le gouvernement estime que l'article 4 de la convention permet de sanctionner les personnes qui pourraient porter atteinte à la sécurité de l'Etat, causer des conflits civils et représenter une menace sociale. Le gouvernement précise que les dispositions des lois de 1978 et de 1980 ne sont pas appliquées dans la pratique. La commission rappelle que la manifestation d'opinions ou de croyances religieuses, philosophiques ou politiques ne saurait être considérée en elle-même comme permettant l'application de l'exception prévue à l'article 4 de la convention, pour les activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat, pour autant qu'il n'y ait pas recours ou appel à des méthodes violentes. La commission prie de nouveau le gouvernement de se référer à cet égard au paragraphe 135 de son Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession.

Par conséquent, la commission prie le gouvernement de réexaminer sa position et d'adopter des mesures pour que la distinction soit faite, pour ce qui concerne l'accès à l'emploi et les conditions de travail, entre la manifestation de certaines opinions et le recours à des méthodes violentes visant à obtenir des changements fondamentaux. La commission souligne que dans son étude d'ensemble précitée elle a rappelé au paragraphe 127 que "des critères tels que l'opinion politique, l'origine nationale ou la religion pourraient être pris en considération au titre des qualifications nécessaires pour certains emplois impliquant des responsabilités particulières, mais qu'au delà de certaines limites cette pratique entre en conflit avec les dispositions de la convention".

2. La commission rappelle que, dans ses commentaires antérieurs, elle avait soulevé également l'incompatibilité de l'article 18 de la loi no 148 de 1980 relative au pouvoir de la presse, avec les principes de la convention. Cet article interdit la publication, la participation à la publication ou la propriété de journaux à certaines catégories de personnes qui sont frappées d'une interdiction d'exercer leurs droits politiques; de constituer des partis politiques ou d'y prendre part; celles qui professent des doctrines rejetant les lois célestes; et celles condamnées par la Cour des valeurs morales. La commission avait constaté en outre que la loi no 33 précitée pose aux membres du Syndicat des journalistes, notamment, des limites à la liberté de publication ou de diffusion, par voie de presse ou par tout autre moyen d'information, d'articles portant atteinte, entre autres, "au régime socialiste démocratique de l'Etat" ou "aux acquis socialistes des ouvriers et des paysans" et les soumet à des sanctions disciplinaires en cas d'infraction. Le gouvernement avait indiqué que l'article 18 ne restreint pas le droit du citoyen d'exprimer ses idées à travers les différents moyens d'information, et que la loi no 148 serait abrogée lors de la révision de la législation sur la presse. Dans son présent rapport, le gouvernement exprime son étonnement que les personnes couvertes par la loi no 148 puissent être protégées par la convention.

La commission rappelle que ces dispositions législatives, dans la mesure où elles établissent une discrimination fondée sur l'opinion politique ayant pour effet d'altérer ou de détruire l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession de ces personnes, sont contraires à l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention. La commission veut croire que le gouvernement tiendra compte, lors de la révision de la législation nationale qu'il avait annoncée dans une lettre en date du 28 janvier 1992, de tous ses commentaires et qu'il fera tout son possible pour que les dispositions susmentionnées soient, dans un très proche avenir, mises en conformité avec la convention. Elle le prie de la tenir informée de toute action prise en ce sens, et de l'informer de toute décision de justice concernant ce point.

3. Concernant la situation de l'emploi des femmes, la commission note qu'en réponse à son précédent commentaire le gouvernement indique qu'il enverra un rapport détaillé prochainement sur ce sujet. Elle lui saurait gré de transmettre avec ce rapport des données statistiques sur le nombre de femmes employées à des postes de responsabilités, et les secteurs concernés, ainsi que des informations sur les mesures spécifiques pour promouvoir dans la pratique l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'emploi. Elle le prie de communiquer des informations sur toutes mesures prises dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle concernant les propositions faites en 1992 par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Formation professionnelle dans le cadre de la stratégie gouvernementale pour l'emploi pour encourager les femmes à rester au foyer et pour créer des écoles secondaires pour les femmes afin de les former au travail ménager, à la production familiale de base et à des projets de petite envergure. Rappelant que, dans son étude d'ensemble précitée, elle a souligné le fait que "l'utilisation de normes d'instruction générale différentes pour les hommes et les femmes, telle que le pratiquent certains pays, conduit très rapidement à des discriminations fondées sur le sexe" (paragr. 78), la commission prie à nouveau le gouvernement de lui fournir des informations précises sur les critères d'orientation professionnelle utilisés en vue d'évaluer leurs capacités et leurs goûts.

4. Notant qu'en 1994 le Bureau a donné une assistance technique dans la révision du Code du travail la commission demande au gouvernement de l'informer sur l'adoption du texte définitif et de lui en fournir une copie.

5. La commission adresse une demande directement au gouvernement sur d'autres points.

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