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La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) (sur l'application de la convention dans le secteur privé) et de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) (déplorant le maintien en vigueur de la loi martiale no 1402, en contradiction avec la convention).

Elle note également que, au cours de la session de la commission, un court rapport supplémentaire a été reçu comportant en annexe des commentaires nouveaux en langue turque de TURK-IS et de TISK. La commission se trouve dans l'obligation de différer l'examen de ces informations jusqu'à sa prochaine session.

1. Situation des fonctionnaires licenciés ou mutés entre 1980 et 1987, pendant la période d'application de la loi martiale. En ce qui concerne les mesures prises pour donner effet au jugement rendu en 1989 par le Conseil d'Etat au sujet de la réintégration des victimes d'une discrimination fondée sur des motifs politiques, sous la loi martiale no 1402, la commission note la déclaration du gouvernement selon laquelle aucun chiffre définitif ne peut être avancé quant au nombre de personnes licenciées ou mutées en raison de l'action exercée par les tribunaux administratifs. Le gouvernement est toutefois en mesure d'indiquer que, sur les 4 614 fonctionnaires révoqués sous la loi martiale, 3 541 ont demandé leur réintégration, 3 515 ont effectivement été réintégrés et 3 399 ont reçu une compensation; que sur les 7 023 fonctionnaires mutés, 6 270 ont retrouvé leur poste antérieur; et que sur les 267 agents des services publics mutés, 65 seulement ont retrouvé leur poste antérieur. La commission prie le gouvernement d'indiquer si d'autres cas restent pendants. Elle le prie également d'indiquer pourquoi 26 des fonctionnaires révoqués ayant fait leur demande de réintégration n'ont pas été réintégrés et pourquoi 753 fonctionnaires et 202 agents des services publics mutés ayant fait leur demande de réintégration n'ont pas retrouvé leur poste antérieur.

2. Modifications proposées à la loi no 1402 relative à la loi martiale. La commission note avec intérêt l'adoption, le 26 octobre 1994, de la loi no 4045 qui modifie la loi no 1402 par le fait qu'elle limite les recherches dans les archives et autres enquêtes de sécurité au seul personnel des institutions et organes publics traitant d'informations à diffusion restreinte, au sens strict du terme, et au personnel des forces armées, du contre-espionnage, de la police et des prisons; et par le fait qu'elle ordonne la suppression, dans les dossiers personnels des personnes visées par cette loi, de tous les antécédents ayant trait à de telles investigations autres que les décisions de justice. Cette modification permet également aux personnes qui ne pouvaient pas se présenter à des examens d'accès à la fonction publique ou pour des emplois dans cette fonction depuis 1980 pour des motifs de sécurité de passer ces examens ou d'obtenir ces emplois sans préjudice de leur âge dans la mesure où elles justifient encore des qualifications requises alors et où elles ne sont sous le coup d'aucun jugement définitif. Cet instrument modificateur permet officiellement la réintégration, dans les soixante jours, de tout employé des services publics révoqué en vertu de l'article 2 de l'instrument principal, sous réserve de certaines formalités (analogues à celles prévues par le jugement susmentionné rendu par le Conseil d'Etat en 1989).

3. La commission note toutefois que l'article 2 de l'instrument principal (qui habilite les commandants de la loi martiale à demander la révocation ou le transfert de fonctionnaires dans d'autres régions) n'a pas été abrogé comme elle le demandait dans ses précédentes observations, même si cet article a été modifié de manière à limiter le pouvoir de ces commandants de la loi martiale à la seule faculté de demander "une affectation ou une suspension de fonctions en vue d'une affectation". Bien que deux nouveaux alinéas permettent aux salariés des services publics ainsi suspendus de prendre un emploi dans n'importe quelle administration locale qui les accepte hors de la juridiction du commandant de la loi martiale demandant leur suspension, avec levée immédiate de cette suspension et protection du salaire, il n'en reste pas moins que les commandants de la loi martiale restent investis de vastes pouvoirs qui peuvent conduire à une discrimination sur la base de l'opinion politique quant aux conditions d'emploi des salariés des services publics. En outre, l'article "provisoire" 5 de l'instrument modificateur exclut de la portée de cet instrument les membres militaires et civils des forces armées et les membres des forces de sécurité. La commission prie le gouvernement de préciser le moment où les articles "provisoires" de la loi no 4045 cesseront d'être en vigueur.

4. Notant qu'un règlement d'application de l'instrument modificateur doit être promulgué, la commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l'incidence de ces dispositions dans la pratique et, en particulier, sur la façon dont les catégories de personnel exclues des effets de l'instrument modificateur sont protégées contre toute discrimination dans l'accès à la formation et à l'emploi et dans les conditions d'emploi sur la base de leur opinion politique. A cet égard, la commission prie le gouvernement de communiquer copie du Règlement disciplinaire sur l'organisation de sécurité, qu'elle sollicite dans ses demandes directes depuis 1991.

5. La commission constate également que la loi no 4045 ne modifie pas l'article 3(d) de l'instrument principal, lequel permet aux commandants de la loi martiale d'expulser du ressort géographique de leur compétence pendant cinq ans les personnes considérées comme constituant une menace pour la sécurité nationale ou l'ordre public. La commission avait exprimé l'espoir que des modifications appropriées seraient effectuées afin que les mesures tendant à garantir la sécurité de l'Etat soient définies de manière suffisamment précise pour ne pas donner lieu à une discrimination sur la base, notamment, de l'opinion politique. Rappelant que ses préoccupations ont trouvé leur expression dans le jugement susmentionné que le Conseil d'Etat a rendu en 1989, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation quant à cet article 3(d) et toute utilisation qui en aurait été faite, notamment tout recours en justice à ce sujet (par exemple à travers la Commission nationale des droits de l'homme). La commission rappelle à cet égard son avis, selon lequel le droit de recours prévu par l'article 125 de la Constitution ne suffit pas, à lui-même, dans ces circonstances, à assurer l'application de l'article 4 de la convention.

6. Mesures prises en application de la réglementation de 1990 sur les enquêtes de sécurité. La commission note avec intérêt qu'aux termes de l'article "provisoire" 7 de la loi no 4045 les dispositions de ce règlement qui ne sont pas en contradiction avec la loi restent en vigueur, jusqu'à ce que le règlement d'application de la loi no 4045 soit adopté, ce qui devrait être fait dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Etant donné que, comme elle l'a souligné dans sa précédente observation, le règlement de 1990 a une portée et un champ d'application trop vastes et produit ses effets dans un cadre trop vaste lui aussi, lorsqu'on le lit conjointement avec la loi de 1991 contre le terrorisme, la commission prie le gouvernement de l'informer, dans son prochain rapport, de l'adoption du règlement d'application et de l'abrogation consécutive du règlement sur les enquêtes de sécurité. La commission souhaiterait également obtenir des précisions sur toute application de ce règlement de 1990 tant qu'il n'aura pas été abrogé.

7. Loi de 1991 sur la lutte contre le terrorisme. La commission note à la lecture du rapport du gouvernement que les travaux du Parlement tendant à modifier cette loi (laquelle comportait une définition très large du terrorisme et de la propagande, l'un et l'autre actes étant punissables d'emprisonnement) sont toujours en cours. La commission note que, par décision datée du 31 mars 1992, la Cour constitutionnelle a abrogé, avec effet à compter du 27 janvier 1993, certaines dispositions de cet instrument mais a déclaré conformes à la Constitution ses articles 1 et 8. Dans sa précédente observation, la commission avait critiqué ces articles comme étant trop vastes dans leur portée et rendant possible une discrimination sur des motifs proscrits par la convention. La commission prie le gouvernement de l'informer de l'état d'avancement des travaux du Parlement quant à la modification de cette loi, afin de garantir que nul ne puisse perdre son emploi par le fait d'une peine d'emprisonnement prononcée en application de cet instrument en conséquence d'une discrimination sur l'un des motifs visés à l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention.

8. A cet égard, la commission note que la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (Nations Unies) condamne fermement, dans sa décision E/CN.4/Sub.2/1995/L.10/add.7, d'août 1995, l'emprisonnement d'intellectuels, d'érudits, d'écrivains, de journalistes et de parlementaires en raison de leurs opinions. La commission prie le gouvernement de la tenir informée des implications, sur le plan de la politique nationale de non-discrimination en matière d'emploi et de profession, de tels cas d'emprisonnement.

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